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Chimie, pesticides, air, pollutions en tous genres

À ne lire à aucun prix sur la plage (sérieux)

Moi qui ne lis pratiquement plus Le Monde, que j’ai découvert par miracle l’année de mes quatorze ans, voilà que j’en ai acheté un exemplaire. Et qu’il contenait un article bien intéressant de Lucie Lecoq. Comme je ne connais pas ce nom, j’imagine, un peu vite, que cette personne est une stagiaire, venue là pendant l’été.

Et si je me trompe, pardon. Mais aussi, un(e) journaliste chevronné(e) aurait-il – elle – osé parler de la sorte d’une étude d’ONG écologiste ? N’importe. Un article intéressant, donc (ici), qui cite l’association Surfrider Foundation Europe (ici). Laquelle, rassemblant au départ des surfeurs, se donne pour but « la défense, la sauvegarde, la mise en valeur et la gestion durable de l’océan, du littoral, des vagues et de la population qui en jouit ». Si l’on m’avait demandé mon avis, je n’aurais peut-être pas rédigé de la sorte. Mais il est vrai que je ne suis pas un surfeur.

Surfrider France vient de publier un rapport qui tente d’appliquer aux plages françaises les critères de qualité qui seront imposés partout en Europe à compter de 2015, demain matin, donc. Et là, coup de torchon et folie complète : sur 1974 plages étudiées, pas moins de 171 devraient aussitôt fermer si l’on prenait en compte aujourd’hui la loi à venir. Soit près d’une sur dix !

On se doute bien que la coalition surpuissante des intérêts croisés du tourisme, de la politique, de l’administration et de la finance a déjà dégainé contre le travail, sérieux à n’en pas douter, de Surfrider. On se doute bien qu’il est hors de question de toucher à la poule aux œufs d’or, quel que soit l’état du poulailler. De bons esprits doivent déjà travailler à une solution présentable. Elle sera trouvée. Elle l’est peut-être.

Je vous ai traînés jusqu’ici pour vous dire que ce n’est pas, à mes yeux, le pire. Eh oui ! J’ai eu la curiosité de charger et de lire la directive européenne 2006/7/CE, qui entrera en vigueur en 2015 (ici). Rendez-vous, pour ceux qui ont le temps, à l’annexe 1, qui fixe les normes de qualité des eaux de baignade. Surfrider, qui a meilleur esprit que moi, se réjouit que celles-ci soient rendues plus sévères. Moi, je lis tout autre chose, je vous le dis ! Je découvre – oui, je DÉCOUVRE – avec stupéfaction que seules deux types de bactéries sont recherchées : Escherichia coli et les entérocoques intestinaux.

Ma première remarque est comme évidente : les boutiquiers et bureaucrates de la santé se sont prémunis contre les risques immédiats, ceux qu’un baigneur pourrait leur reprocher d’avoir encouru. Mais pour le reste, rien. Rien, rien, rien. Si une eau de mer contient moins de 500 Escherichia coli pour 100 ml, elle est d’excellente qualité. Et encore de qualité suffisante si elle en contient 900. Ce qui sera donc, à partir de 2015, un PROGRÈS. Fort bien, j’en suis secrètement ravi. Mais la nouvelle directive ne dit pas un seul mot de la pollution chimique multiforme de toutes les eaux, douces ou salées.

Je dis bien : pas un mot. Un efficace travail de lobbying a permis de laisser de côté le vaste continent des molécules rémanentes, toxiques, reprotoxiques, cancérogènes, mutagènes, tératogènes, etc. Autrement dit, l’on pourra se baigner sans l’ombre d’un problème dans une eau qui ne contient pas de merde organique, mais qui pourrait très bien être surchargée de merde synthétique. Franchement, sachant ce que drainent nos fleuves, dont beaucoup se glissent en mer très près de plages surfréquentées, comment ne pas être dégoûtés à jamais ?

 

Ce monde, notre monde, est incapable de dire la vérité sur son état. Car le dire,  c’est reconnaître la faillite générale. C’est avouer l’empoisonnement universel. C’est s’obliger à changer. Tant que l’opposition ne sera pas assez puissante, les petits et grands maîtres du désastre préféreront toujours casser le thermomètre plutôt que de lutter contre la maladie. Je vous avais prévenus, ce n’est pas bon pour les vacances.

Nanotechnologies et macrodélires

Les Amis de la Terre. Franchement, la classe. Au point de départ de cette association mondiale, un Américain, David Brower. Il avait soupé des flonflons, qu’on n’appelait pas encore des Grenelle de l’Environnement. Président du très prestigieux Sierra Club, il avait décidé en 1969 de quitter cette vieille dame hélas grabataire, et de créer du neuf. Friends of the Earth venait de naître. En France, le navigateur et écrivain Alain Hervé embrayait l’année suivante, réussissant à place dans le comité de parrainage des Amis de la Terre des personnalités aussi microscopiques que Claude Lévi-Strauss, Pierre Fournier (de Charlie-Hebdo, du seul et vrai Charlie-Hebdo), Jean Rostand, Théodore Monod, Jean Dorst.

On voit bien, à l’évocation de ce seul exemple, comme les choses ont avancé depuis. Passons. Si je parle aujourd’hui de cette association, c’est qu’elle vient de publier un communiqué qui fait réfléchir. Oh oui ! Vous pouvez le lire directement (ici) ou bien me faire confiance. Ou encore les deux. Soit une étude scientifique menée par une e?quipe de l’universite? de Clemson (États-Unis) sur l’usage des nanoparticules. Ces petites beautés nées des dernières technologies (1) ont la particularité d’assembler entre quelques centaines et quelques milliers d’atomes. N’essayez pas de les voir, donc. Elles se situent entre la matière dite macroscopique et l’univers des atomes et des molécules. Sans le moindre débat – pensez -, elles sont déjà utilisées dans les cosmétiques, les vêtements, les emballages, les peintures. Vous n’étiez pas au courant ? Oh !

L’étude américaine semble bien prouver que l’usage de nanoparticules appliqué à une plante comme le riz peut avoir sur ce dernier de très fâcheuses conséquences. Par exemple, les fullérènes C70 – une structure faite d’atomes de carbone – peuvent retarder la floraison d’un mois. D’une façon générale, les nanoparticules paraissent capables de boucher plus ou moins complètement le système vasculaire des plantes. Ne cherchez pas, c’est de la folie concentrée.

Rose Frayssinet, des Amis de la Terre, ose un commentaire que je trouve pour ma part exagérément mesuré : « Tant que nous ne comprendrons pas mieux les interactions entre ces particules et le monde vivant, nous exigeons l’arrêt de la commercialisation de tout produit contenant des nanoparticules, en particulier dans l’alimentation et l’agriculture. Le laisser-faire actuel ne peut plus durer ». Bon, au moins, les choses sont dites. Mais il y faut ajouter un commentaire plus général, qui ne vous étonnera guère si vous venez ici régulièrement.

Les ONG écologistes officielles – je mets à part Les Amis de la Terre – font joujou avec le pouvoir. Elles pensent, maintenant qu’elles ont leur rond de serviette chez l’ancien avocat de Tapie Jean-Louis Borloo, elles pensent qu’entre petits gars de bonne volonté, tout finira par s’arranger. Qu’on finira bien par mettre moins de pesticides dans le velouté servi en entrée. Qu’on évitera ici ou là un circuit de formule 1 ou un bout d’autoroute. Que des primes d’État seront distribuées à ceux qui acceptent de mieux isoler leurs logements.

Je me moque, c’est un fait. Au Grenelle de l’Environnement de septembre 2007, des problèmes cruciaux ont été oubliés sur la demande expresse du Prince et de ses nombreux obligés. La question de l’eau, par exemple. Celle des biocarburants. Celle de l’industrie de la viande et du sort des animaux d’élevage. Et bien entendu cette décisive affaire du nucléaire. En fait et en vérité, rien n’a été touché sur le fond. Mais chut ! il ne faut pas gêner ces messieurs-dames en plein travail. Le comble est, bien entendu, que la machine avance à toute allure sans se préoccuper le moins du monde des petits deals entre amis. L’exemple est frappant de ces nanotechnologies extraordinairement hasardeuses, qui sont en train de changer notre vie à tous, sans seulement nous prévenir.

Souvenez-vous ! En septembre 2007, la pantomime autour des OGM a conduit à l’embrouillamini le plus total qui soit. Et tandis que l’opinion, y compris critique, était polarisée sur des événements secondaires, le grand futur continuait sa marche en avant triomphale. À Grenoble, le pôle Minatec – créé par le CEA et l’Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) – a probablement reçu entre 1 milliard et un milliard et demi d’euros de subventions, pour permettre dans notre dos le grand essor de la nanoélectronique. Où allons-nous ? Mais nous le savons très bien : droit devant, droit dedans.

Je mets au défi quelque écologiste officiel que ce soit de justifier cette pantalonnade. Et je suis sûr de gagner, ce qui n’est pas juste. Mais vrai en tout cas.

(1) Les nanotechnologies, qui utilisent des nanoparticules, peuvent travailler aux dimensions du nanomètre, soit un milliardième de mètre. C’est-à-dire aux alentours de la taille d’une molécule.

Leçon de géographie chinoise (et de morale)

Un journaliste peut-il devenir un épidémiologiste ? Peut-il se transformer en un lanceur d’alerte scientifique de premier rang ? La réponse est oui. Et le nom du gagnant est Deng Fei. Ce Chinois vient de publier dans une revue de Hong-Kong, Fenghuang Zhoukan, une série de données tristement passionnantes. Dans un premier temps, il a épluché systématiquement la presse officielle de son pays. Je n’ose imaginer l’ennui.

Mais il est vrai que les journaux d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier, et que des moments de vérité y surgissent fatalement. Que cherchait-il ? Des liens possibles entre dégradation des conditions écologiques locales et apparition de cas de cancers (ici, lire le petit article nommé Cancer Villages in China). Réussite complète, si j’ose écrire, dans un rayon de 50 km autour de Pékin. Mais chemin faisant, Deng Fei décide de mener son enquête à l’échelle de la Chine entière. C’est ce travail-là qui circule, relayé par un internaute qui en a fait une carte aux normes internationales de l’inévitable Google.

On a beau savoir, c’est stupéfiant. Je ne vous donne ci-dessous qu’un aperçu, mais sachez que certains cas ont été décrits en français ici. Chacun mériterait une enquête internationale, qui ne viendra jamais, on s’en doute. Prenez l’exemple du village de Guanshan Qiao, dans la province du Jiangxi. Depuis des lustres, six fours à chaux fonctionnant au charbon envoient jour et nuit des particules de cendres sur les potagers, dont la production s’est effondrée. Même lorsqu’il pleut, le dessus des feuilles est couvert d’une pellicule blanche. Les cancers ont explosé.

Dans le village de Yinggehai, 118 habitants sont morts d’une manière étrange en dix ans. La proximité d’une gigantesque décharge pourrait bien être l’explication.

Dans le village de Shangba, les canards qui plongent dans l’eau rougeâtre des mares meurent en quelques heures. Des activités minières sans contrôle, et surtout leurs énormes déchets pollués,  ont changé le lieu en un dépotoir. Les habitants souffrent de maladies de peau et du foie, du cancer aussi, bien entendu.

Dans le village de  Huangmengying, une centaine de personnes sont mortes de cancer entre 1990 et 2004, soit près de la moitié de tous les décès. La rivière locale est un égout. Certains habitants achètent de l’eau (un peu plus) potable.

Vous imaginez bien que la liste est sans fin. J’ai sur ma table, au moment où je vous parle, un livre d’une immense valeur, Le rapport Campbell. Publié par un éditeur québécois, Ariane, il est passé inaperçu au moment de sa sortie française en 2008. Quel dommage ! Car T. Colin Campbell est probablement l’un des meilleurs nutritionnistes vivants, et dans ce livre, il nous offre le cadeau d’une vie de recherche. Campbell a mené en Chine, dans les années 70 et 80, la plus vaste étude nutritionnelle jamais conduite. Avec le concours de l’université Cornell et de l’Académie chinoise de médecine préventive.

Concernant le cancer, le travail de Campbell et de ses amis est inouï. D’abord par le constat : dans certains cantons, on observe jusqu’à 100 fois plus de cancers que dans d’autres, alors qu’aux États-Unis, les différences d’un État à l’autre varient entre deux et trois fois, au plus. Un tel résultat ne saurait être expliqué en quelques lignes. Disons que la piste du cholestérol sanguin est première. Il est chez les Chinois l’un des précurseurs des maladies dites « occidentales », comme le cancer. Quand son taux passait en moyenne, dans l’immense échantillon chinois, de 170 mg/dl à 90mg/dl, les cancers du foie, du poumon, du cerveau, de l’estomac, de l’œsophage, du sein, du rectum, du côlon, la leucémie infantile, la leucémie adulte baissaient. Or, le taux moyen de cholestérol trouvé au cours de l’étude chinoise était de 127 mg/dl, soit 100 de moins que la moyenne américaine !

Pour comprendre l’importance de ces chiffres, il faut rappeler que longtemps, l’Amérique officielle a proclamé que des problèmes de santé apparaissaient chez l’homme en dessous de 150 mg/dl de cholestérol sanguin. À ce compte-là, 85 % de la population chinoise aurait dû être malade ! Bien entendu, les découvertes de Campbell ne se limitent pas au cholestérol. D’une façon générale, les protéines animales augmentent la présence de cholestérol dans le sang, tandis que celles d’origine végétale la diminuent. D’une manière certaine, les cantons chinois les plus pauvres, consommant beaucoup de végétaux, de fibres alimentaires et peu de gras, comptaient beaucoup moins de maladies cardio-vasculaires, de diabète et de cancers. Mais bien davantage, évidemment, de tuberculoses, de maladies parasitaires, de rhumatismes et de pneumonies.

Pourquoi vous parler de Campbell ? Mais simplement pour faire comprendre ce que veut dire le « développement » foudroyant de la Chine. Ce « développement » aura fait de ce pays l’atelier du monde, capable de sortir pour une bouchée de pain n’importe quel produit que nous achetons ici avec le plaisir de le payer moins cher. En consommant chinois, y compris l’une de ces clés USB dont je me sers, il est indiscutable que nous participons au grand massacre là-bas. Un dernier mot : combien de génuflexions en souvenir de l’esclavage ? Combien de prosternations et d’excuses ? Combien ? Les hommes d’il y a trois siècles avaient pourtant bien peu de moyens et de valeurs à leur disposition pour combattre l’infamie.

Mais nous, qui savons tout ? Mais nous, qui sommes gorgés d’informations sur tout ? Mais nous, qui ne parlons jamais – ou si peu – de ce qui se passe au-delà des marches de notre empire de pacotille ? Ne mériterions-nous pas une leçon ? Une véritable grande leçon de morale humaine ?

Détendons l’atmosphère (sur le dos de NKM et du portable)

(Un mot sur les engueulades qui précèdent. Je n’ai pas le goût, malgré les apparences, de trop secouer mes proches. Or il est clair que nombre de lecteurs de Planète sans visa sont des proches. Je prie donc celles et ceux qui s’estimeraient avoir été malmenés par moi de bien vouloir m’excuser. Et leur demande de comprendre – je ne me plains aucunement – que je suis seul face à plusieurs milliers de personnes. Mon tempérament explique le reste.)

Bon, what’s up ? Vous savez sans doute qu’un « Grenelle des ondes » se déroule en ce moment. Aussi loufoque que les autres Grenelle, il se propose de mettre tout le monde d’accord, ce qui n’arrivera évidemment pas. Une dernière réunion se tient aujourd’hui, et la remise solennelle des conclusions est prévue le 25 mai. Que sera-t-il décidé ? Rien. D’après les indiscrétions qui circulent, on aura droit à un texte sur la « nécessaire transparence » – on en parle dans le nucléaire civil depuis près de quarante ans – et de « nouvelles recherches ». L’association Robin des Toits juge qu’il ne s’agit que d’une « ribambelle de vœux pieux ». Ce n’est pas loin d’être mon avis.

Dans un entretien lénifiant donné au magazine L’Express (ici), Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne secrétaire d’État à l’écologie, rassure à tout va. Exemple : « A ce jour, rien n’a été prouvé sur la nocivité des antennes ». Ou encore : « Il y a deux problèmes à diminuer la puissance des antennes ». Mais le meilleur est ceci : « Personnellement, je pense que notre règlementation est très datée et doit être dépoussiérée. Une mesure possible en sortie de ce Grenelle pourrait être d’aller vers des seuils plus bas, après expérimentations (attention (…), des seuils plus bas cela peut vouloir dire plus d’antennes, dans certaines configurations.) ».

Et là, c’est le top. Car la règlementation actuelle fixe des limites d’émission de 41 à 61 volts par mètre pour les antennes-relais. Madame Kosciusko-Morizet envisage donc prudemment d’abaisser cette limite, fût-ce en augmentant le nombre d’antennes. C’est à ce moment de l’histoire que j’explose de rire, car je lis de mon autre oeil la proposition de loi enregistrée à l’Assemblée nationale le 13 juillet 2005 sous le numéro 2491 (ici). Les attendus en sont charmants : « Or, la question de santé publique est sans doute l’aspect le plus grave de ce dossier, celui qui nécessite les mesures les plus urgentes. De nombreux riverains d’antennes-relais se plaignent de problèmes de santé apparus au moment de l’implantation d’antennes-relais de téléphonie mobile à proximité de leur domicile, de leur travail… Des parents s’inquiètent de voir des antennes s’implanter à proximité de l’école ou de la crèche de leurs enfants.
Ces inquiétudes s’appuient sur les résultats d’un certain nombre de recherches qui portent sur les effets des rayonnements non ionisants sur la santé, qu’il s’agisse de basses ou de hautes fréquences. La spécificité des ondes rayonnées par la téléphonie mobile se fonde, en effet, sur l’alliance entre hautes et extrêmement basses fréquences. Or, les extrêmement basses fréquences (jusqu’à 300 Hz) ont été classées, en juin 2002, après bien des années de débat, dans la catégorie « potentiellement cancérigène » par l’OMS »
.

Et maintenant, la proposition elle-même, ou plutôt son premier article : « Le niveau maximal d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication, ou par les installations radioélectriques, est fixé à 0,6 volt par mètre ». Je le précise illico, 0,6 volt par mètre est la mesure exigée par l’association Robin des Toits, et correspondrait à une division comprise entre 68 et près de 102 fois du seuil actuel.Il s’agirait donc d’une (petite) révolution qui mettrait à mal l’univers des opérateurs amis du pouvoir, Bouygues en tête.

Le drôle, mais vous l’aurez sans doute deviné, c’est que madame Kosciusko-Morizet est signataire, avec sept autres parlementaires, de cette proposition de loi ! La même qui tempère et minaude en 2009 voulait en 2005, compte-tenu des problèmes posés, diviser par 100 la limite d’émissions électromagnétiques. Mais j’en vois qui prennent encore cette politique-là au sérieux, et je me garderai bien de me moquer. Au reste, les élections européennes approchent, n’est-ce pas ?

Les (faux) mystères de Veracruz (sur la grippe porcine)

Une histoire de fou. De fou parce que vraie, comme si souvent. Je vous parlais ce matin même du combat pour le mot juste. De la manière dont on était passé de l’expression sustainable development à celle, qui n’a rien à voir, de développement durable. Eh bien, cela n’a pas traîné : une nouvelle bagarre mondiale vient de commencer. Faut-il, oui ou non, parler de grippe porcine à propos de ce qui se passe au Mexique et désormais partout ?

La Commission européenne, redoutant un effondrement des marchés du porc, réfute en bloc l’expression, et tente d’en faire avaliser une autre par l’opinion. Il vaudrait mieux parler de « nouvelle grippe ». Rigoureusement sic. Et ce n’est probablement qu’un début, on verra bien. Pour ma part, je ne dispose évidemment d’aucune information confidentielle sur la réalité de ce nouveau drame. Mais je me renseigne, ma foi. Si, par bonheur pour vous, vous connaissez la langue espagnole, lisez sans attendre ce pénétrant article de l’association Grain, dont je ne pourrais jamais dire tout le bien que j’en pense (ici).

Extrêmement documenté, en vérité implacable, il démontre ce que nous sommes un certain nombre à savoir. L’élevage concentrationnaire des animaux d’élevage est un lieu idéal pour la circulation des maladies. Il est un espace parfait pour la recombinaison génétique  des virus, et jusqu’à preuve du contraire, il y a bien eu recombinaison. Incluant, n’en déplaise aux marchands, un virus de grippe porcine.

Peut-être le savez-vous déjà, mais le premier cas de grippe porcine rapporté au Mexique est celui d’un gamin de quatre ans de La Gloria, un gros village proche de la ville de Perote, dans l’État mexicain de Veracruz. Or il se passe des choses terribles à La Gloria depuis qu’un gigantesque élevage  de porcs, Granjas Carroll, s’est installé sur place. Il s’agit d’une filiale du géant de l’Américain Smithfield Foods, plus gros producteur mondial de porcs.

Ce qui est proprement insupportable, c’est que les habitants de La Gloria – 3 000 habitants – se plaignent depuis des années des pollutions de la porcherie et depuis des mois d’un syndrome grippal qui défie l’entendement. Le quotidien La Jornada a même publié le 4 avril un article apocalyptique (ici), donc près d’un mois avant l’alerte en cours. Eh bien, lisez et relisez ce qui suit : à cette date, trois enfants étaient morts, et 60 % de la population locale souffraient d’affections respiratoires diverses, souvent atypiques. 60 % !  Commentaire du journaliste de La Jornada : « Los pobladores atribuyen la aparición de las infecciones a la contaminación generada por los criaderos de cerdos de la trasnacional Granjas Carroll ». Les habitants, qui ont d’excellentes raisons de le penser, attribuaient l’origine de leurs infections à la présence de la porcherie industrielle Granjas Carroll.

J’arrête là, car je ne suis pas devin. Peut-être s’agit-il d’un autre foyer, d’un autre virus, d’une autre tragédie que celle dont on nous parle en boucle, bien que j’en doute. Ce qui demeurera certain, c’est la volonté – là-bas comme ici – de ne surtout pas toucher à l’ignoble modèle de la bidoche industrielle. Et de cela, nous reparlerons, croyez-moi.

PS : Christian Berdot me signale que l’article de Grain cité plus haut est en français à l’adresse suivante : http://www.grain.org/articles/?id=50