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Le grand miracle de l’aggradation des terres (alléluia !)

Passer une année pleine au pays des aveugles est une chose. Finir 2011 sans l’ombre d’un espoir est au-dessus de mes forces. Et c’est pourquoi je vous parlerai aujourd’hui de l’aggradation. Je ne doute pas une seconde que certains lecteurs de Planète sans visa connaissent le mot. Mais je crois également que la plupart n’en ont jamais entendu parler. Or l’aggradation est un miracle. Elle l’est, car elle est l’envers de la dégradation. Elle est un soleil.

J’avoue ne pas bien savoir d’où le mot vient. À peine si je sais qu’il a servi dans le langage des géologues, et qu’il continue d’ailleurs. Je vous renvoie à un colloque canadien remarquable, tenu en 1992, et qui amène à l’histoire que je vais vous conter (ici). Il s’agissait à cette occasion de faire le point, avec des Portugais, sur une manière de restituer aux sols dégradés par l’agriculture intensive et ses diverses pestes chimiques la fertilité sans laquelle nous ne saurions vivre. En cette occurrence, par le « bois raméal fragmenté » ou BRF. En deux mots, ce dernier consiste à broyer finement du bois venu des arbres, arbustes et arbrisseaux proches, de la forêt, des fagots et restes en toutes formes. Ce broyat se révèle être, pour des raisons complexes qui me sont en partie mystérieuses, un magicien. Toute magie a ses limites, nous sommes d’accord, mais le BRF est capable d’authentiques prouesses.

Mais est-ce bien de lui que je veux vous parler ? Eh bien non, désolé de vous avoir emmené sur ce chemin de traverse. Mon sujet s’appelle Zoram Naagtaaba, mais aussi Filly Wemanegre, Tenkeega, sans oublier Terre Verte. Trois noms burkinabé, comme vous n’aurez pas manqué de le remarquer. Et un quatrième français, semble-t-il. Les premiers sont chacun une association du Burkina Faso, État si pauvre de l’Afrique de l’Ouest. Et le dernier une structure de soutien française créée le 23 avril 1989 à Landrecies (Nord), dans une région qui connaît le sens du mot solidarité.

En cette année 1989, seule Zoram Naagtaaba existait déjà. Cette association a été lancée pour servir de cadre juridique à une ferme sahélienne pilote, Guiè. Mais j’entends déjà des questions sur le Sahel, et je m’empresse d’y répondre. Le Sahel – en arabe – ???? -, le mot signifie lisière, côte, frontière – est une immense bande qui relie la mer Rouge à l’Atlantique, marquant une transition climatique, pluviométrique, floristique entre le géant saharien et les savanes plus au sud, où il pleut encore abondamment. Cette ceinture s’étend sur environ trois millions de km2. Et se trouve soumise à des caprices météorologiques qui paraissent de plus en plus graves.

En fait, c’est presque simple. Le Sahara, jadis verdoyant et accueillant aux activités humaines, est devenu le plus vaste désert chaud de notre monde. Les hommes et leurs pratiques, dont l’écobuage – qui consiste à brûler la végétation arborée pour obtenir de l’herbe à bétail l’année suivante – ont leur part dans ce désastre. Quoi qu’il en soit, les peuples installés plus au sud, dans ce Sahel aux pluies incertaines, ont continué à pratiquer surpâturage et déboisement, entraînant sans cesse une aggravation de la situation. Allons droit au but : le Sahel est une zone clé de la crise écologique planétaire.

Et c’est ici que des hommes simples mais d’exception ont décidé d’agir. Je ne sais pas la répartition de tous les rôles, mais je reçois des nouvelles régulières des réalisations de cette belle équipe, par la voie électronique. Vous pouvez d’ailleurs en faire autant (ici). Pour ce que je comprends, il y a au point de départ rencontre entre des paysans burkinabè et un Français, Henri Girard, agronome vivant depuis des lustres au Burkina. Dans une, puis deux, trois fermes enfin, les associés démontrent sur le terrain l’efficacité miraculeuse de techniques au service des hommes. Lesquelles reposent notamment sur la création d’un périmètre bocager, ou wégoubri dans la langue mooré. C’est-à-dire un paysage agricole équilibré, où les champs sont délimités et protégés par des haies vives boisées. Incluant parcelles privées et communs.

Pour aller vite, ce système permet une conservation presque complète des eaux pluviales sur la parcelle cultivable et limite considérablement l’érosion et la divagation d’un bétail toujours menaçant pour les cultures. Je les cite : « De même que le désert appelle le désert, le bocage appelle le bocage ! Un bon entretien de ce milieu crée une dynamique et il n’est pas rare de voir pousser dans les haies vives des arbres semés par le vent ou les oiseaux, ainsi que la réapparition d’une faune qu’on croyait disparue à jamais. Ce retour de la biodiversité dans des terroirs dégradés est un résultat majeur de notre programme d’embocagement ».

Grâce au « ruissellement zéro », grâce à la technique antique du « zaï », les sols si lourdement dégradés par des activités sans avenir reprennent vie. Ils se trouvent restaurés. Dans le petit vocabulaire des mots d’espoir que je tiens près du cœur, aucun je crois ne résonne aussi fort que celui de restauration. L’avenir, s’il est, appartient tout entier à la restauration écologique, collective, décisive, des écosystèmes. Si le système utilisé dans les fermes de Guiè, Filly et Goèma pouvait s’étendre à la région martyre qu’est le Sahel, je crois, je crois sincèrement que le processus de stérilisation de la vie commencé là-bas il y a des milliers d’années pourrait être inversé.

Nous en sommes loin, mais si près pourtant. En cette extrême fin de l’année 2011, ceux de Guiè, Filly et Goèma nous montrent une voie concrète et réaliste. Réaliste ne veut pas dire aisée, concrète ne veut pas dire réussie. 2011 a été une très mauvaise année de pluies, et 2012 s’annonce menaçante. À Filly, par exemple, il n’a plu que 422  mm. Lisez donc avec moi la fin d’un message signé Henri Girard : « Comme annoncé en octobre, nous allons réagir à cette menace de famine en lançant des travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO), afin de permettre aux populations de gagner l’argent nécessaire pour s’acheter des céréales, tout en travaillant pour améliorer leur environnement (pistes rurales boisées, bullis, aménagements bocagers). Si vous souhaitez nous soutenir (chèque, virement, CB, PayPal), nous vous en rappelons le lien : ici ».

S’il vous reste deux sous, je vous invite bien entendu à les envoyer au plus vite là-bas, ce qui sera une bonne et heureuse action. Et au-delà, permettez-moi de vous dire que la grande révolution est là. Dans la rupture totale, ici même comme partout ailleurs, avec l’agriculture industrielle, qui est en train de nous conduire à la plus grande famine de tous les temps. Oui, je forme le voeu, en cette fin d’année 2011, que nous soyons assez forts, assez fous, assez grands pour faire disparaître en dix ans cette manière criminelle de traiter les sols, les êtres, les plantes. Je ne conçois pas d’urgence plus totale que de vaincre l’industrie de l’agriculture, pour la changer en une vaste coalition planétaire, mêlant urbains et ruraux, en faveur de l’agroécologie. Elle seule peut nourrir ceux qui viennent. Elle seule peut nous conserver longtemps encore cette biodiversité qui meurt à si vive allure. Elle seule est humaine. Le reste n’est que barbarie chimique et destruction de tout par tous.

Amis lecteurs, je crois, et je me répète : je crois qu’une voie existe, aussi étroite qu’elle soit. Il faut forcer le passage, avancer, ne plus jamais reculer. Le Burkina Faso montre l’exemple.

De nouveau, le site de Terre Verte : http://www.eauterreverdure.org

Le coton rouge sang d’Ouzbékistan

Putain, quel monde ! Au détour de mes furetages, ici, là-bas et même ailleurs, je tombe sur un rapport en anglais concernant le coton (lire ici). Le coton dans ce pays appelé Ouzbékistan ou encore, en ouzbek, O?zbekiston. Me permettrez-vous un mot sur ce lieu presque inconnu chez nous ? Il est un peu plus petit que la France – 447 000 km2 – et compte tout de même 28 millions d’habitants. Malgré le souvenir évanescent de Samarcande, on est loin des chromos sur les déserts d’Asie centrale. La région est densément peuplée. Y compris, pour son malheur, par un certain Islom Abdug‘aniyevich Karimov.

On va essayer de pas insulter un chef d’État en exercice, ce qui ne sera pas facile. Ce type est un apparatchik de la défunte Union soviétique stalinienne. Au passage, vous connaissez sûrement ce mot : URSS (Union des républiques socialistes soviétiques), quatre mots, quatre mensonges. Karimov, né en 1938, l’année des derniers grands procès de Moscou, a gravi bureaucratiquement tous les étages. Un communiste comme lui ferait pâlir de jalousie un fasciste enragé. Premier secrétaire du Parti communiste de l’Ouzbékistan jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique – 1991 -, il se transforme sans trop d’efforts en dictateur à temps plein et à titre privé. Cette même année 1991, il gagne l’élection présidentielle, armé de tout le savoir accumulé au pays du mensonge déconcertant (expression forgée par Ante Ciliga). Il obtient 86 % des voix. En 1995, il fera beaucoup mieux, remportant un référendum avec environ 100 % des voix. Le environ n’est pas une fantaisie personnelle : les services officiels, pris par l’enthousiasme, ont souvent dépassé les 100 %, ce qui posait de menus problèmes de comptabilité.

En 2005, après avoir fait allégeance à l’Amérique impériale, et décidé d’éradiquer l’islamisme dans ce pays profondément musulman, il fait tirer à la mitrailleuse lourde sur de supposés insurgés. Ce qui donne à l’arrivée entre 169 – selon lui – et plus d’un millier de morts selon des ONG présentes sur place. N’est pas Kadhafi qui veut. En 2007 enfin, il est réélu pour sept ans avec plus de 88 % des voix. Il y a trois autres candidats, qui se rallient – ce sont des gars malins – à Karimov. Cela devrait suffire à situer notre hôte involontaire, n’est-il pas ?

Venons-en au coton. Ce qui était jadis une merveilleuse plante cultivée est devenue, pour cause de surexploitation industrielle et de mondialisation, une folle tueuse d’hommes et d’espaces. Dans le document que j’ai lu (de nouveau ici), on apprend quantité de choses. Pour commencer, vraiment désolé, on voit la photo de corps suppliciés par les flics du dictateur. L’un d’eux a été atrocement torturé. La suite s’appelle le coton, de loin la plus grande richesse du pays, qui est probablement aujourd’hui encore le second exportateur mondial. Les ventes représentent en tout cas des milliards de dollars chaque année, qui passent entre les mains du clan installé dans la capitale, Tachkent, mais aussi dans celles des barons régionaux sans lesquels on ne pourrait pas cultiver là-bas autant de coton. Rappelons en deux mots qu’il faut gâcher tant d’eau d’irrigation pour faire pousser cette manne que la mer d’Aral,  jadis un immense lac salé de 66 458 km2, a été réduit des trois quarts. Essentiellement par détournement des fleuves Amou-Daria et Syr-Daria. Essentiellement pour le coton d’Ouzbékistan et du Kazakhstan. Les 24 espèces endémiques de poissons présents dans cette merveille ont disparu à jamais. Aucun humain, aussi longue que durera notre aventure, ne les reverra plus.

Mais il ne suffit pas de détruire la nature à sa racine. Encore faut-il, du moins pour le moment, une main d’œuvre bon marché, nombreuse, efficace. Ce n’est pas facile, surtout que le tyran n’entend pas payer. Il lui suffit d’être payé, lui et sa clique. Aussi bien a-t-il recours à ce que la propagande stalinienne appelait lorsqu’elle s’imposait les samedis et les dimanches « communistes ». On se faisait chier à l’usine toute la semaine, et le week-end, en hommage au Chef, on remettait le couvert. Gratuitement, cela va de soi.

Le système n’a que peu changé – rires préenregistrés -, et les flics de Karimov sillonnent les routes pour arrêter qui ils peuvent, et les envoyer au charbon. Pardon, au coton. Et quand je dis sillonnent, c’est à prendre au sens premier. Les flics de la route, comme le note le site moscovite Fergana.ru, se planquent avant d’arrêter les voitures imprudentes. Le système est incroyablement huilé, au point que des usines pourtant américano-ouzbèkes, comme General Motors, envoient « volontairement » et « gratuitement » travailler une partie de leurs employés dans les champs de coton. J’allais oublier – je blague – que deux millions d’enfants ouzbeks sont eux aussi envoyés au coton en septembre et octobre. Y compris des mioches de six ou sept ans. Faut remplir le bas de laine de Karimov.

Si vous avez envie de lire deux bricoles sur le sujet en français, je vous conseille l’adresse suivante (ici). L’agence Fergana assure le service d’infos fiables venues d’Asie centrale, parfois dans notre langue. Allez-y voir ! Et comme je suis un sadique accompli, je ne terminerai pas sans noter cette évidence : nous sommes des acteurs de ce désastre, qui touche, à des degrés certes divers, tant d’autres pays du Sud, en Asie et en Afrique surtout. Car partout, pour que l’on puisse acheter ici des cotonnades à deux balles, l’on fait travailler des gosses, l’on pressure les rivières, l’on épand des pesticides mortels sur des milliers et millions d’hectares. La solution ? Je l’ai déjà écrit tant de fois : la destruction de ce système fou, criminel, et parfaitement suicidaire. La prochaine fois que vous achèterez un tee-shirt, regardez, si toutefois l’origine est indiquée, d’où il vient. Que ce soit de Chine, du Cameroun, du Bangladesh ou d’Ouzbékistan, le coton est de nos jours rouge sang.

Wangari, prix Nobel des arbres et de la forêt, est morte

J’ai écrit le texte qui suit il y a quelques mois, dans une revue aujourd’hui arrêtée, Les Cahiers de Saint-Lambert. Wangari Maathai vient de mourir, et je suis triste. Voilà comment je la voyais.

Ihithe. Un village. Proche de Nyeri, une ville du Kenya située à 150 kilomètres au nord de Nairobi. Un paysage de collines verdoyantes et giboyeuses. Une vue éblouissante sur le mont Kenya, qui culmine à 5199 mètres et constitue la source de deux des plus beaux fleuves du pays, le Tana et l’Ewaso Ng’iro. Le  1er avril 1940, quand naît la petite Wangari Muta, le Kenya est encore une colonie britannique. La révolte gronde, qui conduira au violent mouvement d’émancipation Mau Mau, né au cœur de l’ethnie kikuyu, à laquelle appartient la famille de Wangari Muta. Mais pour l’heure, tout semble calme, tout paraît encore éternel.

La future Prix Nobel se souvient encore de l’émerveillement des premières années. « J’ai longtemps cru, dit-elle, que le monde était une vallée de terre riche, dominée par les contreforts des monts Aberdore et au nord par le mont Kenya. Je pensais que les acacias au feuillage mince et dur, les torrents vivaces et purs où nous allions chercher l’eau étaient éternels. Et j’imaginais que les champs où ma mère me déposait, enfant, pour mieux ramasser le managu, ce légume vert sauvage qui accompagnait nos gâteaux de maïs, seraient toujours fertiles. À mes yeux, cette vallée du Rift où mon père travaillait dans la ferme d’un colon britannique était l’univers tout entier. Et cet univers avait la couleur des forêts. Il avait l’odeur des épices et du pyrèthre. Il avait aussi ses lois ».

Mais tout va basculer en l’espace de quelques années seulement. Certes, les Britanniques ont amorcé le mouvement dès les années 20 du siècle passé en détruisant de splendides forêts tropicales au profit de plantations de pins ou d’eucalyptus, très rentables. Sur les pentes des collines autour de Nyeri, sur celles du mont Kenya, l’érosion a commencé son œuvre de mort. Mais tout s’accélère vers la fin des années Cinquante et après l’indépendance – 1963 -, car les paysans de la région se mettent à cultiver massivement des cultures d’exportation comme le thé ou le café, qui prennent eux aussi la place des forêts anciennes.

Wangari a été le témoin direct des terribles agressions infligées au mont Kenya : « Trois cents sources en jaillissaient, alimentant la plus large rivière du Kenya, la Gura. Il faut que vous imaginiez la puissance tumultueuse de ces flots, alors ! Le fracas des pierres qui roulaient ! La largeur impressionnante de la rivière ! Nous prenions l’eau aux sources. La nourriture était abondante, à portée de main, dans la nature si généreuse qui nous environnait. Je n’avais qu’une ou deux robes, nous n’avions pas l’électricité dans notre case, mais jamais nous ne nous sommes sentis pauvres.
» Si je vous décris ces paysages, c’est parce qu’ils ont aujourd’hui disparu et que cette perte est une menace mortelle pour le Kenya, l’Afrique et peut-être le monde »
.

Mais revenons à la famille de Wangari. En 1943, le père, Muta Njugi, devient le fermier d’un propriétaire terrien anglais, M. Neylan. Il part donc dans la vallée du Rift, près de la petite ville de Nakuru, en compagnie de son épouse, de ses deux premiers fils et de Wangari, qui a juste deux ans. « Les peuples indigènes, systématiquement évincés, raconte Wangari, avaient cependant droit à un petit lopin pour faire vivre leur famille lorsqu’ils acceptaient de travailler pour les Blancs. C’était le cas de mon père, venu des montagnes, et issu d’un peuple robuste, travailleur et, du fait du climat en altitude, insensible à la malaria. Toute sa vie, il a travaillé à Nakuru pour le même propriétaire blanc, M. Neylan, au point de le considérer avec déférence comme un ami. Je ne suis hélas pas certaine que M. Neylan pensait à mon père dans les mêmes termes… ».

Comme il n’y a aucune école autour de la ferme, la mère de Wangari, Wanjiru Kibicho, ramène ses enfants à Ihithe en 1947. Les deux parents de la petite souhaitent donner à leurs enfants une bonne éducation, condition de leur réussite future. À huit ans, Wangari entre à l’école primaire, et à onze, elle rejoint l’internat de la Mission catholique de Nyeri, créée par des prêtres italiens au début du XXe siècle. La petite fille se révèle très douée pour les études et apprend avec rapidité la langue anglaise, qui deviendra pour elle essentielle. Elle se convertit au passage au catholicisme, et prend – provisoirement – le prénom chrétien de Marie Joséphine. Son catholicisme est si fervent qu’elle rejoint la Légion de Marie, dédiée au service de Dieu par l’attention apportée aux hommes, en particulier ceux qui sont dans la détresse.

Première de sa classe, elle termine ses études à Nyeri en 1956, alors qu’elle vient d’avoir quinze ans. Dans la société coloniale de l’époque, un tel niveau d’excellence chez une jeune Noire est déjà une étonnante exception. Mais ce n’est pourtant qu’un début. L’adolescente, compte tenu de ses résultats, est envoyée dans la seule école supérieure ouverte aux filles du Kenya, la Loreto High School, une autre institution catholique installée dans la petite ville de Limuru, à une quarantaine de kilomètres de Nairobi.

Elle en sort diplômée en 1959 et envisage alors de rejoindre l’université de l’Afrique de l’Est, à Kampala (Ouganda). Mais le sort va en décider autrement. Les Etats-Unis, qui combattent sans relâche l’influence soviétique sur le continent africain, anticipent les indépendances, et craignent une poussée communiste chez les nationalistes. Alors que John Kennedy dirige le pays, l’Amérique décide d’accorder des bourses universitaires à des étudiants africains, dans l’espoir qu’ils formeront l’ossature administrative des nouveaux États. Au Kenya, 300 jeunes sont sélectionnés, parmi lesquels Wangari, qui part étudier aux Etats-Unis en septembre 1960.

Étudiante dans une université de l’Arkansas, à Atchison, elle y accumule des diplômes. D’abord en biologie, puis en chimie et en allemand. Après avoir obtenu un Bachelor of Science, elle réussit à Pittsburgh un master’s degree en biologie, puis un Master of Science et noue ses premiers liens avec des écologistes avant l’heure, qui bataillent contre la pollution de l’air. Ses titres lui permettent d’être recrutée par l’université kenyane de Nairobi comme maître assistante en zoologie.

Ce qui pourrait être un triomphe devient un cauchemar. À peine a-t-elle mis le pied au Kenya qu’elle découvre que son poste a été promis à un autre. Un homme d’une autre ethnie. Elle ne cessera jamais de penser qu’elle a été victime d’une des plaies de tant de sociétés humaines. En tant que femme. En tant que femme kikuyu. Déçue, elle accepte un job de fortune avant d’être secourue par le professeur allemand Reinhold Hofmann, qui lui offre un poste dans un laboratoire tout récemment créé à l’école de médecine vétérinaire de l’université de Nairobi. Il s’agit évidemment d’une première consécration.

Nous sommes alors en 1966, année de la rencontre entre Wangari et un jeune Kenyan qui a lui aussi étudié aux Etats-Unis, Mwangi Mathai. Ils se marieront quelques années plus tard, en 1969. L’époque est heureuse pour la jeune femme, pleine d’espoir et d’enthousiasme. Le professeur Hofmann lui permet d’aller compléter sa formation universitaire en Allemagne, d’abord à Giessen, puis à Munich. En 1971, elle devient la première femme d’Afrique de l’Est à obtenir un doctorat scientifique.

Parallèlement, jeune mariée, elle met au monde le premier de ses trois enfants en 1970. Serait-elle en train de réussir une vie certes brillante, mais finalement ordinaire ? La réponse est non. Car elle n’a rien oublié de son enfance au pied du mont Kenya. Et rien non plus de la fragilité des sources et des forêts. Poursuivant sa carrière universitaire – toujours plus haut -, elle s’engage dans différents mouvements sociaux et écologiques. En faveur des femmes et de la nature. À la fois au National Council of Women of Kenya (NCWK) – Maendeleo ya wanawake en swahili, ou Conseil national des femmes du Kenya – et à Environment Liaison Centre. C’est au cours des années 70 qu’elle va comprendre, pour ne plus l’oublier, les liens entre la pauvreté et la dégradation écologique. « À Nairobi, où j’enseignais à l’université, explique-t-elle, je fréquentais les mouvements féministes qui essaimaient en Afrique dans les années 1970. On y trouvait des femmes très éduquées comme moi, mais aussi des analphabètes venues de la campagne. Lorsque ces dernières m’ont dit qu’elles n’avaient plus assez d’eau potable, ni de petit bois pour le feu, ni de nourriture pour leurs enfants, lorsqu’elles ont parlé de l’abattage des arbres et des champs de thé, j’ai compris que quelque chose de grave s’était produit. Ces paysannes, qui venaient parfois des régions mêmes de mon enfance, se plaignaient toutes de la pauvreté. De la dureté du quotidien. De l’assèchement des terres. La rivière Gura, si pure et si tumultueuse autrefois ? L’eau y était désormais noire, les pierres figées, le débit faible ».

Tel est le début d’une idée extraordinaire, connue sous le nom de mouvement de la Ceinture verte (Green Belt Movement). Sous couvert de l’association Envirocare Ltd, elle crée une première pépinière de plants d’arbres, tenue en main par des femmes, dès 1974. Pour être sincère, le succès n’est pas au rendez-vous, faute notamment de soutiens et de financement. Mais le mouvement est bel et bien lancé, et ne s’arrêtera plus. Le 5 juin 1977, jour de la Terre, une marche du NCWK part du cœur de Nairobi jusqu’au parc Kamukunji, dans la lointaine banlieue. Sept arbres sont plantés dans l’allégresse, en l’honneur de sept responsables historiques des communautés kenyanes. Le reste du Green Belt Movement appartient à l’épopée.

Des milliers, plus tard des dizaines de milliers de femmes paysannes sont mobilisées au service des arbres et d’elles-mêmes. Car là est le secret de cette formidable réussite. Les femmes engagées dans le mouvement ne se contentent pas de créer des pépinières, par centaines, dans les villages, et de replanter des arbres. Elles apprennent ou réapprennent la manière d’utiliser de manière soutenable le bois de chauffage, d’obtenir de la nourriture à partir des produits forestiers, de renouer avec l’art ancestral de l’apiculture. En somme, ces femmes deviennent des pratiquantes d’une culture ancestrale, mais oubliée : la sylviculture.

La morale est simple : planter des arbres rapporte. L’association, en mobilisant quantité de forces économiques dispersées, rétribue le travail accompli, qui en retour permet de spectaculaires réapparitions de la vie, animale comme végétale. Ce cercle vertueux a permis de planter en une quarantaine d’années environ quarante millions d’arbres. Ah ! s’il existait une Wangari dans chaque pays. Mais tout n’est pas aussi merveilleux.

Mariée on l’a dit, en 1969, Wangari commence à connaître des problèmes avec son mari, qui mène une carrière politique nationale. En 1977, année de la création du Green Belt Movement, celui-ci, Mwangi Mathai, décide de la quitter. Après deux ans de séparation, il réclame le divorce à l’aide d’arguments jugés par lui imparables : « Elle est, affirme-t-il, trop éduquée, trop forte, trop têtue, et elle veut trop prendre les choses en main ». Le juge lui donne raison, ce qui indigne Wangari au point qu’elle donne une interview très dure à un magazine kenyan. Elle y déclare que le juge est soit incompétent, soit corrompu. Elle écope de six mois de prison. Grâce notamment à son avocat, elle ne passe cette fois que trois jours en prison.

Sous la présidence de Daniel Arap Moi, élu en 1978 à la tête du Kenya, elle sera emprisonnée à plusieurs reprises, et devra même s’exiler en Tanzanie. Il faut dire que Wangari ne cède jamais. Elle parvient à obtenir l’abandon de la construction d’une tour de soixante étages dans Uhuru Park, le grand jardin public de Nairobi. Pis : elle conteste au président Arap Moi, très critiqué pour sa politique tribale et la corruption de ses proches, le droit de construire une somptueuse résidence qui condamne un bout de forêt. Est-elle folle ? Tout au contraire, elle se présente aux élections présidentielles de 1997 – un lourd échec -, avant de devenir députée en 2002, puis ministre de l’Environnement en 2003.

Le fabuleux hommage du Prix Nobel de la Paix, accordé en 2004, aurait tourné la tête de bien d’autres personnalités. Mais Wangari ne peut décidément oublier les paysans et le mont Kenya de son enfance. En septembre 2007, elle se rend au Cameroun en qualité « d’ambassadrice de bonne volonté pour l’écosystème du bassin du Congo ». Une réunion de notables doit avoir lieu pour tenter une fois encore de sauver ce qui peut l’être d’une forêt tropicale somptueuse qui s’étend sur près de deux millions de kilomètres carrés. Wangari sort un matin de son bel hôtel de luxe. Perché sur une colline, « il surplombait la ville et offrait une vue imprenable sur le mont Cameroun, point culminant de l’Afrique de l’Ouest ». Mais sur la colline d’en face, Wangari observe des paysans, dont des femmes, qui préparent un champ. Une vision banale dans toutes les villes africaines, où la terre voisine avec la pierre.

Un détail – qui n’en est pas un – attire son attention : une paysanne creuse des sillons dans le sens de la pente. Elle en est aussi stupéfaite que meurtrie. Car cette façon de faire condamne l’avenir. Au lieu de creuser perpendiculairement pour limiter l’érosion, la méthode conduira inévitablement à la disparition du sol, entraîné avec les premières pluies jusqu’au bas de la colline.

« J’avais une certitude, explique-t-elle : si nous ne pouvions pas travailler avec les millions d’agriculteurs camerounais, avec les dizaines de millions d’agriculteurs des dix pays de la région du bassin du Congo, et de fait de toute l’Afrique – alors notre action serait vouée à l’échec. Nous ne sauverions jamais les forêts du Congo, et nous ne parviendrions jamais à enrayer la désertification qui, dans tout le continent, gagne inexorablement du terrain ».

Telle est restée la fille de paysans du mont Kenya, pour notre plus grand bonheur. « Si j’ai pu remarquer cette femme, conclut Wangari, c’est que j’ai parce que j’ai moi-même travaillé avec des gens comme elle lors de la campagne de reboisement du mouvement de la Ceinture verte ». Exactement ce que l’on s’apprêtait à écrire.

Les citations de Wangari Maathai sont extraites de deux de ses livres, Celle qui plante des arbres, et Un défi pour l’Afrique (éditions Héloïse d’Ormesson). D’un portrait paru dans le quotidien Le Monde, sous la plume d’Annick Cojean et Raphaëlle Bacqué. De différents textes parus en langue anglaise.

Le vol de terres continue (et s’aggrave)

Merci à mon ami Christian Berdot, dont la veille est une fois de plus précieuse. Il m’adresse sa traduction d’un article du quotidien britannique The Guardian (pour la version originale, ici). On le verra, l’accaparement des terres fertiles de la planète continue et s’accélère à l’initiative de sociétés transnationales, de fonds de pension, d’institutions du Nord. Et bien entendu de la part de pays du Sud qu’on appelle émergents, comme l’Inde ou la Chine. Le crime, une fois encore. Et le silence complice de la plupart de ceux qui monopolisent la parole publique.

Des universités des États-Unis 

accaparent des terres en Afrique

Des institutions comme les universités Harvard et Vanderbilt utilisent des hedge funds pour acheter des terres, ce qui pourrait chasser  les paysans de leurs terres

Article de John Vidal et Claire Provost. The Guardian, mercredi 8 juin.

Traduction Amis de la Terre

Une nouvelle étude montre que Harvard ainsi que d’autres grandes universités états-uniennes travaillent par l’intermédiaire d’un hedge fund britannique et de spéculateurs financiers européens à acheter ou louer de vastes étendues de terres agricole africaines, ce qui dans certains cas pourrait provoquer l’expulsion de milliers d’Africains.

Pour les auteurs de l’étude les investisseurs étrangers tirent profit de cet « accaparement des terres » qui n’apporte pas souvent de créations d’emplois, ni le développement promis, mais au contraire, peut entraîner des problèmes sociaux et écologiques dans les pays les plus pauvres de la planète.

Ce rapport sur les acquisitions de terres dans sept pays africains laisse entendre que Harvard, Vanderbilt et de nombreuses autres universités états-uniennes possédant des fonds de dotations importants, ont lourdement investi, ces dernières années, dans le foncier africain. Une bonne partie de cet argent passe par le canal de Emergent, entreprise londonienne de gestion de patrimoine, qui gère un des fonds d’acquisition de terres en Afrique les plus importants,  dirigé précédemment par la banque d’affaires JP Morgan and Goldman Sachs.

Les chercheurs de l’ Oakland Institute, basé en Californie,  pensent que les clients états-uniens d’Emergent ont investi jusqu’à 500 millions de dollars dans certaines des terres les plus fertiles, dans l’espoir d’obtenir des retours d’investissements de 25%.

Emergent a affirmé que les contrats sont passés de façon responsable. Un porte-parole nous dit : « Oui, des fonds de dotations des universités et des fonds de pension sont des investisseurs à long terme. Nous investissons dans l’agriculture africaine, établissons des entreprises et donnons de l’emploi aux gens. Nous le faisons de façon responsable. ( …) Les sommes sont importantes. Il peut s’agir de centaines de millions de dollars. Il n’y a pas d’accaparement de terre. Nous voulons augmenter la valeur des terres. Le fait d’être grand, nous permet d’avoir un impact et les économies d’échelle peuvent être plus productives ».

Jusqu’à maintenant, on avait pointé du doigt les Chinois et les pays du Moyen Orient comme étant les accapareurs de grandes étendues de terres dans les pays en voie de développement, afin de produire à bas prix de la nourriture pour leurs populations. En fait, l’Oakland Institute constate que derrière de nombreux contrats – et parmi les plus importants – on trouve des fonds occidentaux.

La compagnie qui gère les fonds d’investissements de Harvard a refusé tout commentaire. Un porte-parole a simplement dit : « C’est la politique de la compagnie de gestion de Harvard de ne discuter ni des investissements, ni des stratégies d’investissements. Je ne peux donc confirmer le rapport ». L’université de Vanderbilt a aussi refusé tout commentaire.

Pour l’Oakland Institute, les investisseurs  surestiment les bénéfices des contrats pour les populations concernées. « Les compagnies ont réussi à créer un empilement complexe de compagnies et filiales, afin éviter le contrôle de faibles autorités de régulation ». Pour Anuradha Mittal, la directrice de l’Oakland Institute, « L’analyse des contrats révèle que la plupart d’entre eux ne fourniront que peu d’emplois et vont expulser des milliers de personnes de leurs terres ».

En Tanzanie, le gouvernement local et l’entreprise de développement agricole états-unienne, AgriSol Energy, qui travaille avec la Iowa University,  ont passé un protocole d’accord. Il stipule que les deux emplacements  principaux pour leurs projets – les  camps de réfugiés de Katumba et Mishamo qui comptent 162 000 personnes – devront être fermés avant que le projet d’une valeur de 700 millions de dollars ne commence. Les réfugiés ont pourtant cultivé ces terres pendant 40 ans.

En Ethiopie, un processus de « villagisation » mené par le gouvernement, déplace des dizaines de milliers de personnes de leurs terres traditionnelles vers de nouveaux centres, tandis que gros contrats fonciers sont conclus avec des compagnies internationales.

Le plus gros contrat conclu au Soudan – où, d’après des analystes norvégiens, près de 9% du territoire ont été achetés en quelques années – a été conclu entre une firme texane, Nile Trading and Development et une coopérative locale gérée par des chefs locaux absents. Il s’agit d’un bail de 49 ans, d’une surface de 400 000 ha dans la région de Central Equatoria, pour un montant de 25 000 dollars et qui autorise la compagnie à exploiter toutes les ressources naturelles y compris le pétrole et le bois. Cette compagnie dirigée par l’ancien ambassadeur des Etats-Unis, Howard Eugene

Douglas, a l’intention  de solliciter des crédits carbone – système soutenu par les Nations-Unis – ce qui pourrait lui rapporter des millions d’euros annuellement.

Dans le rapport, on peut lire qu’au Mozambique, où près de 7 millions d’ha de terre sont potentiellement disponibles pour les investisseurs, des hedge funds occidentaux travaillent conjointement avec des compagnies sud-africaines pour acheter de vastes étendues de terres agricoles et de forêts pour des investisseurs en Europe et aux Etats-Unis. Les contrats montrent que le gouvernement renonce à lever des taxes parfois pendant 25 ans, mais peu d’emplois seront créés.

Pour Obang Metho du Mouvement de Solidarité pour une Nouvelle Ethiopie, « Personne ne peut croire que ces investisseurs viennent pour nourrir les Africains qui meurent de faim, ou pour créer des emplois et améliorer la sécurité alimentaire. Ces accords – dont beaucoup sont en place pour 99 ans – ne représentent aucun progrès pour les populations  locales et ne vont pas remplir leurs estomacs de nourriture. Par contre, ils remplissent de dollars les poches des dirigeants corrompus et des investisseurs étrangers ».

Pour Mittal « L’ampleur des accords fonciers conclus est choquante. Les petites fermes et les forêts africaines sont transformées en stratégie d’investissement à haut rendement, basée sur le patrimoine naturel. Cela peut provoquer la hausse des prix alimentaires et une aggravation des risques de bouleversements climatiques. »

Des études menées par la Banque Mondiale et d’autres organisations montrent que près de 60 millions d’ha, soit la surface de la France, ont été achetés ou louées par des compagnies étrangères en Afrique, ces trois dernières années.

Toujours d’après le rapport, « La plupart de ces accords sont caractérisés par leur opacité, malgré les implications profondes que pose une consolidation du contrôle qu’exercent les compagnies financières sur les marchés alimentaires mondiaux et les ressources agricoles. »

Frederic Mousseau, le directeur des politiques de l’Oakland Institute, ajoute : «  Nous avons vu des spéculateurs s’emparer de terres agricoles et traiter les petits paysans comme des squatteurs que l’on expulse de force, sans compensation. Cela provoque une insécurité sur le système alimentaire mondial qui pourrait être une menace pour la sécurité mondiale, bien plus importante que le terrorisme. Plus d’un milliard d’humains vivent avec la faim au ventre. La majorité des pauvres de la planète dépendent toujours de petites fermes pour leur subsistance et les spéculateurs les leur prennent en leur promettant un progrès qui ne vient jamais ».

Flagrant délit de manipulation (sur Escherichia coli)

Il y en a tellement marre, certains jours. Les lecteurs réguliers et fanatiques de Planète sans visa se souviennent sans doute de celui qui signait ses articles verbeux, haineux, parfois insupportables du pseudonyme Pilet14. Je ne sais qui il est, mais je sais qu’il exultait d’apprendre que le concombre bio d’Espagne ou les graines germées de Hambourg, cultivées dans une ferme bio, étaient responsables de l’épidémie d’E.coli. Il ne vous sera pas indifférent d’apprendre une partie de la vérité ci-dessous.

Le texte qui suit est signé par Générations Futures (ex-MDRGF) de mon ami François Veillerette, et la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB). Parallèlement – ou peut-être bien avant -, mon cher Claude Aubert, créateur des Quatre saisons du jardinage et vaillant pionnier de la bio en France  – il est également ingénieur agronome – avait découvert le pot aux roses. Ne croyez pas que je triomphe, non ! L’agriculture et les techniques bio peuvent sans aucun doute provoquer des maladies, voire tuer. Et ALORS ? Qui est – quel serait – le crétin qui pense que la bio pourrait représenter une garantie absolue ? Il me suffit qu’elle nourrisse des hommes et respecte les sols et les eaux. Pas vous ?

E Coli : Les attaques récentes contre les produits biologiques reposaient sur…une étude qui n’existe pas !

Suite à l’affaire des graines germées contaminées par des souches virulentes d’E.Coli, les produits bio ont été injustement montrés du doigt comme étant prétendument dangereux. Ces accusations reposent en fait sur des études qui n’existent pas !

Rappels des faits. Le 27 juin dernier deux directeurs de recherche du CNRS n’ont pas hésité à publier une tribune dans le journal Libération prétendant que le Centre de contrôle des maladies infectieuses d’Atlanta (Center for Disease Control d’Atlanta -CDC ) aurait réalisé une étude en 1996 liant un tiers des 250 décès dus à une souche pathogène d’E.Coli à la consommation de produits biologiques ( alors qu’ils ne représentaient que 1% des aliments consommés aux Etats-Unis). Et nos deux scientifiques français de conclure : « Il est donc indéniable que les mérites de l’agriculture biologique s’accompagnent inévitablement de risques alimentaires spécifiques ». Les conséquences sur l’image des produits bio ne se sont pas fait attendre comme devait le confirmer un sondage réalisé par le WWF(1).

Générations Futures (GF) et la Fédérations Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) révèlent aujourd’hui que cette assertion repose sur …une étude qui n’existe pas !

D’où vient cette soit disant étude ? Contacté, un des scientifiques du CNRS ne donne pas de référence pour cette supposée étude américaine mais se contente de dire qu’elle serait tirée d’un livre de Alan McHughen, un scientifique canadien. Le problème, c’est que ce McHughen n’a fait dans ses livres (2) que reprendre les dires d’un certain Dennis T. Avery qui colporte depuis des années une rumeur selon laquelle le Center for Disease Control d’Atlanta aurait réalisé en 1996 une étude comparative bio / conventionnel montrant que les personnes mangeant des aliments bio ont beaucoup plus de risque d’être infectés par E.coli.

Pas plus de risque d’infection en bio. Cette affirmation a été vigoureusement démentie dès 1999, y compris par des cadres dirigeants du CDC niant vigoureusement avoir conduit de tels travaux comparant le risque d’infection par E.Coli en fonction du mode de production, bio ou non bio (3).

Précisions : Dennis T. Avery (4)  travaille pour le Hudson Institute (5), un think tank conservateur. Avery travaille sur l’agriculture et les biotechnologies et consacre une énergie considérable à dénigrer l’agriculture biologique. A noter que le Hudson Institute a reçu des fonds de firmes comme Monsanto, Syngenta, Dow Agroscience, Dupont…sans commentaire.

« Alors que les consommateurs plébiscitent les produits bio, les adversaires de l’écologie et de l’agriculture biologique essayent par tous les moyens de décrédibiliser la bio depuis de longs mois. Les accusations de chercheurs publics reposant sur des rumeurs sont inacceptables. Elles doivent être démenties immédiatement et publiquement.» déclare François Veillerette, Porte parole de Générations Futures.

« La FNAB estime que les propos tenus par les deux scientifiques du CNRS sur les aliments bio sans référence scientifique portent atteinte à la fois à la filière agriculture biologique et à la crédibilité du CNRS. Elle se réserve le droit d’agir en conséquence. » ajoute Dominique Marion, Président de la FNAB.

1 : http://www.enviro2b.com/2011/07/08/e-coli-la-filiere-bio-victime-indirecte-de-la-bacterie/
2 :  http://www.lobbywatch.org/profile1.asp?PrId=88
3 : http://www.sourcewatch.org/index.php?title=Trashing_organic_foods
4 : http://en.wikipedia.org/wiki/Dennis_Avery
5 : http://en.wikipedia.org/wiki/Hudson_Institute