Archives de catégorie : Agriculture(s)

Attention, chiens méchants (contre les brebis)

Ce n’est rien d’autre qu’un article de la Dépêche du Midi. Espèche est un village des Hautes-Pyrénées. Une fois de plus, des chiens errants s’attaquent à des brebis et en tuent. Douze, en l’occurrence. Un fait divers d’une grande banalité. Je ne citerai pas de chiffre sur le nombre de brebis attaquées par des chiens chaque année, car la statistique, en ce domaine particulièrement, est pure et simple polémique. Disons, car cela c’est certain, que les chiens tuent incomparablement plus – 400 fois, 600 fois, davantage ?  – que les ours et les loups réunis.

La différence, c’est qu’on ne peut se plaindre à la télé de ces épouvantables bêtes fauves. La différence, c’est que les ennemis du sauvage ne trouvent pas là l’occasion de déverser leur haine contre ce qui ne leur appartient pas. Mais lisez plutôt.

Espèche. 12 brebis tuées par des chiens

Les morsures ont entraîné la mort des brebis.

Les morsures ont entraîné la mort des brebis.

Consternation, désarroi pour Joël Castaing, agriculteur à Espèche, dans les Baronnies, qui a découvert, samedi, vers 21 heures, douze brebis mortes des suites de blessures causées par des morsures de chiens. « Au moment où j’allais faire manger la volaille, je me suis rendu compte qu’il manquait des brebis dans le parc où elles sont rassemblées », raconte l’exploitant agricole qui s’est alors rendu dans le bois à proximité. « J’ai entendu et vu deux chiens dont un est marron avec des rayures noires et porte un collier orange fluo. L’autre est blanc et noir à poils longs avec la tête mouchetée. Dès que je suis arrivé près d’eux, ils se sont enfuis. Et puis, j’ai fait la macabre découverte de mes douze brebis, mortes dans la rivière l’Arros », poursuit Joël Castaing qui n’en a pas dormi de la nuit. Et, à 5 heures du matin, il a dû faire partir les deux chiens errants qui revenaient attaquer le reste du troupeau devant sa maison.

Dans la matinée, l’agriculteur a informé le garde fédéral qui habite le village et qui est venu constater les dégâts. Dans une lettre écrite de sa main, celui-ci a confirmé que les animaux étaient morts suite aux attaques des chiens. « Je demande aux propriétaires de ces chiens de prendre contact au plus vite avec nous avant poursuites », déclare M. Castaing. Pour ce faire, un numéro est à retenir : le 05.62.XX.XX.XX. Outre la perte financière conséquente, l’agriculteur est meurtri par la mort de ses bêtes. De plus, il n’a toujours pas retrouvé une vingtaine de ses brebis.

Sur la sécheresse, sur la misère, sur le biocarburants, sur la tristesse

Je pense bien à vous, qui souffrez tant du manque d’eau. Je pense à toi, Petite Bergère – Anne -, pourtant installée près de la Grande Brière, supposée zone humide. Je souffre avec vous, incomparablement moins, mais sans hypocrisie, de cette terrible sécheresse. Vous ne le savez pas, mais quand l’eau vient à manquer dans mon petit pays du Sud, j’en suis malade. Toute l’année, je tanne mon ami Patrick au téléphone pour savoir s’il a plu. En septembre, en novembre, en mars, en mai. Il en rigole, il me moque. N’empêche : je ressens d’une manière inexplicable l’absence de ce qui nous constitue, à 70 % au cas où vous l’auriez oublié. Nous sommes avant tout de l’eau. Et c’est merveille.

Cette année maudite devrait, pourrait être l’occasion de repenser enfin nos rapports avec cette immense déesse toujours en mouvement. Il n’y a qu’une seule voie : dire et redire et convaincre et se convaincre que l’eau est sacrée. Qu’aucun droit humain ne peut autoriser à la souiller, à la polluer, à la fabriquer comme le font les marchands – Veolia, Suez -, la changeant en un grand malade perclus de molécules dangereuses. Mais nous n’en sommes pas là, n’est-ce pas ? Et il y a le Sud, n’est-ce pas ? Oui, il y a ce Sud où l’on rêve d’eau potable. Où un milliard d’affamés chroniques cherchent leur pitance jusqu’au milieu de l’immondice. Il est vrai. Je ne peux que vous conseiller la lecture d’un rapport parfait de l’association internationale Oxfam, que je salue bien volontiers (le rapport, en français, est ici).

Inutile de paraphraser. Oxfam présente ainsi ce travail intitulé Cultiver un avenir meilleur : « Ce rapport décrit une nouvelle période de crises : flambée des prix des denrées alimentaires et du pétrole, phénomènes météorologiques dévastateurs, récessions financières et contagion mondiale. Derrière chacun de ces chocs, des crises sous-jacentes continuent de couver : un changement climatique rampant et insidieux, des inégalités croissantes, une vulnérabilité et une faim chroniques, l’érosion de nos ressources naturelles ». Oh ! je ne prétends pas que c’est gai. C’est infiniment triste. Au passage, je précise qu’Oxfam s’en tient à des explications politiques que je juge bien au-dessous de la vérité. Car selon moi, ce qui se passe n’est rien d’autre qu’une guerre sociale d’une ampleur jamais vue dans l’histoire des hommes. Mais, oserai-je l’écrire ? En la circonstance, ce n’est pas le principal.

Voici un autre extrait de la présentation, qui cible des responsables :

  • En Inde : bien que la croissance économique indienne ait plus que doublé entre 1990 et 2005, le nombre de personnes souffrant de la faim dans ce pays a augmenté de 65 millions, soit plus que l’ensemble de la population française. Un développement économique et des systèmes de sécurité sociale excluant les populations pauvres en milieu rural en sont les principales causes. Aujourd’hui, une personne sur quatre souffrant de la faim dans le monde vit en Inde.
  • Aux États-Unis : les politiques menées par les États-Unis font que 15% des quantités mondiales de maïs sont utilisées comme carburant, même en période de forte crise alimentaire. La quantité de céréales nécessaire pour faire le plein d’un véhicule de type 4×4 ou SUV avec des agrocarburants permettrait de nourrir une personne pendant un an.
  • Les entreprises : quatre multinationales tiennent entre leurs mains le pouvoir de décisions relatives au système alimentaire mondial. Trois entreprises seulement – Archer Daniels Midland, Bunge et Cargill – contrôlent environ 90% du commerce mondial de céréales. Leurs activités entraînent la volatilité des prix alimentaires, ce dont elles profitent. Lors du premier trimestre de 2008, en pleine hausse mondiale des prix alimentaires, les profits de Cargill avaient augmenté de 86%. Et l’entreprise connaît des profits record cette année grâce à des ruptures d’approvisionnements au niveau mondial.

Je reprends le clavier pour vous rappeler que j’ai écrit voici quatre ans, en septembre 2007,  chez Fayard un pamphlet contre les biocarburants (je préfère ce terme immonde, qui est celui des marchands). Dans La faim, la bagnole, le blé et nous, j’annonçais sans disposer pour autant d’une boule de cristal l’imminence de famines, liées au boom sur les biocarburants, et elles se sont produites au printemps 2008. Elles menacent à nouveau, sur fond de déferlement croissant de cette infamie. Je dénonçais le lobby français qui pousse au développement d’une filière criminelle, financée sur fonds publics. Et il a prospéré. Aucune association écologiste, pourtant dûment informée par mes soins, ne m’a suivi. Cette inertie a beaucoup compté au moment où j’ai décidé d’écrire Qui a tué l’écologie ?, paru le 16 mars dernier.

Aujourd’hui, comme nul n’a bougé, les autres ont avancé et même cavalcadé. Le gros céréalier de Beauce Xavier Beulin est devenu en décembre dernier, dans l’indifférence générale, le président du syndicat de l’agriculture industrielle, la FNSEA. Or Beulin est aussi le président de Sofiprotéol, un groupe agro-industriel spécialisé dans les biocarburants. Chiffre d’affaires 2009 : 5,5 milliards d’euros. Le lobby a donc gagné pendant que nous regardions je ne sais où, mais visiblement pas dans la bonne direction. Autre front actif en France, du côté de Port-la-Nouvelle, dans l’Aude, où un notable « frêchiste » – ancien partisan de Georges Frêche – souhaite financer par notre propre argent une usine de biocarburants. J’ai signé avec d’autres une lettre ouverte à ce brave garçon (lire ici).

Dernier point, de nouveau pour toi, Petite Bergère. Crois-tu que les amis de Xavier Beulin, ces céréaliers gorgés de subventions, et qui vendent à prix d’or leur blé sur le marché international, aideront les éleveurs qui ne peuvent ou ne pourront bientôt plus payer leur foin et leur paille ? Je sais que tu connais la réponse tout comme moi. Oui, ce dimanche, je suis triste.

Doubler la production alimentaire en dix ans !

Voyez comme les choses sont bien faites. On parle des trente ans de l’arrivée de ce cher Mitterrand au pouvoir. On parle de la grossesse supposée de cette grande Carla Bruni-Sarkozy. On parle de tout et bien entendu de rien. Mais cette fois, comme avec une violence plus insupportable que d’habitude. Les lecteurs anciens et réguliers – pardon aux autres – de Planète sans visa savent que je pense davantage aux miséreux du Malawi et du Pérou qu’aux innombrables petits marquis, qui de droite, qui de gauche. Leur sort m’importe. Ce qui explique, entre autres, pourquoi je ne voterai jamais – JAMAIS – pour Dominique Strauss-Kahn, l’homme des Porsche et du Fonds monétaire international (FMI).

Je vous glisse ci-dessous un document unique en son genre. Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, vient de rendre un rapport extraordinaire. La production alimentaire mondiale, dit-il, pourrait doubler en dix ans grâce à l’agroécologie. Grâce à des techniques agricoles qui se passent de chimie et de pesticides. Qui rendent autonomes les gueux. Qui remplissent le ventre des affamés chroniques. Lesquels sont, selon une sinistre statistique officielle, 1 milliard et 200 millions d’êtres. Autrement exprimé, le monde pourrait en l’espace de dix ans connaître une révolution écologique et morale. Ne me dites pas, ne me dites surtout plus que nous manquons d’espoir. Et de raisons de se battre. Nom de Dieu ! Debout !

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Rapport ONU :
L’agroécologie peut doubler la production alimentaire en 10 ans

GENÈVE – En à peine 10 ans, les petits agriculteurs peuvent doubler la production alimentaire des
régions vulnérables en recourant à des méthodes de production écologiques, affirme un nouveau
rapport de l’ONU.* Fondé sur un examen approfondi des plus récentes recherches scientifiques, le
rapport appelle à un virage fondamental en faveur de l’agroécologie comme moyen d’accroître la
production alimentaire et de réduire la pauvreté rurale.

« Si nous voulons nourrir 9 milliards de personnes en 2050, il est urgent d’adopter les techniques
agricoles les plus efficaces », explique Olivier De Schutter, Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit
à l’alimentation et auteur du rapport. « Et les preuves scientifiques actuelles démontrent que les
méthodes agroécologiques sont plus efficaces que le recours aux engrais chimiques pour stimuler
la production alimentaire dans les régions difficiles où se concentre la faim. »

L’agroécologie applique la science écologique à la conception de systèmes agricoles qui répondent
aux défis climatiques, alimentaires et de pauvreté rurale. Cette approche améliore la productivité
des sols et protège les cultures en s’appuyant sur l’environnement naturel comme certains arbres,
plantes, animaux et insectes.

« À ce jour, les projets agroécologiques menés dans 57 pays en développement ont entraîné une
augmentation de rendement moyenne de 80% pour les récoltes, avec un gain moyen de 116%
pour tous les projets menés en Afrique », explique le Rapporteur de l’ONU. « De récents projets
menés dans 20 pays africains ont même démontré un doublement des rendements des cultures
sur une période de 3 à 10 ans. »

« L’agriculture conventionnelle accélère le changement climatique, repose sur des intrants coûteux
et n’est pas résiliente aux chocs climatiques. Elle n’est tout simplement plus le meilleur choix pour
l’avenir », affirme l’expert de l’ONU.

« L’agroécologie est au contraire reconnue par un nombre croissant d’experts pour son impact
positif en termes de production alimentaire, de réduction de la pauvreté et d’atténuation du
changement climatique. Même le Malawi, un pays qui a lancé il y a quelques années un important
programme de subvention des engrais chimiques, met désormais en œuvre des programmes
agroécologiques. Ceux-ci bénéficient à plus de 1,3 million de personnes qui ont vu les rendements
de maïs passer de 1 tonne/ha à 2-3 tonnes/ha. »

Le rapport souligne aussi que les projets agroécologiques menés en Indonésie, au Vietnam et au
Bangladesh ont réduit de 92% l’utilisation d’insecticides pour le riz, permettant aux agriculteurs
pauvres de faire d’importantes économies financières. « Remplacer les pesticides et les engrais
par la connaissance de la nature fut un pari gagnant, et des résultats comparables abondent dans
d’autres pays asiatiques, africains, et latino-américains », note Olivier De Schutter.

« L’approche gagne aussi du terrain dans les pays développés comme les États-Unis, l’Allemagne
ou la France », poursuit l’expert. « Toutefois, en dépit de son incroyable potentiel dans la
réalisation du droit à l’alimentation, l’agroécologie est encore insuffisamment soutenue par des
politiques publiques ambitieuses, et peine donc encore à dépasser le stade expérimental. »
Le rapport identifie une douzaine de mesures que les États devraient mettre en œuvre pour
développer les pratiques agroécologiques.

« L’agroécologie est une approche exigeante au niveau des connaissances », explique Olivier De
Schutter. « Elle requiert donc des politiques publiques qui soutiennent la recherche participative et
la vulgarisation agricole. Les États et les donateurs ont ici un rôle clé à jouer. Les entreprises
privées n’investiront ni leur temps ni leur argent dans des pratiques qui ne peuvent être
récompensées par des brevets et qui n’ouvrent pas de marchés pour des produits chimiques ou
des semences améliorées. »

Le Rapporteur spécial exhorte notamment les États à soutenir les organisations paysannes, qui
sont un maillon essentiel dans l’identification et la diffusion des meilleures pratiques
agroécologiques. « On sait aujourd’hui que soutenir l’organisation sociale a autant d’impact que la
distribution d’engrais. Lorsqu’ils travaillent ensemble, les paysans et les scientifiques sont une
source importante de pratiques innovantes », poursuit l’expert de l’ONU.

« Nous ne réglerons pas les problèmes de la faim et du changement climatique en développant
l’agriculture industrielle sur de grandes plantations », affirme Olivier De Schutter. « Il faut au
contraire miser sur la connaissance des petits agriculteurs et sur l’expérimentation, et améliorer les
revenus des paysans afin de contribuer au développement rural. Un soutien énergique aux
mesures identifiées dans le rapport permettrait de doubler la production alimentaire dans les 5 à 10
ans dans des régions où la faim sévit. La réussite de la transition à mener dépendra de notre
capacité à apprendre plus vite des innovations récentes. Nous devons aller vite si nous voulons
éviter une répétition continue des crises alimentaires et climatiques au cours du 21ème  siècle. »

Olivier De Schutter a été nommé Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation en mai 2008 par
le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il est indépendant de tout gouvernement et de
toute organisation.

Pour plus d’informations sur le travail du Rapporteur spécial : ici ou .

Jean-Stéphane Devisse et la honte Monsanto

J’ai connu jadis un homme appelé Jean-Stéphane Devisse. Il s’occupait entre autres de transports et de Pyrénées. Je le trouvais sympathique et compétent. Il était en outre un écologiste, ce qui me comblait. Les années ont passé, et Jean-Stéphane Devisse est devenu directeur des programmes du WWF en France. Le problème, le problème pour moi, c’est que je ne le reconnais pas. Dans le texte que vous lirez après mon commentaire, en intégralité, il me fait honte. Je sais que cela paraîtra exagéré. Je sais que Devisse considérera ce qualificatif comme un outrage. Mais je le maintiens, car c’est très précisément ce que je ressens. De la honte. Ainsi, nous en sommes là.

Vous lirez son texte, et il va de soi que vous penserez ce que vous souhaitez. Vous pouvez être d’accord avec lui. Mais alors, vous serez en désaccord complet avec moi. Ainsi. Asi. Commençons par le plus simple, le plus évident. La « bandes quatre », que je fustige dans mon livre Qui a tué l’écologie ?, s’est concertée au moment d’éventuellement répondre à mon travail. Ce n’est pas sot. Ce n’est pas très courageux, mais ce n’est pas sot. Et la décision a été prise de se taire. Le pari, que l’on peut toujours jouer, c’est que mon livre sera tôt oublié. Tous le sont tôt ou tard. On verra. Mais ce n’est pas qu’un cri. C’est aussi une enquête qui met en cause, qui accuse et interroge certaines pratiques. C’est avec le WWF que je suis le plus dur, car aucune association« écologiste » n’est allée aussi loin dans le compagnonnage avec des hommes insupportables et des industries criminelles.

Or donc, silence total sur ce livre. À ce stade, cela vaut aveu. Même si vous n’achetez pas mon livre et que vous ne faites que le feuilleter, vous comprendrez vite que, moralement au moins, on ne saurait se taire. Ou ce que j’écris est vrai, et c’est TRÈS grave. Ou c’est faux, et il faut bel et bien réagir. En tout cas, le texte de Devisse ci-dessous est d’une rare contorsion. Il entend répondre à une – sur 20 – de mes graves accusations, celle qui, dans l’esprit du WWF en France, est la plus susceptible de faire des dégâts. Celle sur le soja. Mais, comme la règle en a été définie, pas question de me citer. Ce qui donne un texte baroque et, j’en suis désolé, pitoyable. Car il ne donne à personne la possibilité de comprendre ce dont il s’agit. On répond donc à l’homme invisible, qui a proféré des paroles muettes. Jean-Stéphane Devisse, encore bravo.

Cela, c’était pour moi le plus évident. Le reste l’est moins. Je mets quiconque au défi de seulement comprendre ce texte. Sauf ceux, peu nombreux, qui connaissent un peu la réalité de terrain de l’Amérique comprise entre Brésil, Argentine et Paraguay. J’en suis. Devisse n’en est pas. Il décrit des généralités, fausses d’ailleurs, et prend bien soin de ne pas évoquer UNE SEULE structure de combat contre le déferlement du soja, et du soja transgénique, dans ces pays martyrs. L’eût-il fait, il aurait été contraint de reconnaître que les vrais écologistes de cette partie du monde – pas les bureaucrates du WWF-Brésil, depuis leurs sièges climatisés des capitales – se battent, au risque parfois de leur vie, contre la dévastation. De rien vers 1970, le soja a progressivement conquis près de 50 millions d’hectares, au détriment de la forêt tropicale et de milieux biologiques aussi merveilleux que le cerrado  – une savane – du Brésil. Une telle révolution dans l’usage des sols s’accompagne – évidemment ! – d’atteintes massives aux droits de l’homme dans des pays où la police et l’armée sont au service des propriétaires terriens. Il y a de très nombreux cas documentés d’expulsions meurtrières contre des communautés locales, paysannes ou indiennes. Le soja est une arme de destruction massive. Mais Devisse s’en fout. Car il a pris le parti des bureaucraties de son association contre la cause des peuples et des paysans.

Au centre de la destruction, il y a des transnationales comme Monsanto. Il est vrai que je cite cette société parce qu’elle n’a pas besoin, chez nous, de commentaire. Monsanto, c’est Monsanto. Et rien n’effacera jamais cette flétrissure : le WWF, poussé par sa section américaine, qui a lié son destin à celui des transnationales, siège dans une table-ronde destinée à promouvoir un label commercial pour le soja. Avec Monsanto. C’est ce qu’on appelle The Round Table on Responsible Soy (RTRS). Si vous avez envie de vous faire mal, vous pouvez aller jeter un regard sur le site internet de cette infamie sociale et écologique (ici). Cette farce macabre dure depuis 2004. Bien entendu, le WWF, qui n’est tout de même pas naïf à ce point, sert de caution « écologique » à une entreprise purement commerciale.

Je plains Devisse, qui ne sait évidemment rien de ces luttes où l’on risque tout, qui se croit malin d’écrire : « Qu’est-ce qu’on y fabrique, autour de cette RTRS ? On discute de critères de production. De la protection des populations. Du droit des syndicalistes. De la protection des forêts à haute valeur de conservation et des rivières. Des engrais et des pesticides. De la nécessité de séparer les filières OGM des non OGM .
» Ça discute sec, autour de la RTRS. On s’y engueule. On frappe du poing sur la table. On résiste au cynisme, au refus d’aborder certains sujets, au mépris des mâles dominants qui forment le corporate de la plupart des firmes d’agro-business. Ce n’est pas gagné, et on ne sait évidemment pas ce qu’il en sortira. Mais nous ne sommes pas naïfs. Si l’on n’en connaît pas l’efficacité, on sait seulement que si l’on n’y siège pas, ou si cette RTRS n’existait pas, on perd la possibilité de la discussion avec les principaux responsables. Au WWF-France, nous faisons totalement confiance aux capacités tactiques de nos collègues Brésiliens pour faire évoluer la filière ».

Si l’enjeu n’était pas la vie et la mort des hommes et des écosystèmes dont ils dépendent, Devisse me ferait rire. Car il est comique d’imaginer des ectoplasmes taper du poing sur la table pour obliger des transnationales à renoncer à leur niveau de profit. Mais je l’ai pas l’âme à plaisanter sur des choses aussi sérieuses. Devisse se déshonore, et voilà tout.

On lira, après son texte, un autre point de vue, extrait d’un article de Javiera Rulli (La soja mata), traduit par l’ami Christian Berdot (Le texte complet en français : ici). Javiera est responsable de la noble association argentine appelée Grupo de Reflexión Rural (ici), qui se bat notamment contre le déferlement de l’agriculture transgénique. Quand donc le WWF paiera-t-il le prix de ce qu’il fait réellement ?

LE TEXTE DE JEAN-STÉPHANE DEVISSE, DU WWF-FRANCE

Soja : faut-il ou non discuter avec le diable ?

Jean-Stéphane Devisse (WWF) – 7 avril 2011

Depuis peu, le WWF est l’objet de critiques quant au soutien qu’il serait soupçonné d’apporter aux responsables de la production de soja en Amérique du Sud, et donc « aux pires pratiques de l’agrobusiness ».

C’est totalement mensonger, ces insinuations reflétant au mieux une méconnaissance profonde du dossier, au pire une volonté d’affaiblir le WWF et les ONG qui s’efforcent d’intervenir dans des situations complexes.

Cela fait plus de 20 ans que le WWF, aux côtés de nombreux acteurs régionaux, alerte l’opinion mondiale et les décideurs sur le bouleversement que connaît l’Amérique du Sud.

Principalement médiatisée par la déforestation du bassin amazonien, cette catastrophe écologique et humaine se retrouve dans l’ensemble du « Cône Sud », conséquence d’une généralisation de l’agriculture intensive et notamment de la production du soja.

Depuis, une partie substantielle du continent s’est transformée en monoculture, au prix d’une brutalité inouïe, mélange de spoliation des populations, recours à une main d’œuvre quasi réduite à l’esclavage, destruction à grande échelle des milieux naturels, pollution des cours d’eau, émissions considérables de gaz à effet de serre, etc.

Plus récemment ont été introduites les semences OGM, au point désormais de concerner 60% du soja brésilien et presque 100% en Argentine et au Paraguay, au point même que des acteurs européens de la grande distribution rencontrent des difficultés croissantes à se fournir en soja non OGM. Au point que cette filière d’approvisionnement non OGM est à présent menacée, tandis que sa disparition bannirait toute distinction entre soja OGM et soja non OGM…

Ce soja, il va sans dire, est exporté en masse à destination du bétail et des volailles en Amérique du Nord, Europe, Chine, etc.

Telle est la situation, qu’on le veuille ou non.

Alors face à ce constat, plusieurs postures sont possibles.

On peut protester, ici ou là, au gré des forum de discussion du web, et s’en contenter. Ça permet peut-être de se donner bonne conscience, mais comme efficacité c’est plutôt limité.

On peut diffuser des documents consacrés au problème, occasionnellement déployer des banderoles sur les navires importateurs de soja dans les ports européens, lobbyer les autorités françaises et européennes, proposer un durcissement des réglementations (ici en Europe) : de nombreuses ONG européennes s’y emploient pour tout ou partie, le WWF comme les autres. On nous rétorque en général qu’ici on n’y peut pas grand-chose, ou du moins l’efficacité de ces actions s’en trouvera toujours limitée par le fait assez facile à comprendre que ceux qui réduisent le Sertao ou la Pampa en immense champ de soja le font avec l’assentiment réel ou tacite des autorités des pays concernés…

On peut aussi appeler au boycott des produits, mais on n’a si peu de probabilité d’être massivement suivi qu’on peut aussi militer pour diminuer la part carnée dans l’alimentation des pays riches (mais désormais aussi en Chine et là, on n’a pas beaucoup de prise…), encourager une production de protéines végétales en Europe (de la luzerne et du pois au lieu du soja d’importation), etc. Ça aussi, on le fait, le WWF le fait, beaucoup le font et il faut continuer. Mais cela n’empêche nullement qu’à cette seconde précise, de gros engins sont en train de détruire de grands lambeaux d’exploitations paysannes, de milieux naturels, des kilomètres de rivières… C’est donc insuffisant.

On peut aussi lever des fonds ici, c’est-à-dire dans les pays riches, qui permettront aux ONG sud-américaines d’agir, car il leur faut bien financer des postes, des études, des bureaux, des déplacements, etc. Ça coûte cher, et il faut continuer sans se poser de questions. De nombreuses ONG le font, dont le WWF qui est un des principaux contributeurs, et c’est normal vu que c’est une des ONG environnementales qui parvient à lever le plus de fonds. Ces actions locales consistent à informer sans relâche, à « réseauter », à dénoncer les salopards, à plaider pour « qu’un autre monde soit possible », au prix parfois de grands risques. Est-ce efficace ? Certainement, mais pas assez vu que trop souvent nos interlocuteurs se font rentrer dedans, et que le désastre continue.

On peut aussi construire des labels très exigeants qui permettent de valoriser les quelques bons élèves, Non OGM, bio, etc. Le WWF l’a aussi fait avec les critères de Bâle. Cependant les plantations certifiées représentent une part quasi inexistante de la production, très peu de producteurs de bétails européens utilisent ce soja. Les principaux acteurs ne sont pas impliqués et le soja continue à faire des ravages, vite, très vite.

Et puis enfin, on peut interpeller directement les semenciers et autres multinationales acteurs de la filière et coresponsables du désastre, qu’ils soient Sud-Américains ou autres. Ceux dont les sièges sociaux sont basés en Suisse ou ailleurs en Europe, aux USA, dans les paradis fiscaux, en fait un peu partout dans le monde globalisé et même au Brésil ou en Argentine. Pour tenter de les convaincre, et avec eux les autorités politiques des régions cultivées, de limiter les dégâts, d’adopter des critères de production « plus responsable », plus « propre », plus « développement durable ».

A force de les interpeller des années durant, une « table-ronde du soja responsable » (RTRS) a fini par être mise en place. Elle regroupe les acteurs majeurs de la filière qui au départ n’en voulaient pas. Qui maintenant ont compris qu’ils n’avaient guère le choix, en fait. Parmi eux : Monsanto. Le diable en personne. Egalement, siègent dans le conseil d’administration de la RTRS plusieurs organisations dont le WWF, logiquement représenté par le WWF-Brésil.

Observateur interne, en quelque sorte. Car si on laisse entre eux les industriels, on n’ira pas loin.

Qu’est-ce qu’on y fabrique, autour de cette RTRS ? On discute de critères de production. De la protection des populations. Du droit des syndicalistes. De la protection des forêts à haute valeur de conservation et des rivières. Des engrais et des pesticides. De la nécessité de séparer les filières OGM des non OGM .

Ça discute sec, autour de la RTRS. On s’y engueule. On frappe du poing sur la table. On résiste au cynisme, au refus d’aborder certains sujets, au mépris des mâles dominants qui forment le corporate de la plupart des firmes d’agro-business. Ce n’est pas gagné, et on ne sait évidemment pas ce qu’il en sortira. Mais nous ne sommes pas naïfs. Si l’on n’en connaît pas l’efficacité, on sait seulement que si l’on n’y siège pas, ou si cette RTRS n’existait pas, on perd la possibilité de la discussion avec les principaux responsables. Au WWF-France, nous faisons totalement confiance aux capacités tactiques de nos collègues Brésiliens pour faire évoluer la filière.

Voilà l’histoire. Alors non, le WWF ne soutient pas Monsanto et son Soja round up ready OGM. Ça, c’est du gros mensonge. Non, le WWF ne soutient pas les pires pratiques de l’agrobusiness, puisque précisément il les combat. Avec beaucoup d’autres. Sur plusieurs fronts, dont pas un est inutile, même le front du dialogue.

Bien sûr les puristes hurlent et protestent. Pas de dialogue avec le Diable ! Ils disaient la même chose lorsque, avec d’autres, le WWF s’est mis à discuter avec les exploitants forestiers d’Afrique Centrale, par exemple. Pour une certification FSC des exploitations forestières qui, aujourd’hui, montrent qu’on peut diminuer fortement les impacts à défaut de les supprimer, le temps que les consommateurs de bois tropicaux que nous sommes, nous les pays riches, apprenions à choisir avec davantage de discernement les biens et matériaux que nous utilisons.

Voilà, tout est dit. Que ceux qui refusent l’idée même du dialogue s’interrogent sur la portée de leurs actions réelles, et qu’ils concentrent leur feu sur les premiers responsables du désastre.

Jean-Stéphane Devisse, directeur des Programmes WWF-France.

L’EXTRAIT DU TEXTE DE JAVIERA RULLI

Plateforme d’écoblanchiment

La Table Ronde sur le Soja Responsable (RTRS) est une large coalition comprenant de grands groupes industriels et des groupes environnementalistes comme le WWF. Depuis 2004, elle essaye de développer une série de critères « durables » pour la production intensive en monoculture du soja en Amérique du Sud. Les critères de la Table Ronde n’excluent pas les OGM, ce qui n’a rien d’étonnant puisque Monsanto et Syngenta l’ont rejoint en février 2009. Ces dernières années, le WWF a aussi fondé la Table Ronde sur l’Huile Palme Durable (RTSO), l’Initiative pour une Meilleure Canne à Sucre (BSI) et la Table Ronde sur les Biocarburants Durables (RTSB). Le WWF joue un rôle clé en permettant aux plus grandes sociétés de l’agrobusiness de se donner un semblant de responsabilité sociale et environnementale et en leur permettant d’écoblanchir la production de matières premières mondiales (souligné par le traducteur). Ces initiaitves ont aussi pour but de détourner, de fausser et d’affaiblir les accords politiques internationaux. Les critiques contre la Table Ronde pour le Soja Responsable sont largement reprises au sein des mouvements sociaux et écologistes en Amérique du Sud. Aucun de ces mouvements ne participe à cette Table Ronde.

Action au siège de WWF Pays-Bas

Le dompteur Monsanto fait danser le Panda WWF… Début 2009, après la 4ème Conférence de la Table Ronde sur le Soja Responsable, on peut lire dans la déclaration de Campinas qu’un des premiers objectifs en est la réduction des gaz à effet de serre. Les critères de durabilité comprennent des directives sur les bilans carbone des exploitations en liaison avec l’utilisation de combustible et la qualité du sol (en tenant compte de l’agriculture de conservation, la rotation des cultures et une fertilisation équilibrée). Les critères de la RTRS ont servi de cadre pour les critères de l’ « Agriculture Certifiée » de l’AAPRESID. Et l’AAPRESID est aussi membre de la… RTRS.

En juin 2009, un communiqué de presse de la RTRS, la Table Ronde sur le Soja Responsable, mentionnait pour la première fois des crédits carbone en liaison avec les forêts et la protection du sol. Pour Jason Clay, l’expert agricole du soja qui dirige le travail du WWF avec les marchés internationaux : « Le challenge maintenant est de trouver les mécanismes pour récompenser les agriculteurs qui protègent les forêts et les sols en leur permettant de vendre des crédits carbone à côté de leur soja ». Pour lui, « C’est une situation gagant-gagnant. Les forêts et les sols sont protégés, les producteurs ont une source de revenus supplémentaire et les grossistes et propriétaires de marques peuvent maintenant acheter du soja responsable comme un moyen de diminuer leur empreinte carbone. Cela change la nature même du soja et en fait un tout nouveau type de produit »(Souligné par le traducteur). Auparavant, Clay avait promu « la rotation culture intégrée x bétail avec Zéro labourage » dans la région amazonnienne comme un moyen de diminuer la déforestation, mais récemment il a changé de discours et a commencé à parler de crédit carbone.

Pour finir, le lobby des biotechnologies est prêt pour Copenhague et il semble bien qu’il ait un orde du jour proche de celui des grands groupes environnementalistes. Dans un document récent de l’association états-unienne de lobbying des biotechnologies, BIO, un des objectifs surprenants était de chercher à collaborer avec le WWF. D’autre points à aborder dans le nouveau traité sur le climat, sont les menaces concernant les enjeux liés à la propriété intellectuelle. Quand aux avantages, il peut s’agir du potentiel d’aides et de subventions pour les fournisseurs de biotechnologies et des incitations gouvernementales pour le développement international des biotechnologies. Les recommandations incluent aussi, ce qui ne surprendra personne, une collaboration étroite avec les Etats-Unis et les gouvernements amicaux. Avant que la 15 ème Conférence des Parties ne se tienne, il y a encore beaucoup à rechercher et révéler sur la course de l’agrobusiness pour accéder au marché des crédits carbone. Il est cependant urgent qu’un débat critique commence aussi entre organisations et autres mouvements, afin qu’une stratégie d’action et un message clairs, forts et sans concession se dégage contre « l’offensive climatique » de l’agrobusiness. En ce moment les slogans des mouvements sociaux comme « La petite agriculture durable refroidit la terre » pourraient s’avérer ne pas être suffisants pour contrer l’avance massive de la machinerie de l’agrobusiness sur la scène des changements climatiques. Il est nécessaire d’identifier et de dénoncer les acteurs du lobby des multinationales comme Monsanto et les autres entreprises de biotechnologies.

Mais il est aussi important de mettre en lumière le rôle que jouent les grandes ONG environnementalistes, comme le WWF (Fond Mondial pour la Nature), le TNC (The Nature conservancy), l’UICN (l’Union Mondial pour la Nature) [2] dans ces processus multipartites sur la Responsabilité Sociale des Entreprise et de renforcer leur rejet » (Souligné par le traducteur).

La première des choses à faire (sur la faim)

Les ennuis continuent sur Planète sans visa. Aucun commentaire ne peut être mis en ligne, pour des raisons qui m’échappent, et qui, comme je l’ai dit la dernière fois, ont peut-être à voir avec une intention. Mon ami Alban s’occupe de l’affaire, qui trouvera son épilogue rapidement, je l’espère en tout cas.

Nous avons évidemment besoin d’une révolution morale. Avant tout autre mouvement humain, nous avons besoin de proclamer l’unité, l’unicité de notre espèce, et l’égalité essentielle de ses membres. Rien ne pourra changer réellement, dans la profondeur de l’âme, si nous ne marchons pas à la rencontre de la réalité. Et cette réalité, avant tout autre considération, c’est que plus d’un milliard de nos frères souffrent de la faim. C’est un drame, c’est une complète abjection. Nul ne peut rien demander à personne si cette question n’est pas réglée.

Or, elle ne l’est pas. Au printemps 2008, une dramatique flambée des prix alimentaires avait provoqué, dans nombre de pays du Sud, des émeutes de la faim. Cela recommence, en pire peut-être. La Banque mondiale, cette ennemie des peuples – mais pas des régimes -, alerte dans un rapport les supposées élites du monde oublié. Selon ses chiffres, 44 millions d’êtres aussi importants que vous ou moi sont passés sous le seuil de l’extrême pauvreté entre juin et décembre 2010, rejoignant environ un milliard d’affamés chroniques. Ils seraient 1,2 milliard à survivre avec 1,25 dollar par jour. Selon l’indice de la Banque, les prix alimentaires ont augmenté de 15 % entre octobre 2010 et janvier 2011. Comment voulez-vous qu’un extrême pauvre puisse espérer s’en sortir ?

Ces chiffres, ces évocations ont par force quelque chose d’obscène. Car nous mangeons. Tous. Je le répète au risque de me faire malmener : tous. On ne peut feindre la tragédie, on ne saurait ruser avec cette complète horreur qu’est la famine. Il faudrait la connaître, et nous l’ignorons. Faut-t-il insister ? Si je devais voter un jour, ce serait pour des candidats qui mettraient au premier plan cet impératif catégorique de tout projet public digne d’être proposé, et approuvé. Le reste est infâme.

Le point de départ de toute renaissance, en nos terres occidentales, est le combat pour la destruction de l’agriculture industrielle. Et le soutien déchaîné, quel que soit le prix à payer, à l’agriculture vivrière. Celle des peuples. Celle des pauvres. Celle des estomacs vides. Tant que nous n’y serons pas parvenus, nous n’aurons rien fait.