Archives de catégorie : Agriculture(s)

La révolte des chapeaux de paille

Je continue à penser à Haïti. J’y pensais avant le tremblement de terre qui a tué 250 000 personnes et chassé de chez eux 1,3 million de personnes au moins ( lire ici). J’y pense encore, tentant de superposer ce que j’ai vu par là-bas il y a trente ans, et ce qui peut bien rester en place. Dans un temps lointain, j’ai vécu dans une ville ravagée par un séisme comparable, sept ans avant que je ne m’y installe. Rien n’avait été rebâti sérieusement. Je marchais dans des ruines entassées proprement au ras des trottoirs. Oui, il y avait des trottoirs, traversant cette ville fantôme surchargée de gravats et de plantes tropicales. Mon Dieu ! c’était étrange.

Un jour, passant non loin d’un des rarissimes bâtiments anciens encore sur pied, j’ai entendu des cris d’enfants et des rires puissants qui m’ont transpercé. On eût dit une nouvelle fantastique de Gabriel José de la Concordia García Márquez, avant que sa sénilité ne le transforme en valet au petit pied du dictateur cubain. Des cris d’enfants, au milieu des ruines et de la fin du monde. Il y avait là une façade intacte, dont les ouvertures ouvraient sur le ciel et sur le vide. Rien qu’une façade de pierre,  roide, impeccable, sans la moindre profondeur de champ. J’ai passé ce qui avait été la porte, et je n’en ai pas cru mes yeux. Dedans, au dedans de cette maison jadis opulente, demeurait une piscine de belle taille, où les riches du pays, probablement des fils de pute amis du caudillo local, devaient jadis s’ébrouer, un drink à la main.

Mais les riches étaient depuis longtemps réfugiés à Miami, et la piscine puait l’eau croupie des tropiques. Elle était pleine d’eau, d’une eau verte et fétide, d’une eau morte et gluante, d’une eau d’émeraude maladive. Mais pleine de gosses, également, qui n’avaient jamais entendu parler de tétanos, de poliomyélite, de bactéries tueuses. Ils étaient une quarantaine, nageant, sautant depuis des plongeoirs rouillés, s’aspergeant, se hurlant dessus, riant jusqu’à tomber à la renverse. J’ai aimé ce pays et ses habitants, Dieu m’en est le témoin. Et si Lui ne s’en souvient pas, moi si.

Haïti est un autre pays, car dans celui que j’évoquais, on parlait une langue castillane que je trouvais étouffée, retenue, aspirée. Je me souviens qu’un chauffeur de taxi – mais a-t-on le droit de parler de chauffeur, et de taxi pour désigner ce qu’était ce transport-là à ce moment-là ? – m’avait demandé, un de mes premiers jours sur place après certains événements majeurs, si je n’étais pas Chilien. Et je n’étais pas Chilien, non, bien que j’eusse alors aimé en être un. Haïti. J’ai pensé, je pense à une manifestation inouïe du Mouvman Peyizan Papay (MPP), qui s’est déroulée ces derniers jours dans la petite ville de Hinche.

Ces hommes et femmes parmi les plus pauvres de la planète ont envoyé au diable un « don » de 475 tonnes de semences hybrides « offertes » par Monsanto. Ils disent qu’il s’agit de semences OGM, destinées en fait à conquérir le marché haïtien, car il n’y a pas de petit profit pour un immense salopard comme Monsanto. Lequel salopard nie, et parle de calomnie. Je vous le dis, je vous assure que je m’en fous royalement. Car je pense à cette foule de milliers de paysans à chapeau de paille et chemise rouge qui ont osé dire merde à l’Empire et à tous ses séides. Voulez-vous savoir ? Je les admire du plus profond de mon âme.

Ces oliviers qui signifient la guerre (Incursion en Palestine)

Je ne découvre pas la Lune, non pas. Je sais dans les grandes lignes ce qui s’est passé en Palestine, au moins depuis les années 20 du siècle écoulé. L’aspiration de certains Juifs à fonder sur cette terre un État. L’émergence d’une superbe génération de pionniers, sionistes, socialistes, souvent universalistes malgré certaines apparences. ??? ??-??????, c’est-à-dire David Ben Gourion, alias de David Grün, en fut le plus noble symbole. Mais cet homme, bien que né en Pologne, avait émigré en Palestine dès 1906, à l’âge de 20 ans. Il n’avait donc pas connu directement la destruction de tant des siens.

Je ne sais pas si Israël, créé en 1948, aurait vu le jour sans cette impensable Shoah dont l’ombre continue de me hanter. Sans ce génocide à l’impossible prescription, ce crime sans pardon perpétré par les nazis contre les Juifs d’Europe. Dans l’immédiat après-guerre, des milliers de Juifs askhénazes, parlant yiddisch – quelle langue somptueuse ! -, rescapés des camps de la mort, réchappés des ghettos de Russie, de Pologne, de Hongrie, de toute l’Europe centrale défunte, gagnèrent cette Palestine qui leur semblait l’unique chance de salut. Beaucoup appartenaient à ce que l’on nommait encore le mouvement ouvrier. Ce sont eux qui fondèrent l’État juif et les kibboutzim, croyant encore au mieux de l’homme, malgré le pire.

De leur côté, les grands États sortis vainqueurs de la guerre totale au fascisme – la France, l’Angleterre, les États-Unis, mais aussi l’Union Soviétique – tombèrent d’accord sur la création d’un pays sioniste, susceptible d’accueillir toute la misère juive de l’univers. Bien malin qui pourrait aujourd’hui distinguer entre la culpabilité de n’avoir rien tenté contre Auschwitz et le souhait lâche que ne soit plus posée – pour eux, chez eux – la supposée « question juive ». Le fait est que des Juifs de partout ont installé de force, au milieu de nulle part, mais sur une terre saturée d’histoire religieuse, un gouvernement, une police, une armée. Les Palestiniens, de nombreux Palestiniens furent chassés de leurs terres ancestrales. Je vous prie d’excuser ce long préambule. Dès que l’on parle des Juifs, il convient d’être clair. Je le suis. J’exècre, je maudis, j’envoie aux flammes de l’enfer les antisémites, qui ne sont pas, à mes yeux, des humains. Je me reprends : humains ils sont. Les plus affreux d’entre nous, car obscurcissant le mal absolu, ils le rendent de nouveau possible.

Mais il y a les Palestiniens. Rien ne m’empêchera d’écrire qu’ils sont traités avec barbarie par le pouvoir israélien. Un pouvoir qui n’a que lointain rapport avec le rêve des fondateurs. On pourrait, on pourra gloser à l’infini sur cette dégénérescence morale, cet affaissement, cet avilissement d’êtres dont certains, et non des moindres, étaient pourtant des survivants. Cela ne me rend pas triste, cela me désespère. J’ajoute, non pour minorer, mais pour être juste, que beaucoup, parmi ceux qui défendent les Palestiniens et attaquent Israël, n’ont jamais levé le moindre petit doigt contre d’autres pratiques ignobles qui se déroulaient au même moment dans les pays arabes.

Je ne vais pas dresser une liste, elle serait bien trop longue. Rappelons quelques exemples. En 1982, le clan alaouite du président syrien Hafez el-Assad assiège et détruit la ville de Hama, place-forte des Frères musulmans. Après 27 jours de siège, entre 10 000 et 25 000 civils sont tués. En avez-vous seulement entendu parler ? En septembre 1970, les Bédouins du roi Hussein de Jordanie tournent leurs canons contre les camps de réfugiés palestiniens. Ces Palestiniens qui sont pourtant l’immense majorité de la population de ce pays. L’affaire est certes complexe, mais les morts meurent. Entre 3500 et 10 000 Palestiniens sont tués. Bien plus se réfugient au Liban, où nombre croupissent encore, parfois depuis 1948, dans des baraquements provisoires. Provisoires depuis 62 ans. Depuis qu’Israël les a chassés de chez eux, oui. Je laisse de côté le sort fait aux Kurdes. J’oublie donc les 5 000 morts gazés d’Halabja, grâce notamment à des avions Mirage du bon monsieur Dassault, au temps où Saddam était l’ami de Chirac et de Chevènement. Oui, bien obligé, je laisse de côté des flots de sang arabe versés par des Arabes, et qui n’ont jamais ému personne en France.

Il n’en va pas de même avec Israël. Et d’une certaine manière, même si un fonds antisémite se cache souvent dans les replis du drapeau palestinien, cela me semble juste. Israël est un pays à part, qui devrait, à mes yeux, se fixer des devoirs plus impérieux que d’autres, ne fût-ce qu’en hommage aux disparus de l’effroyable. Tel n’est pas le cas. Hacène, très attentif lecteur de Planète sans visa, me signale la manière dont des colons d’Israël s’attaquent aux oliviers souvent centenaires des Palestiniens de Palestine. Certes, j’en avais entendu parler. Certes, je l’avais oublié. Le drame est là-bas si complet qu’il est bien difficile d’en distinguer les si nombreuses victimes.

Mais oui, l’arrachage des oliviers est un crime singulier. Car cet arbre est provende pour les pauvres, et il incarne non seulement la beauté, mais la permanence, l’histoire, le passage du temps et des générations, le travail des hommes, le miracle de la nature mille fois renouvelé. Et la paix ? Bien sûr, la paix. On ne sait pas combien d’arbres ont été arrachés au bulldozer pour être replantés en Israël. Combien ont été tronçonnés. Combien ont été brûlés. On ne sait pas ce que la construction du mur entre Israël et le reste de la Palestine a coûté en amandiers, citronniers, dattiers ou oliviers. Peut-être 500 000 de ces derniers ont-ils disparu de la terre où des mains les avaient si longtemps soignés. Peut-être un million. Peut-être bien plus.

Deux faits pour conclure. Terribles tous deux. Le premier tient dans une courte dépêche de l’agence Reuters en date du 21 juillet 2009 : « Une dizaine de colons juifs à cheval munis de torches se sont livrés lundi à une équipée sauvage près de Naplouse. Ils ont notamment incendié 1500 à 2000 oliviers appartenant à des Palestiniens. Les agresseurs entendaient venger la destruction quelques heures plus tôt par l’armée d’une caravane dans une colonie sauvage installée sans autorisation, rapportent les médias israéliens. L’armée et la police israéliennes n’ont fait aucun commentaire sur cette “descente” des colons. Ces derniers ont aussi tiré des pierres sur des voitures palestiniennes, endommagé cinq véhicules et blessé deux de leurs occupants ».

La deuxième histoire tient dans un rapport (ici) de la noble association de défense des droits de l’homme israélienne Yesh Din, dont le nom hébreu veut dire : « C’est la loi ». Entre 2005 et 2009, Yesh Din a enquêté sur 69 cas distincts de vandalisme contre les arbres, principalement des oliviers, allant jusqu’au brûlage ou à l’arrachage. Tous se sont déroulés en Cisjordanie, c’est-à-dire en territoire occupé militairement par l’armée d’Israël. 27 des cas recensés, soit près de 40 % du total, ont eu lieu au cours des 10 premiers mois de 2009. Aucune mise en examen n’a été prononcée. Une honte ? Elle est totale.

Pesticide mon amour (oh oui, encore)

Vous avez vu ? Vous avez lu ? L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) vient de publier un rapport sur les pesticides (ici). Restez avec moi jusqu’au bout de ce papier, je crois que cela mérite un quart d’heure. Je n’ai cessé de dénoncer ici même, et depuis septembre 2007, les lamentables palinodies du Grenelle de l’Environnement. Il suffit d’aller voir ce que j’ai alors écrit, quand tous les écologistes officiels criaient au triomphe et à la « révolution écologique » made in Borloo and Kosciusko-Morizet. Alors, j’étais seul. Non pas dans l’opinion vivante, je ne sais que trop – triple hourra ! – que vous existez, mais chez les journalistes, sûrement. Il serait cruel de relire aujourd’hui la prose de certains, et cela n’aurait, au reste, aucun intérêt, car les choses sont ainsi de toute éternité.

Il n’empêche que je suis tout de même soufflé par ce rapport parlementaire. En mars 2007, j’ai publié avec mon ami François Veillerette un livre qui est devenu ce qu’on appelle un best-seller (Révélations sur un scandale français, Fayard). Il contient, je le dis sans forfanterie, nombre d’informations jamais publiées. Il démontre l’extrême dangerosité des pesticides, à partir de centaines d’études publiées dans les meilleures revues scientifiques de la planète. Il rapporte l’histoire de la diffusion de ces produits en France. Il raconte comment l’industrie a pu copiner de très, très près avec l’administration française chargée des autorisations et des contrôles. Il examine en détail des affaires comme celles du Gaucho, du Régent, du chlordécone. Il cite des noms, beaucoup de noms, et d’une manière telle que nous aurions pu, François et moi, nous retrouver devant les tribunaux de la République.

Pas une fois, mais dix, mais cent fois. Or rien. Rien du tout. Aucun démenti, aucune contestation sur aucun point. Aucune réponse de l’industrie ou, tiens, de la surpuissante Direction générale de l’alimentation (DGAL) – sévèrement étrillée – et de ses dirigeants successifs. Au passage, je signale que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), née début 2002, est dirigée par madame Catherine Geslain-Lanéelle, qui fut la patronne de la DGAL en pleine tourmente du pesticide Gaucho, accusé de massacrer les abeilles. Ceux qui disposent d’un accès au livre pourront s’y reporter, ils ne seront pas déçus du voyage. Venons-en au rapport de l’Opecst. Il n’aurait pas été incongru d’être entendus parmi d’autres, François et moi. Car nous connaissons tous les deux, et globalement à la différence de tant de spécialistes, la question des pesticides. Mais nous avons été oubliés, comme c’est bête.

Les deux auteurs du rapport s’appellent Claude Gatignol, député UMP de la Manche, et Jean-Claude Étienne, sénateur UMP de la Marne. Ah quels cocos ! Le premier, Gatignol, a été militaire professionnel – garde-à-vous ! – et vétérinaire. Ce qui l’a nécessairement mis au contact de l’industrie de l’agriculture, pesticides compris, pendant des décennies. Est-ce un crime ? Nullement. Mais nous avons encore le droit de savoir deux ou trois bricoles, non ? Gatignol est par ailleurs un amoureux, un fervent de l’industrie nucléaire. Sa circonscription parlementaire comprend notamment la Hague, et il a milité sans aucune cesse pour que Flamanville – toujours sa circonscription – accueille le premier prototype du type EPR.

Ajoutons qu’une plainte a été déposée contre lui en 2005, au motif qu’il aurait détourné 10 000 euros du Fonds de développement économique de l’après-chantier de La Hague (FDEACH). Malgré le non-lieu de 2007 – Gatignol est donc blanchi -, le président UMP du conseil général de la Manche, Jean-François Legrand, a décidé de se mettre en congé de parti. Pour protester contre la bienveillance de l’UMP à l’endroit de Gatignol. Allez comprendre. Ultime détail : à l’automne 2008, Mediapart révélait que Gatignol acceptait des invitations à des chasses payées par l’assureur Groupama. Du lobbying ? M’enfin, voyons, cet homme est député de la République, non ?

L’autre rapporteur, Jean-Claude Étienne, est donc sénateur de la Marne. Il est lui un constant défenseur des biotechnologies et des biocarburants, cette ignominie morale. Voici ce que je lis sur son site personnel (ici) : « Lorsqu’il était premier Vice-président du Conseil régional (1996) et Président de la Commission Enseignement Supérieur, Recherche Scientifique, Vie sociale et culturelle, le Professeur Etienne a été à l’origine de nombreux programmes scientifiques appliqués au développement de l’économie ; rechercher de nouveaux débouchés alimentaires et surtout industriels permettant le maintien à très haut niveau de productivité des entreprises agricoles de la région ». Le gras est dans le texte d’origine, évidemment. J’ajoute, ce qui classe ce type au plus bas dans ma hiérarchie personnelle, qu’il recherche des débouchés « surtout industriels » à l’agriculture. Un professeur de médecine – sa profession première -, dans un monde qui compte un milliard d’affamés chroniques.

La suite. Le 21 octobre 2009, à 23 heures, parlant probablement devant trois vieillards ressemblant aux Assis de Rimbaud  – Oh ! ne les faites pas lever ! C’est le naufrage… -, il déclame :  « Aujourd’hui, on le sent avec les perspectives qui se dessinent, le monde industriel n’est plus étranger au monde de l’agriculture. Il arrive même à ceux-ci d’entrer en résonnance : on parle parfois d’agro-industrie ! Voilà que la nouvelle industrie, intimement liée à la problématique de l’agriculture, apparaît (…) Regardez la nouvelle industrie ! La chimie, par exemple, est une chimie verte. Adieu la chimie du charbon et de l’acier ! Adieu, probablement, les tours de cracking distillant du pétrole : c’est la production agricole qui sera « enfournée » dans ces nouvelles tours. On voit ainsi bouger la nature de l’industrie, qui revient vers la production agricole. La syncrétie entre les mondes agricole et industriel se trouve ainsi créée, régénérant la ruralité ». J’ai laissé les fautes de syntaxe et d’orthographe, dont je ne me sens pas responsable. Pour le reste :  tant d’inepties et d’horreur en si peu de phrases !

Ce sont ces deux hommes, croisés de l’industrie, militants de l’atome et des biocarburants, qui viennent donc de rendre public un rapport sur les pesticides qui va à l’encontre de tout ce qui se publie de sérieux sur le sujet depuis vingt ans. Ils auront même oublié en route l’expertise de l’Inra de 2005, qui pour la première fois mettait lourdement en cause ces poisons hélas certains. Mais nos deux hommes sont ailleurs, en compagnie qui sait, et notent sans état d’âme qu’ils « souhaitent rappeler les bénéfices de l’usage des pesticides et invitent les pouvoirs publics à anticiper les conséquences d’une diminution trop brutale de l’utilisation des pesticides en France ».

Encore faut-il entrer dans le détail de ce texte qui ouvre sur une forme d’aveu. Lisons ensemble une petite partie de l’introduction du rapport. Voici ce qu’ils écrivent dès la page 9, à l’entrée dans un texte de 195 pages : «  Les pesticides ont constitué un progrès considérable dans la maîtrise des ressources alimentaires. Ils ont grandement contribué à l’amélioration de la santé publique en permettant, d’une part, d’éradiquer ou de limiter la propagation de maladies parasitaires très meurtrières (lutte contre les insectes, vecteurs de ces maladies) et en garantissant, d’autre part, une production alimentaire de qualité ». C’est tout simplement extraordinaire. Avant que de développer leur « travail », ils savent. Les pesticides, c’est bon. Après une telle pétition de principe, que peut-on espérer de ce qui suit ? Exact : rien.

La suite n’est là que pour montrer tout le sérieux de l’entreprise. Et nous voici déjà rendus en page 189, pour la conclusion, dont je vous propose les premiers mots : « La mise sur le marché, au milieu du XXe siècle, de produits phytopharmaceutiques a permis aux agriculteurs de disposer de moyens efficaces et rentables pour lutter contre les diverses pressions parasitaires que subissent les cultures. L’augmentation significative des rendements des terres agricoles en résultant, bénéficie également au consommateur de produits frais ou transformés, qui se voit proposer une nourriture abondante et peu chère ». Relisons, chers lecteurs de Planète sans visa. L’introduction et la conclusion ne sont-elles pas proprement identiques ? Ite missa est. Je dirais même plus : Cum tacent, consentiunt. Ce qui veut dire : celui qui se tait consent.

PS : Pour écrire Révélations sur un scandale français, j’ai demandé et obtenu un entretien avec Jean-Charles Bocquet, directeur à Paris de l’Union des industries pour la protection des plantes (UIPP). Derrière ce gentil sigle se dissimule – mal – 98 % du chiffre d’affaires des pesticides en France. Ce charmant monsieur Bocquet m’a reçu le 30 août 2006, et après une petite heure d’entretien, il s’est levé, et m’a dit en souriant : « Vous m’excusez ? Je dois aller faire du lobbying au Sénat ».

Les pedzouilles sont dans la rue (pas moi)

Ce mardi 27 avril 2010, des milliers de paysans venus des régions défilent à Paris. Surtout des céréaliers, mais tel n’est pas vraiment le problème. Ils réclament tous qu’on leur garantisse un revenu décent, ce qui semble bien normal. Sauf que, dans cette histoire, rien ne l’est. Non, rien n’est normal. Et pour commencer, comme à l’habitude, le ministre en charge des questions est un petit démagogue dont le rôle unique est d’empêcher l’éparpillement des voix de paysans aux élections présidentielles de 2012. Car Sa Seigneurie Nicolas 1er, entendant bien se représenter, redoute que cet électorat, promis de toute éternité à la droite, ne lui fasse en partie défaut.

D’où Bruno Le Maire. Un mot. Ce type, aujourd’hui ministre de l’Agriculture, sujet auquel il ne connaît rien, était encore directeur de cabinet de Villepin il y a trois ans, quand notre Bonaparte de bazar se trouvait être Premier ministre. S’il l’avait suivi dans ses pérégrinations, Le Maire dirait ce que Villepin clame sur la politique de Sarkozy. Qu’elle est néfaste, qu’elle est dangereuse pour la France comme pour les paysans. Mais ayant choisi héroïquement la soumission pleine et entière au Président en titre, il invente des fables sur ces pauvres paysans et ces vilains seigneurs, qu’il arrive peut-être, parfois, à croire. Qui sait ? Jusqu’où une carrière de cette sorte peut-elle mener ?

Mais revenons au fond des choses. Michel Debatisse, oublié depuis des lustres, est l’homme de la destruction de l’agriculture française. Plus qu’aucun autre. Le pire est que cet homme était sincère, probablement bon, certainement intègre. Né en 1929 en Auvergne, fils d’authentique gueux, il se forme à la belle école de la Jeunesse Agricole Catholique (JAC), où l’on apprend à lire, à réfléchir, à agir. Il sort de la guerre incandescent, puis crée avec d’autres un mouvement appelé le Centre national de la jeunesse agricole (CNJA). Il croit puissamment dans la soi-disant modernisation de l’agriculture, qui mise tout sur les tracteurs, les engrais, les pesticides, le remembrement, l’arasement des talus, le recalibrage des ruisseaux et rivières, la mise à la retraite anticipée des vieux pedzouilles. Sitôt le retour du général De Gaulle au pouvoir, en 1958, Debatisse devient l’interlocuteur privilégié. Car il est jeune. Car il représente ces paysans nouveaux, ivres d’une idéologie progressiste, qui ne demandent qu’à marcher avec l’État gaulliste.

La grande aventure commence. Sur fond de Marché commun naissant, il s’agit de rationaliser, de regrouper, d’emprunter, d’équiper, puis de pulvériser les records de productivité, et bien entendu de conquérir des parts de marché. En Allemagne, en Italie, et bientôt dans ce qu’on appelle depuis peu le tiers monde. Debatisse trouve en Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture de De Gaulle un partenaire idéal, qui lui offre les moyens de la France pour dynamiter le vieux monde agricole. Et tout explose en effet. Et la Beauce comme la Brie, qui comptent parmi les plus belles plaines agricoles au monde, voient leur sol mourir un peu plus année après année, matraqué par la chimie. L’élevage hors-sol et la barbarie qui l’accompagne déferlent. Les centres techniques et scientifiques de l’Inra – institut public – mettent au point des méthodes Frankenstein à la demande. Nous y voilà : le formica apparaît dans les fermes, puis la Renault 12, puis la télé grand écran. Enfin.

Par un système de vases communicants parfait, les paysans, eux, disparaissent. En 1945, ils étaient environ 6 millions, quand la France comptait 40 millions d’habitants. Nous sommes 64 millions, et il reste probablement moins de 400 000 agriculteurs à plein temps. Debatisse, l’homme de la modernisation, doit se retourner dans sa tombe, car ce n’est pas, je crois, ce qu’il avait imaginé. Qu’importe ! Il est bien normal d’être jugé sur ses actes plutôt que sur ses intentions. La destruction systématique de la civilisation paysanne est aussi un bouleversement radical du paysage et de l’esprit. Et leur remplacement par un vide bourré d’électronique, d’objets interchangeables, d’écrans et d’impulsions à la milliseconde n’est-elle pas un pur miracle de la technique ?

Poursuivons. Debatisse a non seulement créé le CNJA, mais aussi présidé la FNSEA, le « syndicat » qui cogère avec l’État, depuis soixante ans, toutes les décisions concernant la campagne. Imaginez la CGT apposer sa marque sur toutes les grandes décisions publiques touchant l’industrie, et vous serez encore loin de compte. En tout cas, Debatisse a dirigé la FNSEA de 1966 à 1978, d’abord comme secrétaire général, puis comme président. Et il est entré immédiatement derrière dans le gouvernement de Raymond Barre, où il fut, entre 1978 et 1981, secrétaire d’État, je n’invente rien, aux Industries agricoles et alimentaires. Telle est l’une des savoureuses particularités de cette affaire : tous les chefs de la FNSEA sont de droite, et (presque) tous finissent par entrer en politique. Debatisse, donc. Mais aussi François Guillaume, président de la FNSEA de 1979 à 1986, puis député du parti de droite de 1993 à 2007. J’ajoute deux choses sur le même. Un, il a été ministre de l’Agriculture de Chirac entre 1986 et 1988. Une référence. Et, deux – ne fêtons-nous pas l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl ? -, il a déclaré le 6 mai 1986 : « Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l’accident de Tchernobyl ».

Où en étais-je ? Oui, Guillaume. Son successeur, ô combien de droite, n’est autre que Raymond Lacombe, chef de la FNSEA dans l’Aveyron, puis président national entre 1986 et 1992 (il est mort en 2002). Ce n’est pas qu’on lui aurait refusé un poste de député, c’est qu’il n’en a pas voulu. Mais il accepta en revanche, et à partir de 1984, un poste tranquille au Conseil économique et social. On ne présente plus le suivant, Luc Guyau, militant UMP de longue date. Président de la FNSEA entre 1992 et 2001, il a si merveilleusement servi les siens que Son Excellence Sérénissime Nicolas Sarkozy lui a offert une sinécure de luxe à la FAO, qui siège à Rome. Chut ! Luc travaille. Comme président. On espère pour lui que la cantine romaine est bonne.

Le président en titre de la FNSEA, Jean-Michel Lemétayer, lui aussi UMP, a finalement refusé l’invitation qui lui avait été faite de représenter son beau parti aux élections européennes. Et, tiens, ce noble syndicaliste est au départ producteur de lait. Or, comme chacun sait, la situation de ces derniers est désespérée. On parle de dizaines, voire de centaines de suicides. Cela ne donne pas l’envie de se moquer, non pas. Mais cela commande en revanche de comprendre un peu. Et comprendre, c’est accuser. Directement, sans état d’âme, d’une voix ferme. Tout ce que vivent les survivants du cataclysme de la modernisation, ils le doivent aux hommes – surtout des hommes – qui ont conduit les choix publics depuis 1945. Essentiellement ce duo dramatique formé par le ministère de l’Agriculture et la FNSEA. Ce sont eux qui ont créé le cadre et défini les lois. Ce sont eux les responsables et les coupables. Et, sauf erreur, les manifestants envoyés sur Paris ce mardi le sont par la FNSEA.

Imparablement logique. Il y a beau temps que ce « syndicat » ne (se) pose plus aucune question intéressant la société et notre avenir commun. Ce qu’il veut, c’est grappiller, obtenir une dernière fois l’obole que les gouvernements de droite et de gauche lui ont toujours octroyée. « Encore une minute, monsieur le bourreau ! ». Une minute, rien qu’une minute, car cette fois, cela sent l’hallali. Le couple maudit prétendait jadis – hier – vouloir nourrir le monde.Telle était la base de leur propagande conjointe. Il fallait cracher des quintaux de blé pour nourrir ces malheureux petits Africains. Avez-vous remarqué le retournement complet ? Ces gens-là, qui n’ont plus comme objectif que de fourguer ce qu’ils produisent dans des conditions écologiques dantesques, réclament de concert des aides pour la fabrication de carburants d’origine végétale ! Des biocarburants ! Des nécrocarburants !

Voilà où ils en sont, dans un monde où un milliard de frères humains souffrent de famine chronique. Ils préfèrent changer du colza, du blé, du tournesol en carburant de bagnole plutôt que de mettre en question le système qui les a fait rois. Dans ces conditions, serez-vous surpris ? Bien que désolé – ce n’est pas de l’hypocrisie, je les plains pour de vrai – que tant de paysans soient aujourd’hui les victimes de cette fuite en avant, je ne défilerai pas ce mardi en leur compagnie. En revanche, oui, je signerais des deux mains un pacte qui engagerait la société d’un côté et les restes de l’armée paysanne de l’autre. Un pacte écologique et social qui permettrait de refonder sur des bases totalement neuves une agriculture paysanne et biologique, réoccupant peu à peu les territoires d’où elle a été chassée.

Je ne suis pas pour le compromis, qui serait ici pure absurdité. Ce système moribond ne peut plus sortir de l’impasse dans laquelle il s’est enfoncé, nous entraînant tous dans son aventure. Il est trop tard. Et ceux qui réclament de passer de 2 à 6 % d’agriculture bio en France en 2012 – tu parles !- ou qui rêvent d’une diminution de l’usage des pesticides – mon œil ! – servent en réalité de faire-valoir à l’agriculture industrielle. Une seule solution : la destruction. Quand on veut aller en train de Paris à Montpellier et qu’on se rend compte qu’on est dans le train de Metz, que doit-on faire ? A : demander au contrôleur s’il ne serait pas possible d’aller moins vite. B : descendre à la première gare venue, et trouver le train qui conduit bel et bien à Montpellier. N’hésitez pas à me répondre, j’adore les problèmes simples et compliqués.

PS : J’ajoute une interrogation subsidiaire. Pourquoi José Bové et ses soutiens, dont je fus, ont-ils loupé à ce point le coche ? J’ai toujours pensé et souvent écrit que le démontage du MacDo de Millau, à l’été de 1999, ouvrait un espace inattendu, mais vaste, à une grande discussion sur l’avenir de l’agriculture en France. Il était possible alors d’imaginer un projet ambitieux et neuf, qui mette en mouvement une bonne partie de ceux qui refusent le monde mortifère dans lequel on nous oblige à vivre. En 2003, de mémoire, quelque 250 000 personnes se sont rassemblées sur ce plateau du Larzac cher à mon âme. Et puis quoi ? Et puis, rien. La responsabilité de Bové dans cet énorme gâchis, que nous paierons longtemps, est certaine à mes yeux. Mais la nôtre également. Mais la mienne aussi, cela va de soi. Que s’est-il passé ? Ou plutôt, pourquoi ne s’est-il rien passé ?

Николай Вавилов, héros oublié de l’humanité

Je suis en train de lire un livre extraordinaire. Pour vous dire ce que je pense jusqu’au bout, il manque de souffle et son écriture ne soulève pas l’âme autant qu’elle le devrait. Mais le personnage principal, le Russe Nicolaï Vavilov – ??????? ??????? – est un homme comme je les aime. Comme je les admire du plus profond. Entre ici, ??????? ! Il mérite une place première dans mon Panthéon personnel.

Bon, commençons. Le titre : Aux sources de notre nourriture. L’éditeur (belge) : les éditions Nevicata. Le prix (terriblement élevé) :  23,95 euros. L’auteur : l’ethnobiologiste américain d’origine libanaise Gary Paul Nabhan. Quant à l’histoire, elle est follement aventureuse, tragique, sublime et merveilleuse. Nabhan a découvert il y a seulement quelques années le destin inouï d’un botaniste méconnu et pourtant génial. Vavilov naît à Moscou le 25 novembre 1887, dans une famille paysanne. Le grand-père et l’arrière-grand-père ont connu le servage, mais en 1887, la famille Vavilov est devenue pour le moins aisée, car le père, après avoir subi la misère rurale, est devenu directeur d’une usine textile.

Les enfants pourront donc faire des études, mais Nicolaï ne sera pas médecin comme ses sœurs, probablement à cause de la terrible disette qui frappe la Russie d’après la révolution avortée de 1905. Il décide d’entrer à l’Institut agricole Petrovski, dont il suivra les cours pendant cinq années. Vavilov sera donc, pour notre chance, botaniste. C’est en philanthrope qu’il entame cette étape décisive. Il veut aider, soigner, nourrir. La Russie est certes le plus grand exportateur de blé dans le monde, mais ses rendements à l’hectare sont déplorables au regard des records français, américain et davantage encore néerlandais.

Est-ce parce qu’il est paysan dans l’âme qu’il passe tant de temps, tant d’années, tant de vies sur le terrain, dans les champs ? J’en jurerais, car on ne s’improvise pas laboureur et fermier. Le fait est en tout cas que Vavilov, un Vavilov qui plante, désherbe, ligature sans répit, se passionne peu à peu pour l’agriculture traditionnelle. Les pratiques les plus antiques. Les sélections les plus rigoureuses d’un art plurimillénaire. L’art de la variété. Je ne vous raconte pas tout, car bien entendu, vous lirez ce livre et le ferez connaître autour de vous. En mai 1916, Vavilov commence un voyage qui ne finira que dans les geôles staliniennes. Il est en Perse, il gagne le Kirghizistan, puis le Pamir et le Tadjikistan. Sur son parcours l’attendent des rébellions, des émeutes, des coups de feu.

Que cherche donc Vavilov à 5 000 mètres d’altitude ? Ce que nous appelons aujourd’hui des hotspots, des hauts lieux de la biodiversité agricole. Il sait déjà, il a compris avant tout le monde que notre planète abrite des « centres de diversité ». Des territoires magiques où le sol, la géographie, la température, les précipitations ont créé des conditions idéales pour que croissent les plus belles et les plus résistantes des plantes alimentaires. Ces variétés essentielles qui ont permis, par acclimatations successives, de nourrir tous les peuples de la terre. Et qui demeurent des réservoirs, des puits sans fond apparent où venir recueillir de quoi faire face à tous les aléas. Le Pamir ne sera qu’un avant-goût. Une simple mise en bouche. Jusqu’à l’abominable Seconde Guerre mondiale, Vavilov courra ainsi le monde entier, à la recherche de semences uniques, prodigieuses, adaptées à toutes les situations, qu’il envoie scrupuleusement à Moscou, dans cette Union soviétique qui est devenue son pays.

Le livre est enrichi de clichés qui donnent à voir un Vavilov impayable, en toutes circonstances. Qu’il soit avec des paysans mexicains, hopis, éthiopiens, tadjiks, il porte éternellement le même chapeau mou à ruban et une chemise à col cassé. À peine s’il dépose parfois sa veste sur son avant-bras quand il peine à traverser un col en compagnie de quelques mulets. Vavilov n’est pas du genre à renâcler. Mais je ne vous dirai pas l’incroyable, l’hallucinante moisson qu’il rapporte finalement en URSS. Sachez que lorsque les nazis entrent dans le pays, le 22 juin 1941, Vavilov a constitué la plus enthousiasmante banque de semences existant au monde. Il est le roi inconnu du plus beau pays qui soit. Il règne sur la possibilité de tout réensemencer. De tout recommencer. De nourrir les hommes, où qu’ils se trouvent.

Passons sur le drame personnel, qui rejoint l’histoire commune. Il meurt le 26 janvier 1943, martyrisé comme des millions d’autres par le GPU, la police politique du régime, après avoir été arrêté en 1940 sous un motif futile. Mais sa banque de semences, elle, est à Leningrad, confiée aux soins de conservateurs qu’il a formés avant que d’être embastillé. C’est avec cette évocation que je souhaite finir ce billet. Nous sommes au printemps de 1941, dans la ville dite de Lénine, qui fut celle de Pierre, celle qui s’appelle aujourd’hui Saint-Pétersbourg. Dès l’entrée des soudards allemands dans le pays, le régime stalinien organise le sauvetage invraisemblable de plus d’un million d’œuvres d’art du musée de l’Ermitage. Dans des conditions dantesques, un train spécial et des dizaines de cars transfèrent les joyaux au-delà de l’Oural.

Sauver la culture, cette culture-là, certes. Mais des semences ? Mais le sel même de la terre ? Mais la nourriture du peuple ? Les satrapes staliniens, ignares autant qu’arrogants, refusent tout secours à la banque créée par Vavilov. Leningrad est bientôt encerclée, soumise à un siège d’une horreur rarement vue dans l’histoire des hommes. Un siège qui dure 900 jours, et interdit, pour l’essentiel, tout ravitaillement. Les morts de faim, de délabrement, de maladies, s’entassent dans les rues. La ville perdra de la sorte au moins 1,5 million de ses habitants. Et certains des survivants ne devront leur salut qu’à la consommation de chair humaine.

Et la collection Vavilov ? Cachée dans une ville dévorée par la famine et la folie, surveillée par des femmes et des hommes dont les enfants meurent eux aussi, elle sera sauvée. Sauvée. Des millions de semences, dont certaines sont de pommes de terre, seront bel et bien sauvegardées par des êtres à part, conscients d’incarner l’avenir, et l’avenir de la vie. Je dois vous avouer sans fard que ce passage sur la guerre m’a simplement fait pleurer d’émotion, de tristesse, de fierté aussi et tout de même d’appartenir à une espèce parfois magnifique.

Voici le grand homme, avant que le couperet ne s’abatte sur sa tête. Page 268 du livre, on voit une terrifiante photo anthropométrique du même, vraisemblablement prise dans la prison de Saratov, en 1941. Face, profil. Il est mal rasé, il va mourir pour rien, il garde un regard qui perce les murs de sa cellule. ??????? ???????, mon splendide héros, pour les siècles des siècles.