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Madame Voynet et la nouvelle bibliothèque François Mitterrand

La tête sur le billot, bien obligé, j’avoue faire partie de l’association Murs à pêche (MAP), qui tente de sauver depuis quinze ans un lieu unique, mais réellement unique (ici). Il s’agit d’un réseau branlant, au bord de la ruine définitive, de murs de pierre sèche à l’intérieur desquels on a fait pousser des fruits depuis des siècles. Les murs, mélange de plâtre, de silex, de mortier, conservaient la chaleur du jour et la restituaient la nuit à des arbres fruitiers conduits en palissage contre les parois de pierre. Une pure merveille, dont la réputation s’étendait jadis jusqu’à la table de Louis le Quatorzième. On pense que vers 1825, 15 millions de pêches étaient produites tout au long de 600 km de murs.

Et puis la terre a tourné, dans un sens bien étrange. Les murs ont rétréci à mesure que s’étendait l’aventure industrielle extrême. Je vous passe les détails, pourtant passionnants. Montreuil, longtemps ville communiste, a laissé le prodigieux héritage péricliter. Il n’est plus resté que 200 hectares, puis 100, puis à peu près 35 aujourd’hui. Très dégradés, mais aux portes de Paris. Il y a des arbres, des fleurs, des oiseaux, des murs. Encore. L’ancien maire Jean-Pierre Brard, stalinien repenti ayant maintenu des liens solides avec les communistes locaux, voulait urbaniser. Installer en place et lieu 250 pavillons. Et garder des bricoles pour le folklore. Dominique Voynet, responsable nationale des Verts, a gagné la partie en 2008, à la surprise générale. L’association MAP pensait qu’elle lancerait un vaste projet, susceptible de sauver et de magnifier cet espace extraordinaire. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.

Pour comprendre ce qui suit, sachez que le projet de madame Voynet prévoit de sauver environ 20 hectares des anciens murs à pêche, qui seront soumis à l’immense pression foncière, immobilière, industrielle et commerciale d’un nouveau quartier. Car tel est le projet : un nouveau quartier. Je viens de déposer sur le site de MAP (ici) l’article ci-dessous. Parce que cette affaire, qui ne fait que commencer, nous concerne tous.

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Préambule : compte tenu de ce que je vais écrire, il est bon que je me présente un peu. Je suis journaliste et je connais Dominique Voynet depuis environ vingt ans. Je ne suis et n’ai jamais été de ses intimes, mais je la connais donc depuis cette date. J’ai eu souvent la dent dure contre elle, et ne le regrette pas. Mais je sais aussi que dans certaines circonstances – le sort d’un homme en prison -, lorsqu’elle était ministre, elle a su se montrer une femme digne et courageuse. J’ai voté pour elle dès le premier tour des élections municipales, et accepté de faire partie de son comité de soutien à cette occasion. Voilà. Je la connais. Je ne suis pas son ennemi. Je ne suis pas son beau miroir.

Venons-en à la très grave question de l’aménagement du quartier autour des Murs à pêche de Montreuil. On le sait, j’imagine que vous savez tous que madame Voynet a décidé la création d’un immense quartier de 200 hectares, couvrant environ le quart de la ville. Il s’agit, au sens le plus terre-à-terre de l’expression, d’un projet pharaonique. Toutes les ressources de la ville, et bien au-delà évidemment, y seront englouties pour au moins une génération. Le chiffre colossal de 2 milliards d’euros d’investissement est avancé par la ville elle-même. Il est clair, il est manifeste, il est indiscutable que Montreuil, dans l’hypothèse où ce projet verrait le jour, ne serait plus jamais la ville qu’elle a pu être. On joue là les 100 prochaines années de cette ville. Retenez ce chiffre, car il n’est pas polémique. Un projet de cette dimension décide d’à peu près tout pour 100 années. Plutôt long, non ?

Toujours plus d’habitants

Nous sommes face à une oeuvre urbaine colossale et sans précédent. Elle comprend des travaux lourds – une piscine, une médiathèque, des écoles – qui de facto formeraient une ville nouvelle. Surtout, 3 000 logements seraient construits sur place, ce qui entraînerait mécaniquement l’installation de milliers – 10 000 ? – d’habitants supplémentaires dans une ville qui en compte 102 000. Pourquoi pas, certes. Mais aussi et avant tout : pourquoi ? Cette question n’est pas même évoquée par l’équipe de madame Voynet, ce qui est tout de même très singulier. Oui, posons calmement la question suivante : pourquoi diable faudrait-il densifier encore une ville de 100 000 habitants aux portes de Paris, alors même que Montreuil est la signataire – en grandes pompes – de la charte européenne dite d’Aalborg, qui prône exactement le contraire (ici) ? Lisez ce texte limpide et magnifique, et vous m’en direz des nouvelles. Le paradoxe, qui n’est pas le dernier, est que ce texte a été signé par l’ancienne municipalité, qui en bafouait allègrement les principes. Mais voilà que la nouvelle fait de même. Étrange.

Recommençons : pourquoi ? Le seul argument que j’ai entendu est celui-ci : la demande de logements est considérable. Une telle flèche est censée foudroyer le contradicteur. Mais elle ne produit pas le moindre effet sur moi, et voici pourquoi. La question du logement se pose évidemment, ÉVIDEMMENT, au niveau de toute la région. Complexe, elle engage pour des décennies et mérite donc des discussions approfondies, des arbitrages, des péréquations. Peut-être est-il plus judicieux de bâtir en d’autres points de notre région, en fonction de paramètres sinon raisonnables, du moins rationnels ? Mais il n’y a eu aucune discussion sur le principe même de ces nouvelles constructions. Ou bien peut-être à l’abri des bureaux municipaux, à l’ancienne ?  Or, l’avenir commun se discute et se décide en commun, a fortiori quand on entend faire de la politique autrement, comme l’aura tant clamé madame Voynet au long de sa carrière.

L’aspirateur à ordures

Pourquoi ne dit-on jamais qu’il existe plusieurs milliers – on parle de 4 000 – logements inoccupés à Montreuil ? Pourquoi ne dit-on jamais la vérité sur l’état de dévastation énergétique et écologique de tant de cités populaires de la ville ? N’y a-t-il pas là de magnifiques chantiers de restauration de la vie collective, susceptibles de redonner confiance aux citoyens dans l’action politique ? Je prétends que la priorité des priorités, dans le domaine du logement, est de s’attaquer à l’amélioration de ce qui existe. Et je défie quiconque de me prouver le contraire dans une réunion publique contradictoire. Construire 3 000 logements neufs, dans ces conditions, s’appelle une fuite en avant, dans tous les domaines. Et un gaspillage monstrueux de matières premières de plus en plus précieuses. Cessons de rigoler ! Cessons de parler d’écologie du haut des tribunes avant que de recommencer les erreurs du passé. Dans le monde malade qui est le nôtre, sur cette planète surexploitée, épuisée par les activités humaines, lancer un chantier de cette taille est une très mauvaise action. Une sorte de manifeste de l’anti-écologie.

Ah ! la piscine sera « écolo » ? Ah ! les parkings seront à l’entrée du quartier ? Ah ! la collecte des déchets se fera par aspiration souterraine ? Franchement, lecteurs de bonne foi, ne voyez-vous pas qu’on vous mène en bateau ? Sous le label passe-partout d’écoquartier, qui sera bientôt aussi dévalué que celui de « développement durable », on se livre à une vulgaire manipulation des esprits. Les vrais écoquartiers, très exigeants, sont connus. C’est le cas par exemple dans la ville allemande de Fribourg-en-Brisgau. Mais cela n’a rien à voir avec ce qui est aujourd’hui annoncé, qui n’est que poudre aux yeux. À Fribourg, madame Voynet, il s’agit de changer la vie quotidienne par une politique audacieuse des transports, une réduction des volumes de déchets, un usage généralisé de formes d’énergie renouvelable. À Montreuil, misère ! on cherche à nous « vendre » un système souterrain pour qu’on ne voit plus en surface nos ordures. Au fait, ce système nouveau, Veolia ou Suez ? Vous vous doutez bien qu’un investissement pareil ne saurait se faire sans l’appui de grands groupes immobiliers, aussi de gestion de l’eau et des déchets. C’est inévitable. Mais ce n’est pas en 2020 que nous avons besoin de l’ouverture franche, directe et totale du dossier, car ce sera alors trop tard. Non, c’est maintenant. Je gage que de très mauvaises surprises nous attendent au tournant. On parie ?

Le Poivron était trop vert

Reste, avant ma conclusion, la redoutable et dévastratrice – pour madame Voynet – question de la démocratie. Comment une femme écologiste ose-t-elle lancer des travaux de cette dimension sans en appeler avant tout au débat public ? Oui, comment ose-t-elle ? Quand on prétend changer le cours de l’histoire locale sans seulement consulter la population, mérite-t-on encore sa confiance ? Un projet d’une ampleur pareille ne saurait partir d’un autre point que l’examen contradictoire des besoins sociaux, culturels, écologiques de la cité. Cela n’a pas été fait. Ce qui a été fait, ce qui se fait sous nos yeux, c’est une tentative de passage en force. Comme aurait fait Jean-Pierre Brard naguère. Comme ont fait des milliers de maires dans le passé. Comme le font tous ceux qui ne croient pas à la démocratie, mais au pouvoir.

J’ai sous les yeux des articles du journal montreuillois Le Poivron, jadis animé par Patrick Petitjean, aujourd’hui maire-adjoint. Je lis dans le numéro 73, de septembre 2005, sous la plume de Petijean, et à propos de projets municipaux de bétonnage des Murs à pêche, ceci : « Les mêmes interrogations se sont fait jour au conseil municipal le 30 juin : Pourquoi, brusquement, une telle précipitation ? Pourquoi court-circuiter le débat en cours sur le Plan Local d’Urbanisme ? Pourquoi cette absence de plan global, au contraire des exigences de la procédure de classement partiel ? ». Je pourrais citer la collection complète du Poivron, qui rend hommage, au passage, à l’association dont je suis membre, MAP, présentée comme celle qui a permis le classement, in extremis, de 8 hectares des Murs. Je pourrais continuer, ad nauseam. Autres temps, autres moeurs. Comme il est simple, facile et confortable d’oublier ses promesses, n’est-ce pas ?

Au pays de la grosse tête

J’en arrive à ma conclusion. Que cherche donc madame Voynet ? Je n’en sais rien, car je ne suis pas dans sa tête. Mais je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec le défunt président François Mitterrand. On s’en souvient, ce dernier avait, tel un roi républicain, voulu marquer de son empreinte le sol de cette ville éternelle qu’est Paris. D’où cette politique ruineuse de grands travaux, dont le fleuron le plus affreux est sans conteste la Très Grande Bibliothèque des quais de Seine. J’ai le pressentiment que Dominique Voynet est atteint du même syndrome mégalomaniaque, classique, ô combien !, chez nos politiques de tout bord. Elle entend décider seule, éventuellement contre tous, de l’avenir d’une ville qui nous appartient, à nous et à nos enfants. Je souhaite ardemment que Montreuil tout entière se lève pour dire NON ! Cette ville populaire, cette ville volontiers rebelle doit retrouver la fougue passée, et donner de la voix. Si les élus actuels ont oublié d’où vient leur provisoire légitimité, je pense qu’il est grand temps de le leur rappeler.

Rien n’est encore perdu. Tout peut être modifié, sauvé, changé, à la condition d’unir, loin de toute considération électoraliste. Nous verrons bien, je ne suis pas devin. Mais il serait accablant que madame Voynet reproduise, à son échelle, ce que tente Christian Blanc, le secrétaire d’État de Sarkozy, avec le Grand Paris. C’est-à-dire un projet délirant, du passé, dépassé, de métro géant – la « double rocade » -, qui ruinerait les ressources publiques de l’Île-de-France pour des dizaines d’années. Ce que nous refusons à l’un, nous devons évidemment le contester à l’autre. Nous voulons, je veux en tout cas de la discussion, de l’ouverture,  de la démocratie. Et pas un lamentable simulacre. L’urgence est de remettre tout le dossier à plat. Pour l’heure, souvenez-vous en, rien n’est fait. Et tout est possible. Même le meilleur.

Fabrice Nicolino, le 30 mars 2010

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Le lobby de la viande fourbit sa revanche

Croyez-moi, en tout cas lisez-moi : il se prépare quelque chose dans les coulisses de notre monde. En la circonstance, à propos de la bidoche industrielle. Laurence Mermet – des bises ! – m’envoie copie du journal professionnel Réussir bovins viande, de janvier 2010 (ici, grâce à Hacène). Le journal sonne directement l’hallali contre « les attaques anti-viande ». Et précise : « Cette recrudescence des attaques a commencé avec le livre à charge du journaliste Fabrice Nicolino, Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde. Une offensive sans nuance, ne serait-ce que dans son titre péjoratif, qui a été perçue dans le monde de l’élevage comme une volonté particulièrement injuste de nuire ».

Même si c’est dur, pas question de rire. Ces gens-là font semblant de croire que je mets sur le même plan un éleveur broyé par la machine industrielle et la machine elle-même. Tout est du même tonneau. Le journal attaque Mc Cartney, le président du Giec Rajendra Pachauri, et il aurait attaqué le pape de Rome si celui-ci avait osé dire un mot sur la viande industriellement produite. Le titre de l’article n’est pas piqué des hannetons : « Réagir vite, fort et collectivement ». J’en tremble. Ces gens-là ne sont visiblement pas tranquilles, qui font le parallèle avec la crise de la vache folle, estimant que le mouvement en cours « pourrait être tout aussi dévastateur ». Mazette ! On ne se rend pas compte de sa puissance. Mais la leur est bien plus grande encore. Sans hésiter, la filière bovine promet une mobilisation tous azimuts des éleveurs, des bouchers, des abatteurs et bien entendu des…élus, qui vont être travaillés au corps pour contenir ce que le journal présente comme « une vague de fond ».

Vous imaginez bien que les innombrables relais politiques de l’élevage industriel ne vont pas tarder à donner de la voix. Il est déjà une étrange déclaration d’un certain Bernard Vallat, directeur général de l’OIE depuis 2000. Je vous présente, en commençant par l’OIE, ou Office international de la santé animale, comme son acronyme ne le dit pas. Il faut dire que l’OIE, créé en 1924 à Paris, s’est longtemps appelé Office international des épizooties (OIE). Ce que c’est ? Une grosse machine étatique et bureaucratique, qui rassemble des membres désignés par leurs gouvernements respectifs. L’OIE compte 167 membres, qui sont réunis une fois par an à Paris. Il s’agit d’une structure presque inconnue, mais dont le poids, à mesure que se répandent les épizooties, dont certaines menacent de se changer en pandémies, augmente d’année en année. Les considérations politiques y priment, et comment pourrait-il en être autrement dans un cénacle de cette sorte ?

Quant à Vallat, vétérinaire de son état, il est fonctionnaire de la France depuis près de quarante ans. Je serais ravi de savoir comment sa carrière internationale a été remplie avant 2000, date de sa nomination à la tête de l’OIE. En tout cas, il a visiblement bien œuvré dans des pays du Sud, notamment africains. Et il ne s’est pas occupé seulement du bétail, mais aussi de pesticides, ce qui me le rend d’emblée sympathique. Estiva – merci à elle – me signale une bien étrange information (ici). En deux mots, Vallat veut réunir des experts pour étudier les rapports entre élevage, écosystèmes et changement climatique.

Pourquoi pas ? Mais surtout pourquoi. Pourquoi maintenant. Il existe une source fiable en ce domaine, ce qui ne veut pas dire indiscutable : la FAO. Comme je l’ai écrit dans mon livre, et répété depuis, un rapport FAO de 2006 (ici) établit que l’élevage mondial est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre anthropiques, c’est-à-dire dues à l’homme. Chose éminemment curieuse, alors que la FAO dispose de centaines de traducteurs de qualité, ce rapport n’a été traduit en français qu’en 2009, et peut-être parce que des voix de plus en plus nombreuses s’étonnaient d’une telle distraction (le texte français).

Quoi qu’il en soit, ce texte de la FAO est une pièce maîtresse dans la critique résolue de l’élevage industriel. On doit donc se demander ce que vise au juste l’OIE en lançant une nouvelle expertise. Bien que l’envie me démange, je vais tâcher de ne pas faire de procès d’intention à Bernard Vallat. Nous allons donc attendre, mais en restant aussi vigilants qu’il sera possible. Quelque chose me tarabuste pourtant. Annonçant sa nouvelle étude, Bernard Vallat, fonctionnaire de l’État français, a déclaré : « On va devoir produire plus d’animaux pour nourrir la planète quoiqu’il arrive ». Je trouve cela très bien, de commencer de la sorte un travail aussi fondamental. Notons pour commencer l’usage du mot produire qui renvoie si justement à l’univers de l’usine et des engrenages. Notons également ce puissant impératif moral, forcément moral, qui pousse les philanthropes de notre temps à vouloir nourrir la planète. Avec de la viande, quand il n’y a déjà pas assez de céréales.

Enfin, admirons ensemble le quoi qu’il arrive. Autrement dit, il n’y a de toute façon rien à faire, car la messe est dite, et le vin servi, qui sera de toute façon bu. Est-ce une manière juste, est-ce une façon admissible de préparer le terrain à un travail authentique ? Ne s’agirait-il pas au bout du compte d’une sorte de conclusion a priori ? Voilà qu’il me vient des doutes. Voilà que je me demande si l’industrie de la viande n’est pas en train de préparer une riposte à la hauteur des enjeux colossaux de ce qui pourrait bien s’appeler demain la « crise de la viande ». Je ne me réjouis pas, malgré ce que dit et répète le lobby dans mon dos – j’ai des informateurs, voyez-vous -, de la peine d’éleveurs qui se demandent avec angoisse de quoi demain sera fait. Je me réjouis pas, mais la consommation de viande bovine aurait baissé de 4,6 % en octobre 2009 par rapport à 2008. Et de 5 % en novembre. Il serait ridicule de penser que mon livre en est le responsable, car une telle évolution se prépare dans les profondeurs de la société. Simplement, Bidoche aura permis de cristalliser le refus du grand massacre des animaux par l’industrie.

Comment se lancent les débats (sur la viande)

Je viens à peine, plus haut, de signaler une tribune que j’ai écrite ce mardi dans le journal Le Monde. Et voilà que je découvre que le même numéro est barré par un titre de “une” sur la viande. Et quel titre, mes chers aïeux ! Ni plus ni moins que Manger moins de viande pour sauver la planète ? La journaliste qui signe le papier, Gaëlle Dupont, m’a appelé ici même, d’où je vous écris, et ma foi, je n’ai aucune raison de me plaindre. Avant de vous livrer ci-dessous son texte, laissez-moi vous dire mon plaisir. Il y a trois mois, juste avant que ne paraisse Bidoche, mon livre sur l’élevage industriel, personne ou presque ne se hasardait sur ce terrain. Je ne prétendrai pas – ce serait ridicule – être le seul à m’être bougé, mais il est au moins certain que mon travail aura servi à quelque chose. Ce quelque chose qui n’est presque rien, mais qui m’oblige, sans aucun doute possible. L’article de Gaëlle Dupont :

Manger moins de viande, c’est bon pour la planète. Impossible d’ignorer le message : la consommation de produits carnés a fait, à l’occasion du sommet de Copenhague sur le climat, l’objet d’attaques inédites.

L’ancien Beatles Paul McCartney a ouvert les hostilités en appelant, début décembre, depuis la tribune du Parlement européen, à ne pas en consommer un jour par semaine. Plusieurs personnalités françaises, dont les politiques Corinne Lepage et Yves Cochet, l’écologiste Allain Bougrain-Dubourg et le botaniste Jean-Marie Pelt, ont observé à Copenhague une « grève de la viande ». Leur message : l’industrie de l’élevage est une « aberration » qui produit des dégâts considérables sur l’environnement. Un repas avec viande et produits laitiers équivaut, en émissions de gaz à effet de serre, à 4 758 km parcourus en voiture, contre 629 km pour un repas sans produits carnés ni laitiers. Pour protéger la planète, il est donc aussi efficace – sinon plus – de se priver de viande que de rouler à vélo ou de baisser le chauffage.

Les éructations des ruminants produisent 37 % du méthane émis du fait des activités humaines. Le potentiel de réchauffement global du méthane est 23 fois supérieur à celui du CO2. Le stockage et l’épandage de fumier sont responsables de 65 % des émissions d’oxyde nitreux, le plus puissant des gaz à effet de serre. La déforestation pour convertir des terres en pâturages ou en cultures fourragères (destinées à l’alimentation du bétail) est responsable de 9 % des émissions de CO2. Selon la FAO, 70 % des terres autrefois boisées d’Amérique du Sud sont aujourd’hui consacrées à l’élevage.

L’élevage est, de fait, responsable de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre, davantage que les transports, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il est, de plus, responsable d’autres dégradations : pollution des eaux, érosion des sols, perte de biodiversité…La production de viande capte en outre des ressources considérables en terres et en eau. Elle mobilise 70 % des terres arables. Environ 9 % des quantités d’eau douce consommées chaque année y sont consacrées.Dans toutes leurs projections, les experts désignent l’augmentation de la demande de viande comme un des principaux facteurs des pénuries à venir. Or la consommation de produits carnés connaît une croissance fulgurante. Relativement stable dans les pays développés (autour de 80 kg par an et par habitant), elle augmente fortement dans les pays en développement, à mesure que la population croît, mais aussi que l’urbanisation et les revenus progressent.« La viande est un signe extérieur de richesse », commente Fabrice Nicolino, auteur de Bidoche (éd. Les liens qui libèrent), un réquisitoire contre l’industrie de l’élevage publié en septembre. « En consommer démontre l’accès à un statut social privilégié. » Sa consommation devrait passer, dans les pays en développement, de 28 kg par an et par habitant en moyenne aujourd’hui à 37 kg en 2030.Il faut entre trois et neuf calories végétales, selon les espèces, pour produire une calorie animale. Déjà, quelque 40 % des céréales cultivées dans le monde sont destinées à alimenter le bétail. Selon les projections de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour répondre à la demande, la production mondiale de viande devra doubler d’ici à 2050, passant de 229 à 465 millions de tonnes. « Où ferons-nous pousser les céréales pour nourrir tous ces animaux ?, interroge M. Nicolino. Si la tendance se poursuit, on peut s’attendre à avoir une concurrence entre alimentation animale et humaine. » D’où la baisse de consommation prônée par les détracteurs de la viande. Selon ceux-ci, cela aurait, en outre, des avantages pour la santé, car la viande accroît le risque de maladies cardio-vasculaires, d’obésité et de diabète.

L’interprofession bovine a vite riposté à ce feu nourri de critiques, par le biais d’une page de publicité dans la presse. Elle met en avant plusieurs arguments. Tout d’abord, dans la majorité des élevages en France, les vaches sont nourries à l’herbe, un mode d’élevage respectueux de l’environnement, qui ne concurrence pas l’alimentation humaine et permet de séquestrer du carbone.

La consommation de viande dans le pays est, par ailleurs, en baisse : elle est passée de 150 grammes par jour en 1999 à 117 grammes en 2007. « Certaines catégories de la population n’en mangent pas assez, comme les femmes et les personnes âgées », commente Pascale Hébel, du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc). Le Centre d’information des viandes (CIV) souligne, de son côté, que la viande fournit des nutriments indispensables (fer, vitamine B12, zinc, sélénium). Le gouvernement recommande d’ailleurs, dans le cadre du programme national nutrition santé, de consommer de la viande, du poisson ou des oeufs une à deux fois par jour, tout en alertant sur les dangers de la consommation de viande grasse.

« L’homme ne serait pas devenu ce qu’il est s’il n’était pas omnivore », s’insurge Louis Orenga, président du CIV, qui voit dans cette campagne « une utilisation d’arguments environnementaux pour promouvoir le végétarisme ». C’est effectivement l’Association végétarienne de France (AVF) qui est à l’origine de la grève de la viande de Copenhague. Paul McCartney et Rajendra Pachauri, président du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), qui a soutenu son appel, sont tous deux végétariens.

« L’alimentation a une dimension psychologique importante, explique Alain Méry, président de l’AVF. L’argument environnemental parle plus aux gens que la défense des animaux, qui est culpabilisante. » Selon M. Méry, les réticences sur le sujet restent cependant « très fortes » en France. M. Orenga, lui, voit dans la campagne du « jour sans viande » une menace. « Les politiques continueront-ils à soutenir financièrement une activité dont le grand public est persuadé qu’elle pollue et est dangereuse pour la santé ? », s’interroge-t-il.

A la FAO, sans recommander la diminution de la consommation de viande dans les pays du Nord, les experts prônent « une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre visant l’élevage de manière spécifique« , affirme l’économiste Pierre Gerber, parlant au nom de l’organisation. « Les modes de production vont devoir changer, sans quoi la croissance de la production se fera au prix d’atteintes très importantes à l’environnement », poursuit-il.

Des recherches sont en cours pour réduire la production de méthane par les ruminants. Des scientifiques de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) sont parvenus à faire baisser leurs émissions d’un tiers en intégrant dans les rations de l’huile de lin. Un chercheur de l’université du Missouri, Monty Kerley, affirme qu’une sélection génétique rigoureuse permettrait de diminuer la ration alimentaire des vaches de 40 %. Des changements de méthodes culturales permettraient aussi de stocker davantage de carbone dans les sols. Reste à savoir si ces techniques seront suffisantes, et si tous les paysans du monde, y compris les plus petits, auront la volonté et les moyens de les mettre en oeuvre. L’élevage fait vivre un milliard de personnes pauvres dans le monde.

 Gaëlle Dupont

Un début de vérité sur la grippe porcine (dite H1N1)

Thibault Schneeberger, de Genève, vient de m’envoyer un cadeau royal, et je l’en remercie chaleureusement. Il s’agit d’un documentaire de la télé suisse romande, remarquable de la première à la dernière image. Vite, vite ! On peut, pour le moment en tout cas, le visionner depuis un ordinateur (ici). De quoi parle-t-il ? De cette grippe porcine que les autorités officielles ont préféré – opportunément – appeler H1N1.

Je vous ai parlé plus d’une fois de cette affaire extraordinaire, dès ce printemps (ici), m’étonnant que personne ne pointe le doigt sur le village mexicain de La Gloria, où se trouve une immense porcherie industrielle, Granjas Carroll,  filiale du géant américain Smithfield Foods, le plus gros producteur mondial de porcs. Smithfield Foods, et je vous souhaite bon appétit, est le propriétaire en France de Justin Bridou et de Cochonou, entre autres. La première victime de la grippe porcine est un gamin de La Gloria, ce que les autorités ont longtemps nié (ce point n’est pas dans le film).

Je crois, et si je me trompe, qu’on me pardonne, que le journaliste Ventura Samara est le seul, en tout cas en langue française, à avoir mené une enquête à La Gloria. Je ne vais pas vous raconter le film, mais vous livrer quelques impressions, brut de décoffrage. On y voit le réel, c’est aussi simple que cela. J’ajoute que je connais le Mexique, et que, quand j’entends Dona Teresa Hernandes Rivera – une petite dame – parler de la corruption généralisée, je n’ai guère besoin de preuves. Quand j’entends le ministre de la Santé José Angel Cordoba dire : « Tous les standards de l’environnement et de l’eau [à la porcherie Granjas Carroll ] sont respectés. Le problème pourrait venir des familles qui détiennent à la maison des porcs, dans des conditions qui ne sont pas les meilleures », je n’ai pas réellement besoin d’une autre démonstration.

Et pourtant ! Et pourtant ce film m’a soufflé. Il y a plus de neuf chances sur dix pour que la grippe qui affole notre système de santé soit né autour de cet élevage concentrationnaire de porcs. Immonde est encore un faible mot. Des centaines de cadavres de porcs croupissent en permanence dans des fosses au contact du sol et de la nappe phréatique. Savez-vous combien cette soi-disant ferme compte de porcs ? 100 000 ! La nourriture OGM vient par trains du Canada ou des États-Unis, aucun officiel, aucun vétérinaire autre que ceux de la transnationale ne pénètrent dans les locaux, où tout est automatisé. Une poignée d’ouvriers règne sur un empire de bidoche. Des lagunes sont emplies de merde de cochons et de seringues qui ont servi à piquer les animaux à coup d’hormones et d’antibiotiques. Les rats prolifèrent, les chiens errants prolifèrent, qui bouffent du porc mort au champ d’horreur, avant d’aller se faire caresser par les gosses du village.

Aucune analyse d’eau, d’air, de poussière n’a été ordonnée. Sur les centaines de prises de sang effectuées sur les villageois, aucune n’a été rendue publique. Officiellement, seul un petit gosse aurait donc été touché par la grippe. C’est crédible. Très. Des centaines d’habitants de La Gloria et des environs ont été touchés, et le sont, par des maladies respiratoires atypiques. Mais tout le monde s’en contrefout car, comme le dit sans ciller le ministre, « les investisseurs étrangers sont les bienvenus ». Tu parles ! Le traité de libre-échange Alena, préparé sous Bush père, mais signé par Bill Clinton, a changé le Mexique en une colonie. À La Gloria, les médecins ne veulent pas parler, car ils ont PEUR. L’un d’eux, masqué, raconte l’incroyable sort sanitaire fait aux habitants, et conclut que, si personne ne veut parler, c’est parce que chacun craint d’être tué. Tué, c’est aussi simple que cela.

Ce que j’appellerai un énième chapitre de l’histoire vraie du monde, au temps du choléra planétaire.

PS : Que faire ? Ce qui précède n’est pas une réponse à cette question obsédante. Je tenterai de donner d’ici peu un article sur le sujet, mais en attendant, réfléchissons un peu. Il faudra de toute façon commencer par quelque chose. En l’occurrence, s’il existait un mouvement réel de la société, il est évident que nous serions une bonne centaine à occuper jour et nuit le siège de Justin Bridou. Et que nous n’en sortirions pas, en tout cas pas volontairement, tant qu’une mission indépendante n’aurait été formée pour enquêter à La Gloria sur la situation des riverains de la porcherie industrielle. Il me paraît qu’une action de cette nature aurait un sens. Mais le mouvement susceptible de lancer ce genre de choses n’existe pas. Il est à inventer.

Le Centre d’information des viandes (CIV) est un lobby rigolo (si)

Oh, il faudra bien que je raconte un jour certains épisodes de l’écriture de mon livre Bidoche. Il ne faut pas croire qu’on trime sans rigoler. Non pas. Il y a des instants étonnamment plaisants, où l’on rit à gorge déployée. Mais aujourd’hui, je me vois contraint de prendre la mine sérieuse pour vous parler d’un prodigieux communiqué du Centre d’information des viandes (CIV). Le CIV est le noyau central du lobby de la viande industrielle en France. La place a été bonne, elle commence à être moins enviable.

De tous côtés, comme vous le savez sans doute, la critique monte contre la consommation de viande. L’industrialisation de ce qui était, jadis, une nourriture, a été un projet pensé, mené, réalisé par une petite armée de technocrates des années soixante, au premier rang desquels il faut mettre Edgard Pisani, ancien ministre de l’Agriculture de De Gaulle. La critique monte parce que la situation devient folle. La viande industrielle est mauvaise pour la santé humaine, nous menace d’épouvantables épizooties se changeant en épidémies, contribue à la destruction des forêts tropicales et à la violation des droits de l’homme dans des pays comme l’Argentine ou le Paraguay – via le soja – et aggrave la crise climatique par des émissions majeures de gaz à effet de serre. On a connu mieux.

Au passage, les animaux ont été changés en morceaux de barbaque auxquels tous les traitements possibles sont applicables. On appelle cela de la barbarie. Une pure et simple barbarie. Là-dessus, mon livre. Là-dessus, une grève symbolique de la viande pendant Copenhague, lancée par une dizaine de personnes, dont je suis (ici). Pour la toute première fois de son existence, le lobby français de la viande est placé dans une situation où il lui faut défendre son…beefsteak. Dès la parution de mon livre, ses chefs ont décidé de refuser tout débat avec moi. Bien des médias ont proposé des face-à-face : refus indigné. Je sens le soufre. Je suis le diablotin des abattoirs et je le revendique d’ailleurs. Sauf que Copenhague. Sauf que l’élevage mondial émet davantage de gaz à effet de serre que tous les transports humains réunis, dont la sainte bagnole. Sauf que la critique commence à faire mouche.

Alors, un communiqué sublime du CIV, que vous trouverez en annexe de ce texte. Il est sublime pour une première raison. C’est qu’il est patriotard. Dans un univers mondialisé comme l’est celui de la bidoche, il faut avoir un culot d’acier pour prétendre que tout serait pour le mieux à l’intérieur de nos frontières. Ce communiqué nous rejoue le fandango – avec castagnettes – du nuage de Tchernobyl, qui n’avait pas eu le droit de franchir la frontière française sur ordre des autorités publiques. À en croire le texte savoureux du CIV, il y aurait la France vertueuse et le reste du monde, dont ces damnés Américains.

Oh, je suis sûr que cela marche auprès des ignorants. Mais comme écrivit je ne sais plus qui, « si le mensonge règne sur le monde, qu’au moins cela ne soit pas par moi ». Et ce ne sera pas par moi. Évidemment, le communiqué ne parle que du bœuf, le plus présentable de la famille industrielle. Et pour cause ! Voyez le cas du porc, élevé au soja dans des élevages hors sol où se répandent comme la poudre des joyeusetés comme le Sarm (ici). La France est non seulement l’un des principaux producteurs dans le monde, mais ses exportations ne cessent d’augmenter. Entre 2002 et 2006, elles sont passées de 604 900 tec (tonne équivalent carcasse) à 660 700 en 2006. Qui dit mieux ?

Le poulet ? Extrait d’un document du très officiel Institut technique de l’aviculture (Itavi) : « Depuis 1970, le développement de nos exportations de volailles a accompagné le développement du marché mondial caractérisé par une forte hausse des niveaux de consommation et un développement du commerce international. De 1970 au milieu des années 80, le développement des exportations françaises s’est fait essentiellement à destination des marchés du Proche et Moyen Orient. Les ventes à destination du marché intra communautaire ont ensuite pris le relais, elles ont quintuplé de 1985 à 1997 ». En 2008, le solde du seul secteur de l’exportation de volailles de chair était positif de 526 millions d’euros.

Et vers qui ces bons seigneurs exportent-ils ? Entre autres, vers l’Afrique. Reportez-vous à la belle campagne nommée Exportations de poulets, l’Europe plume l’Afrique (ici). Voici un extrait de texte qui accompagne l’action, et vous m’en direz des nouvelles : « Dans presque tous les pays en développement l’élevage de volailles par les familles pauvres, rurales ou urbaines, participe au renforcement d’une agriculture familiale vitale pour les emplois et la sécurité alimentaire. Or, en Afrique, les importations de volaille augmentent depuis 1999 de près de 20 % chaque année, et mettent en péril les filières avicoles locales.

Ce marché africain porteur est convoité par les entreprises multinationales qui contrôlent des filières industrielles totalement intégrées, de l’élevage à la transformation, jusqu’au consommateur final. Parmi elles, des entreprises européennes, en particulier françaises, intensifient toujours plus la production, délocalisent au Brésil ou en Thaïlande pour réduire leurs coûts de production et tirer les prix à la baisse ».

La France, cette France dont ne parle pas le CIV, est le cinquième producteur mondial de volaille, le deuxième producteur mondial de canard, le deuxième producteur mondial de dinde, mais aussi le premier producteur de volaille de l’Union Européenne et le premier producteur européen de dinde et de pintade. Mais heureusement pour le lobby, il y a donc les bovins. Ce qu’il ne peut écrire, c’est  que la France est le premier producteur européen de cette noble marchandise, et qu’elle abat le quart des vaches de l’Union européenne. Ni qu’elle est le premier consommateur de cette viande en Europe. Ni qu’elle exporte pour 1 044,8 millions € de bovins vivants en 2008. Ni qu’elle exporte 1 022,1 millions € de viande déjà abattue, en 2008 toujours. Ni que ces animaux profitent de certaines des plus belles avancées de l’industrie, comme l’usage massif d’antibiotiques et l’ajout de compléments alimentaires comme les tourteaux de soja ou de maïs ensilé dopé aux engrais et pesticides. Ni bien entendu que les veaux sont retirés à leur mère un ou deux jours après leur naissance – laissés libres, ils téteraient au moins huit mois -, puis contraints dans des espaces qui leur interdisent à peu près tout mouvement. La viande de veau doit être blanche, savez-vous ?

Mais alors, que dit le CIV ? N’importe quoi. Des chiffres sans aucune référence – pour cause -, des rapprochements, des têtes-à-queue, des proclamations. Concernant les questions de santé publique évoquées dans le communiqué ci-dessous, vous m’excuserez de ne pas développer, car je l’ai longuement fait dans mon livre, et ce coup-ci, ce n’est pas de la publicité, mais plus simplement que j’ai un travail, rémunéré, à terminer. Je note deux détails, qui révèlent le tout. Le premier : l’usage si commode du mot moyenne. Les nourrissons, les grabataires, les végétariens, les gens raisonnables – ils existent – sont enrégimentés dans les chiffrages fantaisistes du CIV. Deuxième détail : le CIV note avec une kolossale finesse qu’au « au regard de ces chiffres, comment peut-on rendre les viandes de boucherie responsables, en France, de l’augmentation des maladies chroniques (cancer, obésité, maladies cardio-vasculaires…) ? ».

Ce truc est vieux comme le monde. Personne, à ma connaissance en tout cas, n’écrit que « les viandes » seraient « responsables » de l’augmentation des maladies chroniques. Il s’agit d’une manière évidente de disqualifier avant qu’il ait ouvert la bouche le moindre contradicteur. Personne ne l’écrit, mais des études, fort nombreuses, publiées dans les meilleures revues scientifiques de la planète, mettent en évidence des liens entre forte consommation de viande rouge et de charcuterie et ces fameuses maladies.

What else ? Je me marre à nouveau, car quand on en est réduit à de si pauvres arguments en face d’une telle mise en cause globale, argumentée, documentée, c’est qu’il y a le feu au lac pour l’industrie de la bidoche. Peu m’importe, vous pouvez me croire, que le lobby oublie volontairement de parler de Bidoche, mon livre. Ou plutôt, sérieusement, je dois dire que je m’en félicite. Car c’est la preuve, à mes yeux décisive, que le lobby n’a rien à répondre. Rien d’important. Rien de convaincant. D’un côté mon travail, qui pointe des dizaines de questions sans réponse. Et de l’autre le vide.