Je lis ce matin le dernier éditorial, en anglais je le précise, du journaliste George Monbiot, que j’apprécie tant. Il y explique pourquoi tenir un jardin est si plaisant. Selon lui, et je lui donne raison, sans doute parce que les résultats se voient. Et qu’ils peuvent même se goûter.
La Grande-Bretagne est un pays de jardiniers, et je n’oublie jamais, quand je pense à l’immense George Orwell, qu’il fut passionnément attaché aux lopins de terre qu’il lui arriva de retourner. Je me souviens d’avoir écrit jadis un article accompagné de ce titre : « Orwell, flic, jardinier, révolutionnaire ». Oui, car Orwell avait été flic de l’Empire en Birmanie, avant de devenir une flamme de la liberté. Mais c’est une autre histoire.
Revenons-en au jardin. Connaissez-vous la guerilla gardening ?
Eh bien, c’est ça. Des jeunes ou des moins jeunes repèrent un lieu maudit en ville, à Londres, Vancouver ou Berlin, et décident de le fleurir, de le changer en petit paradis végétal sans demander la moindre autorisation à quiconque. Allez donc voir ce que cela donne par vous-même, et surtout, ne me dites pas que cela ne vous fait pas saliver ! Car moi qui vous écris, j’en ai des tas d’idées qui me passent en ce moment par la tête. À l’assaut ! En avant ! À l’abordage des coins pourris de nos villes !
Là où je vis, l’ancien maire, qui se moquait abondamment du sort des plantes et des arbres, a fait transporter un olivier de 200 ans d’âge du sud de l’Espagne, où il avait été enlevé comme s’il s’agissait d’un sac poubelle. Et pour quoi ? Pour le mettre au milieu d’une plate-bande hideuse, sous le nez d’une vieille église (magnifique, elle). Et je ne vous parle pas de bananiers et plantes tropicales installés à grand frais près de la poste, tous exilés, tous très malheureux j’en jurerais.
Comme c’est le printemps, j’ai bien entendu des fourmis dans les membres, et me sens tout prêt à me changer en guerillero jardinier. Et vous ? Et tous les autres, qui roupillent et se plaignent, sans jamais bouger un orteil ? Hier, j’avais au téléphone une vieille amie qui a fait de longues études de théologie. Nous parlions de choses et d’autres, et à un moment, elle m’a dit un truc de ce genre : « Je ne suis pas sûre que la citation soit vraie, mais on raconte que Martin Luther a dit un jour : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier » ».
Je ne garantis pas que cela soit du grand réformateur Luther, mais enfin, je contresigne. Même si c’était la fin du monde, oui, je sèmerais. J’aime beaucoup le sorbier des oiseleurs. Mais je peux transiger.