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Luce Lapin forever (trois mots sur une belle âme)

Quel fichu pays ! 65 millions de clampins comme moi, des centaines de journaux, et une seule Luce Lapin. Je connais personnellement Luce dpuis un peu moins de cinq ans, depuis que j’ai commencé à collaborer à Charlie Hebdo. Luce est unique, car elle tient une chronique hebdomadaire – Les Puces –  consacrée en totalité à la défense des bêtes. Dans Charlie, évidemment. Je connais un nombre considérable de crétins qui pensent que défendre des êtres comme les chiens, les chats, les oiseaux encagés, les rats ou les toros signifie être un suppôt du Front National. Pour être franc, je n’écoute plus ces conneries.

Pour moi, l’humanisme n’a de sens que s’il s’étend à tout ce qui vit, car l’homme, pour le malheur de tous, est le grand responsable des destructions, et doit à ce titre assumer les conséquences de ses actes. Il doit non seulement protéger, mais aussi (se) reconnaître et (s’)imposer des devoirs catégoriques, comme il existe des impératifs catégoriques. La vie des bêtes, dont nous sommes, mérite un immense espace qu’elle n’aura pas de sitôt. Chaque semaine, Luce crie, tempête, hurle contre la corrida, la vivisection, les abattoirs, la chasse et les gros connards si nombreux. Mais elle signale les actions, les mobilisations, l’espoir quand il est là. Je vais vous dire un truc très simple : je suis fier de travailler à ses côtés.

Pourquoi parler d’elle aujourd’hui ? Elle vient de lancer son propre blog ici, où elle me compte parmi ses chouchous. Eh bien, je l’embrasse sans manières, et vous invite à y aller voir. Et à laisser des petits mots d’encouragement, car la vie est cruelle pour ceux qui pensent à eux. Aux animaux, à leurs souffrances, à leurs existences.

Le ministre qui aimait pirates et poissons

Ce texte a été publié par Charlie Hebdo le 19 février 2014

(Préambule qui ne figure pas dans le papier de Charlie : j’aime les poissons. Il y a peu, traînant dans les allées du si beau marché de Talensac, à Nantes, j’y ai vu nombre d’étals de poissonniers et de mareyeurs. Quelle beauté rassemblée ! Quelles gueules ! Quelle incroyable variété ! J’ai pensé, je pense que nous ne méritons pas ces animaux de la mer. Nous devrions nous prosterner devant l’offrande, nous devrions prier pour qu’elle puisse durer, et nous poursuivons notre route barbare, étouffant par milliards, réduisant en cendres, c’est-à-dire en poudre, c’est-à-dire en farine. Mais moi, j’aime les poissons.)

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Pas mal. Le ministre de la pêche du Sénégal, Haïdar el Ali, fait arraisonner un chalutier industriel russe, et demande un coup de main au pirate de Sea Shepherd Paul Watson pour empêcher le pillage de ses côtes.

Ce mec ne peut pas exister, et pourtant, il est là. Pourquoi un Blanc devient-il ministre d’un pays noir –le Sénégal – avant de passer une alliance avec le pirate des mers Paul Watson ? Avant d’esquisser une pauvre réponse, les faits, plutôt surprenants.

Le 4 janvier dernier, un rafiot sénégalais se rapproche d’un chalutier russe de 120 mètres de long, l’Oleg Naydenov. Un minable patrouilleur face à une usine capable de siphonner 100 tonnes de poissons en une seule journée. L’impensable se produit : les pouilleux montent à bord, et exigent que le géant suive le nain jusqu’au port de Dakar, car il pêche, illégalement,  dans les eaux territoriales du Sénégal. Les Russkofs sont 62 à bord, accompagnés de 20 Bissau-Guinéens, et envoient promener les Blacks, qui se retrouvent séquestrés, après avoir été secoués.

Le face-à-face sur l’eau dure un jour, et après l’envoi de renforts sénégalais à bord d’un deuxième navire, l’Oleg Naydenov accepte de gagner le port militaire de Dakar, où il est mis sous séquestre. Les côtes africaines, razziées depuis des décennies par des flottes industrielles russes, chinoises, coréennes, européennes, n’ont encore jamais vu cela. Pour la première fois, un pays du Sud se donne les moyens de se défendre contre un pillage précisément chiffré par la très officielle Agence américaine pour le développement international (Usaid). Chaque année, le Sénégal perdrait près de 230 millions d’euros à cause de la pêche illégale, somme extravagante qui dépasse de loin le budget de la santé de ce pays fauché.

La crise diplomatique éclate aussitôt et la lourde artillerie poutinienne se met en branle. Mais l’arrogante Russie tombe sur un os qu’elle ne parvient pas à digérer : un certain Haïdar el Ali. Plongeur sous-marin de grande classe, longtemps directeur d’une ONG locale de protection de la nature – l’Océanium – , ce Libanais du Sénégal s’est forgé une légende dans tout le pays en mobilisant notamment les pêcheurs. Parmi les grands classiques, un cinéma itinérant permettant de projeter des images de la vie sous-marine devant des villages côtiers médusés. Les équipes mobilisées par Haïdar ont replanté des dizaines de millions de palétuviers dans les mangroves, récupéré au large un millier de ces putains de filets abandonnés entre deux eaux. Entre autres.

Par une bizarrerie qu’on ne tentera pas de comprendre ici, Haïdar a été nommé en 2012 ministre de l’Écologie d’un gouvernement pour lequel Charlie ne voterait pas, puis ministre de la pêche en 2013. L’arraisonnement en mer de l’Oleg Naydenov, c’est lui. Et c’est lui qui envoie chier les Russes qui le harcèlent au téléphone. Comme si cela ne suffisait pas, Haïdar fait dans la foulée appel au pirate des mers Paul Watson, dont les bateaux de Sea Shepherd (http://www.seashepherd.fr) courent au cul des baleiniers japonais dans l’Antarctique. Watson, poursuivi par les polices du monde entier, met à la disposition du Sénégal un bateau de surveillance côtière et son équipage, pour plusieurs mois. Haïdar : « Si j’ai fait appel à ceux de  Sea Shepherd, c’est parce qu’ils ne se contentent pas de théories et de bla-bla, ils passent à l’action ».

Grosse, très grosse émotion dans tout le Sénégal, où l’on a l’impression d’avoir enfin touché un héros. Dans la foulée, et reprenant presque mot à mot l’argumentaire de Haïdar, Diapa Diop, secrétaire nationale de la pêche artisanale lance : « Il faut créer des aires marines protégées, des repos biologiques pour certaines espèces et revoir les agréments des usines. Si la population n’a plus assez à manger, il faut arrêter d’exporter ! ».

De quelles usines parle-t-elle ? De toutes celles qui poussent derrière les villages de pêcheurs sénégalais. Russes encore, coréennes, chinoises, qui transforment le poisson des piroguiers en farine pour nos porcs et nos poulets. Pour le moment, le bateau russe reste aux mains des Sénégalais, qui exigent un gros dédommagement. On peut penser que Haïdar finira pendu ou noyé dans le port de Dakar, mais en attendant, la classe. Internationale.

On peut lire une épatante biographie : Haïdar el Ali, itinéraire d’un écologiste au Sénégal, par Bernadette Gilbertas, Terre Vivante, 2010 (j’ajoute en complément que c’est un livre passionnant sur un être d’exception, ce qui, par définition, ne court pas les rues)

Comme ces vaches sont belles !

Je me dois de remercier Gérard, qui m’envoie depuis les monts d’Arrée un petit film admirable (ici). Le spectacle du bonheur animal est rare, et je dois avouer sans faire de manières que celui-ci m’a fait monter les larmes aux yeux. Un tout petit mot de plus : il y a fort peu de commentaires, mais comme ils sont en anglais, sachez que les humains qu’on voit ont créé une fondation pour empêcher qu’un troupeau de vaches ne finisse à l’abattoir. La splendeur, c’est de voir les rescapées du grand massacre se précipiter vers les prairies après un hiver passé à l’étable. Un type raconte qu’il est temps de donner quelque chose aux animaux. Je l’embrasse.

Et pourquoi pas 250 ours (dans les Pyrénées) ?

Il est des lectures heureuses. Seulement, il ne faut pas les louper. Or j’ai failli passer à côté du rapport (ici) nommé « Expertise collective scientifique “l’Ours brun dans les Pyrénées” du Muséum National d’Histoire Naturelle ». Je dois reconnaître que le titre n’est pas engageant, mais si l’on se plonge dedans, cela devient passionnant. Si. Avant de commencer, deux mots sur l’Ours. Cet animal grandiose a été le vrai roi du territoire qu’on appelle la France pendant des centaines de milliers d’années. Et même quand les hommes ont commencé à défricher et à piéger, il demeurait une sorte de dieu sylvestre auquel les peuples présents ici rendaient d’innombrables cultes. Je renvoie à l’admirable livre de Michel Pastoureau, L’Ours, histoire d’un roi déchu (Le Seuil, 2007).

Le monde de la vitesse et de la machine pouvait-il cohabiter avec la Bête ? En tout cas, il ne l’a pas fait. Le XXe siècle a marqué la fin du monde de l’Ours. Le dernier des Alpes a été aperçu en 1937, alors qu’il en restait une grosse centaine dans nos vastes Pyrénées. Et puis probablement 70 en 1954, et puis trente, et puis quelques-uns, et puis un seul, cantonné dans l’Ouest béarnais, entre vallées d’Aspe et d’Ossau. Il ne reste donc qu’un mâle héritier de cette prodigieuse histoire, que les hommes appellent Cannelito, né en 2004. Il poursuit sa vie au Béarn, sans pour le moment rencontrer âme sœur. Côté Béarn, c’est râpé, car en tout état de cause, il n’y aura plus jamais d’ours né d’un père et d’une mère pyrénéens. Précisons que Cannelito lui-même a pour père un ours « slovène ».

Slovène ? Oui, car parallèlement, et pardonnez si je survole, l’État a accepté sous la pression de quelques braves, parmi lesquels je souhaite citer Roland Guichard et Jean-François Breittmayer – il y en a d’autres, évidemment ! -,  une timide réintroduction. À partir de 1996, quelques ours ont été prélevés en Slovénie – un pays presque 30 fois plus petit que la France qui abrite…400 ours – puis relâchés dans les Pyrénées centrales, où il n’y en avait plus aucun. Vous avez sûrement entendu parler de Ziva, Melba, Pyros. Au total, huit ours ont été relâchés et compte tenu des naissances depuis, les Pyrénées comptent au moins 22 ours en liberté.

C’est dans ce contexte que paraît en septembre l’expertise du Muséum, rédigée par des spécialistes indiscutables, dont Luigi Boitani, un biologiste de réputation mondiale que j’ai eu l’honneur de rencontrer à Rome il y a une douzaine d’années. Que dit le texte ? Des choses limpides : dès demain, nos splendides Pyrénées pourraient abriter 110 ours, car sur le plan biologique, les ressources sont là. Et même 250 si l’on prend en compte un territoire plus vaste où les ours circulent sans s’y installer. Mais la situation actuelle conduit au dépérissement et à la consanguinité. Non seulement les deux populations – Béarn et Pyrénées centrales – ne sont plus connectées, mais le pool génétique des ours « slovènes » est trop restreint. Dans le jargon des spécialistes, le statut des ours est jugé « défavorable inadéquat ».

En fait, sans réintroduction rapide dans le noyau central, la consanguinité menace à dix-quinze ans, et peut-être avant. Il faut donc agir, et la meilleure façon de le faire est de renforcer simultanément les deux populations, celle du Béarn et celle des Pyrénées centrales. C’est « de loin le meilleur plan en ce qui concerne la viabilité de l’Ours brun dans les Pyrénées ». En résumé, et pour seulement préserver les chances d’un avenir viable, il faudrait vite relâcher entre 7 et 17 ours. Pour les ennemis de la nature et de la vie sauvage, cette perspective est comme un chiffon rouge agité sous leur nez. Je crois que beaucoup d’entre vous n’imaginent pas la bassesse, l’imbécillité et la violence verbale de ceux qui réclament la mort des ours. Il faudra songer à faire un florilège de leurs délires, mais ce n’est pas le jour.

Ce jour est de gloire, car il n’y a aucun doute, et tous sont placés au pied du mur. Ou l’on trouve le courage d’avancer, sur un chemin certes difficile. Ou on laisse mourir une nouvelle fois les ours vivant dans les Pyrénées. Ce qu’on appelle une alternative. J’aimerais être sûr que tous les protecteurs de l’animal sont conscients que nous disposons d’une chance historique. Nous pouvons en effet entraîner toute une coalition en faveur de l’ours, soutenue par les plus hautes autorités scientifiques qui soient. Je sais le débat à l’intérieur du petit monde des associations, et je ne veux en la circonstance froisser personne. Chacun peut avoir son point de vue, mais je redoute une trop grande proximité avec les services officiels de l’État, peureux comme à leur habitude, et bien incapables de prendre en charge la lutte en faveur de la biodiversité. Je redoute un accord au rabais entre associations « raisonnables » et défenseurs intransigeants, dont j’estime faire partie. Pour une fois, au-delà de divergences bien réelles, et qui ne sauraient disparaître, dites-moi, vous tous amis de l’ours, ne pouvons-nous pas nous entendre ? Ne pouvons-nous pas exiger unanimement que l’impeccable avis scientifique du Muséum serve de base à toute signature et tout engagement ? Est-ce trop demander que de réclamer 17 ours de plus ?

Je rêve, je sais. Mais je rêve réellement de 250 ours dans les chênaies-hêtraies du pays magique.

Une victoire pour les opposants à la « ferme des 1000 vaches »

Je suis obligé d’intercaler ici une nouvelle qui me parvient. L’association Novissen et la Confédération paysanne viennent de remporter une première victoire contre l’infect projet de « ferme des 1000 vaches ». Selon un article du Journal d’Abbeville (ici), l’État obligerait le promoteur Ramery à détruire une partie de ses installations. Bien sûr, il manque les détails, et dans tous les cas, ce ne peut être qu’une première bataille. Mais quand un succès pareil se produit, il n’y a plus qu’une chose à faire, en tout cas chez moi : champagne ! Tous mes bravos aux braves ! Tous mes bravos à Michel Kfoury, Grégoire Frison, Claude Dubois, Gilberte Wable, Pierre-Alain Prévost, Laurent Pinatel, et les centaines d’autres engagés dans ce beau combat contre la laideur du monde.

Le Journal d'Abbeville

 

1000 vaches : l’Etat intime l’ordre à Ramery de démonter son bâtiment !

 Victoire pour Novissen et La Confédération Paysanne, l’Etat a donné raison aux associations en demandant à Michel Ramery de démonter son bâtiment

Lors d'un face-à-face entre les promotteurs de la ferme et les membres de Novissen
Lors d’un face-à-face entre les promoteurs de la ferme et les membres de Novissen

Les membres de Novissen et de la Confédération Paysanne sont “sur un petit nuage” ! Ils ont semble-t-il gagné la lutte qu’ils menent depuis plus de deux ans contre le projet de la “ferme-usine des 1000 vaches”.Le secrétaire de Novissen Marc Dupont vient de confirmer le dernier rebondissement en date : “Laurent Pinatel de la Confédération Paysanne, Michel Fkoury, président de Novissen et notre avocat Grégoire Frison ont été reçus par le chef de cabinet de Cécile Duflot qui est également passée. Et bilan : l’Etat intime l’ordre à Michel Ramery de démonter tous les bâtiments non conformes au permis initital !”Le promoteur va donc devoir démonter l’immense bâtiment qui était censé accueillir le millier de vaches, sous réserve d’un appel. Et Marc Dupont de préciser : “M. Ramery devra ensuite attendre 3 mois après la démolition pour présenter un nouveau permis de construire”.Ce jeudi 23 janvier à 15h, Novissen rencontrera Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout La République) en mairie de Drucat.