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La guerre aux bêtes (José Bové monte encore au front)

Je l’ai assez dit ici : j’aime bien José Bové, que je ne suis pas loin de considérer comme un ami. Je le connais depuis un quart de siècle, ce qui signifie que je l’ai rencontré bien avant le démontage du McDo de Millau, qui a fait sa célébrité. Mais comme, en outre, je me vante de ne pas respecter la hiérarchie sociale, fût-elle médiatique, je n’ai jamais hésité à ferrailler contre lui. C’est ainsi, ce ne sera jamais autrement. Et sur la question du Loup, José Bové montre à mes yeux qu’il n’est pas un écologiste au sens que je donne en tout cas à ce mot. Je sais que les définitions ne manquent pas, ce qui crée une immense confusion des esprits, mais la mienne ne changera pas. En attendant, en espérant le jour où nous aurons inventé un mot nouveau, je me répète : José Bové n’est pas un écologiste.

Cette fin d’été est marquée par une nouvelle levée de boucliers dans la région même où s’illustra, au 18ème siècle la Bête du Gévaudan : entre la Lozère et la Haute-Loire actuelles. Une manifestation d’éleveurs, rassemblée par la FNSEA, vient d’avoir lieu à Langogne, là où j’ai pêché jadis à la mouche – nul n’est parfait – quelques truites aussitôt cuites au feu. Jusque-là, rien d’étonnant. Une manifestation de plus, pour dire que le pastoralisme est incompatible avec l’élevage de brebis. Sauf que Bové s’est senti obligé de soutenir à distance, occupé qu’il était à participer aux Journées d’été d’Europe Écologie, à Marseille. Déclaration au quotidien Le Midi Libre  le 24 août : « Un loup s’est fait écraser à l’entrée de Millau en février. Ses congénères peuvent désormais arriver sur le rayon Roquefort. Il faut envisager une législation renforcée pour protéger les territoires ruraux et d’élevage. Le tir est la seule solution à certains endroits. On a vu que les mesures mises en place ne suffisaient pas. Soit on met l’homme et le maintien des paysans comme une priorité, soit on met le loup et ça veut dire que l’espace disparaît. On aura des animaux hors sol à l’intérieur pour permettre au loup d’être sur l’espace ». (Merci à Érick de m’avoir envoyé la copie).

Il ne s’agit pas même de polémique : l’homme prime. Selon Bové, Le loup fait disparaître l’espace par un coup de baguette magique, car cet espace, c’est celui des humains, et il faut choisir. Eux ou nous. L’Homme ou la Bête, ritournelle des civilisations humaines depuis des milliers d’années. Comme le raisonnement de Bové s’applique fatalement ailleurs, on voit où l’on irait si l’on retenait son point de vue. Partout où l’animal gêne les activités économiques, il doit disparaître. Et comme tel est le cas de l’Afrique à l’Asie, des Amériques jusqu’en Océanie, en passant par la vieille Europe, il doit disparaître partout. Dans les mers y compris, car le requin ne sabote-t-il pas les efforts de l’industrie du surf ?

Bon. José Bové est selon moi un environnementaliste. Ce qui importe réellement, c’est ce qui entoure, « environne » le roi des animaux, c’est-à-dire l’homme. C’est un courant, assurément puissant, mais qui n’a jamais été le mien. Quand j’entends le mot « environnement », si je le peux, je passe mon chemin. Un écologiste, à mon sentiment, considère l’ensemble, les interdépendances, la beauté et la nécessité de chaque espèce. Et dans ce vaste tout, l’homme n’est jamais qu’un élément, certes décisif, mais qui doit composer, partager, céder, éventuellement reculer. L’écologie est donc bien un acte de rupture mentale considérable, pour la raison que l’homme n’a cessé d’avancer, d’occuper les espaces, de ruiner un à un  les territoires conquis. Je vois bien ce qu’une telle vision a d’invraisemblable sur une Terre désormais surpeuplée [oui, je crois que la Terre est surpeuplée, mais oui,  je compte bien défendre la vie des hommes existants ] mais enfin, je n’en ai aucune autre à ma disposition.

Pour en revenir au Loup, j’en ai marre d’entendre tant d’abrutis d’ici ou là opposer une poignée d’urbains dégénérés, ignorants autant qu’indifférents, aux si braves habitants des montagnes, courageux bien sûr, lucides et réalistes de surcroît. J’en ai simplement marre de cette absence de pensée, qui habille si mal la défense d’intérêts personnels. Pas de malentendu ! Je comprends que des éleveurs de brebis ne supportent pas la présence du loup. Et même qu’ils réclament son éradication. Mais la marche d’une société ne peut être l’agrégat des revendications de tous les groupes et de chaque individu. Nous sommes collectivement malades d’une exacerbation de l’individualisme, fondement hélas des sociétés modernes. Il y a deux siècles, la proclamation de l’individu était une émancipation. Aujourd’hui, étendue jusqu’au délire par les publicités au service de la marchandise et de la consommation perpétuelle, elle n’est plus que terrifiante régression.

Oui, les éleveurs doivent être entendus. Mais, oui, la société doit dire que la défense de la biodiversité est une valeur supérieure, qui s’impose à tous. Ayant affirmé cela avec force, elle doit – nous tous devons – proposer un pacte national pour la coexistence avec les grands prédateurs, qui sont ici chez eux. Ce pacte consisterait en des droits pour tous, animaux compris, et des devoirs pour les humains. Des devoirs pour nous, car sauf grave erreur, c’est bien nous qui commandons. Et qui tuons les brebis par millions. Et qui tuons au gaz neurotoxique les enfants de Damas aujourd’hui. Après ceux d’Halabja en 1988, grâce aux Mirage français fournis à l’excellente armée irakienne. Après tant d’autres. Avant bien d’autres.

Défendre les loups présents en France est un acte évident de civilisation.

La guerre aux bêtes (encore, toujours, à jamais ?)

 Une question mouline toute seule dans ma tête : comment faire avec ceux qui haïssent tant les animaux qu’ils ne contrôlent pas ? Je vois que le dialogue est impossible. Je vois aussi que ces pauvres fous ont l’appui des pouvoirs politiques et sociaux. En vrac, je tire de ma besace deux ou trois histoires dont j’essaie de rire un peu. Pas facile.

Un membre du comité directeur de Chasse, pêche, nature et tradition (CPNT), le regroupement des gros durs, passe sur le net, dans le cadre d’une revue de presse, cette « information » :

Dans le Gers un brocard embroche une jeune touriste

Une touriste venue de la Somme a vécu une drôle d’aventure. Alors qu’elle circulait en scooter avec son conjoint, un brocard leur a coupé la route à l’entrée de Fleurance. Malgré une manouvre désespérée pour éviter l’animal, celui-ci  a percuté le deux-roues.  Fonçant tête baissée, ce chevreuil a enfoncé ses bois au plus profond de la jambe de la jeune femme. Conduite par les pompiers aux urgences d’Auch, il aura fallu 11 points de suture et 7 points sous-cutanés pour refermer la plaie de la malheureuse.

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Le 15 juillet, une gosse de 15 ans a été tuée par un requin dans la baie de Saint-Paul (La Réunion). Depuis, festival de propositions plus grotesques les unes que les autres. Comme le proclame un communiqué signé par dix associations (ici), dont ma chère Aspas et mon cher Seashepherd, «Aujourd’hui, la raison a perdu tout droit de cité et nous assistons à un véritable hold-up sur ce dossier qui nous concerne tous mais qui a été phagocyté par une poignée d’individus, peu représentatifs de la population réunionnaise ».

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En baie de Somme, certains pêcheurs voudraient qu’on les débarrasse des phoques qui sont miraculeusement revenus le long de cette côte. Pardi ! ils osent manger du poisson. On les accuse aussi de dévorer les filets, demain on dira qu’ils violent les grands-mères. C’est à pleurer (ici).

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Que meurent donc les moustiques aussi ! L’an passé, j’avais oublié de vous parler de cette grande nouvelle : le moustique-tigre attaque (ici). Mais cette année, c’est pire, car il tue : voyez plutôt.

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On remarquera le silence des imbéciles au sujet des chiens, qui sont en principe soumis au maître. Selon les chiffres du Centre de Documentation et d’Information de l’Assurance – je ne sais ce qu’ils valent -,  500 000 morsures de chiens seraient déclarées chaque année en France (ici). Dans tous les cas, des milliers de drames et d’hospitalisations, sans compter les cicatrices du corps et de l’âme. Mais là, rien. Aucune plainte, aucune gueulante des habituels gueulards.

À part cela, je viens de passer un moment délicieux en compagnie d’un lucane cerf-volant, un mâle renversant de grâce. Une femelle, à ses côtés, avait le poitrail défoncé, et des petites fourmis s’en échappaient. Elle vivait, mais pour combien de temps ? La beauté est encore là.

Lucanes (Lucanus cervus): comparaison entre mâles major et minor. cheap nike air max 90 mens cheap nike air max 90 mens

La guerre aux bêtes (ad libitum)

Tout spécialement destiné à notre nouveau ministre de l’Écologie, Philippe Martin

Ce qui suit n’est qu’une alarme lancée par l’un de nos vrais grands naturalistes, Roger Mathieu. Peut-être se trompe-t-il. J’aimerais sincèrement qu’il ait tort, mais j’ai un malheureux pressentiment. On a vu qu’un Plan National prévoit de pouvoir buter 24 loups en toute quiétude. Depuis, des (petites) armées de chasseurs sont sur le sentier de la guerre, en 4×4 avec GPS, avec fusil à longue portée et viseur nocturne. Or le Loup est un animal qui, même s’il fait peur, réjouit secrètement la plupart d’entre nous. Tel n’est pas le cas du Vautour, dont la réputation a jadis favorisé l’éradication en France. Aussi bien, la crainte exprimée ci-dessous par Roger est on ne peut plus réelle. L’appareil d’État, qui a tant contribué à détruire ce pays, se passerait aisément de vautours dans nos ciels.

Si d’aventure on transformait ces oiseaux de rêve en dépliants publicitaires pour régions touristiques, on assisterait à une régression telle qu’elle appellerait bien des remises en cause, et peut-être quelques ruptures dans les liens malfaisants existant parfois entre les protecteurs de la nature et les services officiels.

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L’APPEL DE ROGER MATHIEU

A toutes et tous,

“On” nous informe que le plan “Vautours et pastoralisme”, qui était totalement en sommeil, vient de se réveiller et, toujours “On”, nous annonce que ce plan serait bouclé en urgence pour fin Juillet 2013.

Ce plan introduirait l’effarouchement et demanderait de supprimer tout équarrissage hors placette.

En clair, on commence à préparer les esprits au tir des vautours (voir ce qui s’est passé avec le loup…) et on refuserait que les vautours fassent ce qu’ils ont toujours fait et qui est autorisé explicitement par l’Europe ; on refuserait que les vautours interviennent sur les estives… Et qu’ils ne se nourrissent QUE sur les placettes (éleveurs et placettes d’équarrissage centralisées).

Si ce plan prenait cette direction NOUS DEVRIONS LE REFUSER VIGOUREUSEMENT ; accepter ce plan serait une très mauvaise nouvelle pour l’avenir des vautours fauves et moines.

L’effarouchement et la suppression de l’autorisation de l’équarrissage en pleine nature, autorisée par l’Europe (Estives et accès difficile) doit marquer la ligne rouge à ne pas franchir…

Si nous cédons la dessus, je ne donne pas cher de l’avenir des vautours fauves ET DE TOUTE LA NATURE SAUVAGE (Blaireaux, renards, phoques, bouquetins, busards, lynx, ours, loups, castors…). Tout ce qui ne se chasse pas et/ou ne se mange pas devra disparaître….

Cordialement,

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Roger MATHIEU

Une réponse à Yves Bonnardel (sur les défenseurs du Loup)

Comme je manque toujours – péniblement – de temps, je m’étais dit que je ne devais pas répondre au commentaire d’Yves Bonnardel (voir l’original au bas de ce texte), publié ici à la suite de mon article titré La guerre aux bêtes (un été pourri). Bien m’en a pris, car cela a permis à nombre d’entre vous d’échanger, dans une clarté somme toute convenable. Mais en même temps, je ne souhaite pas laisser passer ce texte sans y ajouter quelques remarques. À l’avance, que l’on m’excuse pour le peu de temps que j’y consacre. Ce n’est certes pas par manque d’intérêt, ou de respect pour qui que ce soit. Chacun a ses obligations.

Yves Bonnardel, je ne vous connais pas, et je vois bien comme vos propos sont sincères. Mais comme vous n’y allez pas avec le dos de la cuiller pour pourfendre vos supposés adversaires – l’obscénité prêtée aux « écologistes » n’a rien d’une gentillesse -, je me permettrai moi aussi d’utiliser un ton plutôt dur. Il ne vous vise pas vous, Yves, mais les idées que vous défendez.

Je déteste la souffrance, la violence et la mort. J’ai fait souffrir, j’ai utilisé la violence, et parfois l’extrême violence, je me sens capable d’infliger la mort. Hum. Je suis peut-être bien un salopard accompli. C’est possible. On ne se connaît pas soi même.

La vie reste un mystère total, malgré les apparences d’explication imaginées par les hommes depuis des dizaines, peut-être des centaines de milliers d’années. Je reconnais que nos cerveaux sont fertiles, inventifs, ingénieux, parfois même – dans les limites imposées – géniaux. Mais enfin, soyons honnêtes au moins cette fois : à chaque fois que l’on prétend faire reculer la question en inventant une réponse, une autre interrogation surgit sans prévenir. C’était vrai au temps de Socrate, et cela le demeure sous le ciel des astrophysiciens.

Ce monde est régi par des règles qui, même si elles nous échappent au fond, marquent nos faibles esprits. Il n’est pas drôle pour une âme noble – et je suis certain, sans nul jeu, que vous êtes, Yves Bonnardel, une âme noble – de constater l’évidence que la mort nourrit la vie. Pour ce que l’on sait, le temps géologique – appelons cela, faute de mieux, l’Évolution – a créé, éliminé, sélectionné des millions  d’espèces de formes vivantes. Nous ne considérons guère que les animaux, très vraisemblablement parce qu’ils évoquent, fût-de de loin, ce que nous sommes. Les végétaux, avouez-le sans honte, tout le monde s’en moque.

Demain ou dans 10 000 ans – c’est la même chose, non ? -, d’autres humains que nous auront peut-être une vision élargie de ce qu’est réellement le vivant. La perception des arbres, pour ne prendre qu’un exemple, a considérablement changé en une cinquantaine d’années. On sait, bien que cela nous dépasse, qu’ils se parlent. Par exemple. Que ne saura-t-on demain à leur sujet ? Ou à propos des herbes de la prairie, que dévorent vos chèvres avec appétit ? Ou des champignons et lichens ? Ou des pierres elles-mêmes,  qui nous semblent mortes ?

Je note, et nul ne peut raisonnablement s’écarter du constat, que des animaux sont des carnivores. Ils consomment de la chair. Ils ont appris ainsi, sans qu’apparemment on leur ait demandé, et la totalité de leur organisation interne est liée à ces besoins. Car ce sont des besoins, et non des désirs. Ou si ? Renonceraient-ils à la viande, sur quelque étrange impulsion, qu’ils mourraient fatalement, après – qui sait ? – d’horribles souffrances. Leurs éventuels petits également.

D’innombrables chaînes alimentaires – peut-être toutes, à bien réfléchir – sont nouées en fonction de l’existence d’espèces carnivores. Je n’hésiterai pas à écrire que si, par un douteux coup de baguette magique, les espèces carnivores disparaissaient, l’ensemble si extraordinaire que l’on a coutume d’appeler la Vie courrait des risques d’extinction. Je note en passant que les activités humaines aboutissent d’ailleurs à ce résultat.

Et je reprends. La Vie – et l’existence d’espèces carnivores – est-elle plaisante ? Pas seulement, il s’en faut de beaucoup. Pour en rester au sujet évoqué par Yves Bonnardel, je déteste penser aux escargots qui finissent dans la gueule du hérisson. Attention ! je ne dis pas cela par ironie. Je déteste. La pensée d’une brebis égorgée par un loup est une souffrance. Et je maudis aussi, au passage, les imbéciles qui s’en sont pris, dans ce coin du Sud que j’aime tant, à ce bout de forêt qui descend vers Saint-Jean. Et pas seulement, je le jure bien, par dépit esthétique. Mais parce que l’idée d’une tronçonneuse attaquant la chair vive d’un être plein de sève me dégoûte.

Le reste me sépare totalement d’Yves Bonnardel. Les positions qu’il défend me paraissent relever de ce que j’appellerai un délire culturaliste. Ou si l’on préfère anthropocentrique. L’Homme est à ce point tout-puissant qu’on attend de lui qu’il rebatte les cartes de la Création, qu’il redessine les contours d’un monde qu’il ne comprend pas, qu’il distribue les bons points à quelques Élus, et une malédiction éternelle à ces masses profuses qui ne suivent pas l’Enseignement. En résumé, ces conceptions donnent à la culture humaine – pour laquelle j’ai pour ma part beaucoup d’admiration et beaucoup de détestation – le droit et le devoir de se substituer à la Nature, qui aurait si gravement failli.

Nous ne sommes pas loin – je crois que la porte est grande ouverte  – du transhumanisme. Autrement dit, cette idéologie nauséabonde pour laquelle il faut « améliorer » l’Homme par une adjonction continuelle de colifichets technologiques.  Je ne dis pas qu’Yves Bonnardel est un transhumaniste (ici); j’affirme qu’il leur ouvre des voies d’accès. Et je me permets de dire que cet esprit de toute-puissance est au fondement de l’infamie industrielle, qui détruit sous nos yeux, un à un, tous les équilibres écosystémiques. Si l’on pense que la culture et la morale sont capables de refaire le monde en arrachant de la sorte ses racines – dont l’âge se chiffre en centaines de millions d’années -, c’est donc que tout est possible. Tout.

Je n’entends pas renoncer pour autant à me battre contre la cruauté, contre le mal fait aux animaux, contre la souffrance autant qu’il est possible. Car tel me paraît être le rôle d’un homme accompli sur cette Terre martyrisée :  utiliser sa morale, si petite et fragile qu’elle soit, de manière à faire reculer le Mal. Et si cela n’est que d’un millimètre, tant pis. Cette aune est la nôtre, celle de nos êtres passagers. Le millimètre est bien notre mesure réelle.

Un ultime point, et je m’adresse cette fois à Yves Bonnardel. À lui seul. Pourquoi ce désastreux besoin de disqualifier par avance, et avec des arguments qu’ils ne défendent pas, ceux que vous critiquez ? Vous avez bien le droit de ne pas aimer les loups, mais au nom de quel étrange dérèglement pouvez-vous juger que ceux qui les défendent défendraient de même « l’admiration des forts, l’oubli des faibles » ? Ce n’est pas seulement ridicule, c’est obscène, pour reprendre un mot de votre vocabulaire.

Et pourquoi diable renvoyer les mêmes défenseurs du Loup, comme un vulgaire Luc Ferry dans son affreux pamphlet (Le Nouvel Ordre Écologique), à la soumission au fascisme ? Les heures noires ? C’est simplement désolant.

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yves bonnardel | Bonjour,

Je me permets de vous faire entendre un autre son de cloche concernant la présence des loups. Un son de cloche non spéciste. Il y a huit mois, j’ai pris en charge 64 chèvres cachemire, justement pour les sauver : l’éleveur qui les avait auparavant en avait perdu 85 sur 170 en deux ans, massacrées par ces prédateurs tant admirés. Malheureusement, ces chèvres que j’ai reprises en urgence alors qu’elles se faisaient décimer tous les jours, étaient « pleines » et je me retrouve maintenant avec 93 chèvres et chevreaux à protéger (il va de soi qu’elles n’iront pas à l’abattoir, ni ne seront exploitées). Or, un couple de loups en provenance du Vercors vient de s’installer dans la région (je suis dans le Haut-Diois, limite Drôme provençale). J’ai beau passer un temps fou à essayer de faire des parcs électrifiés tout autour (des parcs qui font parfois plus de 5 km de long !), je sais que ça ne les découragera pas de venir attaquer les chèvres (et les autres : il y a aussi des cerfs, des chevreuils, etc.), de les pourchasser en les terrorisant, de les égorger et finalement de les massacrer les unes après les autres : les brebis de l’éleveur voisin se font ainsi décimer depuis un mois et demi à à peine un km de chez moi : plus d’une vingtaine ont déjà été tuées en si peu de temps (une fois, une dizaine d’un coup), les autres sont complètement traumatisées… La présence de chiens de défense de troupeaux hélas n’y change pas grand chose…

Bref, je me retrouve confronté au « problème du loup » de la même façon que les éleveurs, si ce n’est que, évidemment bien plus que eux, je me soucie du sort des victimes elles-mêmes : elles ne sont pas pour moi des sources de profit, mais sont des êtres sensibles (sentients) comme vous et moi et qui, comme vous et moi, souhaitent de toutes leurs forces jouir de leur vie le mieux possible et le plus longtemps possible. Je ne fais pas de différence spéciste à ce niveau-là entre elles et moi : nous tous voulons vivre, voulons éviter de vivre dans la peur constante, voulons éviter de perdre nos proches (nos petits, par exemple, ou notre mère), voulons éviter d’avoir à courir désespérément devant des animaux affamés dont les machoires ne pardonnent pas…
Oscar Horta a publié récemment un texte qui en dit long sur la peur qu’inspirent les loups à leurs proies, là où ceux-ci peuvent agir à leur guise : dans le parc de Yellowstone, aux USA, on a réintroduit des loups pour tenter de diminuer les populations de Wapitis (des sortes de chevreuils) qui, trop nombreux, mettaient en danger la reproduction d’une plante. Ça a très bien marché : la population de wapitis a diminué de moitié, non pas tant parce qu’ils se font manger (ce qui est aussi le cas) que parce qu’ils sont terrorisés et n’osent plus s’aventurer en espace découvert, s’alimentent de ce fait insuffisamment, et meurent en conséquence de maladies ou de malnutrition… On imagine la réalité qu’ils vivent au quotidien, pour « préférer » se laisser mourir de faim !!!
(cf. Oscar Horta, « Éthique de l’écologie de la peur versus paradigme antispéciste. Changer les objectifs des interventions dans la nature » : http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article422)

Je trouve que la façon dont les éleveurs se rapportent au problème de la présence des loups est obscène : l’élevage est un rackett sanguinaire qui s’exerce à l’encontre des bêtes élevées, et les éleveurs sont des assassins différés qui n’aiment évidemment pas la concurrence. En fin de compte, il ne s’agit rien moins que de rivalité entre prédateurs, les uns mangeant les proies que les autres comptaient sans scrupule amener à l’abattoir (encore que la plupart des éleveurs que je connais n’aient tout de même pas si bonne conscience que cela).

Mais, et c’est pour cela que je réagis à cet article, je trouve la réaction des écologistes, quoique fort différente, absolument aussi obscène.
Jamais la moindre empathie pour les victimes des ours, ou pour celles des loups. Ce qui compte pour les écolos, c’est l’ordre naturel, la beauté de la biodiversité quelle qu’elle soit, l’harmonie résultant de l’interdépendance (un mot dégoûtant pour signifier que certains massacrent les autres), bref, c’est une sorte de rapport esthétique au monde qui se moque de la triviale réalité vécue par les êtres terre à terre qui sont assimilés à « la nature » et qui vivent dans la crainte perpétuelle, dans la douleur de perdre leurs proches, dans la souffrance de la vie qui s’écoule par la gorge ouverte…
Ce qui compte aux yeux de tant de naturalistes, c’est que continue à s’exercer la prédation, ce symbole si fort de la « nature » (cf. « La prédation, symbole de la nature » : http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article104).
Ce qui compte, c’est de pouvoir continuer à admirer les prédateurs, c’est continuer à se projeter en eux, et non en leurs proies.

C’est vraiment un sale rapport au monde qui s’exprime là : l’admiration des forts, l’oubli des faibles, la vénération pour la totalité (« la nature ») sans considération pour ce qu’elle signifie « en vrai » (dans la réalité vécue) pour les êtres qui sont censés lui « appartenir »…

Ce rapport-là me rappelle les heures les plus sombres de notre histoire occidentale, quand c’est non pas « la nature », mais « la société » qui en était l’objet. C’est fondamentalement le même rapport qui continue de s’exprimer, et dont certains restent condamnés à faire les frais.

La guerre aux bêtes (suite sans fin)

Pour Raymond Faure,

Il y a quelques jours, j’ai écrit ici un article sur le sort fait aux animaux, qu’ils soient loups, vautours, busards ou blaireaux. Je serai moins long cette fois, mais la série, comme vous le savez, est interminable. D’abord l’incroyable affaire du Silure. Ce poisson d’eau douce, carnivore, peut atteindre en France plus de 2,50 mètres et peser alors une centaine de kilos. En France ? Oui, en France, car ailleurs, autour de la mer Caspienne, on parle d’animaux encore bien plus grands, et gros. Car ils viennent de là.

Bon. Les pêcheurs dits sportifs en ont introduit chez nous au milieu du 19 ème siècle – encore bravo, les gars -, et puis sont morts. Les pêcheurs. Les silures se sont reproduits, ils ont gagné d’autres bassins hydrographiques, et maintenant, ils sont ici chez eux. En prendre un à la ligne est un combat qui étourdit de fierté le vainqueur. Sauf quand un silure « attaque une adolescente dans le Doubs ». Lisez-donc ceci. Grave question de l’été : le Silure est-il une menace pour nos enfants, après le Vautour et le Loup ? À quand un Plan National d’Action et d’Éradication ? En attendant, vite, une cellule de soutien – et de soutènement – psychologique.

Je vous joins deux cadeaux. Commencez par cet invraisemblable couillon appelé Michel de Poncins (ici, sa bio), qui a écrit de somptueuses inepties sur les espèces protégées. Pas de panique, vous trouverez le texte intégral plus bas. De Poncins a fait Sciences Po, il a un doctorat en économie, il est (très) libéral, il est catholique, de cette tendance insupportable du catholicisme. Et le voilà donc qui parle d’animaux avec une suffisance et une sottise qui sont réellement, toutes deux, confondantes. Voilà bien le pire : utiliser la place que l’on a acquise ailleurs à déblatérer sur ce que l’on ignore. C’est le syndrome Claude Allègre. Le malheur, c’est l’influence de ces gens-là sur le cerveau déjà ramollo des «  décideurs », qui ne demandent qu’une chose. Que l’on leur donne une bouillie prédigérée, de manière à sembler penser quelque chose, alors que l’on ne pense rien.

Deuxième cadeau, mais celui-ci est vrai : un film de 8 minutes réalisé par un Catalan, et qui nous montre des vautours au travail. Des vautours fauves, suivis de gypaètes récupérant des os, et même d’un renard guettant sa pitance. Très beau : http://www.youtube.com/watch?v=FXGbRVDd0aE. Vous m’en direz des nouvelles.

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Tiré du site Contrepoints.org

Environnement

La chimère des espèces protégées

Publié le 24/07/2013

Qui détermine la liste des espèces à protéger ? Quels sont les effets de cette chimère ?

Par Michel de Poncins.

Cette reine des chimères surgit régulièrement dans l’actualité tel un serpent de mer. Les événements tragiques de La Réunion conduisent certains à demander l’inscription des requins dans la fameuse liste, ce qui serait une calamité pour les Japonais très friands de leurs ailes ! Une récente émission de M6 la fait resurgir d’une façon inattendue par le problème du logement. Le logement ne va pas. Les économistes savent que c’est le gouvernement qui est responsable de cette crise insupportable.

Un promoteur est venu sur la chaîne. Il a raconté tout tranquillement qu’un immense terrain qu’il avait acheté pour bâtir avait été gelé pendant trois ans à cause d’un crapaud unique qui en avait fait sa terre de prédilection. Il avait donc été nécessaire de trouver un autre terrain. Personne évidemment ne calculera jamais l’immensité des coûts correspondants avec les conséquences sur le logement et sur le PIB. Cela rappelle un aigle de Bonelli qui avait bloqué une autoroute pendant longtemps.

Quelles espèces protéger ?

Une réflexion sur la nature des espèces à protéger se heurte à des difficultés diverses. Veut-on protéger les espèces telles qu’elles étaient en 1800 ou en 1900 ? Ce serait intéressant, mais impossible pour les historiens. La date la plus raisonnable serait l’an 2000 dont le caractère est symbolique. La difficulté sera moindre. Un autre problème surviendra. Le catalogue vieillira, au risque de devoir s’ajuster tous les dix ans, de nouvelles espèces étant apparues entre temps.

Vient alors la question majeure : qui décidera de la liste des espèces à protéger ? Qui tiendra la télécommande ? À présent, c’est le plus grand désordre ; chaque pays a sa législation propre avec l’interférence des organisations internationales du type UE. Ce point est de grande importance car il existe un peu partout des sanctions soit civiles soit pénales en cas d’atteinte à une espèce protégée.

Au sommet, l’ONU avance à grands pas avec plusieurs agences plus ou moins dédiées.

Quels sont les effets de cette chimère ?

Le premier effet est, sans conteste, la ruine pour tous y compris pour les acteurs qui souvent ne s’en aperçoivent pas.

La ruine peut être illustrée par un seul exemple : le comptage des oiseaux est organisé depuis longtemps au nom du faux concept de réserve naturelle. La République du Centre nous apprend qu’il existe 300 réserves ; évidemment, il n’y en a jamais assez. Une réserve naturelle, ce sont plusieurs hectares où les activités sont réglementées avec, en particulier, le comptage des oiseaux. Ce comptage des oiseaux servirait à jauger l’état de l’environnement. Un oiseau étant par définition mobile la tâche est impossible. Elle ne devient réaliste que pour un ornithologue qui fait le travail à nos frais et qui, pour ce qui le concerne, est une espèce dûment protégée !

Il existe une deuxième conséquence qui, pour être moins évidente, est encore plus perverse : c’est le renforcement des pouvoirs du mondialisme incarné par l’ONU, le Mammouth des Mammouths. Nous l’avons déjà citée plus haut. Nous observons une fois de plus comment un pouvoir totalitaire mondial s’installe sous divers prétextes avec de multiples tentacules.

Un constat

L’actualité nous a conduit à analyser cette chimère de la protection des espèces. La sagesse voudrait que dans le cadre du droit de propriété les gens gèrent les espèces en respectant le droit des autres. Celui qui aime les loups peut les élever sans qu’ils dévorent les brebis. Nul besoin de réglementation pour cela.

Au surplus la nature renouvelle sans cesse les espèces dont personne ne connaîtra jamais la liste. Contentons nous d’admirer cette richesse.

Il existe, hélas, des personnes à qui cela ne suffit pas. Le jeu des idéologies et des intérêts se glisse dans toute chimère ce qui prolonge et consolide la chimère.

Lien raccourci: http://www.contrepoints.org/?p=131989