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L’élevage industriel, combien de morts ?

Publié dans Charlie Hebdo du 27 février 2013

Ne pas se laisser impressionner par la propagande, qui a découvert un joli bouc émissaire dans le scandale de la bidoche. Derrière le rideau de scène, le vrai responsable du massacre est l’élevage concentrationnaire.

C’est un peu Au théâtre ce soir, défunte émission de la télé où les décors étaient de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell. Le scandale en cours de la bidoche de cheval fait revivre les belles heures du théâtre Marigny, mais en plus ringardos, ce qui n’est pas à la portée du premier metteur en scène venu.

Dans le rôle du gogol, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture. Dès  le 11 février, alors que le feu gagne la plaine, il déclare sans s’étouffer : « Je découvre la complexité des circuits et de ce système de jeux de trading entre grossistes à l’échelle européenne ». Le gars est petit-fils de paysan breton, il a un BTS agricole et il a même enseigné plus tard l’économie dans un lycée agricole. Mais il ne sait pas que la viande circule d’un pays à l’autre. Stéphane, même pas drôle.

Mais changeons plutôt de sujet, car on se contrefout que des marlous aient décidé de mettre du cheval dans un plat de bœuf. Dans un monde où Findus appartient à un fonds de pension qui exige 8 à 10 % de rentabilité financière par an, tous les maillons de la chaîne sont appelés à truander pour remplir leurs obligations. Parlons plutôt de ce qui est planqué dessous le sang des bêtes. Pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut commencer par un point d’Histoire.

En 1961, Edgard Pisani devient le ministre de l’Agriculture du général de Gaulle. Dans le droit-fil du comité Rueff-Armand, qui entend dynamiter le cadre économique ancien – le libéralisme, déjà – une poignée de technocrates, soutenus par Pisani, décident en toute simplicité une révolution de l’élevage.

L’idée est de profiter de l’avantage comparatif français – 20 millions de bovins et de grandes surfaces de pâturages – pour produire massivement de la viande, laquelle sera exportée dans le Marché commun naissant, et permettra en retour d’investir dans des industries d’avenir. Le plus con, c’est que ce projet va marcher. En février 1965, Pisani est en Bretagne, et sous les vivats, il annonce que la région doit devenir « l’atelier à viande et à lait » de la France. En 1966, une grande loi sur l’Élevage est votée, et tout le monde s’embrasse sur la bouche : l’animal est pleinement devenu une marchandise.

Mais un produit industriel est là pour cracher du flouze, par pour faire plaisir aux amis des animaux. Un système se met en place, à coup de sélection génétique, d’alimentation « scientifique » – une partie viendra des Amériques sous la forme de soja -, de hangars concentrationnaires, de barres métalliques de contention pour interdire au capital de bouger son cul, et bien sûr de produits chimiques. La chimie est au cœur de l’aventure industrielle de la viande.

Vaccins, anabolisants, hormones de croissance, antiparasitaires, neuroleptiques pour calmer les nerfs des prisonniers, et bien entendu antibiotiques sont utilisés chaque jour. Les antibiotiques, dans la logique industrielle, ne sont pas là pour soigner, ou si peu : on a découvert dans les années Cinquante qu’en gavant les animaux avec ces médicaments, on obtenait comme par magie une croissance accélérée de leur poids, et donc des profits.

L’utilisation d’antibiotiques comme facteurs de croissance a été interdite en Europe en janvier 2006, mais cela n’a pas changé grand-chose au programme des réjouissances chimiques. La liste officielle des médicaments vétérinaires autorisés (1) contient des dizaines de substances dont aucune autorité ne connaît les effets combinés. La seule certitude, c’est que certains sont violemment toxiques et rémanents. Ce qui veut dire qu’ils sont stables longtemps, et peuvent, pour certains, entrer dans la chaîne alimentaire.

Par ailleurs, signalons que des études (2) montrent que des restes de médicaments vétérinaires sont retrouvés dans la viande de petits pots destinés aux bébés. C’est affreux ? D’autant que la toxicologie connaît ces temps-ci un ébouriffant changement de paradigme. Pour de multiples raisons impossibles à résumer, il devient hautement probable que d’infimes doses de résidus peuvent avoir un effet délétère sur la santé humaine. Et des mioches encore plus.

Autre folie consubstantielle à l’élevage industriel : les antibiotiques. Au plan mondial, la moitié des antibiotiques produits seraient utilisés dans l’élevage. On ne peut plus s’en passer si l’on veut faire du chiffre. Mais les conséquences sont lourdes, car les bactéries que flinguent les antibiotiques font de la résistance. Au bout de quelques années, elles mutent, et ne sont plus éliminées par l’antibiotique. L’antibiorésistance fait flipper tous les spécialistes, car on ne parvient plus à découvrir de nouveaux antibiotiques au même rythme que mutent les bactéries. Résultat : ça meurt, mais grave. Les infections nosocomiales, celles qu’on chope dans les hostos, font des milliers de morts chaque année en France.

Et l’élevage réclame sa part dans le bilan. Un article hallucinant publié fin 2007 dans le New York Times (3) rapporte que 19 000 Américains sont morts en 2005 d’une infection au SARM (Staphylocoque doré résistant à la méticilline). Plus que le sida, sans déconner. Le SARM compte plusieurs souches, dont une est animale, et prospère dans les élevages industriels de porcs. Elle touche nombre d’éleveurs, ainsi que des vétérinaires. Comme les autorités n’ont pas envie d’un nouveau scandale du sang contaminé, elles ont gentiment diligenté une enquête européenne, en 2008, sur le SARM animal, sous la forme CC398 qu’on retrouve dans les porcheries.

Le résultat des courses fait plaisir à voir. L’Allemagne a retrouvé le CC398 dans 43, 5 % des échantillons analysés. La Belgique dans 40 %. L’Espagne, dans 46 %. L’Italie dans 14 %. Autrement résumé, la France est entourée de voisins chez qui le SARM animal est une grave menace. Mais la France n’annonce que 1,9 % des échantillons contaminés.

On est loin de la viande de cheval ? Très près, au contraire. Tandis qu’on anime le spectacle d’un côté, on compte les morts de l’autre. Vive l’élevage industriel !

(1)    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000432020&dateTexte=&categorieLien=id
(2)     Food Chemistry, 15 juin 2012, Pages 2171–2180
(3)    http://www.nytimes.com/2007/12/16/magazine/16wwln-lede-t.html?_r=0

Derrière la viande, la merde

Publié dans Charlie Hebdo du 20 février 2013

Faudrait pas oublier l’essentiel. Un, la Roumanie est tenue par la mafia, la vraie. Deux, la viande est devenue en France une industrie comme les autres. La fabrication du « minerai de viande » est légale.

Oublie tout ce que tu as entendu, et regarde d’un autre œil cette fabuleuse histoire. Le « scandale de la viande de cheval » est une grosse farce, jouée par des acteurs de premier plan. Deux mots sur Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture et comédien de génie : contrairement à tant d’autres ministres, il visait depuis un bail le poste qu’il occupe depuis mai 2012. Il est petit-fils de pedzouille, titulaire d’un BTS agricole, et il a enseigné l’économie dans un lycée agricole. Il connaît donc le secteur.

Et c’est bien pourquoi il faut l’applaudir si fort. Jeté au milieu d’une énième crise de confiance, qui risque de plomber les comptes de l’industrie de la bidoche pour un moment, il a choisi contre toute évidence la voie de l’humour. Citation (RTL le 11 février) : « Je découvre la complexité des circuits et de ce système de jeux de trading entre grossistes à l’échelle européenne ». Immergé depuis sa naissance dans le monde de l’agriculture intensive, copinant avec certains de ses pires tenants, comme le président de la FNSEA Xavier Beulin, il ignorerait tout de ce qui fait le quotidien de la barbaque industrielle. C’est crédible.

On ne va pas refaire dans Charlie le circuit de la viande roumaine, mais on peut ajouter deux ou trois bricoles au vaste storytelling (1) en cours. Un, tous les sopranos de cet opéra bouffe savent ce qu’est devenue la Roumanie : un pays dirigé par la mafia. Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra, livre consacré à la Camorra, ne cesse de le répéter dans de nombreux entretiens, et la presse roumaine le confirme chaque jour. Le 9 février 2011, le quotidien de Bucarest Gândul (3) se demande en Une : « Mais où va l’argent sale des douanes ? ». Bonne question, car en cet instant, un douanier sur quatre est poursuivi pour corruption. Le 25 mai 2011, un autre quotidien roumain, Evenimentul Zilei (4), annonce que la mafia touche entre 1 000 et 7 000 dollars pour chaque container envoyé dans l’Union européenne. On arrête là, faute de place.

Voilà donc l’arrière-plan. Mais les neuneus ont tort de croire les ministres, qui désignent une poignée de fraudeurs et annoncent de nouveaux contrôles. Car la merde, qu’elle soit de vache ou de cheval, est dans le système. La vérité est dans un entretien passionnant accordé à une feuille de Nevers par Constantin Sollogoub, ancien vétérinaire local connaissant bien la Roumanie (4). Le Constantin se demande : « Pourquoi une viande abattue en Roumanie vient-elle jusqu’à Castelnaudary, pour être préparée au Luxembourg, via Metz ? ». Et il répond que le kilo de cheval vaut le tiers du kilo de bœuf, du moins en Roumanie. Et que l’exportation de viande permet d’engranger en plus des aides européennes. On voit que ça rapporte.

Mais ce n’est pas tout, et Constantin mange même le morceau principal : « Il y a 40 ans, les déchets des premières opérations allaient à l’équarrissage. Ils sont désormais mis en blocs et congelés ». Voilà le grand secret : on ne jette plus rien, ce serait trop bête. Et les industriels de la viande – qu’ils soient Roumains ou Français – fabriquent ce que nos belles autorités appellent discrètement du « minerai de viande ». Ne fuyez pas, cela devient sublime. Charlie étant un journal sérieux, bien qu’irresponsable, a épluché la Spécification technique n° B1-12-03 du 28 janvier 2003 , édictée par les services français. Cela donne : « Le minerai ou minerai de chair utilisé pour la fabrication des viandes hachées correspond exclusivement à des ensembles de muscles striés et de leurs affranchis, y compris les tissus graisseux y attenant ».

Il n’y a qu’une explication au supposé scandale de la viande de cheval : l’animal est devenu un produit industriel comme un autre. Une marchandise à laquelle on peut faire subir tous les outrages. Pour le reste, pour la com’ et les trémolos, voyez plutôt Le Foll.

(1) Le storytelling est une méthode archaïque, mais renouvelée par l’industrie, qui consiste à raconter de belles histoires plutôt que dire la vérité.
(2) http://www.gandul.info/news/un-politist-de-frontiera-din-patru-este-cercetat-pentru-coruptie-filmul-arestarii-cu-elicopterul-a-doua-puncte-vamale-7965253
(3) http://www.evz.ro/detalii/stiri/razboi-total-igas-doi-si-un-sfert-931419.html
(4) http://www.lejdc.fr/nievre/actualite/2013/02/13/ancien-veterinaire-a-nevers-constantin-sollogoub-setonne-du-parcours-de-la-viande-roumaine-1441372.html

Les navires de Sea Shepherd éperonnés !

Breaking News, comme on dit de l’autre côté de l’Atlantique. Dernière heure, ce 20 février 2013 à 21 heures, heure de Paris. Ça chauffe dans l’Antarctique, où les défenseurs des baleines affrontent notre monde barbare.

Sea Shepherd Newsrss_icon_20

Les navires de Sea Shepherd éperonnés par les baleiniers japonais dans le sanctuaire antarctique

20 février 2013 - Escalade de violence en AntarctiqueLes navires de Sea Shepherd Conservation Society, le Bob Barker et le Steve Irwin, ont été éperonnés par le navire-usine de la flotte baleinière japonaise, le Nisshin Maru dit « l’étoile de la mort » – un monstre d’acier de plus de 8 000 tonnes. Cet abattoir flottant est 10 fois plus lourd que le Steve Irwin.

Le Bob Barker et le Steve Irwin étaient derrière le Sun Laurel, le navire-ravitailleur de la flotte baleinière nippone – le Steve Irwin à bâbord, le Bob Barker à tribord.

Avec un haut-parleur, le Shonan Maru #2, le navire de sécurité japonais, a ordonné au Sam Simon, navire australien de Sea Shepherd se trouvant en eaux antarctiques australiennes, de quitter la zone sur ordre du gouvernement japonais. Des grenades assourdissantes ont été lancées sur le Bob Barker et le Steve Irwin par l’équipage du Nisshin Maru.

Le Capitaine Peter Hammarstedt a informé le navire-usine Nisshin Maru par radio que le Bob Barker maintiendrait son cap et sa vitesse et que l’obligation légale et morale d’éviter la collision incombait au Nisshin Maru.

Le Nisshin Maru a alors viré de bord et s’est approché par tribord. Il a presque percuté le Bob Barker avant de se tourner vers le Steve Irwin et de l’éperonner au niveau de la proue.

Le Nisshin Maru a maintenu son cap de collision et a éperonné le Steve Irwin une nouvelle fois à bâbord.

Le Nisshin Maru a ensuite éperonné le Bob Barker. Le Steve Irwin a accéléré afin d’éviter un nouvel éperonage.

Le Bob Barker a remplacé le Steve Irwin sur le côté gauche du Sun Laurel.

Le Steve Irwin a fait demi-tour et le Nisshin Maru a poussé le Bob Barker contre le Sun Laurel, le coinçant en sandwich. Le Nisshin Maru a ensuite reculé derrière le Bob Barker et l’a éperonné à pleine vitesse contre le flanc gauche du Sun Laurel, détruisant l’un de ses deux radeaux de sauvetage et détruisant le bossoir permettant de lancer l’autre radeau. Le Nisshin Maru a ensuite de nouveau éperonné le Bob Barker par l’arrière, détruisant l’un de ses radars et la totalité de ses mats.

2013_escalation_in_antarctica_01Tout le courant a été coupé à bord du Bob Barker qui a émis un signal de détresse May Day. A l’émission de ce signal de détresse, le Nisshin Maru s’est retourné et s’est enfui vers le nord.

Le co-chargé de campagne de Sea Shepherd Australie, l’ancien sénateur Bob Brown, a informé le gouvernement australien des mutltiples violations des lois internationales par la flotte baleinière et a demandé à ce que Tokyo soit sommé de retirer ses navires de cette region située au nord de la base Case australienne et de cesser de violer ouvertement les lois australiennes et internationales. Des navires de la Marine devraient être dépêchés sur place pour faire respecter la loi.

Actuellement, le Sun Laurel est en train d’être escorté vers le nord par la flotte de Sea Shepherd puisqu’il n’a pas d’équipement de sauvetage de secours adapté aux eaux très dangereuses de l’Océan austral.

Jeff Hansen, directeur de Sea Shepherd Australie a affirmé: « Le Nisshin Maru s’est rendu responsable de collision volontaire et d’un délit de fuite. Il a éperonné le Sun Laurel, mettant la vie de son equipage en danger et les a ensuite tout simplement abandonnés. »

Tous les navires font maintenant route vers le nord, les braconniers japonais, se trouvant à deux miles au devant de la flotte de Sea Shepherd.

Les trois navires de Sea Shepherd ont été éperonnés, le Bob Barker essuyant les plus gros dégâts. Le courant est maintenant rétabli à bord du Bob Barker. Heureusement, aucun membre d’équipage n’a été blessé.

Nous avons rempli notre mission en empêchant le Sun Laurel de réapprovisionner l’abbattoir flottant, le Nisshin Maru en carburant. Nous continuerons jusqu’au bout à protéger les baleines de ce sanctuaire.

 

Bienvenue dans un monde meilleur. À propos de viande industrielle

Je vous fais toute confiance : vous saurez lire comme il se doit ce papier publié ici il y a plus de cinq ans. De vous à moi, le soi-disant scandale de la viande de cheval est-il, ou non, plus grave que celui du mersa, dont tout le monde se fout si totalement ? 

Publié une première fois le 20 décembre 2007

Ne finassons donc pas, et terrorisons à la seconde tous ceux qui oseront me lire ce 20 décembre : le MRSA – prononcez mersa -, ça craint. Mais commençons par rendre à Jean-Yves Morel ce qui lui appartient. Depuis des mois, ce grand connaisseur breton des arbres et de l’eau me tanne pour que je parle du MRSA. Et je ne fais rien, occupé par d’autres sujets. Et j’ai tort, à l’évidence.

Il vient de m’adresser la copie d’un article paru dans le New York Times (http://www.nytimes.com), et je m’y mets enfin, espérant qu’il n’y a aucun lien de cause à effet. Entre la réputation du grand quotidien américain, veux-je dire, et mon soudain empressement. Mais sait-on jamais ? Le MRSA, c’est le staphylocoque doré qui résiste à la méthicilinne. Une bactérie épouvantable longtemps confinée dans les hôpitaux, où elle tuait les plus faibles.

Attention, mon savoir est tout récent, et je ne serais pas vexé d’être remis à ma place. Il semble bien que le mersa d’antan ait laissé la place – ou ait été doublé – par une nouvelle souche incomparablement plus virulente. Selon le NYT déjà cité, qui livre des chiffres officiels de 2005, 100 000 Américains seraient touchés en une année, et 19 000 mourraient. Soit plus que la totalité des victimes du sida.

Étrange et confondant, n’est-il ? La cause générale du MRSA est très bien connue : c’est l’abus insensé des antibiotiques. Aux États-Unis, et je doute qu’il en aille autrement chez nous, 70 % de tous les antibiotiques sont utilisés dans les élevages d’animaux destinés à la boucherie. Sans cette profusion, jamais nous ne mangerions autant de viande. Allons plus loin : l’agriculture industrielle n’aurait jamais atteint ce point de concentration et d’inhumanité.

Poursuivons. Interrogée cet été sur le MRSA, la puissante agence fédérale Food and Drug Administration (FDA) a bien dû reconnaître qu’elle ne s’était pas encore intéressée à ce qui se passe dans les innombrables fermes concentrationnaires du pays. C’est d’autant plus dommage qu’un faisceau désormais concordant d’indices converge vers les porcheries industrielles. Je vous passe les études, souvent menées en Europe d’ailleurs. Un nombre considérable de porcs, un pourcentage important de porchers seraient les hôtes de cette funeste bactérie.

Tout paraît indiquer, même si la France demeure sourde et aveugle, que les innommables traitements, y compris antibiotiques, que nous faisons subir aux animaux, nous rapprochent à chaque seconde d’un cauchemar sanitaire général. Je note, une fois de plus, que la presse officielle se tait. Soit elle ne sait. Soit elle ne peut. Soit elle s’en moque. Les trois rassemblés ne sont pas inconcevables. Bien entendu, c’est exceptionnellement grave, et vous admettrez avec moi – j’y reviendrai – qu’une société comme la nôtre devra tôt ou tard se doter d’une information digne de ce nom.

Au-delà, il faut se montrer vigilants, et responsables à la mesure de l’irresponsabilité de nos autorités. Considérez cela comme un appel, un appel de plus. Lisez tout ce qui vous tombe sous la main à propos du mersa et commencez à faire circuler ce que vous trouverez. Bien entendu, si l’alerte se confirme, elle mettra fatalement en question le système agricole en place, et tous les intérêts qui lui sont liés. Mais n’avons-nous pas l’habitude ?

Combat au couteau entre le panda et l’ours polaire (le cas WWF)

Cet article a été publié dans Charlie Hebdo du 13 février 2013

Un très court préambule. L’article que vous allez lire me conduit au bord de la rupture personnelle avec des amis, dont l’un reste pour l’heure cher à mon cœur. Mais j’écris en conscience ce que je crois devoir écrire. Je sais qu’il est plus facile de canarder le messager plutôt que de s’interroger sur le sens de qu’il dit. J’ai l’habitude. Mais cela fait quand même mal.

L’ours blanc est menacé par la fonte de la banquise et la chasse. Compter 75 000 dollars pour une peau. Problème : le WWF, dont l’emblème est le panda, refuse d’attaquer les chasseurs. Pourquoi ? Parce que.

L’affaire de l’ours polaire fout le bordel entre le WWF et les écologistes de terrain. Le bel animal n’en peut plus : il en resterait entre 20 000 et 25 000 sur la banquise Arctique et alentour. Une banquise qui a pu atteindre 15 millions de km2 au maximum de l’hiver, et un peu plus de 3 au cœur de l’été 2012. Plusieurs menaces, dont le dérèglement climatique, pourraient mener l’espèce au bord de l’extinction.

On s’agite ? Un peu. Dans quelques semaines, les bureaucrates de la nature se retrouveront à Bangkok pour une énième réunion de la Cites, qu’on appelle aussi Convention de Washington. Pour l’ours blanc, l’enjeu est essentiel, car les Etats-Unis, appuyés miraculeusement par les Russkoffs, proposent de placer l’ours dans l’Annexe 1, sommet de la protection. En théorie, le commerce international des parties de l’animal serait interdit. Un ours polaire naturalisé adulte se vend 40 000 euros à Paris, et beaucoup plus encore en Russie ou en Chine, où une simple peau peut atteindre 74 000 euros.

La situation est à ce point limpide que toutes les associations de protection de la nature devraient être sur le pont. Ne serait-ce que pour pousser au cul notre gouvernement, dont la voix à la réunion de Bangkok pèsera lourd. Mais pour l’heure, la France refuse de soutenir les Amerloques, et pense pouvoir se planquer en choisissant bravement l’abstention. La désunion écologiste ne va pas arranger les choses.

Résumons ce qui semble un beau mystère. D’un côté, 13 associations sont réunies pour aller au baston (1), parmi lesquelles Sea Shepherd, l’Aspas, la LPO, Robin des Bois. Elles soutiennent sans surprise l’inscription de l’ours blanc à l’Annexe 1 de la Cites. En revanche, d’autres poids lourds, comme Greenpeace, France Nature Environnement (FNE) et le WWF font semblant de ne pas être concernés. Ce dernier notamment – le WWF – risque d’en prendre plein la tronche publiquement, ce qui serait une grande première.

Personne ne souhaite encore sortir sous la mitraille, mais en off, c’est le grand dégueulis, au point que Charlie est obligé d’édulcorer pour éviter un procès en diffamation. En résumé, le WWF s’oppose avec ses petits bras à la proposition américaine de protection, avec des arguments que l’on qualifiera prudemment d’étonnants. Visite sur le site du WWF (2), où un pauvre ours polaire, par la grâce d’un effet graphique, souffle de la vapeur d’eau. Ça chiale direct, car « les jours sont comptés » et « 1498 ours polaires ont disparu depuis le 1er janvier 2009 », mais à condition de refiler 30 euros au WWF, la lutte contre le réchauffement de la banquise sera en de bonnes mains. Une belle manière de gagner des sous, qui rend hystériques de nombreux militants historiques de l’écologie.

L’un d’eux résume ainsi la situation pour Charlie : « C’est vraiment dégueulasse. Le WWF se remplit les poches en parlant de réchauffement climatique, contre lequel il ne peut évidemment rien. Et refuse la protection de l’ours réclamée par les Américains, en se taisant sur la chasse et les trafics internationaux qui en découlent. C’est la honte, et l’exaspération contre ces mecs est en train de monter partout. Je ne suis pas le seul à en avoir plein le cul, du WWF ».

Malgré les apparences, parole modérée. Mais voici déjà la séance Explication. Un, la chasse légale zigouille entre 600 et 800 ours par an, ce qui est énorme au regard du nombre de survivants. Pourquoi le WWF refuse-t-il de mettre en cause les porteurs de flingue ? Il n’est pas interdit de se replonger dans l’histoire de cette très curieuse ONG. Fondé en partie par des grands chasseurs d’animaux sauvages en Afrique – qui voulaient continuer à buter éléphants et gazelles -, le WWF n’a cessé de maintenir des liens puissants avec cet univers. Pour ne prendre qu’un exemple, le roi d’Espagne Juan Carlos est resté président d’honneur du WWF jusqu’à l’été dernier, alors qu’il avait été chopé à trucider des ours en Roumanie et des éléphants en Afrique.

Donc, le WWF aime les chasseurs. Mais est-ce bien tout ? Juste avant que la barque ne coule, encore deux bricoles. Un, le WWF est mutique sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Mais mutique. Y aurait-il un lien – hi hi – avec les nombreux financements venus de l’industrie ? Deux, le WWF vient de prendre un joli tournant en France, en embauchant deux nobles personnages. Nouveau directeur général : Philippe Germa. C’est un banquier, venu d’une entreprise transnationale d’origine néerlandaise, ABN AMRO. Nul besoin de détailler les belles activités d’une telle boîte. Nouveau directeur des programmes :  Christophe Roturier. Il a longtemps travaillé en Afrique, dans les « équitables » échanges de cacao entre la France et des pays comme la Côte d’Ivoire. Il a également bossé pour l’un des fleurons de l’agriculture la plus industrielle qui soit, Arvalis-Institut du végétal.

Moralité ? Y en a pas. Un dessin circule en ce moment dans les associations écologistes authentiques. On y voit un panda – symbole du WWF – sur la banquise, en train d’abattre au fusil un ours polaire.

(1) http://www.bioaddict.fr/article/13-associations-s-unissent-pour-la-protection-des-ours-polaires-a3669p1.html

(2) http://urgence-especes.wwf.fr/#/interview-jean-stephane-devisse