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Petite nouvelle en passant du lobby de la bidoche

En complément à l’article précédent consacré à mes si chers animaux, ce papier trouvé sur le site du quotidien La Voix du Nord (ici). Pour bien comprendre la chose, sachez que le Comité d’information des viandes (CIV) est le lobby industriel le plus en pointe dès que l’on parle de bidoche en France. J’ai traité à ma manière et la chose et son directeur – Louis Orenga – dans mon livre justement appelé Bidoche. Ces gens-là n’éprouvent aucune gêne à venir faire leur propagande, avec distribution de colifichets à la clé, dans les écoles. Et nous sommes assez faibles, assez sots, pour les laisser faire. Mais cela ne durera qu’un temps, j’en suis absurdement certain.

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Bien dans son assiette, bien dans ses baskets !

 

dimanche 19.02.2012, 05:14 – La Voix du Nord

 Les élèves de CM2 de l'école Sainte-Bernadette ont reçu la visite de deux animateurs du centre d'information des viandes. Les élèves de CM2 de l’école Sainte-Bernadette ont reçu la visite de deux animateurs du centre d’information des viandes.

| LANDAS |

Les CM2 de l’école Sainte-Bernadette se sont mis à l’heure écologique et nous ont fait parvenir le fruit de leur réflexion.

« Une association nommée CIV, centre d’information des viandes, est venue à l’école Sainte-Bernadette nous informer sur l’alimentation. Au départ, nous avons revu les sept groupes alimentaires (glucides, sucres lents…) ainsi que leur rôle sur notre organisme. Nous avons compris la nécessité de manger équilibré et de ne pas grignoter entre les repas… et gare au sucre ! Ensuite, nous avons composé, tout en jouant, des menus équilibrés. Puis nous avons abordé l’origine des produits que nous avons dans nos assiettes ainsi que la pollution qui peut en découler (transport, engrais…). Il vaut mieux acheter des produits locaux et de saison plutôt que ceux importés ! Maintenant, nous comprenons pourquoi il faut adopter une attitude d’éco-citoyens pour l’environnement et pour nous. »

Nos amies les bêtes sont-elles des frères ?

Je vois, comme vous je l’espère, que personne ne parle des animaux. Dans cette funeste campagne électorale, du moins. Voilà qu’on polarise l’attention publique pendant quelques mois, prétendant aborder les questions les plus essentielles de l’époque, et voilà qu’on ignore nos frères, les bêtes. C’est étrange. C’est instructif.

J’ai employé le mot frères sans réfléchir, et j’ai eu tort. Car il est tout sauf anodin. D’un côté, il est absurde, car il trace un trait d’égalité entre qui commande, frappe et tue – nous – et qui ne cesse de recevoir le knout – eux. De l’autre, il est juste en ce qu’il exprime mon rêve fou d’un monde réconcilié avec lui-même, laissant à chacun l’espace et le temps nécessaires pour mener une existence digne d’être vécue. Je n’y peux rien : je me sens fraternel avec les animaux, tous les animaux de la création. Et les végétaux, pour sûr. En règle générale, on ne tue pas son frère. Sauf si on s’appelle Caïn, mais on voit les conséquences.

Donc, pas un mot, de la part de nos chers politiciens, sur la barbarie totale infligée à ceux qui nous ont pourtant tout donné. Je parle là des seuls animaux domestiqués par notre noble espèce. Nous butons environ 1 milliard et 100 millions d’individus chaque année en France pour permettre à la Sécurité sociale de faire face aux authentiques épidémies de cancers, maladies cardiovasculaires, diabètes dont notre monde ne saurait désormais se passer. Quand je dis qu’on les bute, c’est qu’on les bute jusqu’au fond des chiottes* que sont nos vastes abattoirs. Et avant cela, bien sûr, l’on nie toute forme de personnalité à ces êtres considérés comme des morceaux, des choses, des amas. En les entassant comme des sacs – non, on ferait plus attention -, en les piquant d’antibiotiques et de tant d’autres produits goûteux, en leur enlevant leurs gosses en fonction des calculs commerciaux, etc.

Nous sommes des barbares, mais comme la version officielle est que la France est un pays cultivé, éduqué, démocrate jusqu’à l’os, emplie jusqu’à la gueule de prétentions universelles, il vaut mieux s’abstenir de parler du sort fait aux bêtes. Pourtant ! Depuis leur domestication, aux origines plus mystérieuses qu’il n’y paraît – qu’on se plonge dans les livres de Jacques Cauvin ! -, les animaux d’élevage ont offert aux sociétés humaines leur peau, leurs plumes et sabots, leur chair, leur extraordinaire présence quotidienne, si nécessaire à notre relatif équilibre. Et que dire de leur force de travail ?

Sans la force contrainte de nos esclaves animaux, aucune civilisation n’aurait émergé. Ni l’Égypte des Pharaons qui vénérait, avec plus de sagesse que nous, le taureau Hap. Ni la Grèce antique et son invention de la démocratie. In fine, le glorieux viaduc de Millau – humour – n’aurait pas même vu le jour. Ils nous ont tout donné, et nous ne cessons pourtant de les martyriser. La dette que nous avons accumulée au fil des millénaires ne sera jamais acquittée, mais au moins, on pourrait commencer à faire les comptes.

Il n’y a pas d’avenir humain sans eux. Sans une radicale transformation de notre attitude à leur égard, qui impose de vrais bouleversements de notre psyché. Ce qui signifie, car il me reste un soupçon de lucidité, qu’un long chemin improbable attend les défenseurs de la vie sur terre pour tous. Il va de soi que le petit espace qu’une main invisible nous a octroyé doit être partagé. Il va de soi que les hommes doivent accepter de reculer là où c’est possible, et de faire place à ce qui n’est pas eux. Pensez qu’un pays comme la France, pour cause de déroute de la civilisation paysanne, dispose désormais, pour la première fois depuis des siècles, de millions d’hectares où les humains ne pénètrent plus guère ! Et pensez que quelques braillards, avec des arguments rationnels à la clé, hurlent à l’idée que 150 loups, peut-être 200, sont enfin revenus au pays après en avoir été chassés par le fusil et le poison ! 150, quand il y avait en France, voici deux siècles, plus de 15 000 loups !

Mais je m’égare, puisque de l’animal domestique, sujet du jour, je suis passé sans prévenir au sublime Canis lupus. Revenons à nos moutons. Où plutôt au cochon. Il y a de cela trois ans – je crois -, je suis allé rendre visite à un éleveur de cochons du côté du cirque de Navacelles, entre Hérault et Gard. Je suis arrivé fort tôt le matin, alors que grondait un formidable tonnerre au-dessus de villages déserts. L’éleveur, Éric Simon, menait son vaste troupeau d’une manière prodigieuse, au milieu d’une garrigue géante. Je l’ai suivi quand il donnait à manger à ses animaux, et j’en avais la chair de poule, au milieu des cochons. Car ces derniers vivaient, tout simplement. Les mères se retiraient dans des abris pour mettre au monde leurs enfants. Les jeunes partaient en bande déconner dans les bois voisins. Un gros verrat prenait son bain de boue dans une sorte de piscine à même le sol. Et chacun gambadait dans le sens qui convenait à son humeur du jour, jusqu’au bout de l’horizon. Je ne suis pas près d’oublier la beauté de ce monde naissant, entre orage et soleil levant.

* Tout le monde ne connaît pas nécessairement l’anecdote : au cours d’une conférence de presse tenue en 1999, Vladimir Poutine avait déclaré qu’il fallait « buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes ».

PS : en complément, je vous suggère de réfléchir à certaines grandes figures inventées par nous pour désigner au fond une seule et même horreur. Nous feignons tous de croire qu’il est sans importance d’attribuer aux animaux nos tares les plus viles. Mais il n’en est évidemment rien. Plutôt que de reconnaître pleinement notre responsabilité, et nos si évidentes limites, nous préférons donc matraquer par les mots ceux qui échappent encore un instant au Grand Massacre. Et cela donne, mais vous complèterez :

La Bête de l’Apocalypse – sept têtes et dix cornes – est le symbole d’un pouvoir exercé par Satan lui-même. Bienvenue en enfer.

La Malbête, qu’on retrouve dans tant de témoignages fiables – ou beaucoup moins – est non seulement le loup sauvage, mais aussi, et finalement, tout ce qu’on redoute affreusement sans nécessairement le voir. Par certains côtés, un synonyme de l’angoisse.

La Bête humaine, formidable roman de Zola, où le mécanicien finit par ne plus faire qu’un avec sa locomotive, sur la ligne Paris-Le Havre. Cette Bête-là est bien proche de l’idée de « progrès » industriel.

La phrase de Brecht : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ». La bête, pour cet écrivain qui finit sa vie en triste stalinien, c’est le fascisme allemand, le nazisme. Mais le fascisme n’est pas une bête. C’est un homme.

Il faut lire Pierre Athanaze (et vite) !

À propos du livre de Pierre Athanaze, Le livre noir de la chasse (Le Sang de la Terre éditeur, 286 pages, 21 euros).

Pierre Athanaze est un ami. Je le considère comme tel en tout cas, bien qu’il ne soit pas un intime. Je l’ai vu agir, je l’ai entendu parler, je l’ai constamment apprécié. Qui est-il ? Un historique – bien que nullement vieillard – de la protection de la nature en France. Il a été un pilier de France Nature Environnement (FNE), fédération que j’ai froidement descendue dans mon livre Qui a tué l’écologie ?. Et puis il s’en est éloigné – tant mieux ! -, avant de devenir le président de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ici), cette Aspas chère à mon cœur.

Pierre est un bagarreur et, me semble-t-il, une âme tendre. Il a joué le jeu de la discussion et des institutions fort longtemps. Bien plus que je n’en aurais été capable. Bien davantage que je ne lui aurais souhaité. Mais baste, il est comme cela. Il a ainsi siégé dix ans au conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), où les chasseurs sont majoritaires. Je ne peux qu’imaginer le nombre de couleuvres de Montpellier – les plus grandes, en France du moins – qu’il a dû avaler. Bon, fin de l’amicale critique.

Il vient de publier un livre remarquable, que je vous invite à lire, à faire connaître autour de vous. Certes, je sais combien ce qualificatif de remarquable est galvaudé, mais il m’est venu spontanément, car l’on remarque fatalement, en ces temps de vide, un livre qui a quelque chose à dire. Et celui-là décortique le monde de la chasse en France, qui favorise tant le détestable univers des fédérations. Pierre raconte donc l’histoire, qui passe comme d’autres par Pétain, et pointe les invraisemblables avantages financiers – et autres – attribués à cette manne électorale supposée que représentent 1 230 000 permis de chasse accordés en 2011. 1 230 000, cela semble énorme, mais ils étaient près du double en 1974. Les chasseurs sont sur le déclin, mais les politiques les bichonnent comme jamais. Surtout depuis le surgissement d’un parti de la chasse, nettement favorable à la droite la plus raide, Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT).

Ce bouquin est concret, vivant, sensible. Pierre ne se contente pas de citer des chiffres et résumer des rapports. Il dépose son regard dans la balance, et quand il nous parle de l’incroyable, abominable déterrage des blaireaux – un exemple parmi quantité d’autres -, on sent une présence. Un refus radical. Un homme qui souffre. Peut-on souffrir pour un animal ? Pardi ! Il faudrait une belle indifférence à la vie vraie pour ne pas gueuler contre toutes les vilenies que l’homme – certains hommes – inflige à qui ne peut se défendre contre lui.

Je ne sais pas sur quoi insister. Le braconnage ? Le cas Gilles Pipien, que j’ai déjà abordé ici ? L’interminable combat sur les dates de chasse ? Les violences faites aux protecteurs ? Le constant scandale du col de l’Escrinet, en Ardèche ? Vraiment, je ne saurai décider, car tout est bon. Un mot peut-être sur les sangliers, dont la multiplication est un vrai problème dans de nombreuses régions françaises. On abattait en France, en 1975, 50 000 sangliers. On est maintenant à 700 000, et cela ne suffit pas. Le sanglier est partout, ou plutôt le cochonglier, hybride né des amours organisées entre le porc domestique et le véritable ongulé sauvage. Organisées dès les années 70 du siècle passé par des chasseurs qui voulaient multiplier les cartons et avaient donc décidé – et obtenu – de relâcher des animaux élevés dans des sortes de sinistres fermes. L’agrainage, qui consiste à attirer des animaux, en forêt, à proximité de sources de nourriture dûment préparées, aura fait le reste. La situation est pour l’heure incontrôlable.

Savez-vous combien d’animaux sont élevés dans le seul but d’être butés par des chasseurs trop ventripotents pour sortir de leurs 4X4 ? Chaque année, rapporte Pierre, les « éleveurs de gibier » vendent aux sociétés de chasse (chiffres 2002) 14 millions de faisans, cinq à six millions de perdrix grises et rouges, un million de canards colverts, 120 000 lièvres, 300 000 à 400 000 lapins de garenne. 800 000 chasseurs participeraient à ces chasses héroïques, parfois à l’intérieur de petits territoires enclos. J’ai appris – comment le savoir autrement ? – que les faisans flingués en ribambelle finissaient enterrés sur place, ou même sur des aires d’autoroutes. Si.

J’insiste ? Une dernière fois : il faut lire Athanaze.

PS : Bonjour, grand bonjour à Roger Mathieu, auteur d’un livre qui m’avait marqué en son temps : La Chasse à la française (Quelle est belle company, 1987).

Attention, chiens méchants (contre les brebis)

Ce n’est rien d’autre qu’un article de la Dépêche du Midi. Espèche est un village des Hautes-Pyrénées. Une fois de plus, des chiens errants s’attaquent à des brebis et en tuent. Douze, en l’occurrence. Un fait divers d’une grande banalité. Je ne citerai pas de chiffre sur le nombre de brebis attaquées par des chiens chaque année, car la statistique, en ce domaine particulièrement, est pure et simple polémique. Disons, car cela c’est certain, que les chiens tuent incomparablement plus – 400 fois, 600 fois, davantage ?  – que les ours et les loups réunis.

La différence, c’est qu’on ne peut se plaindre à la télé de ces épouvantables bêtes fauves. La différence, c’est que les ennemis du sauvage ne trouvent pas là l’occasion de déverser leur haine contre ce qui ne leur appartient pas. Mais lisez plutôt.

Espèche. 12 brebis tuées par des chiens

Les morsures ont entraîné la mort des brebis.

Les morsures ont entraîné la mort des brebis.

Consternation, désarroi pour Joël Castaing, agriculteur à Espèche, dans les Baronnies, qui a découvert, samedi, vers 21 heures, douze brebis mortes des suites de blessures causées par des morsures de chiens. « Au moment où j’allais faire manger la volaille, je me suis rendu compte qu’il manquait des brebis dans le parc où elles sont rassemblées », raconte l’exploitant agricole qui s’est alors rendu dans le bois à proximité. « J’ai entendu et vu deux chiens dont un est marron avec des rayures noires et porte un collier orange fluo. L’autre est blanc et noir à poils longs avec la tête mouchetée. Dès que je suis arrivé près d’eux, ils se sont enfuis. Et puis, j’ai fait la macabre découverte de mes douze brebis, mortes dans la rivière l’Arros », poursuit Joël Castaing qui n’en a pas dormi de la nuit. Et, à 5 heures du matin, il a dû faire partir les deux chiens errants qui revenaient attaquer le reste du troupeau devant sa maison.

Dans la matinée, l’agriculteur a informé le garde fédéral qui habite le village et qui est venu constater les dégâts. Dans une lettre écrite de sa main, celui-ci a confirmé que les animaux étaient morts suite aux attaques des chiens. « Je demande aux propriétaires de ces chiens de prendre contact au plus vite avec nous avant poursuites », déclare M. Castaing. Pour ce faire, un numéro est à retenir : le 05.62.XX.XX.XX. Outre la perte financière conséquente, l’agriculteur est meurtri par la mort de ses bêtes. De plus, il n’a toujours pas retrouvé une vingtaine de ses brebis.

Hubert Reeves, patron du café du Commerce (sur l’ours)

Bon, voilà que j’en suis réduit à m’autociter. Je vous rassure, c’est pour la bonne cause. L’excellent site La buvette des alpages (ici) m’a demandé mon opinion sur des propos de l’astrophysicien Hubert Reeves. Et je l’ai donc donnée, sans hésitation. Face à une cause aussi majeure que la défense de l’ours sauvage, il n’est à mes yeux aucun Intouchable. Ni Reeves ni aucun autre. Fatalement, ça saigne un peu. Je plaide innocent.

Fabrice Nicolino a accepté de répondre pour la Buvette aux propos que Hubert Reeves a tenus sur l’ours à l’AFP et qui ont été publiés par Romandie News.

Par Fabrice Nicolino.

La position d’Hubert Reeves est à pleurer. Elle n’est ni plus ni moins qu’un coup de poignard dans le dos de ceux qui se battent réellement pour la biodiversité, dans les Pyrénées ou ailleurs.

Fabrice Nicolino: La position d’Hubert Reeves est à pleurer. Elle n’est ni plus ni moins qu’un coup de poignard dans le dos de ceux qui se battent réellement pour la biodiversité, dans les Pyrénées ou ailleurs.Et si j’écris le mot réellement en italique, c’est bien pour signaler que monsieur Reeves n’est plus que dans le faux-semblant, après avoir pris le contrôle d’une association jadis vigoureuse, le défunt Rassemblement des opposants à la chasse (ROC).

Car Hubert Reeves n’est pas que le sympathique astrophysicien qui montre les étoiles aux enfants que nous sommes. En 2000, sollicité il est vrai, il a pris la tête du ROC, qu’avait si magnifiquement incarné Théodore Monod. Et avec l’aide de Nelly Boutinot et Christophe Aubel, il l’a transformé en une invraisemblable Ligue pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs.

La mort du ROC

Le ROC était mort, et bientôt enterré. J’ai écrit ailleurs la façon scandaleuse dont cette prise de pouvoir a eu lieu. Dans une lettre ouverte cinglante, cinq administrateurs de l’association en démissionnent avec fracas en novembre 2009. Il s’agit de :

  • Michèle Barberousse, adhérente depuis 1977;
  • Francis de Frescheville, adhérent depuis 1988;
  • Pierre Jouventin, démissionnaire depuis février 2009;
  • Viviane Laurier, adhérente depuis la création en 1976;
  • Jean-Paul Péronnet, adhérent depuis 2000.

Que disent-ils ? De véritables horreurs dont je n’extrais que quelques morceaux :

Le premier : « À la demande d’Hubert Reeves, la Ligue Roc ne s’oppose plus. Elle sert de caution aux ministères. Malgré les revers et les affronts subis, elle persiste à rencontrer autour d’une table ronde les représentants des chasseurs, de plus en plus favorisés par les pouvoirs publics. Il a été impossible aux administrateurs signataires d’obtenir qu’apparaissent sur son site toutes sortes d’informations sur les réalités de la chasse, indispensables à la formation objective de l’opinion publique ».

Le second : « L’opacité des pratiques, le non-respect des statuts, la dissimulation et le mensonge, obligent à des vérifications constantes. Lors de la dernière Assemblée Générale, le jeu des pouvoirs a permis à dix personnes, dont les deux salariés, d’exprimer plus des deux tiers des votes, et cela pour des candidats dont les noms n’ont été révélés qu’en séance ».

Inutile de poursuivre, car nous avons tous compris. J’ajoute que le pseudo-ROC fait réaliser des documents d’importance à un nouvel adhérent appelé Gilles Pipien. Chef de cabinet de Roselyne Bachelot en 2003, quand celle-ci, ministre de l’Écologie, vantait les mérites du nucléaire, cet homme est devenu un pilier du ROC-Reeves. Ma foi, tout le monde a bien le droit de changer, n’est-il pas ?

Sauf que Gilles Pipien n’a pas changé. Citation du bulletin Action Nature de juillet 2005, rédigé lui par de vrais défenseurs de la nature : « Bien sûr, on peut croire aux miracles, ou aux conversions tardives. Mais un tel retournement de veste n‘est tout de même pas près de passer pour crédible ! Ainsi, en région Rhône-Alpes, Gilles Pipien est l‘objet depuis le 7 mars 2003 d‘une tendresse toute particulière. C‘est lui en effet qui s‘est rendu sur le col de l‘Escrinet, haut lieu du braconnage de masse, pour y soutenir et y encourager cette pratique totalement illégale ! Les braconniers ardéchois en rient encore… ». Pipien, pilier du soi-disant ROC ? Oui, hélas.

Reeves au secours des ennemis de l’ours

Telle est bien la situation d’un ROC devenu poussière de sable, et que tout le monde piétine désormais. Il est à croire que cela ne suffit pas, que cela ne suffira jamais. Voici qu’Hubert Reeves entend donner des leçons à ceux qui se battent pour la sauvegarde de l’ours dans ces Pyrénées où il est chez lui, n’en déplaise à l’astrophysicien.

De quel droit un homme qui ne sait rien de la situation ose-t-il mettre en cause ce magnifique combat de civilisation ? De quel droit, vraiment ? Ne vous y trompez pas : Reeves n’a pas la moindre idée du climat de haine et de violence que font régner les ennemis de l’ours et de la vie sauvage. Et il se moque visiblement du coup de main inespéré que les quelques paroles accordées à l’AFP donneront aux extrémistes locaux. On appelle cela, lorsqu’on veut rester aimable, de l’irresponsabilité.

Bien entendu, il faut aller au-delà. L’absurdité des propos de Reeves ne saurait échapper aux défenseurs authentiques de la biodiversité. Car s’il est une chose évidente à qui est allé sur le terrain, ici ou ailleurs, c’est que la biodiversité est globalement une gêne pour les activités humaines. L’humanité continue son expansion et pénètre chaque jour un peu plus dans les derniers réservoirs de richesse biologique encore intacte. L’affaire est terriblement complexe, puisqu’elle nous condamne à respecter les droits humains tout en sauvant les formes de vie que ces derniers menacent fatalement.

Et c’est bien parce que la situation commande intelligence, détermination et acceptation du conflit que les mots de Reeves me sont insupportables. Car ils sont d’abandon, car ils sont de désertion, car ils mènent droit au désastre le plus complet. Reprenons en deux mots. Il existe dans les Pyrénées un magnifique espace largement vide d’hommes. La déprise agricole a en effet conduit les paysans à descendre de plusieurs centaines de mètres dans les vallées. Certes, les pasteurs et les troupeaux doivent être défendus, mais ils peuvent l’être, par miracle, en laissant une part à l’autre, à ce grand sauvage qui est l’âme profonde des lieux.

Notre responsabilité dans les Pyrénées

Les Pyrénées sont justement une place extraordinaire pour démontrer notre engagement sincère en faveur du vivant. Notre responsabilité est précisément de montrer qu’un pays riche, croulant même sous les richesses matérielles, peut consentir de menus sacrifices au service d’une cause supérieure et sacrée. De cela, Hubert Reeves ne veut pas même entendre parler. Pharisien, il renvoie dos à dos les deux points de vue, et récuse la perspective d’une opposition qui est pourtant au cœur de toute entreprise humaine. On se croirait, comme je l’ai dit plus haut, au café du Commerce. Ou chez les Normands de caricature : « P’t’être ben qu’oui, p’t’être ben qu’non ».

Ajoutons qu’avec les arguments – leur absence, en vérité – avancés par Reeves, nous n’avons plus qu’à rentrer tous nous coucher. Tous, c’est-à-dire tous les humains encore debout. Car franchement, comment espérer sauver l’éléphant d’Afrique, le tigre de l’Inde, le lynx ibérique, les hippopotames du Niger et les requins de toutes les mers dans ces conditions ? Les éléphants, pour ne prendre que cet exemple, entrent en conflit croissant avec les activités de paysans pauvres, qui ont bien entendu droit à la vie. Mais est-ce une raison pour accepter la disparition à terme de ces racines du ciel ? Il est vrai que Reeves n’a désormais d’yeux que pour les vaches et brebis de « races locales ». Grandeur et décadence.