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Vautours d’ici, d’ailleurs et d’autre part

C’est une pièce, il me semble qu’elle contient cinq actes, mais vérifions ensemble. Le premier se passe durant l’été. Dans mon vallon à moi, comme j’ai déjà pu l’écrire (ici), les vautours fauves et parfois moines viennent manger ce qui est mort. Ils évitent ainsi, non seulement, la propagation de germes pathogènes – leur système digestif élimine TOUT -, mais épargnent aussi aux éleveurs, quand ils nettoient les carcasses d’animaux domestiques, des frais élevés d’équarrissage. En bref, les vautours sont des auxiliaires bénévoles des activités humaines. On leur doit, et ce ne saurait être l’inverse.

Pourtant, dans mon vallon et alentour, l’été aura vu resurgir comme en août 14 des cris de guerre et des promesses de vengeance. La presse locale, des gorges de la Jonte jusqu’aux Pyrénées, bruissait chaque semaine d’apocalyptiques nouvelles. À lire ces pauvres journalistes en mal d’articles, ces sinistres crapules d’oiseaux fous avaient décidé de « passer à l’attaque ». Et de dévorer non plus des cadavres, comme depuis que le vautour est un vautour, mais des animaux vivants, de pauvres nouveau-nés, des vaches et brebis en excellente santé (ici). J’ai pu constater les effets de cette propagande. Soit dit en passant, elle n’a aucun besoin de se forcer pour faire naître et surtout renaître les fantasmes. Les rapaces nocturnes cloués sur la porte des granges ne sont jamais bien loin. N’empêche : des paysans du Tarn et de Lozère m’ont parlé sérieusement de possibles attaques contre des gosses. On imagine un vautour fauve – fauve – s’emparer d’un bambin de trois ou quatre ans, avant d’aller le déposer au nid pour nourrir la marmaille. Que claquent les dents !

Acte deuxième : Chantal Jouanno dans ses œuvres. La sous-ministre à l’Écologie, de passage à Toulouse le 26 juillet, pour une tournée électorale sarkozyste, lâche quelques sottises sur l’ours, avant de s’attaquer au vautour. Je la cite, je l’ai déjà fait ici, mais je récidive, car cela en vaut la peine : « Cette espèce [le vautour] inquiète les éleveurs. Non seulement, les vautours sont en bon état de conservation, mais la modification de la réglementation sur l’équarrissage les a incités à passer la frontière. J’ai demandé au parc national des Pyrénées non seulement de suivre ces oiseaux, mais aussi d’expérimenter l’indemnisation des dégâts et des tirs d’effarouchement. Ces oiseaux nécessitent une gestion transfrontalière et peuvent faire l’objet d’un tourisme de vision mais ils ne doivent pas mettre en péril le pastoralisme dont la montagne pyrénéenne a tant besoin ».

Je ne sais si vous serez allés au bout de cette loufoquerie. Les vautours osent passer la frontière, et l’on va voir ce que l’on va voir. Rappelons aux oublieux que le vautour fauve est passé tout près de l’extinction chez nous. À cause des cons, je ne vois pas d’autre mot à portée de clavier. Sauvé in extremis, il va un peu mieux. Mais comme il s’agit de glaner des voix dans la perspective des présidentielles de 2012, notre sous-ministre entend lancer des tirs d’effarouchement. En cette année 2010, année de la biodiversité. Avant des tirs d’anéantissement ? Pourquoi non ?

Acte troisième : un violent ennemi de la nature, que je refuse obstinément de citer par son nom (lire ici), fait circuler sur le net un texte d’une belle subtilité, qui commence par un constat accablant : « En trois semaines, ce ne sont pas moins de 9 brebis qui ont e?te? tue?es par les vautours dont 4
depuis dimanche »
. En face d’un tel massacre, une seule voie, et c’est celle de l’autodéfense, bien sûr. « Mais les vautours, malgre? leur surnombre dans les Pyre?ne?es (la proble?matique est sur toute la chai?ne et non pas seulement dans les Hautes-Pyre?ne?es ou les Pyre?ne?es-Atlantiques),  sont des rapaces prote?ge?s. Pas question de tirer dessus. “On ne dira plus rien puisque c?a ne sert a? rien et on fera le me?nage”, nous dit un e?leveur. Voila? une phrase que nous avons de?ja? entendue pour l’ours. Et c’est efficace en Arie?ge et ailleurs semble-t-il ».

Que l’on trucide, que l’on fusille, que l’on massacre encore un peu. Et les Pyrénées – mais le Vercors, mais les Causses et Cévennes – seront enfin pacifiées. On n’y verra plus que des chasseurs à 4X4, bedaines et talkies-walkies, des chiens bien élevés, des brebis apaisées, des bergers gérant le troupeau depuis le village. Ô ce bonheur qu’ils nous préparent.

Acte quatrième, mon ami Philippe de Grissac m’appelle de Nantes. Ce type a de l’humour. En tout cas, il me fait rire. Au téléphone, il me parle d’un texte écrit par Jean-François Terrasse. Son frère et lui sont ceux qui ont, plus qu’aucuns autres, défendu et sauvé les vautours en France. Jean-François, que je connais un tout petit peu, est pharmacien de formation, mais il aura consacré l’essentiel de sa vie, avec son frère Michel, au sort des rapaces. Créateur du Fonds d’intervention pour les rapaces, le mythique FIR, photographe, réalisateur de films, il est sans conteste l’un des meilleurs connaisseurs en France des vautours. Philippe détaille le texte écrit par Terrasse, et me demande un coup de main pour le faire circuler auprès des journalistes, que je suis censé connaître. Je fais ce que je peux, et Inch Allah.

Acte cinquième, je finis tout de même par lire la mise au point de Jean-François Terrasse. Elle vaut la peine, je vous prie de me croire (pour les sceptiques, ici). Que dit-il, lui qui a tout lu sur ces animaux, lui qui sait de quoi il parle ? Voici un extrait pour ceux qui n’iraient pas à l’original : « Et dès les années 2003-2004, l’équarrissage généralisé privait les vautours de ressources et créait une famine totale dans ces grandes colonies de vautours du versant sud des Pyrénées situées en Aragon et en Navarre. On a pu voir alors au piémont des Pyrénées françaises des réunions de vautours affamés s’approchant des fermes pour se repaître d’animaux morts, ce qui était devenu totalement inhabituel. On peut comprendre que des éleveurs français se soient inquiétés, surtout en présence de vautours dévorant un veau mort né ou la mère en difficulté de vêlage non assistée et déjà condamnée. Très vite, la rumeur colportée par les médias a fait état d’attaques délibérées sur des animaux sains, affirmant que les vautours avaient changé de comportement et étaient devenus des prédateurs !

Aucune expertise sérieuse n’est venue confirmer cette attestation gratuite, même si les constats des vétérinaires les disculpent globalement. Dans le pire des cas, des vautours affamés ont aggravé des situations où un animal en difficulté et sans assistance était déjà condamné. Aussitôt, à partir de quelques cas isolés, la polémique a fait du vautour fauve le bouc émissaire à la fois des difficultés de l’élevage et des frustrations des opposants d’une politique de conservation de la biodiversité incluant pêle-mêle, l’ours, le loup, la chasse du grand tétras et le Parc National des Pyrénées. Des faux témoignages grossiers diffusés sur la toile continuent d’alimenter et d’aggraver cette polémique stérile.

En réalité, dans les Pyrénées françaises où l’élevage est important, la petite population de vautours fauves (525 couples en 2007) est bien intégrée au pastoralisme. Tout le monde peut y observer des dizaines de vautours survolant les alpages où abondent brebis (621 000), vaches (157 000), chevaux (12 000), chèvres (14 000) pour 5 300 exploitations pastorales (1) sans aucun problème. Les vautours éliminent sans frais pour l’éleveur et la collectivité des milliers de cadavres, économisant ainsi une énorme quantité de CO2 généré par l’équarrissage (transport, incinération) d’ailleurs souvent impraticable dans des montagnes peu accessibles. Ces oiseaux, véritables alliés sanitaires, sont donc parfaitement intégrés dans une politique de développement durable ».

On pourra se référer à un autre texte du biologiste Jean-Pierre Choisy, que j’ai brièvement croisé dans le Vercors (ici). Une courte citation : « Les vautours ont perdu les armes des rapaces prédateurs : les serres. Le bec crochu, impressionnant, n’est pas une arme pour tuer, mais un outil pour dépecer…». On aimerait trouver une chute épatante, éclairante, rassérénante peut-être. Mais cette pièce, qui triomphe sur les planches des sociétés humaines depuis des milliers, des dizaines de milliers d’années sans doute, et peut-être davantage, est une tragédie. Elle explique, mieux qu’aucune autre, pourquoi, en cette année 2010, décrétée de la biodiversité par les bureaucrates et les pouvoirs qu’ils servent, on peut menacer impunément des oiseaux aussi beaux, aussi merveilleux que les vautours, à peine quarante ans après qu’ils ont failli disparaître de France, ce territoire qui est autant le leur que celui de cette pitoyable madame Jouanno et de son maître adoré.

Un fox-trot au sujet de la viande artificielle

Faut-il vous présenter cette petite merveille jouée jadis par l’orchestre de Ray Ventura ? Allez, pour le plaisir, avant de jouer le rôle qui est le mien, ces quelques paroles :

Tout va très bien, madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien
Pourtant il faut, il faut que l’on vous dise
On déplore un tout petit rien
Un incident, une bêtise,
La mort de votre jument grise
Mais à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien !

Rigolo. Pour ceux qui ignoreraient où va ce fox-trot, sachez qu’il va loin, jusqu’au pire. Lisez plutôt :

Eh! bien voilà, madame la Marquise
Apprenant qu’il était ruiné
A peine fut-il rev’nu de sa surprise
Qu’Msieu l’Marquis s’est suicidé
Et c’est en ramassant la pell’
Qu’il renversa tout’s les chandell’s
Mettant le feu à tout l’château
Qui s’consuma de bas en haut
Le vent soufflant sur l’incendie,
Le propagea sur l’écurie
Et c’est ainsi qu’en un moment
On vit périr votre jument
Mais à part ça, madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien !

Notre monde va lui aussi très bien, et de mieux en mieux. Christian Berdot – merci ! – m’envoie un article du quotidien britannique The Guardian (lire ici, en anglais), dont voici le titre, à peu près traduit :  Viande artificielle : de quoi alimenter le débat à l’horizon 2050. Le professeur John Beddington, « conseiller scientifique en chef » du gouvernement britannique, vient de mener une étude, à la tête d’un groupe de chercheurs, publiée par la Royal Society. Je résume. Le monsieur n’est pas un gai compagnon. Selon lui, malgré les OGM et les nanotechnologies, l’avenir du monde est à la famine de masse. Autour de 2050, l’augmentation de la population et de ses besoins, la raréfaction de l’eau, le dérèglement climatique rendent cette perspective pratiquement certaine. Même si, ajoute ce bon scientiste, la productivité alimentaire pourrait augmenter de 70 % en seulement quarante ans. N’insistons pas sur ce scénario à mes yeux fantaisiste, car tel n’est pas le propos du jour.

D’ailleurs, pour Beddington et ses compères, cela ne suffirait pas à satisfaire la demande attendue en lait et en viande de 9 milliards d’humains. Heureusement, explique un de la bande à Beddington, le docteur Philip Thornton, il y a la viande artificielle. Que l’on fera naître, je n’invente rien, dans d’immenses cuves (vats). À quoi il faut ajouter les bienfaits garantis – par lui – des nanotechnologies, qui devraient révolutionner une fois de plus l’élevage industriel. Cette fois, nos Frankenstein à tête d’hommes insistent sur le rôle de véhicules individualisés de médocs que pourraient jouer les nanos. Le bestiau recevrait ses hormones, ses antibiotiques, ses insecticides dans des doses pesées au trébuchet du milliardième de gramme.

Voilà où en sont les supposées élites du Royaume-Uni, qui sont les mêmes que les nôtres. N’ayant rien compris, incapables sans doute de comprendre quoi que ce soit, dotées pourtant de tous les pouvoirs matériels et symboliques, elles prennent des décisions en notre nom. Qui nous engagent. Qui nous enfoncent mètre après mètre, de plus en plus profondément, au fond d’une impasse dont on ne distingue déjà plus l’entrée, plongée dans le noir. Ne me dites pas que l’on doit accepter cela. Ne me dites pas que cette infamie programmée ne justifie pas la révolte la plus radicale qui soit. Ne me dites rien. J’ai besoin de silence.

Le renard à l’assaut du monde (fabliau)

Bien que ses ressorts ne soient pas réellement connus, on sait que la haine de la nature est l’un des soubassements de sa destruction. On déteste, on massacre. Tout ce qui n’est pas soi. Tout ce qui semble échapper à la domination. Tout ce qui paraît narguer l’affligeant défilé de jours interminables, au cours desquels rien jamais ne se passe. Comme il est bon alors de s’en prendre à la beauté du monde. Comme il est réconfortant de se prouver qu’un flingot est tout de même plus puissant qu’un oiseau, ou un loup, ou un ours.

Bon. Cet été 2010 aura vu surgir, une fois de plus, le spectre du vautour, cet animal de malheur, définitivement associé à la mort. Partout dans le sud de la France, des Pyrénées au Causse Méjean, la « colère gronde », comme écrivent les journaux en mal de copie. Lisez plutôt ce splendide article (lire ici), sobrement intitulé : « Vautours et ours passent à l’attaque ». Le vautour fauve, qui a failli disparaître à jamais, reconstitue vaillamment une faible partie de ses effectifs d’antan, et il faudrait pourtant « réguler » ses maigres cohortes, en attendant de le tirer à vue.

Je rappelle que Chantal Jouanno, de passage à Toulouse le 26 juillet, a eu des mots sublimes à propos du vautour, que voici : « Non seulement, les vautours sont en bon état de conservation, mais la modification de la réglementation sur l’équarrissage les a incités à passer la frontière. J’ai demandé au parc national des Pyrénées de suivre ces oiseaux, mais aussi d’expérimenter l’indemnisation des dégâts et des tirs d’effarouchement ». La classe, hein ? Comme on est bien incapable de lutter contre un marché mondial qui détruit à jamais le pastoralisme, on préfère cogner à la hache d’abordage sur l’ours et le vautour. Chantal, encore bravo.

Je ne serai peut-être pas revenu sur le sujet sans l’extrême drôlerie d’un autre article reçu il y a quelques jours. Qui me l’a envoyé ? Un garçon que je ne veux plus nommer ici, car j’en ai déjà trop parlé (lire ici). Attention, je n’ai aucune relation directe avec lui, par chance extrême. Simplement, il envoie ses élucubrations sur une liste de diffusion, dont je suis l’un des destinataires. Alors, que nous raconte donc ce brave ? Je le cite, avant de passer à l’article qu’il a sélectionné. Je le cite : « Les renards seraient-ils comme les vautours ? Ils ont faim ! A force de vouloir tout trop protéger nous allons finir par avoir quelques petits problèmes ».

Attirante introduction, non ? Le papier ainsi présenté est d’une facétie irrésistible (lire ici). Il mériterait une étude à lui tout seul, car il concentre une quantité prodigieuse de niaiseries, toutes éclairantes sur notre rapport au monde sauvage. Notons au passage qu’il parle finalement d’un animal qui N’A PAS ÉTÉ IDENTIFIÉ. Mais le renard ne fait-il pas un coupable parfait, seul susceptible – la rage, les dents, brrr – de susciter l’effroi ?

Je m’en tiendrai à ce court passage drolatique : « Elles n’en reviennent toujours pas. Et se grattent la tête pour trouver une explication. Deux randonneuses allemandes qui effectuaient la traversée des Pyrénées par le GR 10 ont passé la nuit de mercredi à jeudi en dessous du col de La Pierre Saint-Martin. Tout allait bien… jusqu’au moment où Julia a senti quelque chose qui lui grattait la tête.

Un trou dans la toile

Pour ne pas dire lui grignotait le cuir chevelu, laissant des traces de morsures. La randonneuse avait l’occiput placé près de l’entrée de sa tente. « L’animal a fait un trou dans la toile» raconte son amie Johanna. La bestiole avait de l’appétit. Les randonneuses ont retrouvé également leur sac percé sur une dizaine de centimètres de diamètre. « L’animal s’est servi dans nos provisions» racontent les randonneuses ».

Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Non pas.

Les ours sont toujours là (merci, Jean-Gabriel !)

Jean-Gabriel envoie un lien « pour se changer les idées ». Ma foi, c’est réussi ! Malgré l’immense connerie coalisée contre l’ours des Pyrénées, celui-ci vit. Et se gratte le dos, comme vous pourrez le voir en cliquant ici. Je précise que ces images sont prises par des caméras à déclenchement automatique de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Malgré l’épouvantable intitulé de l’organisme, cet office est bourré de naturalistes de grand talent, qui défendent avec sincérité la vie et sa diversité. Mais regardez, car c’est beau comme le jour. Car c’est beau comme la nuit.

PS : J’en oublie de remercier le site La buvette des alpages, qui a mis en ligne ces images. De nouveau, une pub méritée pour ce lieu rare.

Les animaux malades de la peste nucléaire

Tchernobyl, destructeur de biodiversité

par Valéry Laramée de Tannenberg

Cet article est extrait du Journal de l’Environnement (ici), et m’a paru si clair, si net, à ce point informé que j’ai décidé de le mettre en ligne ici, espérant que l’auteur ne m’en voudra pas. En tout cas, bravo.

Au printemps, lorsque l’on visite la zone d’exclusion de Tchernobyl, c’est toujours le même rituel. Immanquablement, les guides s’extasient sur la richesse de la flore et de la faune. La preuve, selon eux, que les effets de la radiation s’estompent. Et chacun y va de son anecdote : les troupeaux de chevaux sauvages venus d’on ne sait où ; les bisons biélorusses qui préfèrent les parages de la centrale accidentée à leur forêt natale. Sans oublier les poissons-chats dont la taille dépasse sûrement celle de bien des requins. On ne compte plus non plus les cervidés qui se plaisent à hanter la ville fantôme de Tchernobyl. Bref, la zone la plus contaminée de la planète serait devenue le paradis perdu des animaux.

Incroyable, mais faux ! Depuis 20 ans, Anders Pape Moller, de l’Université Pierre et Marie Curie de Paris, évalue les effets de la contamination radioactive sur la faune des alentours de la centrale ukrainienne. Et d’après le biologiste danois, pas plus que pour les humains, les rayons bêta et gamma ne sont bons pour les animaux.

Ces dernières années, cet ornithologue patenté a publié de nombreux articles sur le déclin des populations d’oiseaux dans la région de Tchernobyl. « Nous avons réalisé de nombreuses campagnes de comptage dans et hors des zones contaminées. Et, à l’intérieur de la zone d’exclusion, les populations d’oiseaux sont, en général, inférieures de moitié à celles que l’on trouve à l’extérieur », déclare-t-il.

Jusqu’à présent, ses travaux n’ont porté que sur nos amis à plumes. Avec son habituel compère Timothy Mousseau, de l’université de Caroline du Sud, Anders Pape Moller a voulu en savoir plus. « En adaptant nos méthodes, nous avons estimé les populations de mammifères, insectes, arachnides, amphibiens et reptiles », explique-t-il. Trois années durant, les chercheurs vont observer et baguer des oiseaux, compter bourdons, sauterelles et libellules, traquer les traces des renards.

Publiés cette semaine dans la dernière mouture d’ Ecological Indicators, les résultats de leurs travaux sont édifiants. « Tous ces animaux sont touchés par les doses de radiations et cela se voit nettement. Dans la zone d’exclusion leurs populations, tant en nombre qu’en diversité, sont moindres qu’à l’extérieur des zones contaminées. Pour certaines espèces d’insectes, la population est 89 % moins importante autour de Tchernobyl que dans le reste de l’Ukraine », précise le Danois.

Tout aussi grave, de nombreux spécimens sont malades. « Voilà des décennies que je bague des oiseaux. Or, à Tchernobyl, plus de 10 % des hirondelles capturées étaient atteintes de tumeurs. Je n’avais jamais vu ça auparavant », reprend-il.

Plusieurs mécanismes expliquent cet affaiblissement biologique. L’exposition aux radiations détruit ou endommage l’ADN des animaux, ce qui entraîne des conséquences fâcheuses pour leur descendance. La radioactivité fragilise aussi la chaîne trophique. Parce qu’il y a moins d’insectes, les insectivores sont moins nombreux, de même que leurs prédateurs.

Le bilan définitif de la catastrophe du 26 avril 1986 n’est pas près d’être achevé.