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Connaissez-vous Haïdar ?

Dans tous les cas, vous êtes chanceux. Soit vous connaissez Haïdar el Ali, et quelle joie, alors, de savoir qu’il existe sur Terre des hommes profondément valeureux. Soit vous n’en avez jamais entendu parler, et le moment qui vient devrait, en toute certitude, amener à vos lèvres le sourire des jours heureux. Moi, je connais ce gaillard – de loin – depuis des années, et j’ai bien failli faire un reportage sur lui, pour le magazine Terre Sauvage. Bernadette Gilbertas – que je salue au passage – est allée au Sénégal et en a ramené une belle biographie (Haïdar el Ali, itinéraire d’un écologiste au Sénégal, Terre Vivante, 2010).

Haïdar est un Sénégalais d’origine libanaise, amoureux fou de la mer et de ses habitants. Un plongeur sous-marin d’exception qui aime aussi le peuple, les petites gens dont tant dépendent de l’état de santé de l’océan pour survivre. Il a organisé pendant des années des séances en plein-air dans les villages côtiers, présentant des films sur ce que les pêcheurs locaux ne voyaient jamais : ce qui se passe sous l’eau. Il a créé un mouvement, aucun doute là-dessus. Sans doute fragile, probablement limité. Mais un mouvement tout de même. De protection des mers par leurs usagers directs. Même s’il s’était arrêté là, je le tiendrais évidemment pour un héros de notre futur commun.

Mais Haïdar est aussi entré en politique. Dans un gouvernement dont je m’abstiendrai de parler, en tout cas ici et maintenant. Vous imaginez, je pense, mon opinion sur le président actuel, Macky Sall, qui a fait l’essentiel de sa carrière auprès du libéral Abdoulaye Wade. J’avoue qu’en la circonstance, cela ne compte pas. Haïdar a d’abord été ministre de l’Écologie de ce pays si pauvre, puis ministre de la Pêche. C’est dans ce cadre qu’il a lancé l’étonnant combat raconté dans l’excellent article ci-dessous, qui vient du Journal de l’Environnement (ici). Je me permets d’insister sur ce point extraordinaire : le partenariat noué avec l’association, si chère à mon cœur, qu’est Sea Shepherd (ici). Autrement dit, les pirates de Paul Watson mettent leurs moyens au service d’un pays du Sud martyrisé par les soudards de la pêche industrielle. Vous ne pouvez pas savoir combien cette nouvelle me chavire. Sans jeu de mot aucun, elle me chavire.

 Le journal de l'environnement

«On pille nos poissons pour nourrir les porcs des pays développés!»

 

Le 20 janvier 2014 par Marine Jobert

La pêche illégale au large des côtes sénégalaises sera-t-elle bientôt un mauvais souvenir? Ministre de la pêche et des affaires maritimes du Sénégal depuis septembre 2013, Haïdar El Ali semble vouloir tirer son pays vers une voie nouvelle: protéger la ressource halieutique des appétits étrangers et promouvoir une pêche artisanale de subsistance. Le nouveau ministre, excellent plongeur et écologiste actif, a expliqué au Journal de l’Environnement la nouvelle politique qu’il entend mener.

JDLE – Le récent arraisonnement, musclé, et le remorquage d’un chalutier russe –l’Oleg Naydenov- soupçonné d’avoir pêché illégalement dans les eaux territoriales du pays marquerait-il un tournant dans la façon dont le Sénégal entend gérer ses ressources halieutiques? Etes-vous soutenu dans cette démarche?

Haïdar El Ali – Le président Macky Sall est dans de bonnes dispositions par rapport à ces questions et me soutient beaucoup dans ma volonté de mettre un terne à ce pillage. Notre problème, c’est que nous avons des ressources et des compétences limitées au sein du ministère des pêches et des affaires maritimes. Notamment pour la réalisation des inventaires scientifiques des espèces présentes au large de nos côtes. Les petits pélagiques[1] représentent pour le Sénégal la sécurité alimentaire. Mais ils nourrissent aussi toute la sous-région, car nous exportons ces poissons vers le Burkina Faso, le Ghana et le Mali. Or quand on sait que les bateaux-pirates les pêchent pour les transformer en farines de poisson pour nourrir des animaux… Rendez-vous compte: on pille nos poissons pour nourrir les porcs des pays développés! Et dans le même temps, vous avez toute cette jeunesse démunie, qui s’embarque sur des pirogues dans l’espoir de trouver des petits boulots! C’est inadmissible moralement.

JDLE – De quels outils disposez-vous pour agir?

Haïdar El Ali – On va se servir du droit pour mettre un terme à cette situation, avec un projet de loi plus musclé. Aujourd’hui, nous ne sommes en mesure que de saisir la cargaison et les filets et d’infliger une amende de 200.000 francs CFA (300.000 euros) maximum, qui peut être doublée en cas de récidive. C’est totalement insuffisant. Je souhaite que dans la nouvelle loi, les membres d’équipage puissent être envoyés en prison, car ils savent très bien ce qu’ils font: du pillage à but lucratif. En outre, nous voulons pouvoir saisir le bateau lui-même, soit pour le couler, soit pour le vendre, soit pour qu’il devienne la propriété de l’Etat sénégalais. Nous butons aussi sur un problème de moyens en matériel. A titre d’exemple, il faut savoir que l’Oleg Naydenov est le 6e bateau repéré ces trois derniers mois [depuis la prise de fonction d’Haïdar El Ali], mais le premier que nous parvenons à arraisonner et à contraindre à nous suivre vers les côtes.

JDLE – Les accords régissant les quotas de pêche ont beaucoup évolué ces dernières années. Où en êtes-vous aujourd’hui?

Haïdar El Ali – En 2010, des contrats ont été signés, autorisant ces chalutiers étrangers de 120 mètres [ils seraient une quarantaine] à venir pêcher chez nous. Il s’agissait de contrats totalement léonins. D’autant que les propriétaires des chalutiers s’étaient engagés à verser 35 FCFA par kilo de petits pélagiques pêchés, alors qu’en fait, ils le payaient 100. Donc 65 FCFA disparaissaient dans la poche de certaines personnes, avec la complicité des propriétaires des chalutiers. Le président Macky Sall a mis un terme à ces pratiques en refusant, en 2012, de reconduire ces contrats. Les bateaux concernés se sont donc repliés sur la Guinée Bissau [au sud du Sénégal], avec qui les chalutiers ont conclu de nouveaux accords de pêche. Et c’est depuis là qu’ils réalisent des incursions dans nos eaux. Ce qui est d’autant plus facile qu’il s’agit d’une partie de la côte très peu surveillée. Il faut se rendre compte que nous avons 700 kilomètres de côtes à patrouiller, à quoi se rajoutent 200 milles marins (370 km), qui sont sous notre souveraineté. Or au-delà de 50 miles, nous surveillons très peu, faute de moyens. C’est pour cela que le partenariat que nous venons de nouer avec l’association Sea Sheperd –et d’autres s’ils veulent nous aider- va nous être précieux.

JDLE – Sea Sheperd est une ONG internationale qui s’est fait une spécialité d’intervenir, souvent physiquement, contre les chasseurs d’espèces marines. C’est notamment le cas contre les baleiniers japonais, qui ont dû rentrer au port sans pouvoir réaliser les prises escomptées. L’ONG annonce qu’elle met à votre disposition un navire[2], le carburant et un équipage, qui passeront plusieurs mois à patrouiller les eaux sénégalaises. Pourquoi avoir fait appel à eux, qui se désignent volontiers comme des pirates?

Haïdar El Ali – Mais qui les accuse donc d’être des pirates? Les pilleurs eux-mêmes! Cette réputation me réconforte et me conforte dans mon choix: ils vont aller sur le terrain pour démasquer les vrais pilleurs. Leur première mission va consister à réaliser un inventaire de la situation. Ils vont recenser l’ampleur des dégâts sur la faune halieutique, mais aussi géo-localiser les bateaux étrangers. Notre marine nationale prendra le relais. Ce sont des gens d’action, qui ne perdent pas de temps en grandes théories et qui se battent vraiment contre les bateaux pilleurs. On est demandeur de ça. J’ai toujours l’image de ce petit enfant qui jette une pièce dans la tirelire du WWF en pensant que ça va sauver les pandas… Il y a trop d’ONG internationales qui accaparent les subventions et organisent des tas de séminaires ou vendent des animaux en peluche… Et pendant ce temps-là, la planète meurt! Nous, on le voit au quotidien: la ressource est en train de disparaître! Le désert avance, les réserves halieutiques disparaissent et notre jeunesse prend des pirogues dans l’espoir de trouver un Eldorado de l’autre côté de la mer…

JDLE – Cette révolution dans la gestion des ressources que vous appelez de vos vœux, quels effets en escomptez-vous?

Haïdar El Ali – L’US AID, l’agence de coopération américaine, a calculé que le Sénégal perd chaque année 150 Md FCFA à cause de ces pillages. A terme, nous voulons que ces ressources soient mieux gérées, mieux connaître les périodes de reproduction et de repos, etc. pour amener la pêche artisanale à adopter des techniques de pêche durable. Si nous gérons bien nos ressources, tant minières qu’halieutiques, agricoles ou forestières, l’emploi de la jeunesse est assuré. L’Afrique vit d’une économie de prélèvement. Or les conditions se dégradent. Aujourd’hui, 40% des terres cultivables du Sénégal sont gagnées par le sel, à cause de la déforestation ou des feux de brousse [contre lesquels Haïdar El Ali a lancé, en mars 2013, un plan d’action]. Un pêcheur qui n’attrape rien restera pauvre, ne pourra pas nourrir sa famille, envoyer ses enfants à l’école, etc. C’est de sécurité alimentaire qu’il s’agit, mais aussi de sécurité tout court, puisqu’un pêcheur pauvre renoncera à acheter le gilet de sauvetage qui lui permettrait de protéger sa vie! Ces questions ne sont pas prises en compte dans leur globalité. Alors qu’on met toujours en avant la croissance, la vraie préoccupation, aujourd’hui, devrait être environnementale.

 


[1] Selon un rapport de la FAO, ces termes désignent les sardinelles (Sardinella aurita et Sardinella maderensis), la sardine (Sardina pilchardus), le pilchard (Sardinops ocellatus), l’anchois (Engraulis encrasicolus), les chinchards (Trachurus trachurus et Trachurus trecae), l’alose rasoir (Ilisha africana), l’ethmalose (Ethmalosa fimbriata), les maquereaux (Scomber japonicus et Scomber scombrus), le Brachydeuterus auritus et le Decapterus ronchus, le poisson-sabre (Trichiurus lepturus).

[2] Il s’agit du Jairo Mora Sandoval, du nom d’un activiste costa-ricain de 26 ans, tué par balles en mai 2013 sur une plage. Il protégeait les nids de bébés tortues sur la plage.

Ceux qui ne nous veulent toujours pas

Gérard S-L B – salut ! et bises à Marie-Hélène – m’adresse du fin fond du Finistère un article que je m’empresse de publier en-dessous de ma présentation. Mon commentaire sera bref, qui reprend l’entrée du très grand livre de Lévi-Strauss, Tristes Tropiques : « Je hais les voyages et les explorateurs ». Malgré le paradoxe – Lévi-Strauss aura passé tant de temps chez les Autres ! -, j’ai toujours su qu’il parlait sérieusement. Pour ma part, aussi, aussi paradoxalement que lui. Dites-moi donc ce qu’ont donné les grandes Découvertes, les sublimes voyages autour du monde, les nuées d’ethnologues déferlant sur les temps anciens avec autant d’appétit que les nuées de sauterelles ? Au programme était la destruction d’inconcevables merveilles de la pensée et de l’action, qui nous manquent et nous manqueront toujours plus lorsqu’il faudra bien tenter de trouver des solutions au drame planétaire où nous sommes plongés.

Inutile de dire que je serai toujours du côté des îles Andaman. Vive les flèches et les arcs !

North Sentinel : l’île incroyable dont personne ne revient indemne

Publié par Jeanic Lubanza le Mardi 07 Janvier 2014 à 16h27

 

North Sentinel ressemble à une île de l’Océan indien comme les autres. Un climat idéal, de longues plages de sables fins, une eau bleue turquoise. A un détail près. Si vous arrivez à poser un pied sur l’île, ce ne sont pas des pétales de fleurs qui vous seront lancées mais des flèches et des lances.

 

Entre le golfe du Bengale et le sud-est de l’île Andaman se trouve la petite île paradisiaque de North Sentinel. Par « paradisiaque » il faut comprendre la magnifique barrière de corail qui encercle ce territoire ainsi que les magnifiques plages qui composent le milieu. C’est tout. Le peu de personnes qui y ont pu fouler le sable de cet endroit, ont trouvé la mort ou l’ont rencontré de très près. La tribu des Sentinelles qui peuplent les environs n’est pas très friande des visites extérieures. Ces autochtones vivent en autarcie totale depuis plus de 60 000 ans. Ils font partie des derniers êtres humains à garder un mode de vie pré-néolithique. Le gouvernement indien a recensé entre 50 et 250 personnes habitant North Sentinel. Connaître les mœurs  et les coutumes de la population aurait constitué une avancée formidable pour l’anthropologie et l’ethnologie. Impossible pour le moment, car les Sentinelles rejettent toutes formes d’approches extérieures à leur milieu.

En 2004, les autorités indiennes ont appris que l’île avait été touchée par le tsunami. Il y a eu quelques victimes mais la majorité des Sentinelles ont survécu. Les secouristes ont pu en faire le constat. Pendant qu’un hélicoptère survolait le territoire à la recherche des survivants, les Sentinelles renvoyaient des flèches et des lances en guise de réponse. En 2006, des braconniers ont tenté une nouvelle approche. Celle-ci s’est avérée moins sympathique pour la tribu. La fin de la rencontre s’est soldée par la mort des braconniers et une destruction partielle de l’écosystème des Sentinelles.

L’attitude belliqueuse de la tribu envers le monde exterieur proviendrait d’un évènement qui a eu lieu en 1880. Des britanniques sont entrés en contact avec des membres des Sentinelles. En repartant, ils ont laissé les maladies de l’ouest sur l’île. Résultat : une partie de la population a été décimée. Depuis, les occidentaux ne sont plus les bienvenus. L’une des seules façons d’observer l’île est de regarder les cartes et les maps sur internet.

L’union Indienne ne cherche plus à établir le contact et a décidé de laisser vivre les Sentinelles. Toutefois le pays fait tout son possible pour protéger la population des braconniers qui sont une source de maladie (grippe, rhume) . Il protège également les braconniers des Sentinelles qui sont des chasseurs-cueilleurs redoutables.

http://www.planet.fr/monde-north-sentinel-lile-incroyable-dont-personne-ne-revient-indemne.528248.1608.html?xtor=ES-1-515318[Planet-a-la-Une]-20140108

Ratonnade anticampagnol à Notre-Dame-des-Landes

Cet article a été publié dans Charlie Hebdo le 7 janvier 2014

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Grande manif à Nantes le 22 février, juste avant les municipales. De part et d’autre de la barricade, on graisse l’artillerie. Les travaux de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes vont-ils commencer cette année ?

C’est donc reparti. Comme en 14. Flamberge au vent, comme il se doit, le père Ayrault s’apprête à fondre sur le camp retranché de Notre-Dame-des-Landes. On se souvient sûrement que c’est là, dans ce petit bourg du bocage, près de Nantes, que le Premier ministre veut déposer sa crotte, sous la forme d’un vaste aéroport international. Que se passe-t-il à l’entrée dans 2014 ?

Pas mal de choses, à commencer par les arrêtés concernant l’eau et la biodiversité, pris le 20 décembre par le préfet de Loire-Atlantique. En résumé approximatif, les textes comportent une dérogation à la Loi sur l’eau, ainsi que le « déplacement » d’espèces protégées par la loi, et qu’il est en principe interdit de buter purement et simplement. Parmi elles, le triton marbré – noir, tacheté de somptueuses peintures vertes -, dont Ayrault, Vinci-le-bétonneur et tous leurs chers amis se contrefoutent. L’emmerde, c’est qu’il est classé parmi les espèces vulnérables dans le Livre rouge des vertébrés de France. Il faut donc mettre les gants, et concrètement les choper dans les mares du très éventuel futur chantier, puis les déposer dans d’autres mares, ailleurs.

Bien entendu, c’est une fumisterie de première, mais elle est en tout cas légale. Et de même pour quantité d’autres espèces animales et végétales, qu’il faut faire semblant de sauver du béton par la grâce de « mesures compensatoires ». Selon le réseau des Naturalistes en lutte, auteur collectif d’une impeccable étude de terrain (http://naturalistesenlutte.overblog.com), les petits rigolos des arrêtés préfectoraux ont purement et simplement oublié en route « 13 espèces nouvelles pour la Loire-Atlantique », qui ne sont connues que sur le territoire visé par Vinci, ainsi que « 6 espèces supplémentaires, rares et protégées par la Loi ».

Dernière ligne droite dans ce domaine : le campagnol amphibie. Vivant près des mares et des cours d’eau, la bestiole nage, plonge et n’emmerde jamais personne, discrète au point que peu de gens connaissent son existence. Pour lui régler son compte, il faudra quand même attendre une réunion du (consultatif) Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), qui devrait donner un avis le 16 janvier. Commentaire général des Naturalistes en lutte : « Il n’y a pas qu’en Amazonie où des espèces sont massacrées, à Notre-Dame-des-Landes aussi grâce à l’aval de l’État français ! ».

À bien regarder la situation générale, il n’y a pas de doute : tout est en place pour un vaste drame. Côté bouffons, Ayrault pense qu’il ne peut pas reculer. Il a trop promis au complexe industriel, et sa défaite ici marquerait le déclin certain de sa carrière politique. Du côté des opposants, c’est plus grave. Les 200 (jeunes) occupants du chantier virtuel, installés dans des cabanes au fond des bois (http://zad.nadir.org) estiment à juste titre être des habitants légitimes. La plupart ne sont pas du genre à tendre la joue gauche après avoir pris un pain sur la droite. Quant aux indigènes – habitants des hameaux ou paysans de la Confédération paysanne -, une bonne partie est fortement engagée dans la bagarre contre l’aéroport.

Nul doute que Hollande a plutôt intérêt à une issue de secours, faute de quoi tout indique des violences d’un niveau rarement vu. Sur le plan politique, les paris sont ouverts. Le parti écologiste (EELV) pourrait-il rester au gouvernement en cas de début des travaux à Notre-Dame-des-Landes ? Un vieux routier de l’écologie, impliqué dans l’opération Europe Écologie de 2009, lâche à Charlie : « En principe, nos ministres quitteraient aussitôt le gouvernement, car nous n’avons jamais cessé de soutenir les opposants. Mais nous sommes quelques-uns à redouter une énième manœuvre de Placé. En restant au gouvernement, son clan provoquerait une scission, mais qui le débarrasserait d’une bonne partie de ses critiques internes. Ce serait pain béni ».

En attendant, action. On prépare à Nantes une manifestation géante. Ce sera le 22 février, juste avant les municipales. 100 000 personnes ? 200 000 ? On sera là pour compter.

Un Observatoire populaire de la biodiversité

Le sort des textes n’appartient pas, en fait, à leurs auteurs. Tel est du moins mon souhait depuis que j’en écris. Ils circulent, ils servent – ou non -, ils disparaissent, sont retrouvés – ou non -, ils vivent, ils meurent. J’ai écrit le long pensum que vous trouverez ci-dessous en 2012, à la suite d’une visite que j’avais faite d’un lieu merveilleux que l’on appelle la Corniche des Forts. Avant tout, je dois rendre hommage à l’excellent ornithologue David Bismuth, qui s’occupe du site internet ornithomedia, que je ne peux que recommander. C’est lui, plus que quiconque, qui a découvert ce coin de nature – environ 40 hectares – coincé entre Romainville, Pantin, Noisy-le-Sec et Les Lilas, en Seine-Saint-Denis. C’est lui qui en est devenu le guide. C’est lui qui a réalisé – avec Sylvie Van Den Brink, que je salue – des inventaires naturalistes du site.

Qu’est-ce que c’est ? Je reprends l’un des textes de David, en date de 2011 (on peut aussi lire cet article du Parisien) :

Une autre approche pour la base de loisirs de la Corniche des Forts

Il existe tout près de Paris, à Romainville (Seine-Saint-Denis), un espace unique de plus de 40 hectares : il s’agit d’anciennes carrières de gypse que la Nature a lentement (en cinquante ans) reconquises. Une forêt s’y est développée, principalement constituée d’érables, de frênes et de robiniers.
Interdit au public du fait de l’existence de zones au sous-sol instable, le lieu est devenu un endroit unique en Seine-Saint-Denis, naturel et « sauvage ».

Or il est prévu de l’inclure dans la future base de loisirs de la Corniche des forts, qui s’étendra sur 64 hectares sur les communes Pantin, de Romainville, des Lilas et de Noisy-le-Sec.?Une proposition du cabinet d’architectes Ilex Paysages avait été retenue en 2000 : la version initiale prévoyait la destruction de tous les arbres, la création de vastes pelouses, l’érection d’une butte artificielle surmontée d’un belvédère et la construction d’une galerie commerciale à demi-enterrée. Si cette approche pharaonique a semble-t-il été au moins en partie reconsidérée, on ne sait toujours pas quels sont les aménagements prévus.?Dans la perspective de la tenue d’une réunion importante des décideurs en juin 2011, nous avons rédigé ce rapport proposant une approche plus raisonnable et plus respectueuse de l’environnement existant, que nous transmettrons à certains élus.

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Je laisse ici le texte de David, et je reprends. Après avoir visité ce lieu enchanteur, nous avons réuni un petit groupe – Hélène Zanier, Pierre Mathon, Anne-Lise Millan-Brun, Benjamin Simonet, Pascal Mage, un peu plus tard l’indispensable Yann Monel, et quelques-autres – pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Pour ce qui me concerne, j’ai écrit alors le texte que vous allez découvrir, et je suis allé voir madame Corinne Valls, maire de Romainville et principal soutien supposé du projet de base de loisirs, pour la convaincre qu’il y avait autre chose à faire. Dans ce coin maudit de la banlieue pauvre de Paris, il existe un lieu prodigieux, où les arbres et les bêtes ont par miracle coupé le cordon qui les unissait au monde humain. Oui, plus que jamais, je crois possible de faire de cet endroit un lieu dont nous serions tous fiers. Et j’ajoute qu’il y a de la place, autour de Romainville, pour agir. Si vous êtes dans le coin, si vous voulez vous bouger, c’est le moment.

Des photos de la Corniche chez l’ami photographe Yann Monel, ici

yann monel

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Mon texte de 2012 (Un Observatoire populaire de la biodiversité et du changement climatique)

Le monde de 2012 n’a plus à voir avec celui de 1972. Et il a toutes chances d’encore plus changer dans les quarante prochaines années. Sans entrer dans le détail, deux formidables défis attendent l’humanité, par-delà les légitimes divergences entre ses membres : la crise de la biodiversité et le dérèglement climatique. Pour ce qui concerne la première, un consensus existe parmi les plus grands biologistes de la planète : nous vivons la sixième crise d’extinction des formes de vie depuis que la Terre existe, et la plus grave depuis la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années. Et quant au climat, les perspectives sont plus que préoccupantes : il est désormais certain que nous ne pourrons plus, à l’avenir, compter sur une relative régularité des saisons, des températures, des précipitations.

La société, malgré sa colossale force d’inertie, s’est mise en mouvement. Les crédits commencent à affluer et il est fort à parier que d’importants budgets publics et privés seront mis au service de la mobilisation de tous. Ainsi, François Hollande t-il annoncé en septembre 2012 la création prochaine d’une Agence nationale de la biodiversité, sur le modèle de l’Ademe, chargée « de venir en appui des collectivités locales, des entreprises comme des associations ». Pour la seule France métropolitaine, pas mois de 126 espèces animales sont, selon des chiffres officiels, menacées. L’Europe s’est, elle, dotée d’un vaste plan de préservation de la biodiversité, axé autour de dix objectifs prioritaires.

Par ailleurs, progressivement, des milliards d’euros sont et seront engagés en faveur d’une stabilisation du climat. Notamment pour la transition énergétique et la rénovation massive des logements, prélude à une authentique révolution de la vie quotidienne. Rappelons que la loi Énergie de juillet 2005 oblige notre pays à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 80 % d’ici 2050. Un tel volontarisme implique de commencer maintenant, ou d’échouer.
Il n’y a pas besoin d’une grande imagination : plus rien ne sera jamais comme avant.

La Seine-Saint-Denis, comme au judo
On le sait, le judo est, entre autres, l’art d’utiliser la force de son adversaire. Pour notre département meurtri par l’industrie lourde et l’urbanisme sans âme, l’adversaire numéro 1 est sans aucun doute sa propre image. Le 9-3 sert à bâtir d’innombrables blagues de bistrot ou de cours de récréation. On le voit souvent comme un repaire de voyous, un lieu de relégation et de désespérance sociale. Et un territoire d’où la nature, la véritable nature serait à jamais bannie.

Il y a du vrai dans ce tableau déprimant, mais il n’est pas interdit d’en jouer ici, au plan départemental, mais aussi au niveau régional, national et même européen. Il est possible, il est même souhaitable de bâtir un discours cohérent, attractif, qui décrive un ambitieux programme départemental en faveur du vivant. Le fondement en serait simple : la Seine-Saint-Denis est debout, audacieuse, et surprend la France et ses responsables en prenant une longueur d’avance dans un domaine-clé de notre avenir commun. En prenant à revers sa mauvaise réputation, notre département pourrait à terme, s’imposer comme un acteur public de première importance. Et réclamer – pourquoi pas ? – l’installation sur son territoire de services d’État qui n’ont, pour l’heure, pas encore vu le jour.

La Corniche des Forts est un lieu unique
Le site occupe grossièrement 60 hectares, dont il faut distinguer au moins deux parties. La première, en périphérie, couvre une vingtaine d’hectares qui sont en bonne part déjà occupés par différentes activités. La seconde est une forêt spontanée d’environ 40 hectares, qui s’est développée en lieu et place d’anciennes carrières de gypse. Disons-le d’emblée : ces confetti de nature sauvage nous relient à l’histoire naturelle de l’Île-de-France, dont l’urbanisation à outrance a interrompu définitivement le cours. Certes, quelques décennies ne pèsent pas bien lourd à l’échelle des millénaires, mais il n’est pas déplacé, à propos de la Corniche, de parler d’un miracle. Ici, l’activité humaine a cessé de tout remodeler, de tout banaliser, de tout effacer.

On est certes très, très loin de ce que l’écologie scientifique appelle une forêt climacique. Laquelle désigne cet état stable auquel parvient un biotope boisé au terme d’une succession de séries écologiques, depuis les premières graminées jusqu’aux grands arbres de 50 mètres et plus.

Néanmoins, le Corniche est une sorte de refuge, d’Arche de Noé d’une biodiversité disparue de Seine-Saint-Denis. Il est hautement probable qu’un inventaire exhaustif de la faune et de la flore mettrait au jour une variété insoupçonnée d’espèces. Aucune « grosse » surprise n’est sans doute à attendre – quoique -, mais il faut comprendre qu’en milieu urbain, le moindre jardin – a fortiori un ensemble de 40 hectares -, est comme le maillon d’une chaîne conduisant bien au-delà des frontières de l’Île-de-France. Ce que la science de la conservation appelle fort justement des « corridors écologiques ».

Le parc des Beaumonts, à Montreuil, est ainsi observé par des ornithologues depuis 1993. Car il se trouve sur la trajectoire de migrations majeures. 120 espèces d’oiseaux ont pu y être recensées, soit le tiers de l’avifaune française, et sur une dizaine d’hectares seulement. Des oiseaux aussi singuliers que le faucon kobez, l’autour des palombes, l’hirondelle rousseline fréquentent le parc.

Il est plausible que la Corniche des Forts abrite des mammifères comme le renard, le blaireau, la fouine, plusieurs espèces de chauve-souris. Sur le plan végétal, et justement parce que la Corniche est en évolution dynamique, il est certain qu’une recherche approfondie permettrait des découvertes d’espèces devenues rares dans la région Île-de-France.

Du point de vue de la nature, du point de vue des relations si complexes entre elle et les sociétés humaines, ce territoire en apparence sans grand intérêt peut au contraire, sous réserve d’une idée-force, devenir une expérience d’intérêt européen.

Le projet d’observatoire de la biodiversité
Il n’est pas question de mettre sous cloche ces magnifiques 40 hectares. Tout au contraire, il s’agit de les changer, dans la durée, en une réalisation populaire dont ce département et ses habitants pourraient légitimement se sentir fiers. Une telle initiative serait, en toute hypothèse, aussi valorisante que gratifiante pour ses promoteurs. Ce qui suit n’est évidemment qu’une suite d’idées qui réclament examen et débat. Mais en tout cas, voici une trame.

A/ Une définition
La Corniche devient un lieu où le personnage principal est la nature. On y peut faire des travaux de sécurisation, mais pour le reste, on y vient pour respirer, réfléchir, observer. L’Observatoire aurait trois objectifs cohérents et complémentaires. Le premier consisterait à regarder d’une manière systématique ce qu’est une zone naturelle. Ce qui y pousse, ce qui y vit, pourquoi et comment. Loin d’être une statique, une zone naturelle est dans une dynamique constante, bien que lente pour les humains que nous sommes. Une prairie laissée à elle-même s’embuissonne ; une friche se peuple peu à peu d’arbres, qui eux-mêmes finissent par devenir une forêt. Dans ce même temps, les niches écologiques changent et modifient également la distribution et l’existence même des espèces animales.

Pour profiter comme il le faut de ce spectacle gratuit et permanent, il faut changer d’échelle et de regard. Il faut en passer par l’effet Microcosmos. Dans ce film de 1996, Claude Nuridsany et Marie Pérennou ont révolutionné le cinéma de nature. En construisant des caméras adaptées, ils sont parvenus à se mettre à la hauteur du « Peuple de l’herbe », ces innombrables insectes dont nous ne savons rien. De la sorte, demi-hectare d’un simple pré de l’Aveyron est devenu un pays neuf, habité par de formidables créatures.

C’est cet esprit-là qu’un Observatoire devrait convoquer. Dans la même logique, le professeur du Muséum Yves Coineau avait créé au Jardin des Plantes, il y a une vingtaine d’années, le Microzoo. Le principe en était simple : on entrait dans un bâtiment octogonal, et dans chacune des huit pièces, une demi-douzaine de microscopes attendaient le visiteur. Sous chaque lentille, Coineau avait placé une préparation contenant une fine couche de terre, celle qui se trouve sous le pas d’un promeneur en forêt. Et ce qui apparaissait, encore une fois, était un monde inconnu, foisonnant, de plusieurs dizaines d’espèces différentes.

Pratiquement, dans un espace de 40 hectares, il n’y a pas de limite discernable à l’observation de la biodiversité. De très nombreuses activités, pour des publics jeunes – mais pas seulement – peuvent être imaginées, et proposées.

Le deuxième objectif serait de rendre compte, par des observations de terrain et des mesures scientifiques rigoureuses, des effets du dérèglement climatique en cours. Car il y en a d’ores et déjà en France, et ils s’accélèrent. Le programme européen Evoltree regroupe un réseau présent dans quinze pays, dont le partenaire en France est l’Inra. En mêlant écologie scientifique, évolution, génomique, génétique – Evoltree suit l’évolution de la végétation dans l’UE et la manière dont elle réagit au changement climatique.

Par ailleurs, de très nombreuses observations, dont certaines ont mené à des publications, montrent que certaines espèces d’insectes ont déjà remonté de 150 à 200 kilomètres vers le Nord leur limite de répartition. Les oiseaux, les mammifères, les plantes bien sûr, sont en plein voyage. Invisible en apparence, mais on ne peut plus certain.En partant d’un point zéro, établi au lancement de l’Observatoire sur les principales espèces présentes, on pourrait aisément, année après année, montrer en quoi consiste la crise du climat et en faire profiter, directement ou non, des dizaines de milliers d’habitants de la Seine-Saint-Denis et d’ailleurs.

Le troisième objectif, indissociable des deux premiers, c’est l’éducation. Une telle entreprise n’a de sens que si elle devient populaire, notamment auprès des écoliers et des jeunes du département. L’Observatoire peut devenir un socle à partir duquel entreprendre un vaste programme, sans limite de temps, d’ouverture aux questions concrètes posées par l’écologie scientifique. L’éducation à l’environnement, qui est trop souvent une coquille vide et un catalogue de vœux pieux, trouverait là l’occasion de prendre un  envol authentique, porteur d’avenir. Ajoutons que l’éducation dure tout au long d’une vie, et que bien d’autres tranches d’âge peuvent trouver leur place dans un tel dispositif. Un lien peut aisément être trouvé avec le réseau des Universités du troisième âge.

Dernier point : l’Observatoire ne saurait devenir un terrain de jeu pour les bobos. Il serait tout au contraire passionnant de faire entrer la biodiversité et la nature jusqu’au cœur des cités populaires du département. Passionnant et difficile ? Passionnant et très difficile.

B/Le comité de parrainage
Il faut d’emblée viser très grand. Il y a tant de résistances, de pesanteurs, de conservatismes à vaincre que ce projet doit être soutenu au plus haut niveau. Des contacts informels ont été pris avec différents interlocuteurs, mais il est évidemment trop tôt pour en faire état publiquement. En première analyse, un comité de parrainage de l’Observatoire peut être prestigieux. Il n’est pas fou d’espérer la signature de personnalités comme Nicolas Hulot, Hubert Reeves, Pierre Rabhi, Gilles Clément, Jean-Claude Pierre, Jean-Marie Pelt, Allain Bougrain-Dubourg, Anémone, Juliette Binoche, la chanteuse Camille. Il faudra tenter d’obtenir des signatures de même valeur dans l’Union européenne, voire bien au-delà.

C/Les dimensions du projet
Il ne s’agit pas de faire une sorte de parc parmi d’autres, mais de marquer une rupture. Ce qui implique de ne pas penser le projet comme une réalisation clé en main. Il faut viser la durée, le développement sur une ou deux décennies, et donc l’enracinement et l’appropriation par les habitants proches ou plus lointains. C’est au reste la seule solution pour attirer le regard d’investisseurs publics et privés. Or si les 40 hectares sont une propriété publique, et ne nécessitent que des travaux de mise en sécurité et de clôturage temporaire ou définitif de certaines parties, le fonctionnement de l’Observatoire demande des moyens financiers.

Levons tout de suite un malentendu possible : il ne s’agit absolument pas de se lancer dans une entreprise dépensière. Au lieu d’imaginer au départ une équipe, des salaires, des locaux, il convient au contraire de mériter pas à pas l’argent qui apparaîtrait nécessaire. En clair, tout se règlerait par étapes discutées, construites, et qui devraient être validées selon des règles simples et claires.

De nombreuses réalisations se ruinent peu à peu pour n’avoir pas pensé une adéquation entre l’activité et les ressources. Retenons un principe simple : rien ne doit être lancé sans qu’ait été trouvé un financement, si possible pérenne. Associé au comité de pilotage, il est souhaitable d’inventer une structure de financement mêlant le privé et le public. Par exemple, mais on y reviendra plus bas, les ministères de la Culture, du Logement et de la Ville, et de l’Écologie d’une part, la Fondation de France, la Fondation Françoise et François Lemarchand (Nature et Découvertes), la Fondation pour le progrès de l’homme (Charles Léopold Mayer), la Fondation pour une terre humaine. Bien que cela paraisse hors de portée à ce stade, il faut garder en mémoire que les grandes et riches fondations américaines pourraient être utilement démarchées.

D/ Quelques pistes concrètes
Encore une fois, ce projet se veut évolutif, à étapes, vérifiable dans son développement et maîtrisable à tout instant. Tout ne saurait être lancé en même temps, et le plus raisonnable est de penser le tout sur une dizaine d’années de montée en puissance. Dans ce cadre, quelques pistes susceptibles d’éclairer le chemin.

*Un programme pédagogique et scolaire pilote sur les communes de Romainville, Pantin, Les Lilas, Noisy-le-Sec, qui aurait vocation à être étendu à la totalité du département.
Il s’agirait de créer des liens vivants, extrêmement concrets, entre des classes et des espèces présentes sur le site. Ces liens pourraient prendre la forme d’une « adoption », qui engagerait la responsabilité d’un groupe d’enfants dans l’observation-protection d’une espèce proprement dite.

Par exemple, le renard. Ou la buse variable. Ou le pouillot véloce. Ou la chouette hulotte. Ou la pipistrelle. Ou la Grisette. Ou la Zygène de la Filipendule. Ou encore la Decticelle bariolée. Bien sûr, de nombreuses visites in situ seraient nécessaires et bienvenues. Les migrations d’automne, chez les oiseaux, pourraient être l’occasion d’une fête populaire où tous les publics pourraient se retrouver.

Cette « appropriation » toute relative pourrait s’accompagner de concours, avec remise de prix en présence d’un ou plusieurs parrains : par exemple d’herbiers, de photos, de récits, de petites vidéos, d’observations naturalistes plus pointues, etc. Un système simple et peu coûteux de caméras permanentes placées en des points stratégiques – perchoirs habituels, terriers, passages –, reliées à Internet (voir plus bas) permettrait de suivre en temps réel la vie sur la Corniche des Forts. Des institutions comme le Conservatoire botanique régional ou le Muséum national d’histoire naturelle pourraient donner toute sa profondeur de champ à ce programme.

Pourquoi ne pas imaginer des classes vertes qui pourraient s’installer autour du site ?

*Un ensemble complet et cohérent sur Internet
Il faut concevoir et faire vivre un site Internet dédié à la Corniche des Forts, en lien bien entendu avec le programme pédagogique qui précède. Le travail et les observations des classes y trouveraient un relais accessible à tous, en tous points, mais également de nombreuses autres activités à imaginer. Par exemple des blogs, des vidéos d’amateurs d’ici ou d’ailleurs, un grand Journal de bord de l’Observatoire, où s’écriraient, jour après jour, toutes les activités et réflexions.

En s’inspirant de la grande aventure collaborative qu’est Wikipédia, on pourrait d’avoir l’ambition de créer une œuvre collective perpétuellement enrichie par le regard des uns et l’intelligence collective de tous.

*Le château de Romainville
Le château est une ruine, mais aussi une plaie. Le restaurer semble hors de portée, à moins que. À moins que, même si cela paraît être irréaliste, on n’en fasse à terme le vaisseau-amiral de la Corniche des Forts. Le quartier général bouillonnant d’une grande entreprise collective, tournée vers l’avenir. Les fonds à lever seraient assurément très importants, mais il n’est pas interdit, à ce stade, de rêver.

La restauration de ce château et sa transformation permettraient de relier par des fils très solides quatre polarités essentielles.

–    D’abord la culture et la nature.
–    Ensuite le passé et l’avenir, dans ses formes les plus modernes.
–    Le très proche – ici même – et le lointain le plus éloigné, comme l’Amazonie ou le bassin du Congo. Car la biodiversité, par définition, ignore les frontières coutumières.
–    Enfin l’extraordinaire écheveau des relations entre l’homme et l’animal (également le végétal).

On peut, autour d’un projet d’ampleur, mobiliser des ressources aujourd’hui dispersées (voir plus haut). Il est parfaitement possible de lancer un Appel international pour la restauration du château de Romainville. C’est certes audacieux, mais conforme à l’esprit général du projet.
Rénové, le château pourrait être tout à la fois le lieu central de l’opération, mais aussi un rendez-vous couru de projections, d’expositions, une bibliothèque, une librairie, un laboratoire de mesures et d’analyses doté de salles équipées, enfin le lieu physique où convergerait toute la communication du dispositif.

Grâce au numérique, il est en effet très facile de nouer des relations directes avec les États-Unis ou la Bolivie, la Chine ou le Sénégal, la Nouvelle-Zélande ou même la Papouasie. De même qu’il est aisé de mettre en chantier des e-books de faible pagination – ou non -, assortis de dessins et de photos, imprimables seulement à la demande, en un nombre faible d’exemplaires. Le pari serait de faire La Corniche un prototype, mais aussi un archétype. La Corniche des Forts serait la première pierre d’un vaste réseau européen de centres de la biodiversité en milieu urbain.

Une précision à propos des Rencontres et Conférences. L’Observatoire pourrait fort bien profiter de la visite en France de hautes personnalités liées à la biodiversité et la nature en général pour les faire venir sur place. Le chef indien Raoni termine ainsi, ces jours-ci, une visite en France, et il n’a pas manqué d’aller dans plusieurs petites villes, comme par exemple Niort.

Un dernier point sur les classes vertes évoquées plus haut. Ne pourrait-on imaginer la construction, autour du château restauré, mais en harmonie avec lui, de quelques bâtiments bioclimatiques, modernes et confortables, susceptibles d’accueillir sur place des enfants de Seine-Saint-Denis, mais aussi d’autres régions de France ou d’Europe ?

*Les communes aux avant-postes

Il est évident que rien ne sera possible sans que les communes directement concernées ne deviennent les acteurs principaux de l’Observatoire. De très nombreuses ressources, dont certaines sous-estimées ou franchement ignorées, pourraient être mises au service de cette entreprise. Il y a fort à parier qu’un projet comme celui-là galvaniserait les équipes et permettrait à des idées aujourd’hui négligées de s’exprimer au grand jour. Pour les services municipaux, l’Observatoire de la Corniche des Forts est une occasion unique de créer du mouvement, une dynamique, de nouer des liens forts avec la jeunesse et des relations renouvelées avec la population.

*Un club dynamique de la presse
Parallèlement au lancement éventuel de cet Observatoire, il conviendrait de réunir autour de son berceau un petit groupe de médias amis, partenaires de toute cette vaste opération.  On pourrait imaginer gagner à cette cause une émission de radio (C02 mon amour, sur France-Inter ?), une émission télévisée, un grand journal (Géo ?), des revues pour les enfants (Milan, Bayard ?). Ce club ne serait pas fermé, et pourrait soit se renouveler, soit s’agrandir.

Enfin et en conclusion, un tel projet peut-il échouer ? Bien entendu. Mais en mobilisant le cœur, l’intelligence, la volonté de centaines de personnes engagées directement, il ne pourra de toute façon que rendre la vie commune plus riche, plus belle, plus enthousiaste. Et s’il atteint ses si nombreux objectifs, il sera à coup certain l’une des réalisations les plus marquantes, en Seine-Saint-Denis, des 20 prochaines années. Tout cela est entre vos mains.

Le 9 décembre 2012, Fabrice Nicolino

Le si grand méchant loup (vu par moi)

Il y a quelques semaines, Sabine Andrieux-Rolland, de l’association Ferus (ici), m’a demandé un article sur le Loup. Il vient de paraître dans la revue de Ferus, La Gazette des grands prédateurs (numéro 50). Le moins que je pouvais faire, après avoir donné la parole hier au journaliste David Caviglioli, c’était de vous offrir mon point de vue. Pour me lire, il faut et il suffit de cliquer juste après : La Gazette.pdf