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La Mafia, c’est vraiment pas du vent

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 17 juillet 2013

Les flics font tomber un à un les « rois de l’éolien », des chefs de la mafia qui se font des couilles en or grâce aux parcs éoliens financés par l’Europe. Pendant ce temps, en France, des boîtes propres sur elles lancent des projets délirants, comme sur les crêtes des Vosges.
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La mafia, les petits gars, se moque bien de l’idéologie. Avec le fric pour totem, qu’il vienne du corps des femmes, de l’héro des junkies ou du trafic d’AK-47 – un beau fusil d’assaut -, on va toujours plus loin qu’avec des jérémiades. Le dernier exemple en date n’étonnera personne : les flics européens d’Europol expliquent dans un rapport tout chaud tout frais:  « Les mafias italiennes (…) investissent désormais dans le secteur des énergies renouvelables pour blanchir leurs revenus illégaux et bénéficier des aides européennes ». En tête de gondole, les éoliennes. Disons sans vouloir vexer les cognes que ce n’est pas réellement un scoop.

L’an passé, la police italienne a saisi 350 millions d’euros de biens divers, appartenant à la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. Et dans le lot, le plus grand parc éolien d’Europe, situé à Crotone. Une bien belle réalisation de 48 aérogénérateurs construits grâce à une cascade de prête-noms et sociétés-écrans basés en Allemagne et en Suisse.

Rebelote il y a quelques semaines. Des unités spécialisées de Palerme ont découvert au Luxembourg une charmante boîte appelée Lunix, enchevêtrement de sociétés de Malte, du Panama et d’ailleurs, dont le point commun est la construction d’éoliennes en Sicile et bien au-delà. Prix de l’ensemble, à la louche : 1,3 milliard d’euros.

Derrière la vitrine, celui qu’on appelle le « roi des éoliennes », Vito Nicastri. Un proche, très proche du boss de Cosa Nostra, Matteo Messina Denaro, en fuite depuis 1993. En 2009, il existait déjà 900 éoliennes en Sicile, dont certaines dépassant les 100 mètres de haut, et des milliers en construction. Aucun chiffre plus récent n’est disponible, mais on peut faire confiance à Vito Nicastri pour avoir pulvérisé ses records précédents. La province sicilienne de Trapani, à elle seule, compte des centaines d’éoliennes, et un projet soulève une vraie grosse colère dans la ville de Mazàra del Vallo, où 48 éoliennes géantes de 190 mètres de haut pourraient être bâties à moins de trois kilomètres des côtes.

Pourquoi tant d’efforts de la part des mafias ? Un, l’Europe, cette brave fille aveugle, refile d’énormes subventions à qui veut construire des éoliennes, ce qui tombe à pic. Deux, l’Italie accorde un prix de rachat de l’électricité produite par les éoliennes trois fois supérieur à celui de pays européens comme la France. Le résultat est qu’une installation est rentable dès la deuxième année. Ensuite, bingo.

La mafia exerce-t-elle ses talents éoliens en France ? Nul ne sait, nulle enquête ne le prouve. Mais il se passe chaque jour de nouveaux événements. D’innombrables comités bagarrent contre l’installation massive d’éoliennes, qui se surajoutent aux centrales nucléaires. Pour l’heure, EDF est contraint de racheter au prix fort l’électricité d’origine éolienne à ses producteurs, mais cela risque de changer.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par des associations, devrait annuler en septembre le tarif d’achat imposé à EDF, estimant qu’il constitue une aide d’État non déclarée. Le 11 juillet, l’avocat général de la Cour s’est en effet prononcé dans ce sens, et il est presque toujours suivi par elle.

Dans ce cas, la crise du secteur serait immédiate. Faut-il pleurer ? Faut-il en rire ? Le débat est complexe, et on ne l’ouvrira pas aujourd’hui, non par peur de se faire écharper, mais par manque de place. Ce qui est sûr, c’est que le vent a rapporté beaucoup de fric à de vraies boîtes industrielles, comme par exemple Ostwind, filiale française d’un groupe allemand lancé en 1992. Sur le papier (http://www.ostwind.fr), « la conviction écologique est le moteur d’Ostwind depuis ses débuts ».

Dans la réalité, faut voir. Il y a deux semaines, une vraie manif à l’ancienne a eu lieu au col du Bonhomme, sur les fabuleuses crêtes des Vosges. Ostwind vient d’obtenir du préfet du Haut-Rhin l’autorisation de défricher le terrain, prélude à la construction d’éoliennes au milieu d’un des plus beaux paysages de France, abri derniers grands tétras du coin. Ouais, faut voir.

La guerre aux bêtes (un été pourri)

Qu’il fasse beau, qu’il vente ou qu’il gèle, qu’il pleuve sur les plaines ou que les plages brûlent, cet été 2013 est évidemment pourri. Pour les bêtes, dont les hommes n’ont rien à faire. Les animaux dégustent, autant qu’hier, peut-être moins que demain, et nul ne se lève pour les défendre. A part vous ? Oui, à part vous. Mais cela ne sera pas suffisant.

Sus aux loups et aux louveteaux

Vous qui aimez ces êtres, pardonnez à l’avance ce qui suit, car les nouvelles ne sont pas fameuses. On commence par une lettre adressée au préfet des Alpes Maritimes le 2 juillet 2013 par six associations, dont la LPO, l’Aspas, Ferus, France Nature Environnement (FNE), qui demande des éclaircissements. Le 18 juin, dans le cadre d’un plan d’État scélérat, des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont buté une louve. Or elle était allaitante. Or elle allaitait probablement 5 louveteaux, qui ont fatalement rejoint, depuis, le vaste domaine où s’égaillent les loups assassinés.

Les associations suggèrent au préfet de décompter les cinq louveteaux sacrifiés du total des loups – 24 – que le plan Loup prévoit de tirer. J’espère qu’elles ne m’en voudront pas, mais je ne supporte pas que l’on prête la main, fût-ce d’une manière aussi indirecte, à la décision étatique de tuer des loups, dont je rappelle qu’ils sont officiellement protégés par la Convention internationale dite de Berne. J’ai déjà dit ou écrit quantité de fois que le retour du Loup en France, après 1992, posait des problèmes, et que toute solution passait par des compromis.

Je ne me suis jamais moqué des éleveurs, même si certains sont d’évidence de simples chasseurs de prime. Je suis pour le débat libre, mais de l’autre côté de la ligne de mire, il n’y a personne. La Confédération paysanne, en qui je plaçais des espoirs, se déshonore chaque jour un peu plus, qui réclame la peau du Loup chaque fois qu’un micro s’ouvre devant un responsable. Communiqué de la Conf’, en date du 22 mai, qui dénonce la : « pression insoutenable que produit la prolifération de l’espèce loup ». La biodiversité, c’est bon pour les peuplades. C’est bon pour les Africains, qui voient leurs cultures dévastées par des éléphants en mal de migration. C’est bon pour les paysans de l’Inde, dont plusieurs dizaines sont tués chaque année par les derniers tigres du pays. Pas pour nous, qui nous gorgeons de mots sans signification et de grandes envolées du haut des tribunes. Putain, comme les blablateurs me pèsent !

Le 9 juillet, on apprenait que le préfet du Var recherche des tueurs spécialisés de loups, en Amérique du Nord ou en Russie.

Ces si sympathiques paysans industriels

J’ai croisé Christian Pacteau par l’intermédiaire de Générations Futures, une association de combat contre les pesticides, et je savais son engagement en faveur des busards dans le Marais poitevin, notamment autour de la baie de l’Aiguillon. Ces oiseaux nichent à terre, dans des prairies ou des champs, et sans le concours des paysans, il est difficile de sauver nombre de poussins. Une lame de fauche utilisée au mauvais moment détruit évidemment un nid qui se trouve au sol. Bref. Christian, dans un mail adressé au réseau Busards au début de cet été  :  « Vous connaissez tous les hécatombes de prédateurs, notamment du Milan royal en raison de l’usage de la bromadiolone (…) Les agriculteurs de la Baie (…) ont décidé, sans jamais proposer de dialogue à la LPO, de refuser de collaborer à la protection des Busards, donc de refuser la localisation dans les champs et, puisqu’ils sont propriétaires des chemins de remembrements payés à 50% au moins par le Conseil Général, d’interdire leur usage aux stagiaires chargés de la surveillance (…) Ce n’était pas toujours facile, cela devient impossible
La nature n’est pas en sursis, sous nos yeux elle s’effondre »
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Les loups et les busards ne sont pas seuls dans le collimateur. La Fédération des acteurs ruraux (FAR), lancée dans les Alpes en novembre 2010, veille. L’un de ses responsables, Joseph Jouffrey, est président de la Fédération départementale ovine (FDO) des Hautes-Alpes. Son genre à lui, c’est ça : « Alors que nous vivons en symbiose avec la nature nous voilà considérés comme des terroristes ». La faute au « néocolonialisme environnementaliste ». Mais ça devrait s’arranger dès que les loups et les ours auront été exterminés. Jouffrey ne dit pas ces derniers mots explicitement, mais je jure bien que l’esprit du monsieur n’est pas éloigné de la lettre.

Sur le site internet de la FAR, en ce triste été, on trouve cet extrait d’un article du quotidien régional Le Dauphiné Libéré, en date du 10 juillet : « Entre colère et inquiétude à Plan-de-Baix dans le Vercors drômois. Hier mardi, une vache laitière qui venait de vêler dans une prairie à quelques mètres du domicile d’un exploitant agricole, a été attaquée, vivante, par 150 vautours. “Ils ont tout mangé, ils sont même entrés à l’intérieur !” témoigne l’agriculteur. “Ces vautours doivent crever de faim ! Mais qu’allons-nous faire avec nos bêtes”… ? »

Et un autre, tiré d’un article du même journal, deux jours plus tôt, soit le 8 juillet. Nous ne sommes plus dans le Vercors, mais en Savoie : « Samedi, entre 13 h 30 et 14 heures, une génisse en pension au lieu-dit Fondorsol à Saint-Julien-Montdenis a été attaquée par une cinquantaine de vautours. Ces derniers ont réussi à l’isoler du reste du troupeau avant de se jeter sur l’animal âgé de deux ans. Des vététistes passant à proximité ont assisté à l’attaque, mais ils n’ont rien pu faire, à part prévenir les propriétaires se trouvant plus bas, en train de faire les foins. Ces derniers ont signalé l’attaque à la Direction départementale des territoires de Savoie ».

Les « déificateurs » du monstre

Et encore d’autres extraits, d’autres journaux, rapportant les mêmes histoires de vautours découpant, au rasoir de leur bec, vaches et veaux, en attendant les tendres bébés aux joues rondes, victimes toutes désignées des futures agapes. Une randonneuse de 53 ans, tombée en avril dans un ravin pyrénéen, n’a-t-elle pas aussitôt été dépecée par ces salopards ? Commentaire avisé de la FAR : « Les déificateurs de ce prédateurs tous comme l’administration qui les autorise a créer et entretenir une surpopulation de prédateurs sont responsable de ces attaques ». Je ne me suis pas permis de retoucher, car je tiens à ma peau de « déificateur ». Où l’on voit en tout cas que les vautours feraient bien de planquer leurs miches, car il s’agit comme il se doit de les éliminer.

Faut-il vous faire un dessin ? J’en doute. Les ennemis des bêtes retrouvent, intacte, leur haine du sauvage et de tout ce qui échappe à leur délétère emprise. Ils ne tarderont pas à planter les rapaces nocturnes sur leurs granges en polystyrène. Enfin, ils trouveront autre chose, car tout de même, ne sont-ils pas nos vrais « progressistes » ? Comment voulez-vous que les vautours, conformés par l’évolution pour être des charognards se mettent à tuer des animaux vivants ? C’est inepte, contraire aux connaissances de base, mais que s’en foutent les abrutis ? Il s’agit de montrer qu’on en a, n’est-ce pas ? Que l’on ne va pas se laisser emmerder par des écolos-des-villes et des animaux-des-champs. Qui commande la nature, dites-moi donc ?

En conséquence directe, ce n’est pas à ces dangereux crétins que je m’adresse, mais à vous. Le Vautour fauve, réintroduit à si grand-peine en France – je m’incline au passage devant la ténacité des frères Jean-François et Michel Terrasse – compte quelques centaines d’individus, et c’est de loin le plus nombreux dans nos ciels. Le Vautour moine, le Percnoptère, le Gypaète barbu – les trois autres espèces vivant en France – ont des effectifs dérisoires. Et il leur faut échapper aux lignes à haute tension, aux pesticides, aux chasseurs fous, beaucoup moins rares qu’eux. Vous trouverez au bas de cet article un commentaire avisé du grand naturaliste Roger Mathieu, auquel il n’y a rien à ajouter. Et poursuivons ce chemin de croix.

Un si joli terrier artificiel

Philippe Charlier – merci ! – m’envoie un compte-rendu de l’Assemblée générale de la Fédération des chasseurs de la Nièvre, qui date d’un an. Elle s’est en effet tenue le 5 mai 2012, mais le texte n’en a, semble-t-il, jamais été rendu public. On va donc y remédier, mais avant cela, sachez que le maire-adjoint de Nevers, Christophe Warnant, a ouvert cette belle séance sur des mots d’anthologie. Voici : « Nous faisons annuellement appel à vos services. Nous allons le faire prochainement pour éliminer les oiseaux qui sont en trop grand nombre dans cet espace urbain ». Bienvenue à Nevers, ville socialiste, et merci à Christophe Warnant, vaillant militant du parti au pouvoir.

Donc, cette assemblée générale. Intervention tout en beauté de madame Émilie Philippe, secrétaire de l’association Vénerie sous terre. Pour ceux qui ne connaissent pas ce délicieux passe-temps, je précise que la vénerie sous terre consiste à acculer dans leurs terriers des animaux comme le Blaireau ou le Renard, par exemple à l’aide de chiens entraînés. Puis de les sortir de force, par exemple à l’aide de pinces. Puis de les tuer. Puis de s’embrasser pleine bouche en essuyant le sang qui coule.

Ce jour d’assemblée, madame Émilie Philippe a besoin d’un coup de main. On ne parle pas assez des soucis et tracas des équipages de vénerie. Voyez-vous, et c’est madame Émilie Philippe qui parle, « nous recherchons une bonne âme, habitant à proximité, qui accueillerait un couple de renards ». Voilà qui est bien mystérieux si l’on ne connaît pas le reste. La suite : « Nous avons pour projet la mise en place d’un terrier artificiel, pour que toute personne qui le souhaite vienne entraîner ses chiens, c’est un outil qui manque cruellement ». Ces excellentes personnes font donc prisonnier un couple de renards, de manière que leurs chiens puissent les terroriser, dans un terrier artificiel, le temps d’un nécessaire apprentissage. En deux mois, conclut madame Émilie Philippe, « à deux équipages, nous avons déjà comptabilisé une centaine de renards ». Vous aurez probablement remarqué l’euphémisation de l’assassinat, qui devient par extraordinaire un simple acte comptable. Les vrais tueurs ont toujours trouvé des mots de remplacement pour décrire leurs activités.

Les tigres fantômes du parc Jim Corbett

Est-ce tout ? Encore deux bricoles. Le journal indien Down to Earth – ohé ! Laurent Fournier –  publie une enquête formidable et désastreuse sur le sort fait aux tigres sur le territoire du parc national Jim Corbett, le plus ancien du pays. C’est long, et en anglais (ici). Également en anglais, une chronique du grand journaliste britannique George Monbiot, que je ne lisais plus depuis un atroce papier sur le nucléaire qu’il avait commis. Je m’y remets, apparemment. Dans ce texte (ici), Monbiot constate cette évidence que les défenseurs de la nature ont très souvent baissé pavillon, et se contentent des miettes et confetti qui leurs sont concédés. Son titre : « The Naturalists Who Are Terrified of Nature ».

Enfin, un très remarquable effort de l’association Robin des Bois, qui lance un trimestriel consacré au « braconnage et la contrebande d’animaux » (lire-ici.pdf). Que vous dire d’autre ? Si même nous n’étions que dix à défendre nos frères les animaux, il faudrait encore se lever pour eux. Or nous sommes un peu plus, et cela ne se sait pas assez. Savez-vous ? Je vomis ces barbares, et leurs innombrables soutiens. Comme dirait l’autre, on ne lâche rien. Ni personne. Pas la moindre libellule. Pas le dernier des orvets. Pas un seul ver luisant. Nous avons raison, car la vie est un principe supérieur à la mort qu’ils répandent.

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Les explications du naturaliste Roger Mathieu sur les vautours :

Pour ceux qui veulent essayer de comprendre et ne pas mourir idiots, voici “comment ça marche” :

Pour se nourrir, la plupart des organismes vivants répondent à des stimuli. Concernant les vautours, le stimulus majeur est l’immobilité totale et prolongée d’un animal avec absence de réaction lors des manœuvres d’approche des oiseaux. Ce comportement est celui d’un cadavre. Un animal sain et en pleine possession des ses moyens laisse les vautours indifférents et n’a rien à craindre.

Entre ces deux scénarios classiques, Il existe des circonstances exceptionnelles qui leurrent les vautours et les incitent à se poser. Le comportement anormal d’un animal immobilisé, incapable de se mouvoir à l’approche des oiseaux et présentant des plaies importantes ou des saignements peut déclencher l’intervention des vautours. Ces stimuli se rencontrent, par exemple, à la suite d’une mise bas particulièrement difficile d’un animal allongé, isolé, et incapable de se mouvoir. Dans ces circonstances et en l’absence d’intervention humaine les vautours peuvent intervenir et entraîner la mort par hémorragie. S’agissant d’animaux domestiques, ces faits qui supposent l’accumulation de facteurs défavorables, sont rarissimes.

Un peu plus fréquents sont les interventions des vautours ante mortem sur des animaux couchés, incapable de se mouvoir, victimes de blessures graves ou d’une pathologie avancée ou aiguë ( entérotoxémie bovine par exemple). Dans ces cas, les vautours ne font qu’anticiper la mort d’animaux condamnés. Ces scénarios exceptionnels ne peuvent s’apparenter à des comportements de prédation. Le comportement de prédation  sous entend qu’il existe une volonté délibérée du prédateur de mettre à mort sa proie avant de la consommer ; le stimulus déclenchant la prédation est précisément le mouvement de la proie.

A l’inverse, dans le cas des vautours, le stimulus est l’immobilité absolue de l’animal cible (animal mort) ; les cas d’intervention ante mortem se produisent sur des animaux qui, par leur immobilisme et leur absence de réaction, leurrent les vautours, les incitent à consommer, entraînant la mort par hémorragie « sans intention de la donner ».

Roger Mathieu

Un cadeau pour ceux qui traînent du côté du Vercors

Je n’ai pas une minute à consacrer à Planète sans visa, et j’en suis bien désolé. En passant, je vous signale deux journées d’éducation et de formation naturalistes, les 27 et 28 juillet. Sur le plateau du Vercors, qui est l’un des lieux les plus beaux que je connaisse. Ces deux journées sont organisées par Véronique Thiery et Jean-Marie Ouary, que je considère comme des amis, même si je ne les ai pas vus depuis des années.

Je puis vous assurer d’une chose : ces deux-là sont vrais. Vrais connaisseurs de la nature, vrais défenseurs de la vie, et au moins en ce qui concerne Jean-Marie, vrai baroudeur. Il est vrai que Jean-Marie, venu de Noisy-le-Sec, où j’ai moi-même habité, reste à sa façon une grande gueule de banlieusard. J’ajoute qu’il est l’un des plus grands défenseurs du Loup – présent sur le Vercors – en France.

Bref. Deux jours. L’un consacré aux ongulés, et l’autre aux carnivores. Le tarif est de 60 euros par jour, ce qui n’est pas rien, je le sais parfaitement. Mais je peux au moins vous assurer que ces deux-là ne volent personne. Si vous êtes dans le coin, et que vous avez décidé de casser votre tirelire, ma foi. Vous pouvez éventuellement vous recommander de moi.

L’association Mille Traces : http://www.mille-traces.org/

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Les 27 et 28 juillet, mille traces organise deux journées de formation :

le 27 : les ongulés du Vercors
le 28 : les carnivores du Vercors

Ces journées se déroulent au départ de Saint-Agnan en Vercors (26420), elles s’adressent aux adultes uniquement. (Étudiants en biologie, passionnés de faune et flore etc.). Elle se déroulent en majeure partie sur le terrain, avec malgré tout un temps de présentation en salle. Prévoir un pique-nique.

Tarif : 60€/jour coût pédagogique.
Inscriptions sur réservation (formulaire-inscription-stage-2013.pdf)

Pour nos autres activités consultez notre site : http://www.mille-traces.org

Le crime, le climat, la Chine et Fred Singer (avec AJOUT)

Un grand lecteur de Planète sans visa, devenu un ami bien réel, m’envoie une information presque incroyable : l’Académie chinoise des sciences vient de donner sa reconnaissance officielle à Fred Singer, grand maître planétaire de la désinformation. Mais avant que de commenter, regardez avec moi cette publication en chinois d’un rapport américain publié en 2009, Climate Change Reconsidered.

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Difficile d’exagérer l’importance de l’Académie des sciences sise à Pékin (ici). Elle emploie 50 000 personnes et le groupe qui édite la revue Nature (ici) la classe au 12ème rang des 100 institutions scientifiques, en se basant sur les articles publiés dans la presse mondiale spécialisée. Harvard est la première, Yale est 18ème, Oxford 14ème. De même qu’au plan économique, la Chine devient – est déjà – un géant de la science. Et le sera toujours plus. Faut-il préciser que publier un document de 1200 pages venant des États-Unis a forcément une signification politique ? Les États totalitaires, même lorsqu’ils semblent ne plus l’être, ont toujours accordé une grande importance aux signes. Car ce sont des signaux.

Au service de la désinformation

Qui est Fred Singer, le grand inspirateur, nullement caché d’ailleurs, du gros rapport  Climate Change Reconsidered ? Né en 1924, il va avoir 89 ans. Physicien reconnu, il a travaillé à de hauts niveaux de responsabilité dans l’industrie spatiale américaine, avant de bifurquer et de mettre son nom et son énergie au service des industries les plus criminelles qui soient. Par exemple celle du tabac : Singer n’hésitera pas à mettre en cause les liens pourtant évidents entre tabagisme passif et cancer. À la tête du Science and Environmental Policy Project (ici), une petite structure créée en 1990, il va systématiquement aider l’industrie transnationale à faire face aux scandales à répétition, que cela concerne les CFC, l’amiante, les pesticides, le dérèglement climatique.

Tel un Claude Allègre à la puissance 10 ou 100, Singer s’impose, depuis une quinzaine d’années, comme le grand négateur du changement climatique d’origine humaine. il n’a de cesse de discréditer le Giec (en anglais IPCC), ce Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, au point d’avoir lancé un Nongovernmental International Panel on Climate Change (NIPCC), pour s’en moquer bien sûr. Je ne peux que vous renvoyer, sur le sujet, à deux livres dont j’ai déjà parlé ici, Les marchands de doute (Naomi Oreskes et Erik Conway, Le Pommier) et tout récemment La fabrique du mensonge (Stéphane Foucart, Denoël).

Pourquoi diable un homme aussi proche de la mort que Fred Singer use-t-il ses derniers jours de la sorte ? Poser la question, c’est visiter une fois encore le pays du mal, dont la diversité des habitants paraît à peu près sans limite. Comment la tête d’un Singer est-elle organisée ? Comment un homme peut-il défendre de tels intérêts et pour quelle obscure raison ? Voyez, je ne crois pas que l’argent qu’il retire de ses opérations, bien réel, soit l’explication principale. Quoi qu’il en soit, et parce que je tiens la lutte contre le dérèglement climatique pour la mère de toutes les batailles humaines, Fred Singer est à mes yeux un grand criminel.

L’Académie à la botte des bureaucrates

Seulement, quand une institution aussi prestigieuse que l’Académie chinoise des sciences apporte son crédit à une telle entreprise, on retombe sur terre, où la politique reprend ses droits. Il va de soi qu’une décision aussi lourde de sens n’a pu être prise que par la tête même du parti communiste chinois. Au reste, sans en faire mystère, l’Académie dépend étroitement du Conseil des affaires de l’État, lui-même aux ordres du Premier ministre. Il faut donc apprécier cette publication pour ce qu’elle est : un crachat envoyé pleine face à ceux qui tentent de faire face à la crise écologique.

On sait qu’il existe des tensions entre bureaucrates chinois. Dès 1994, quand l’agronome Lester Brown avait publié son formidable essai nommé Who Will Feed China ? (Qui nourrira la Chine ?), il était clair qu’une partie de l’appareil d’État avait pris conscience de l’impasse du modèle économique choisi. En mars 2005, le ministre de l’Environnement de l’époque, Pan Yue, avait donné au journal allemand Der Spiegel un entretien si extraordinaire qu’il n’a, à ma connaissance, pas été repris dans la presse française (ici). Vous pensez bien que lorsque Le Nouvel Observateur, Le Point ou L’Express font des dossiers de 80 pages sur la Chine, il faut surtout ne pas effaroucher l’annonceur publicitaire. Lequel veut vendre des montres de luxe, des bagnoles haut de gamme et des parfums, et ne surtout jamais entendre parler d’un Pan Yue.

Car que disait donc ce dernier ? Eh bien, que le « miracle économique » serait bientôt terminé. Citation : « Ce miracle finira bientôt parce que l’environnement ne peut plus suivre. Les pluies acides tombent sur un tiers du territoire, la moitié de l’eau de nos sept plus grands fleuves est totalement inutilisable, alors qu’un quart de nos citoyens n’a pas accès à l’eau potable. Le tiers de la population des villes respire un air pollué, et moins de 20% des déchets urbains sont traités de manière soutenable sur le plan environnemental. Pour finir, cinq des dix villes les plus polluées au monde sont chinoises ».

Où placer les guirlandes ?

Oui, les conflits à l’intérieur de la bureaucratie chinoise existent. Mais l’affaire Singer, ainsi que je propose de l’appeler, montre que ce sont toujours les mêmes qui gagnent. Et s’ils gagnent, c’est parce que ce pays fou est contraint d’avancer vers le grand krach écologique. Arrêter le porte-containers sans but ni gouvernail reviendrait à disloquer le pays, entraînant des troubles aux dimensions inimaginables. Le principe d’une machine infernale, c’est que personne n’est en mesure de la désactiver. Encore faut-il placer autour de l’engin quelques menues guirlandes et boules de Noël multicolores. Encore faut-il organiser méthodiquement le déni de la catastrophe en marche.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la publication des 1200 pages de l’officine Singer. S’il n’y a pas de réchauffement climatique, alors il n’y a aucune raison pour que la Chine réduise ses formidables émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a aucune raison pour que la Chine arrête de siphonner, dans un délire de croissance, les forêts d’Asie et d’Afrique et des Amériques. Aucune raison pour arrêter le pillage du pétrole et du gaz, et des terres, dans un saisissant remakemutatis mutandis -, de l’aventure coloniale de l’Occident.

182 espèces d’oiseaux, 47 de reptiles

Au moment où je vous écris, je pense au Mozambique, l’un des plus beaux, l’un des plus pauvres pays de la planète. Une équipe de scientifiques vient de passer trois semaines dans le parc national Gorongosa, sûrement l’une des zones les moins massacrées de notre monde. Ils y ont recensé 182 espèces d’oiseaux, 54 de mammifères, 47 de reptiles, 33 de grenouilles, 100 de fourmis, etc. Et parmi elles, un certain nombre d’espèces inconnues, je ne sais combien au juste (ici). Dans le même temps, comme le rapporte Courrier International (ici) les forêts de Mozambique sont pillées dans l’impunité la plus totale, et dans des proportions qu’on ne peut qualifier que de bibliques. Au premier chef par les Chinois, qui savent comment convaincre les politiciens locaux. Pardi.

Destruction, tel est le maître-mot de notre univers. Mais dans le même temps, et pour la raison que la vérité est insupportable, il faut nier, dénier, camoufler, désinformer, manipuler. De ce point de vue, aucun autre pays n’a davantage besoin du mensonge que la Chine. Mais que notre honneur national ne souffre pas trop : nous ne sommes pas loin derrière. Oh non.

AJOUT IMPORTANT LE 16 JUIN 2013 :

Grâce à un lecteur de Planète sans visa – Michel G., un grand merci -, il me faut apporter ici une précision essentielle. L’affaire du rapport chinois est plus complexe que ce que j’avais pensé. Car l’Académie chinoise des sciences (ici, en anglais) conteste avoir jamais donné son imprimatur au texte. À ce stade, il s’agirait donc d’un montage d’une grossièreté inouïe de Fred Singer et de ses nombreux amis. Notons qu’il y a aussi – et au moins – une autre hypothèse : que des factions se fassent la guerre à l’intérieur de l’Académie. Qu’un clan l’ait d’abord emporté, aussitôt victime d’une contre-attaque. Dans tous les cas, cela ne fait donc que commencer. La suite au prochain épisode.

Un aigle de Bonelli en moins sur la terre et au ciel

Ci-dessous, un communiqué de la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) de Rhône-Alpes. Il arrive, comme on verra, que le plomb des chasseurs, ces amis de la biodiversité, menace directement la survie d’une espèce. J’ai déjà pu voir un aigle de Bonelli en vol, dans le sud de la France. Et je n’ai pas oublié l’éclair de beauté dans un ciel bleu.

Un Aigle de Bonelli retrouvé mort en Ardèche

 par Kévin MATHIEU

Mis à jour le lundi 10 juin 2013

 Un Aigle de Bonelli retrouvé mort dans la Réserve Naturelle Nationale des Gorges de l’Ardèche. La présence de 5 plombs explique la mort !

Le 3 avril 2013 un agent de la Réserve Naturelle Nationale des Gorges l’Ardèche (SGGA [1]) a signalé la présence d’un cadavre de rapace à la LPO [2] Rhône-Alpes. Cette dernière a retrouvé cet oiseau, le surlendemain (5 avril 2013) au sein de la Réserve, en bordure de rivière en plein milieu du canyon sur la commune de La-Bastide-de-Virac. Transporté par le service garderie de l’ONCFS [3] Ardèche, les examens vétérinaires et les radiographies ont révélé la présence de 5 plombs de petit calibre qui sont à l’origine de la mort de cette espèce protégée.

Un acte non isolé détruit tout un espoir

Il s’agissait d’une femelle d’Aigle de Bonelli âgée d’environ 4 à 5 ans qui avait été repérée depuis plusieurs mois par la LPO sur la partie amont des Gorges de l’Ardèche. Alors que la population d’aigle de Bonelli ne compte que 2 couples dans le sud Ardèche depuis plus de 30 ans, la présence de cet oiseau représentait l’espoir, pour tous les acteurs de la conservation de cette espèce en Rhône-Alpes, de l’installation tant attendue d’un troisième couple.

Une fois de plus cette espèce est victime d’un tir en France. La Liste est hélas déjà longue, mais certainement très incomplète (les cadavres ne sont pas toujours trouvés) : un cas en mars 2008, un fin octobre 2009, un début 2011, un en novembre 2012 et un probable fin décembre 2012.

Une espèce très menacée

Il est consternant de constater de nos jours et année après année, la présence de plombs sur les aigles de Bonelli retrouvés morts, alors qu’il s’agit de l’espèce de rapaces la plus menacée en France. Avec seulement 30 couples en 2013, et moins de 30 jeunes envolés par an, la population ne peut supporter de tels actes.

Un partenariat autour de l’Aigle de Bonelli en France

L’aigle de Bonelli fait l’objet d’un Plan National d’Actions, réunissant en Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon, plusieurs structures (associations naturalistes, conservatoires des espaces naturels, collectivités locales, État, gestionnaires d’espaces naturels, fédérations de chasse…). En Rhône-Alpes ce plan est coordonné par la LPO Rhône-Alpes et la DREAL [4] Rhône-Alpes. Ce plan national a pour objectif de garantir la survie de l’espèce sur le long terme. Les principales actions menées portent sur le suivi et la surveillance de la reproduction (dérangements), la réduction des causes de mortalités d’origine anthropique (électrocution, percussion des câbles électriques, tirs) la gestion des habitats et la sensibilisation du public local à la conservation de cet aigle des garrigues.

Mais aussi en Ardèche

La LPO est à l’origine des actions de conservation de l’Aigle de Bonelli en Ardèche. Elle est à l’initiative d’un programme d’actions menées depuis 1991 sur la gestion des espèces proies de l’aigle. Pour ce faire, elle a mobilisé l’ensemble des partenaires comme le Syndicat de Gestion des Gorges de l’Ardèche, les associations et sociétés de chasse communale, l’ONF [5] Ardèche, l’ONCFS Ardèche et le Conseil Général de l’Ardèche. Plusieurs opérations de développement des populations de lapins de garenne ont été conduites grâce à ce partenariat (création de garenne et de cultures faunistiques, capture et lâchers de lapins de garenne) et des mesures conservatoires ont été négociées avec les chasseurs locaux (préservation de la quiétude des sites de reproduction de l’aigle).

Un acte lâche qui coûte cher à tous

Un acte aussi lâche met à mal les efforts humains, techniques et financiers consentis par chacun des partenaires aussi bien les naturalistes, les gestionnaires, les élus et les chasseurs locaux. Quel désastre pour tous les amoureux des gorges de l’Ardèche, habitants, visiteurs et autres acteurs !

La LPO Rhône-Alpes et la FRAPNA [6] Ardèche ont décidé de porter plainte contre « X » pour destruction d’espèce protégée et de se porter partie civile.


Contacts presse :DREAL Languedoc-Roussillon
Florence Fabry
04.34.46.64.20
florence.fabry@developpement-durable.gouv.fr


Autres contacts :LPO Coordination Rhône-Alpes
Coordinateur technique du Plan National d’Actions Aigle de Bonelli en Rhône-Alpes
Michel Mure
04.75.35.55.90
michel.mure@lpo.frConservatoire des Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon
Coordinateur technique du Plan National d’Actions Aigle de Bonelli
Olivier Scher
04.67.29.90.65
pna@cenlr.org

Conservatoire – Etude des Ecosystèmes de Provence
Opérateur technique du Plan National d’Actions Aigle de Bonelli en PACA
Irène Nzakou
04.42.26.74.31
irene.nzakou@ceep.asso.fr

DREAL Languedoc-Roussillon
Coordinatrice du Plan National d’Actions Aigle de Bonelli
Patrick Boudarel
04.34.46.66.54
patrick.boudarel@developpement-durable.gouv.fr


Pour en savoir plus :Site du Plan national d’actions Aigle de Bonelli : www.aigledebonelli.fr.Pour consulter l’article publié sur le site web du dauphiné : www.ledauphine.com – Un Aigle de Bonelli tué dans les gorges de l’Ardeche.