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Vautours d’ici, d’ailleurs et d’autre part

C’est une pièce, il me semble qu’elle contient cinq actes, mais vérifions ensemble. Le premier se passe durant l’été. Dans mon vallon à moi, comme j’ai déjà pu l’écrire (ici), les vautours fauves et parfois moines viennent manger ce qui est mort. Ils évitent ainsi, non seulement, la propagation de germes pathogènes – leur système digestif élimine TOUT -, mais épargnent aussi aux éleveurs, quand ils nettoient les carcasses d’animaux domestiques, des frais élevés d’équarrissage. En bref, les vautours sont des auxiliaires bénévoles des activités humaines. On leur doit, et ce ne saurait être l’inverse.

Pourtant, dans mon vallon et alentour, l’été aura vu resurgir comme en août 14 des cris de guerre et des promesses de vengeance. La presse locale, des gorges de la Jonte jusqu’aux Pyrénées, bruissait chaque semaine d’apocalyptiques nouvelles. À lire ces pauvres journalistes en mal d’articles, ces sinistres crapules d’oiseaux fous avaient décidé de « passer à l’attaque ». Et de dévorer non plus des cadavres, comme depuis que le vautour est un vautour, mais des animaux vivants, de pauvres nouveau-nés, des vaches et brebis en excellente santé (ici). J’ai pu constater les effets de cette propagande. Soit dit en passant, elle n’a aucun besoin de se forcer pour faire naître et surtout renaître les fantasmes. Les rapaces nocturnes cloués sur la porte des granges ne sont jamais bien loin. N’empêche : des paysans du Tarn et de Lozère m’ont parlé sérieusement de possibles attaques contre des gosses. On imagine un vautour fauve – fauve – s’emparer d’un bambin de trois ou quatre ans, avant d’aller le déposer au nid pour nourrir la marmaille. Que claquent les dents !

Acte deuxième : Chantal Jouanno dans ses œuvres. La sous-ministre à l’Écologie, de passage à Toulouse le 26 juillet, pour une tournée électorale sarkozyste, lâche quelques sottises sur l’ours, avant de s’attaquer au vautour. Je la cite, je l’ai déjà fait ici, mais je récidive, car cela en vaut la peine : « Cette espèce [le vautour] inquiète les éleveurs. Non seulement, les vautours sont en bon état de conservation, mais la modification de la réglementation sur l’équarrissage les a incités à passer la frontière. J’ai demandé au parc national des Pyrénées non seulement de suivre ces oiseaux, mais aussi d’expérimenter l’indemnisation des dégâts et des tirs d’effarouchement. Ces oiseaux nécessitent une gestion transfrontalière et peuvent faire l’objet d’un tourisme de vision mais ils ne doivent pas mettre en péril le pastoralisme dont la montagne pyrénéenne a tant besoin ».

Je ne sais si vous serez allés au bout de cette loufoquerie. Les vautours osent passer la frontière, et l’on va voir ce que l’on va voir. Rappelons aux oublieux que le vautour fauve est passé tout près de l’extinction chez nous. À cause des cons, je ne vois pas d’autre mot à portée de clavier. Sauvé in extremis, il va un peu mieux. Mais comme il s’agit de glaner des voix dans la perspective des présidentielles de 2012, notre sous-ministre entend lancer des tirs d’effarouchement. En cette année 2010, année de la biodiversité. Avant des tirs d’anéantissement ? Pourquoi non ?

Acte troisième : un violent ennemi de la nature, que je refuse obstinément de citer par son nom (lire ici), fait circuler sur le net un texte d’une belle subtilité, qui commence par un constat accablant : « En trois semaines, ce ne sont pas moins de 9 brebis qui ont e?te? tue?es par les vautours dont 4
depuis dimanche »
. En face d’un tel massacre, une seule voie, et c’est celle de l’autodéfense, bien sûr. « Mais les vautours, malgre? leur surnombre dans les Pyre?ne?es (la proble?matique est sur toute la chai?ne et non pas seulement dans les Hautes-Pyre?ne?es ou les Pyre?ne?es-Atlantiques),  sont des rapaces prote?ge?s. Pas question de tirer dessus. “On ne dira plus rien puisque c?a ne sert a? rien et on fera le me?nage”, nous dit un e?leveur. Voila? une phrase que nous avons de?ja? entendue pour l’ours. Et c’est efficace en Arie?ge et ailleurs semble-t-il ».

Que l’on trucide, que l’on fusille, que l’on massacre encore un peu. Et les Pyrénées – mais le Vercors, mais les Causses et Cévennes – seront enfin pacifiées. On n’y verra plus que des chasseurs à 4X4, bedaines et talkies-walkies, des chiens bien élevés, des brebis apaisées, des bergers gérant le troupeau depuis le village. Ô ce bonheur qu’ils nous préparent.

Acte quatrième, mon ami Philippe de Grissac m’appelle de Nantes. Ce type a de l’humour. En tout cas, il me fait rire. Au téléphone, il me parle d’un texte écrit par Jean-François Terrasse. Son frère et lui sont ceux qui ont, plus qu’aucuns autres, défendu et sauvé les vautours en France. Jean-François, que je connais un tout petit peu, est pharmacien de formation, mais il aura consacré l’essentiel de sa vie, avec son frère Michel, au sort des rapaces. Créateur du Fonds d’intervention pour les rapaces, le mythique FIR, photographe, réalisateur de films, il est sans conteste l’un des meilleurs connaisseurs en France des vautours. Philippe détaille le texte écrit par Terrasse, et me demande un coup de main pour le faire circuler auprès des journalistes, que je suis censé connaître. Je fais ce que je peux, et Inch Allah.

Acte cinquième, je finis tout de même par lire la mise au point de Jean-François Terrasse. Elle vaut la peine, je vous prie de me croire (pour les sceptiques, ici). Que dit-il, lui qui a tout lu sur ces animaux, lui qui sait de quoi il parle ? Voici un extrait pour ceux qui n’iraient pas à l’original : « Et dès les années 2003-2004, l’équarrissage généralisé privait les vautours de ressources et créait une famine totale dans ces grandes colonies de vautours du versant sud des Pyrénées situées en Aragon et en Navarre. On a pu voir alors au piémont des Pyrénées françaises des réunions de vautours affamés s’approchant des fermes pour se repaître d’animaux morts, ce qui était devenu totalement inhabituel. On peut comprendre que des éleveurs français se soient inquiétés, surtout en présence de vautours dévorant un veau mort né ou la mère en difficulté de vêlage non assistée et déjà condamnée. Très vite, la rumeur colportée par les médias a fait état d’attaques délibérées sur des animaux sains, affirmant que les vautours avaient changé de comportement et étaient devenus des prédateurs !

Aucune expertise sérieuse n’est venue confirmer cette attestation gratuite, même si les constats des vétérinaires les disculpent globalement. Dans le pire des cas, des vautours affamés ont aggravé des situations où un animal en difficulté et sans assistance était déjà condamné. Aussitôt, à partir de quelques cas isolés, la polémique a fait du vautour fauve le bouc émissaire à la fois des difficultés de l’élevage et des frustrations des opposants d’une politique de conservation de la biodiversité incluant pêle-mêle, l’ours, le loup, la chasse du grand tétras et le Parc National des Pyrénées. Des faux témoignages grossiers diffusés sur la toile continuent d’alimenter et d’aggraver cette polémique stérile.

En réalité, dans les Pyrénées françaises où l’élevage est important, la petite population de vautours fauves (525 couples en 2007) est bien intégrée au pastoralisme. Tout le monde peut y observer des dizaines de vautours survolant les alpages où abondent brebis (621 000), vaches (157 000), chevaux (12 000), chèvres (14 000) pour 5 300 exploitations pastorales (1) sans aucun problème. Les vautours éliminent sans frais pour l’éleveur et la collectivité des milliers de cadavres, économisant ainsi une énorme quantité de CO2 généré par l’équarrissage (transport, incinération) d’ailleurs souvent impraticable dans des montagnes peu accessibles. Ces oiseaux, véritables alliés sanitaires, sont donc parfaitement intégrés dans une politique de développement durable ».

On pourra se référer à un autre texte du biologiste Jean-Pierre Choisy, que j’ai brièvement croisé dans le Vercors (ici). Une courte citation : « Les vautours ont perdu les armes des rapaces prédateurs : les serres. Le bec crochu, impressionnant, n’est pas une arme pour tuer, mais un outil pour dépecer…». On aimerait trouver une chute épatante, éclairante, rassérénante peut-être. Mais cette pièce, qui triomphe sur les planches des sociétés humaines depuis des milliers, des dizaines de milliers d’années sans doute, et peut-être davantage, est une tragédie. Elle explique, mieux qu’aucune autre, pourquoi, en cette année 2010, décrétée de la biodiversité par les bureaucrates et les pouvoirs qu’ils servent, on peut menacer impunément des oiseaux aussi beaux, aussi merveilleux que les vautours, à peine quarante ans après qu’ils ont failli disparaître de France, ce territoire qui est autant le leur que celui de cette pitoyable madame Jouanno et de son maître adoré.

Le renard à l’assaut du monde (fabliau)

Bien que ses ressorts ne soient pas réellement connus, on sait que la haine de la nature est l’un des soubassements de sa destruction. On déteste, on massacre. Tout ce qui n’est pas soi. Tout ce qui semble échapper à la domination. Tout ce qui paraît narguer l’affligeant défilé de jours interminables, au cours desquels rien jamais ne se passe. Comme il est bon alors de s’en prendre à la beauté du monde. Comme il est réconfortant de se prouver qu’un flingot est tout de même plus puissant qu’un oiseau, ou un loup, ou un ours.

Bon. Cet été 2010 aura vu surgir, une fois de plus, le spectre du vautour, cet animal de malheur, définitivement associé à la mort. Partout dans le sud de la France, des Pyrénées au Causse Méjean, la « colère gronde », comme écrivent les journaux en mal de copie. Lisez plutôt ce splendide article (lire ici), sobrement intitulé : « Vautours et ours passent à l’attaque ». Le vautour fauve, qui a failli disparaître à jamais, reconstitue vaillamment une faible partie de ses effectifs d’antan, et il faudrait pourtant « réguler » ses maigres cohortes, en attendant de le tirer à vue.

Je rappelle que Chantal Jouanno, de passage à Toulouse le 26 juillet, a eu des mots sublimes à propos du vautour, que voici : « Non seulement, les vautours sont en bon état de conservation, mais la modification de la réglementation sur l’équarrissage les a incités à passer la frontière. J’ai demandé au parc national des Pyrénées de suivre ces oiseaux, mais aussi d’expérimenter l’indemnisation des dégâts et des tirs d’effarouchement ». La classe, hein ? Comme on est bien incapable de lutter contre un marché mondial qui détruit à jamais le pastoralisme, on préfère cogner à la hache d’abordage sur l’ours et le vautour. Chantal, encore bravo.

Je ne serai peut-être pas revenu sur le sujet sans l’extrême drôlerie d’un autre article reçu il y a quelques jours. Qui me l’a envoyé ? Un garçon que je ne veux plus nommer ici, car j’en ai déjà trop parlé (lire ici). Attention, je n’ai aucune relation directe avec lui, par chance extrême. Simplement, il envoie ses élucubrations sur une liste de diffusion, dont je suis l’un des destinataires. Alors, que nous raconte donc ce brave ? Je le cite, avant de passer à l’article qu’il a sélectionné. Je le cite : « Les renards seraient-ils comme les vautours ? Ils ont faim ! A force de vouloir tout trop protéger nous allons finir par avoir quelques petits problèmes ».

Attirante introduction, non ? Le papier ainsi présenté est d’une facétie irrésistible (lire ici). Il mériterait une étude à lui tout seul, car il concentre une quantité prodigieuse de niaiseries, toutes éclairantes sur notre rapport au monde sauvage. Notons au passage qu’il parle finalement d’un animal qui N’A PAS ÉTÉ IDENTIFIÉ. Mais le renard ne fait-il pas un coupable parfait, seul susceptible – la rage, les dents, brrr – de susciter l’effroi ?

Je m’en tiendrai à ce court passage drolatique : « Elles n’en reviennent toujours pas. Et se grattent la tête pour trouver une explication. Deux randonneuses allemandes qui effectuaient la traversée des Pyrénées par le GR 10 ont passé la nuit de mercredi à jeudi en dessous du col de La Pierre Saint-Martin. Tout allait bien… jusqu’au moment où Julia a senti quelque chose qui lui grattait la tête.

Un trou dans la toile

Pour ne pas dire lui grignotait le cuir chevelu, laissant des traces de morsures. La randonneuse avait l’occiput placé près de l’entrée de sa tente. « L’animal a fait un trou dans la toile» raconte son amie Johanna. La bestiole avait de l’appétit. Les randonneuses ont retrouvé également leur sac percé sur une dizaine de centimètres de diamètre. « L’animal s’est servi dans nos provisions» racontent les randonneuses ».

Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Non pas.

Les ours sont toujours là (merci, Jean-Gabriel !)

Jean-Gabriel envoie un lien « pour se changer les idées ». Ma foi, c’est réussi ! Malgré l’immense connerie coalisée contre l’ours des Pyrénées, celui-ci vit. Et se gratte le dos, comme vous pourrez le voir en cliquant ici. Je précise que ces images sont prises par des caméras à déclenchement automatique de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Malgré l’épouvantable intitulé de l’organisme, cet office est bourré de naturalistes de grand talent, qui défendent avec sincérité la vie et sa diversité. Mais regardez, car c’est beau comme le jour. Car c’est beau comme la nuit.

PS : J’en oublie de remercier le site La buvette des alpages, qui a mis en ligne ces images. De nouveau, une pub méritée pour ce lieu rare.

Al cul (sauce catalane)

Merci à René et quelques autres de partager avec moi cette incroyable nouvelle civilisée : le parlement de Barcelone vient d’interdire la corrida. Dans toute cette région de Catalogne où jadis – depuis l’épopée de l’Association internationale des travailleurs, dès 1860, jusqu’en janvier 1939 – l’on crut à une société sans argent ni maîtres. Je ne sais si un lien existe, mais je le fais, car ma mémoire ne doit aucun compte à personne. Et donc, adonques, al cul ! Qu’on me pardonne cette grossièreté qui n’est rien au regard de la mort abjecte donnée en public à des animaux de rêve. Oui, dans le cul de tous ces soi-disant esthètes qui vont répétant depuis le début de leur pauvre vie que voir saigner un taureau est un magnifique spectacle. Al cul, crétins de la terre, assassins par procuration, bouchers-charcutiers par goût de la mort, al cul !

Nous voici revenus par miracle au temps ancien du taureau Hâpi des Égyptiens, lorsque ces animaux étaient sacrés. Quand ils incarnaient la prospérité et la fertilité, lorsqu’ils étaient des dieux, nos dieux. En approuvant l’interdiction des corridas par 68 voix contre 55, les députés catalans défient la tradition castillane la plus vile. Dès le 1er janvier 2012, on ne pourra plus bandouiller dans les tribunes, ni s’y passer les lèvres sur la bouche au moment où l’épée fracasse le dos et coupe l’artère du toro. Ma foi, les gars, me parece ser un homenaje a Durruti y Ascaso y a todos los Solidarios.

Gérer les vautours d’une manière transfrontalière

Un vif merci à Sylvie Cardona, qui m’envoie des extraits du discours de Chantal Jouanno, prononcé le 26 juillet à Toulouse. On le sait, notre sous-ministre y a annoncé que la clique sarkozyste se foutait totalement de l’ours et que la vingtaine d’animaux qui traînent entre Ariège et Béarn ne seraient pas rejoints par des ours réintroduits, seul moyen pourtant de parvenir à une population viable dans les Pyrénées.

Mais il me manquait les mots de Jouanno. Sa vision franche, telle qu’exprimée devant un parterre choisi. Le texte qui suit est tiré de l’excellent site La Buvette des Alpages (lire ici).

Extraits du discours de Chantal Jouanno

« L’écologie n’est pas une affaire de spécialistes, l’écologie est un sujet de société, une vision de l’avenir. C’est donc naturellement avec le comité de massif qu’il faut d’abord en parler.

On met beaucoup moins en avant le fait que le capital économique repose pour partie sur ce patrimoine écologique, principalement produit par l’exploitation agricole de la montagne.

Les milieux ouverts et riches de biodiversité se maintiennent grâce aux éleveurs.
Et c’est tellement stupide de dire que la nature ne doit rien à l’homme comme de penser que l’homme ne doit rien à la nature. La diversité biologique des Pyrénées résulte évidement de la qualité naturelle des espaces montagnards et des activités humaines qui s’y exercent :

  • Sans pastoralisme, pas de milieux ouverts, donc pas d’asters des Pyrénées par exemple;
  • Sans activité forestière, des territoires en déshérence.

C’est une exception que vous devez à la géographie et surtout aux hommes.

Alors, évidemment, ces sujets ne peuvent être traités par des instances purement naturalistes. C’est à vous, Comité de massif, de le faire.

Sans les chasseurs, qui plaiderait la cause du grand tétras quand les coupes forestières se discutent dans un Conseil Municipal ?

Alors, parlons du sujet qui malheureusement focalise le débat. Parlons du sujet qui le rétrécit : l’ours brun.
L’objectif qui doit être poursuivi est de conserver une population viable, c’est-à-dire qui se reproduit naturellement sans besoin d’introduction. Nous surveillerons l’évolution annuelle de la population d’ours. Ni plus, ni moins. Donc, pas de politique de réintroduction. Et si la population décroît, nous envisagerons alors des réintroductions.

Autre point important, il y a trop de débat sur le retrait de certains ours à problème. Alors, mettons nous d’accord, je vous propose au sein du comité de massif de revoir la définition de ce qu’est un «ours à problème» et de renforcer l’efficacité de notre dispositif de retrait.

Puisque aucun sujet ne doit être évacué, continuons sur le vautour.

Cette espèce inquiète les éleveurs. Non seulement, les vautours sont en bon état de conservation, mais la modification de la réglementation sur l’équarrissage les a incités à passer la frontière. J’ai demandé au parc national des Pyrénées non seulement de suivre ces oiseaux, mais aussi d’expérimenter l’indemnisation des dégâts et des tirs d’effarouchement. Ces oiseaux nécessitent une gestion transfrontalière et peuvent faire l’objet d’un tourisme de vision mais ils ne doivent pas mettre en péril le pastoralisme dont la montagne pyrénéenne a tant besoin.

Nous avons une responsabilité, l’homme n’a pas à choisir les espèces qu’il protège mais il doit déterminer quels équilibres il souhaite atteindre. Ces équilibres ne sont pas un choix scientifique, c’est un choix politique. »

Extraits du discours de Chantal Jouanno devant le Comité de Massif, 26 juillet 2010, à Toulouse

Marc LAFFONT : Que rajouter après un tel florilège qui frise de peu la perfection ?

L’écologie, c’est donc avant tout une affaire de non spécialistes.

Et c’est normal : quand vous êtes malades vous ne faites pas appel à un médecin, pour construire une maison, on ne fait pas appel à un architecte. Donc pour faire de l’écologie, on n’a pas besoin du point de vue des écologues et des naturalistes. Rien à redire. Les montagnes européennes qui ne connaissent pas la sursubventionnite agricole aiguë n’ont pas de patrimoine écologique, et par ricochet, pas de capital économique non plus. A commencer par l’activité ski, dont les pistes ne peuvent être entretenues que par des moutons. D’ailleurs un pays comme l’Autriche, 250 000 ovins, soit moins de la moitié de ce qu’on retrouve dans les seules Pyrénées françaises, en souffre particulièrement : pas de stations de ski, pas de tourisme neige, peu de skieurs et très peu de champions de ski. Voilà un pays qui aurait tout pour accumuler les médailles en grands championnats, et qui se prive de cette possibilité par manque de brebis. C’est quand même ballot !


L’introduction du mouton a créé la biodiversité pyrénéenne.

Avant, il n’y avait rien. Nada, peau de balle, walou, keutchi : l’Aster des Pyrénées n’est apparu dans ces montagnes qu’après l’arrivée du mouton. Sans lui «pas de milieux ouverts, donc pas d’asters des Pyrénées». Et il en est de même pour toutes les espèces patrimoniales «dont on devrait parler beaucoup plus».

Je ne sais si les espèces actuelles doivent leur existence à Dieu ou à l’Evolution de Dame Nature. Mais il faut reconnaître objectivement que l’un comme l’autre sont deux incompétents notoires. Car aucun de ces deux là n’avait pensé à mettre le mouflon, ancêtre du mouton avant domestication, dans les Pyrénées. Celles-ci sont en conséquence trop longtemps restées vides de biodiversité.

Grâce soit rendue à ceux qui ont introduit cet indispensable ruminant : en quelques millénaires, on est passé du degré zéro de la biodiversité (pas de moutons) à la référence mondiale absolue («je ne vous apprends rien en vous disant que vos Pyrénées sont exceptionnellement riches en biodiversité. C’est exceptionnel en Europe. C’est exceptionnel dans le monde. C’est une exception que vous devez à la géographie et surtout aux hommes.»)

Seules les forêts gérées et exploitées par l’homme sont réellement dignes d’intérêt.

Sinon, on risque la «déshérence». D’ailleurs, si les forêts primaires ont complètement disparu d’Europe de l’Ouest, c’est bien qu’elles ne servaient à rien. Nous sommes des gens civilisés, quand même, pas des obscurantistes qui veulent retourner au temps de la forêt gauloise. Surtout ne perdez pas de vue que tout ça, c’est un peu grâce à la géographie, et beaucoup grâce à l’Homme. Et pas du tout à cause du climat. C’est donc pas bien grave si celui-ci change. D’ailleurs à ce sujet, on a pris une série d’absence de mesures qui vont dans ce sens. On ne va quand même pas gaspiller de l’argent pour ce qui n’est qu’un concept émanant des visées hégémoniques verdâtres, et qui n’apporte rien au patrimoine écologique. Ni, par voie de conséquence, au capital économique. Tandis que le mouton divagant…

Évidemment, on ne pouvait pas parler de création/protection de la biodiversité sans évoquer le rôle prépondérant des chasseurs, véritables gardiens du temple de la biodiversité. Sans leur intense activité depuis 150 ans, combien resterait-il de Grand Tétras en France ? Et de Gélinotte des bois ? Et de Bouquetin ibérique ? …

Même à contre cœur, on ne peut pas faire l’impasse sur le sujet qui «rétrécit le débat sur la biodiversité : l’ours brun».

Contrairement à une idée (trop) répandue chez les (heureusement très) minoritaires écologistes intégristes, qui voudraient s’accaparer exclusivement le sujet de la biodiversité (normal, pour des talibans verts), une population viable est une population qui se reproduit naturellement. Le nombre importe peu. Sachez le, messieurs les ayatollahs de l’écologie…

On passera rapidement sur la question que la procréation assistée chez l’homme (qui n’est pas viable), pour se consacrer directement à l’essentiel : un mâle et une femelle ours sont suffisants pour assurer la viabilité d’une population. Du moment qu’ils n’ont pas besoin d’assistance pour se reproduire. Attention, il faut rester dans le naturel…

Avec une estimation basse de 17 ours, les Pyrénées françaises possèdent donc, a minima, 8 fois la population requise pour assurer la viabilité de l’espèce. Il convient de le préciser aux quelques extrémistes qui seraient tentés de porter le problème au niveau européen : pourquoi l’Union Européenne sanctionnerait-elle la France, alors que celle-ci dépasse de 700 % les impératifs de bon état de conservation de population ursine qui lui sont demandés ?
Le sujet a été mûrement réfléchi. Tous les cas de figure ont été anticipés, y compris celui qui a le moins de chance de survenir : Que l’effectif vienne à baisser pour raison humaine. J’admets que cette hypothèse est assez improbable. Toutes les précautions sont prises depuis longtemps pour éviter les bavures lors de chasse en battue. Et le braconnage d’espèces protégées ne fait absolument pas partie de l’identité nationale française. Comme la xénophobie, d’ailleurs.

Et les faits sont là : aucune disparition d’ours du fait de l’homme n’est à déplorer dans les Pyrénées depuis bientôt 30 ans qu’il y est (excessivement bien) protégé. Ceux qui sont relatés dans la littérature écologiste relèvent uniquement du fantasme de leurs propagateurs.

Le simple fait d’avoir, malgré tout, anticipé la quasi-impossible régression de la population d’ours du fait de l’Homme atteste du sérieux et de la crédibilité de ce plan. Si besoin en était, bien sûr. Mais besoin n’en était pas, sauf pour quelques grincheux sectaires.

Seul l‘ours est à problème

Jamais l’homme, et encore moins l’éleveur (pluri-subventionné) pluri-actif. C’est la raison pour laquelle il convenait de rénover le vieillissant et trop laxiste concept d’ours à problèmes. Ne pouvant tout dévoiler tout de suite, la Secrétaire d’Etat est restée évasive sur la définition exacte de ce concept, mais je pense être en mesure de préciser cette notion : Sera considéré comme ours à problème tout animal consommant de la viande. Cette définition, à la fois simple et équilibrée, devrait fédérer autour d’elle la totalité des positionnements modérés et s’imposer naturellement. Nous sommes particulièrement attentifs au caractère naturel et fédérateur de chaque décision. Notons que cette définition pourrait également s’appliquer au vautour, (saleté de bestiole) problème abordé ci-dessous.

Le vautour, une seule espèce en tout
Les biologistes et autres naturalistes, par trop imprégnés de sectarisme, ont une (fasciste) fâcheuse tendance à compliquer les choses inutilement. Pourquoi parler de vautour fauve, vautour percnoptère, gypaète barbu, voire vautour moine ? Cela n’aboutit qu’à une classification trop complexe qui se traduit par un excès de protection, cher aux khmers verts, et néfaste à la constitution du «capital économique principalement produit par l’exploitation agricole de la montagne». Alors qu’il suffit d’employer le terme générique «vautour» pour toutes ces espèces, et la situation est tout de suite assainie et simplifiée :  «les vautours sont en bon état de conservation».

Ils pourraient donc supporter sans problèmes quelques tirs (de régulation) «d’effarouchement». De même l’activation rapide d’un programme de (racolage électoral) «d’indemnisation des dégâts» était nécessaire pour une profession qui, rappelons le, ne touche que quatre fois plus de subventions qu’elle ne génère de revenu. Ratio qui, toute personne modérée en conviendra, est à la fois particulièrement faible et porteur d’espérance sur la viabilité économique des exploitations (une fois la montagne débarrassée des gêneurs : ours, vautours, loups et bobos-écolos justes bons à payer des impôts et à se taire) une fois « la proposition de cette stratégie pyrénéenne de la biodiversité » validée.

Le tourisme de vision, un concept à rénover
A l’instar de la viabilité d’une population ursine, un tourisme de vision basé sur le vautour n’a pas besoin d’effectifs exagérément pléthoriques et susceptibles de «mettre en péril le pastoralisme dont la montagne pyrénéenne a tant besoin». En effet, la conservation de 2, peut être 3, couples de vautour fauve, respectueusement protégés et abrités par une gigantesque volière de quelques m3 s’avèrerait amplement suffisante.

Avantage conséquent par rapport à l’ours, l’espérance de vie de ces animaux en captivité en semi-liberté est telle que la reproduction naturelle n’est pratiquement pas nécessaire pour atteindre l’objectif visé de tourisme de vision. Et ce, pour plusieurs décennies. Bel exemple de concrétisation d’un développement durable «exceptionnel en Europe et dans le Monde».
Au moment de conclure cette modeste analyse d’un si magistral discours, il me vient à l’esprit une citation aux antipodes de la hauteur de vue précitée, et dont la médiocrité tranche singulièrement avec l’aspect visionnaire de cette séance du Comité des massifs du 26 juillet 2010 :

« Le respect de l’homme par l’homme ne peut pas trouver son fondement dans certaines dignités particulières que l’humanité s’attribuerait en propre, car, alors, une fraction de l’humanité pourra toujours décider qu’elle incarne ces dignités de manière plus éminente que d’autres. L’homme, commençant par respecter toutes les formes de vie en dehors de la sienne, se mettrait à l’abri du risque de ne pas respecter toutes les formes de vie au sein de l’humanité même. »

On reste sans voix devant le niveau de stupidité émanant de cette phrase énoncée par le non moins médiocre Claude Lévi-Strauss. Qui pourrait croire, par exemple, que, ce qui arrive aux ours aujourd’hui, finira par arriver dans quelques décennies, voire moins, aux activités pastorales en mal structurel de rentabilité ? A part les droits-de-l’hommistes et les bobos-écolos des beaux quartiers, je ne vois pas grand monde.

Quelle mouche avait bien pu piquer Notre Président pour qu’il s’abaisse à voir en ce monsieur le jour de sa mort un «humaniste infatigable, toujours en quête de nouveaux savoirs, homme libre de tout sectarisme et de tout endoctrinement» ?

Heureusement, ce n’était là que mots convenus de bien-pensance circonstancielle, bien pardonnables.
Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes jugés sur nos actes et non sur nos paroles. Nous ne devons donc aucunement tenir rigueur à notre petit timonier pour cet accès de faiblesse verbal. Des décisions concrètes et visionnaires, à l’instar de celles qui découleront de ce Comité des massifs du 26 juillet 2010, sont là pour redonner ses lettres de noblesse au courage politique.Marc Laffont

PS : Je m’autorise un bravo à Marc Laffont, que je ne connais pas (Fabrice Nicolino)