À Dominique Lang
C’est un très grand jour. Celui de la publication de l’Encyclique du pape François, appelée Laudato si – Loué sois-tu -, « sur la sauvegarde de la maison commune ». Qu’est-ce qu’une Encyclique ? Un texte souverain qui engage le pape, et derrière lui, en théorie du moins, toute l’Église et le 1,2 milliard de catholiques de la planète. Or cette Encyclique-là, par quelque miracle que je ne prétends pas expliquer, est écologiste.
Vous avez bien lu : écologiste. Je sais bien que l’on peut y trouver toutes les limites que l’on veut, mais avec ce texte, le pape François fait un mouvement prodigieux dans notre direction. Vous lirez les quelques extraits saisis au vol – désolé, non, je n’ai pas eu le temps de tout lire – et vous comprendrez pourquoi je considère dès ce jour François comme un formidable allié dans l’immense combat en cours pour la défense de la vie.
J’imagine que certains d’entre vous se récrieront. Comment ? Se prosterner devant le calotin des calotins ? J’assume sans aucune gêne. Je sais que bien des questions forment un vaste fossé entre lui et moi. Et de même entre la hiérarchie catholique et des mécréants de mon espèce. Mais ceux qui ne voient pas le changement venir risquent de finir bien seuls, ce que je ne leur souhaite pas.
Ma position est claire : il faut bâtir des alliances autour de valeurs, ce qui exclut beaucoup de monde, il est vrai. Dans le temps qui reste avant les vraies dislocations, il est inconcevable que nous puissions convaincre assez de monde pour renverser la table. Notez que ce serait ma préférence. Renverser la table, je veux dire, et donner la leçon qu’ils méritent à tous les médiocres salopards qui tiennent si mal les rênes de nos affaires communes.
Nous n’avons plus le temps. Et nous avons donc un besoin immédiat de renfort, d’aide, de compréhension, de mouvement, et j’ose le mot, d’amour. L’Église Catholique a beaucoup de choses à se faire pardonner – parmi lesquelles de grands massacres -, mais elle est toujours debout. Nous ne savons parler aux grandes masses humaines qu’elle influence et parfois guide. Son virage écologiste, s’il se maintient, sera un fabuleux accélérateur de conscience.
L’accélération est un moteur, qui comme son nom latin – m?tor – l’indique, remue. En l’occurrence, les esprits et les cœurs. Les paroles, d’évidence sincères, de François, sont désormais à la portée de tous. Rien ne sera plus comme avant. Je sais ce bout de phrase usé jusqu’à la corde, mais c’est bien cela que je veux dire. Rien ne sera jamais plus comme avant, car nul ne pourra effacer ce qu’une grande conscience humaine a pu un jour écrire. Chaque homme sur cette Terre pourra désormais s’appuyer, quoi qu’il arrive, sur cette immense et majestueuse tirade.
Malgré ma radicalité résolument totale, je ne crois pas être un sectaire. À la fin de 2008, j’ai lancé avec mon ami Dominique Lang – un prêtre catholique – une revue nommée Les Cahiers de Saint-Lambert (Ensemble face la crise écologique). Vous en saurez plus ici. Pour des raisons absurdes, cette revue a cessé de paraître à l’été 2011, mais elle avait le vent en poupe, croyez-moi. Elle matérialisait la nécessaire rencontre entre catholiques – Dominique – et écologistes – moi. Dominique était le directeur, Olivier Duron l’excellentissime directeur artistique, et moi le rédacteur-en-chef. Je vous le dis sans trépigner : je suis fier des dix numéros parus, dont vous trouverez le PDF du dernier ici.pdf.
Je me répète, mais la cause est la bonne : ce jour est historique, et je m’endors dans un bonheur simple et vrai. Et toutes mes excuses à ceux qui n’aimeront pas, que je crois assez nombreux.
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EXTRAITS DE L’ENCYCLIQUE DU PAPE FRANÇOIS (je le répète, je n’ai pas lu le texte dans sa totalité, de loin)
La poésie
Si nous prenons en compte la complexité de la crise écologique et ses multiples causes, nous devrons reconnaître que les solutions ne peuvent pas venir d’une manière unique d’interpréter et de transformer la réalité. Il est nécessaire d’avoir aussi recours aux diverses richesses culturelles des peuples, à l’art et à la poésie, à la vie intérieure et à la spiritualité.
La propriété privée
Par conséquent, toute approche écologique doit incorporer une perspective sociale qui prenne en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés. Le principe de subordination de la propriété privée à la destination universelle des biens et, par conséquent, le droit universel à leur usage, est une ‘‘règle d’or’’ du comportement social, et « le premier principe de tout l’ordre éthico-social ». La tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée.
La richesse de la culture
Il ne s’agit pas de détruire, ni de créer de nouvelles villes soi-disant plus écologiques, où il ne fait pas toujours bon vivre. Il faut prendre en compte l’histoire, la culture et l’architecture d’un lieu, en maintenant son identité originale. Voilà pourquoi l’écologie suppose aussi la préservation des richesses culturelles de l’humanité au sens le plus large du terme.
Sur les écologistes
Le mouvement écologique mondial a déjà fait un long parcours, enrichi par les efforts de nombreuses organisations de la société civile. Il n’est pas possible ici de les mentionner toutes, ni de retracer l’histoire de leurs apports. Mais grâce à un fort engagement, les questions environnementales ont été de plus en plus présentes dans l’agenda public et sont devenues une invitation constante à penser à long terme.
Des points de rupture
Il suffit de regarder la réalité avec sincérité pour constater qu’il y a une grande détérioration de notre maison commune. L’espérance nous invite à reconnaître qu’il y a toujours une voie de sortie, que nous pouvons toujours repréciser le cap, que nous pouvons toujours faire quelque chose pour résoudre les problèmes. Cependant, des symptômes d’un point de rupture semblent s’observer, à cause de la rapidité des changements et de la dégradation, qui se manifestent tant dans des catastrophes naturelles régionales que dans des crises sociales ou même financières, étant donné que les problèmes du monde ne peuvent pas être analysés ni s’expliquer de façon isolée. Certaines régions sont déjà particulièrement en danger et, indépendamment de toute prévision catastrophiste, il est certain que l’actuel système mondial est insoutenable de divers points de vue, parce que nous avons cessé de penser aux fins de l’action humaine.
L’anthropocentrisme
Les Évêques d’Allemagne ont enseigné au sujet des autres créatures qu’« on pourrait parler de la priorité de l’être sur le fait d’être utile »42. Le Catéchisme remet en cause, de manière très directe et insistante, ce qui serait un anthropocentrisme déviant : « Chaque créature possède sa bonté et sa perfection propres […] Les différentes créatures, voulues en leur être propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies de Dieu. C’est pour cela que l’homme doit respecter la bonté propre de chaque créature pour éviter un usage désordonné des choses ».
Le dérèglement climatique
Le changement climatique est un problème global aux graves répercussions environnementales, sociales, économiques, distributives ainsi que politiques, et constitue l’un des principaux défis actuels pour l’humanité. Les pires conséquences retomberont probablement au cours des prochaines décennies sur les pays en développement. Beaucoup de pauvres vivent dans des endroits particulièrement affectés par des phénomènes liés au réchauffement, et leurs moyens de subsistance dépendent fortement des réserves naturelles et des services de l’écosystème, comme l’agriculture, la pêche et les ressources forestières. Ils n’ont pas d’autres activités financières ni d’autres ressources qui leur permettent de s’adapter aux impacts climatiques, ni de faire face à des situations catastrophiques, et ils ont peu d’accès aux services sociaux et à la protection. Par exemple, les changements du climat provoquent des migrations d’animaux et de végétaux qui ne peuvent pas toujours s’adapter, et cela affecte à leur tour les moyens de production des plus pauvres, qui se voient aussi obligés d’émigrer avec une grande incertitude pour leur avenir et pour l’avenir de leurs enfants.
Une solidarité universelle
Malheureusement, beaucoup d’efforts pour chercher des solutions concrètes à la crise environnementale échouent souvent, non seulement à cause de l’opposition des puissants, mais aussi par manque d’intérêt de la part des autres. Les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, même parmi les croyants, vont de la négation du problème jusqu’à l’indifférence, la résignation facile, ou la confiance aveugle dans les solutions techniques. Il nous faut une nouvelle solidarité universelle.