Archives de catégorie : Biodiversité

Les dégueulis de la guerre sont éternels

Publié par Charlie Hebdo le 18 juin 2014

Des millions d’obus et de bombes sont planqués dans le paysage français. Saurez-vous les retrouver sans vous faire sauter le caisson ? On retrouve chaque jour ou presque des explosifs venant des guerres de 1870, 14-18, 39-45. Vivement la prochaine !

Coucou, la guerre. On fête cette année deux splendides anniversaires. Un, les cent ans des débuts de 14-18, cette grande bagarre virile. Et deux, les 70 ans du grand Débarquement sur les côtes normandes, qui a permis le 6 juin dernier une belote entre Hollande, Merkel, Obama et Poutine.

C’est bien joli, mais qu’est-ce qu’on fait de celle de 1870 ? Ne surtout pas croire qu’elle a disparu, car ce serait une abominable offense à la mémoire. Le 23 mars 2012, des démineurs repêchent dans la Seine, non loin de notre bonne vieille Samaritaine, un obus rempli de poudre noir, en pleine forme, sous 6 mètres de vase. Un coup des Uhlans de Bismarck ? Voui. Des engins de la guerre de 70, on en trouve encore chaque mois, parfois chaque semaine, et beaucoup sont capables d’arracher une jambe ou de niquer un bras.

L’association Robin des Bois (http://www.robindesbois.org) vient de publier un inventaire – après déjà bien d’autres – des déchets de guerre retrouvés dans six régions de la façade Manche-Atlantique. Mes aïeux, on croirait pas. En seulement six ans, de 2008 à 2013 inclus, 95 000 personnes ont été évacuées de chez elles pour cause de munitions dangereuses. En tout, on a retrouvé 14 000 de ces dernières, qui ont réussi à buter un type et à blesser quatre couillons.

Est-ce bien étonnant ? 600 000 tonnes de bombes ont été larguées sur 1700 communes françaises entre 1940 et 1945, et une partie de ces petites chéries restent bloquées dans les fondations d’immeubles, sous des autoroutes, dans des marais, au milieu des champs, et bien sûr au bord des plages. Une équipe de géologues américains a analysé des échantillons de sable collectés en 1998, à Omaha Beach, en Normandie, et y a retrouvé de minuscules éclats métalliques de 0,06 à 1 mm de diamètre, indiscernables à l’œil.

Encore faut-il compter avec les décharges sous-marines de bombes et obus, dont certains sont chimiques. Selon Robin des Bois, il y aurait entre Normandie et Aquitaine 62 dépôts sous l’eau, où nos belles armées ont englouti tout ce qui les gênait à terre. Exemple entre mille : que sont devenus les gigantesques stocks nazis abandonnés à Lorient, Saint-Nazaire, Brest, Cherbourg ?

Il va de soi que l’eau érode et finit par tout éventrer. Qui contrôle ? Personne. Les mines explosent au hasard des courants, le mercure, le plomb, l’antimoine, l’arsenic et une infinité de poisons se répandent doucement sans que personne ne s’en rende compte. Sauf les poissons, le plancton, les mammifères marins.

La guerre précédente, celle des Poilus, a laissé le Nord et l’Est de la France sous un océan de métal. On pense que dans ces régions, un milliard d’obus ont été tirés entre 1914 et 1918, ce qui correspondrait à environ 15 millions de tonnes. Un quart des engins, dont 6 % contenaient des gaz de combat, n’ont pas explosé. Où sont-ils ? Comme les autres, dans les prés et les champs, dans les forêts, dans les villages, dans les villes. Les sols et sous-sols, les lacs et rivières, les canaux, sont pollués. Au total, entre 500 et 800 tonnes de munitions anciennes, toutes guerres confondues, sont retrouvées chaque année en France. Une seule certitude : trinitrotoluène – TNT -, nitrobenzène, nitrophénol, nitro-anisol et nitronaphtalène, qui sont les principaux composés des munitions conventionnelles des deux guerres mondiales, forment en se dégradant des sous-produits très toxiques. Qui ont nécessairement gagné pour partie l’eau dite potable.

Que fait la France éternelle, celle de Dunkerque à Tamanrasset ? Rien. Aucune enquête publique n’a été menée, ce qui semble le plus prudent compte tenu de l’énormité des enjeux. Robin des Bois se plaint depuis des années de l’absence d’une filière d’élimination « propre » des explosifs découverts, qui finissent le plus souvent explosés dans des carrières ou des terrains militaires, provoquant inévitablement des pollutions. On attend depuis des lustres la création d’un centre spécialisé dans l’élimination des munitions chimiques, à Mailly-le-Camp, dans l’Aube. Et l’on attendra encore longtemps, car on prépare surtout la prochaine, la plus belle, la der des ders.

Total éventre la Patagonie argentine

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 28 mai 2014

Notre transnationale du pétrole bousille une réserve naturelle à la recherche de gaz de schiste, fracturation hydraulique en prime. Pendant que Margerie fait ici des risettes télévisées, ses engins s’en prennent là bas aux Indiens et aux pumas.

Avant de dire tout le mal nécessaire de Christophe de Margerie et de Total, sa pauvre chose, deux mots sur le génial Guillermo Enrique Hudson, appelé en anglais William Henry Hudson. Né en 1841, Hudson a décrit la pampa d’Argentine, jusqu’à la Patagonie, comme aucun autre (1). Avis autorisé de Joseph Conrad : « Il écrit comme l’herbe pousse ».

La Patagonie reste un lieu à part. Une immensité de steppes, de pampas, de montagnes, de glaciers, d’archipels. Une beauté insupportable pour la transnationale conjuration du gaz de schiste. Car voilà où nous en sommes : tandis que l’entreprise Total joue ici le fabliau du « développement durable » et de la « responsabilité environnementale », elle est en train de dévaster là-bas la Patagonie argentine.

Voyons l’insupportable détail. Total est présent en Argentine depuis 1978, au travers de sa filiale Total Austral S.A, et produisait entre 2009 et  2012 30 % du gaz argentin. Mais il s’agissait encore de gaz conventionnel alors que les réserves estimées de gaz de schiste désignent le pays comme un des principaux producteurs mondiaux de demain, juste derrière les États-Unis et la Chine.

On se souvient sans doute qu’une loi votée en quelques semaines, à l’été 2011, interdit en France l’usage de la fracturation hydraulique, qui oblige à injecter dans le sous-sol de grosses quantités d’eau sous pression, surchargée de dizaines, voire de centaines de produits chimiques toxiques. Sans ce cocktail de la mort, pas de « fracking », pas d’explosion de la roche, pas de libération du gaz.

Total a mis la main sur une zone longtemps oubliée de tous, dans la province de Neuquén, au nord-ouest de la Patagonie, tout contre la cordillère des Andes. Les Indiens y ont été gaiement massacrés au cours de la « Conquête du désert » de 1879, et il ne reste sur place que des Mapuche, dont tout le monde se contrefout.

Parmi les concessions accordées à Total, une attire fatalement l’œil, car elle est située dans une réserve naturelle en théorie protégée, Auca Mahuida. Un premier puits, Pampa las Yeguas X1, a déjà été percé. La zone est pourtant un territoire mapuche très riche en mammifères sauvages, au point que des biologistes la considèrent représentative de la « steppe patagonienne ». On y on trouve des guanacos – sortes de lamas -, des pumas, des maras – des rongeurs -, des grands tatous velus, des furets de Patagonie, et même des condors. Mais que comptent ces crétins en face des grandioses perspectives d’extraction ?

Tout autour de la réserve, 11 permis ont été accordés à Total, et le bal tragique des foreuses et des camions a déjà commencé autour de certains puits. Exemplaire, l’association Les Amis de la Terre vient de pondre un rapport très documenté (http://www.amisdelaterre.org/rapportargentine.html) qui ne laisse place à aucun doute sur le scrupuleux respect, par Total, de ses hautes valeurs morales. Carolina Garcia, ingénieure et militante locale, y raconte par ailleurs : « Le puits Pampa las Yeguas et les infrastructures qui y sont liées menacent [une] réserve de biodiversité, notamment des espèces telles que le nandou choique [ressemblant à une autruche], le condor, le guanaco ou le chat andin… Au-delà de cette aire, nous sommes mobilisés avec de nombreux habitants et communautés de la province, mais l’unique réponse des autorités est la répression et le déploiement d’une campagne de propagande pour soutenir l’industrie pétrolière  ».

Comme il se doit, Total jure que tout est en règle, et que toutes les autorisations ont été données. Qui ignore encore les paroles de cette chanson du business ? Margerie, le patron à moustache, est au mieux chez nous avec Hollande, qu’il rencontre quand il veut grâce à son cousin par alliance Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire général de l’Élysée. Interdite chez nous à cause des désastres écologiques qu’elle provoque, la fracturation hydraulique est employée en Argentine contre les Mapuche, les condors, les pumas. Total, entreprise citoyenne.

(1) Voir par exemple Un flâneur en Patagonie et Sous le vent de la pampa (Petite bibliothèque Payot)

Le vautour, la ministre et les vilains marchands

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 7 mai 2014

Un médicament pour les troupeaux risque de faire disparaître les vautours d’Europe, comme il a tué il y a dix ans 99% de ceux vivant en Inde. Les lobbyistes de l’industrie pharmaceutique se contrefoutraient-ils de la biodiversité ?

Les vautours vont-ils crever ? Quatre espèces de ces oiseaux splendides – quelques centaines de couples au total – vivent tant bien que mal en France : le fauve, le moine, le percnoptère et le gypaète barbu. Mais une menace de mort plane désormais sur eux, qui s’appelle le voltarène. Notre ministre de l’Écologie,  Ségolène Royal tient un dossier en or dans les mains, mais va-t-elle se bouger ?

Dans cette affaire sinistre, tout commence dans le sous-continent indien. À la fin des années 90, la population de vautours, colossale – autour de 80 millions d’individus pour l’Inde seule –, commence à décliner. Tout s’emballe en deux années, au point que 85%, puis 90%, puis 99% des rapaces meurent, bouleversant des chaînes alimentaires stables depuis des milliers d’années. Avec des conséquences inattendues, comme la prolifération des chiens errants, débarrassés de la concurrence des vautours, suivie d’une propagation de la rage.

Virus, bactérie ? Les autopsies ne révèlent rien de probant. Fin 2003, après une enquête de terrain au Pakistan, le biologiste vétérinaire Lindsay Oaks publie une étude retentissante. Le coupable du grand massacre est un anti-inflammatoire largement distribué au bétail, que les vautours ingurgitent à leur tour quand ils boulottent les carcasses. Et qui leur bousillent les reins.

Le diclofénac est-il à ce point nécessaire ? Apparu dans les années 90 en Inde après une intense campagne de lobbying industriel, ce médicament est censé protéger les troupeaux contre la boiterie, la fièvre, les douleurs et tout ce qu’on voudra pour le même prix. Alors qu’il ne reste plus que quelques milliers de vautours dans le pays, le gouvernement de Delhi interdit en 2006 le produit pour ses usages vétérinaires.

Fin de l’histoire ? Début d’une autre. Comme on devrait commencer à savoir, les transnationales ne lâchent jamais. Ni pour la clope, qui tue les humains par millions. Ni pour le pesticide Gaucho, qui tue les abeilles par milliards. Chassé d’Inde et du Pakistan, le diclofénac réapparaît en Europe sous ses différents noms commerciaux, dont Voltarène, bien connu en France. D’ores et déjà, deux pays ont accordé une autorisation de mise sur le marché vétérinaire : l’Italie d’une part, et surtout l’Espagne, le grand territoire européen des vautours.

À terme, le poison sera distribué dans toute l’Union européenne, à commencer par la France, où les petites mains de Novartis, qui commercialise chez nous le Voltarène, ont commencé leur travail de sape. Les protecteurs des vautours commencent à gueuler, et deux légendes vivantes – les frères Michel et Jean-François Terrasse – tentent avec Bougrain-Dubourg et la LPO de remuer les ministères.

Les Terrasse, sur le front des vautours depuis 1968, sont parvenus à les réintroduire dans les gorges de la Jonte et les Alpes. Michel, longtemps président de la Vulture Conservation Foundation  (http://www.4vultures.org) est inquiet : « L’usage vétérinaire du diclofénac en Europe signerait l’arrêt de mort des énormes efforts consentis pour sauver ces oiseaux, et nous cherchons tous les moyens pour essayer d’agir et obtenir une interdiction ». Parallèlement, une pétition internationale circule (1), qui demande évidemment l’interdiction de cette saloperie : il ne s’agit pas seulement des vautours d’Europe, mais aussi de ceux d’Afrique, où le diclofénac/voltarène se répand à la vitesse des bakchichs.

Le plus connard de cette affaire, c’est que des substituts non toxiques du diclofénac existent, dont le méloxicam. Mais connard est-il le bon mot ? Il existait aussi des substituts sans danger de l’amiante, dont la belle invention des frères Blandin, torpillée par les lobbyistes. Et l’on connaît 73 substituts du bisphénol A, qui s’attaque aux équilibres élémentaires des vivants, qui n’ont pas même été testés. Va raconter tout ça à l’industrie pharmaceutique, à ses Jérôme Cahuzac, à ses Aquilino Morelle, à tous ses bons amis de la politique.

(1) http://www.birdlife.org/europe-and-central-asia/news/vulture-killing-drug-now-available-eu-market air max command air max command

L’UICN défend-elle vraiment la nature ?

Vous ne connaissez pas nécessairement l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). C’est un énorme machin bureaucratisé, chargé, en théorie du moins, de défendre la biodiversité partout dans le monde, en promouvant notamment des inventaires et des Livres rouges des espèces menacées. Avant d’en venir aux nouvelles du jour – un article de Stéphane Foucart paru dans Le Monde daté d’aujourd’hui – , voici comment je présentais l’UICN dans mon livre Qui a tué l’écologie ? (LLL, 2011) :

UICN, la mère de tous les compromis

Après la guerre, la France accueille à Fontainebleau, en 1948, la conférence de fondation de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui demeure la principale autorité mondiale en ce domaine. Présentée à tort comme une gigantesque ONG, l’UICN est dès l’origine un conglomérat où se mêlent États, organisations officielles, associations. Où se mêlent et se mélangent donc des intérêts souvent opposés, mais où règne, comme par enchantement, le consensus. Autour de quoi ? L’UICN regroupe aujourd’hui 83 États, 114 agences gouvernementales, plus de 1 000 ONG et plus de 11 000 experts et scientifiques de plus de 160 pays.

On ne sache pas que cette bonne dame ait jamais rué dans les brancards même si certains de ses membres montraient déjà une belle lucidité sur les événements. Ouvrons ensemble le livre très remarquable que Roger Heim, alors âme de l’UICN et directeur du Muséum national d’histoire naturelle, consacre en 1952 à la question sous le titre limpide : Destruction et protection de la nature. Heim, qui fut pourtant l’un des plus nobles coeurs de son temps, y déploie à la fois une lucidité exemplaire et une naïveté confondante. Il voit bien que la nature subit d’effroyables coups de boutoir, mais il rêve, sans s’autoriser la moindre analyse, d’une sorte d’alliance miraculeuse entre elle, la science, l’économie et l’art, jugés audacieusement compatibles.

Au fait, encore Fontainebleau ? C’est bien là, en effet, qu’est fondée l’UICN. Et c’est là, dix ans plus tard, que l’absence de mouvement écologiste en France provoque une défaite totale, aussi totale que symbolique. Dès 1934, nos beaux ingénieurs des Ponts et Chaussées ont tracé le plan de ce qui deviendra l’autoroute A6. Au milieu des années 1950, ils piaffent d’impatience. Du béton, de la vitesse, des autos à perte de vue : le bonheur. Mais il y a un obstacle de trois fois rien : la forêt de Fontainebleau. Ses 25 000 hectares d’un seul tenant en font un joyau. Un trésor biologique. Une immense forêt de plaine, à peu près sans égale en France, qui sert de réservoir à des milliers d’espèces animales et végétales. Mais qui oserait entraver le progrès en marche forcée ?

Les ingénieurs proposent un parcours qui coupe le massif et sépare Fontainebleau proprement dit de la forêt des Trois-Pignons. Une zone unique et silencieuse, qui abrite par exemple le splendide chaos gréseux de Villiers-sous-Grez, sera sacrifiée. De chaque côté, sur un kilomètre, on n’entendra plus que le flot des bagnoles. Va-t-on voir apparaître une révolte ? L’époque ne s’y prête
pas, il faut l’avouer. Qui s’intéresse, dix ans après la guerre atroce qui a failli tout détruire, à la nature ? Il demeure intéressant de voir ce que disent et font les protecteurs officiels des milieux naturels. Pour l’essentiel, et avec ce qu’il faut, soixante ans plus tard du moins, appeler de la niaiserie, ils saisissent les autorités « légitimes ». Les Académies des sciences, de la médecine, de l’agriculture. Le Muséum, la Sorbonne. Les vieilles barbes sont de retour, qui deviennent la risée des journaux et des promoteurs. Ne sont-ils pas de ridicules « amoureux des papillons » ? Allons ! La France aura donc l’autoroute, et pour le même prix une autre saignée : le raccordement de la nationale 7 à l’A6.

End of story, comme on dit maintenant dans les feuilletons américains. En cette fin des années 1950, le mouvement de protection de la nature, incapable de penser le monde où il habite, incapable de seulement concevoir ce qu’est un rapport de forces, mise tout sur les relations avec les puissants. Déjà, si l’on me permet cette pique. Ce qui est manifeste à distance, c’est son retard sur le mouvement souterrain, mais bien réel, de la société française. Alors que bouillonne déjà, dans les années suivantes, la critique concrète des objets et de la consommation, de l’aliénation, de la vitesse, de la bagnole, le mouvement officiel continue de pontifier et de fréquenter les salons du pouvoir.

Il se montre incapable de comprendre et encore moins d’anticiper quoi que ce soit. Disons-le sans détour : c’est un mouvement de vieux. Il l’est d’ailleurs resté.

Fin de l’extrait

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En cliquant dans le lien intitulé UICN et Syngenta, vous pourrez lire ci-dessous un article signé Stéphane Foucart. Et vous verrez donc la distance parcourue en 65 ans par cette structure selon moi faillie. L’UICN  des bureaux et des « spécialistes » fait l’inventaire des meubles quand la maison entière est dévorée par les flammes. Éteindre le feu, poursuivre les pyromanes ? Ce n’est pas au programme de la bureaucratie « conservationniste ».

Le 1er  juillet 2009, la directrice générale de l’UICN, madame Julia Marton Lefèvre, fait un joli discours en forme d’hommage à l’invité du jour. Nous sommes à Gland (Suisse), au siège mondial de l’UICN, et l’on fête ce jour-là les 80 ans d’un certain Maurice Strong, grand manipulateur s’il en est. Strong a été le patron de transnationales du pétrole, du nucléaire, du pire. Mais il a AUSSI été le premier directeur du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE), Secrétaire général adjoint de l’ONU, et à ce titre, personnage central des Sommets de la Terre de 1972 (Stockholm) et de Rio (1992) mais aussi de la Conférence sur le climat de 1997, à Kyoto. Incroyable ? En effet. Strong a même été un grand responsable de l’UICN. Qui dit mieux ?.

Madame Marton Lefèvre : « Bien entendu, 2009 est aussi le 80ème anniversaire de Maurice Strong, qui a marqué tant de vies, toutes les nôtres dans cette salle, mais aussi des milliers d’autres, avec ce mélange de vision et de clairvoyance face aux défis qui nous font face et auxquels nous devons trouver une solution ».

Nous sommes dans de beaux draps.

UICN et Syngenta.pdf

Et si on achetait une auberge naturaliste ?

Jean-Marie Ouary est un rouge. Un vrai rouge comme je continuerai à les aimer jusqu’à la fin. Dur aux forts, tendre aux faibles. Un partageux, un partageux tel qu’il étend son sens de la justice au monde des animaux et des plantes. Rien à voir – faut-il le préciser ? – avec les pauvres copies qui font de la retape ici ou là, et qui me servent de cibles perpétuelles. Je ne cite personne. Jean-Marie est un rouge et un prolo dans l’âme, grandi à Noisy-le-Sec, tout près des lieux de mon enfance.

C’est un prolo devenu savant. Il n’aimera pas ce mot, mais je le maintiens. Il sait faire quantité de choses que la plupart ignorent. Sortir sous la mitraille, empoigner par le col les vilains, reconstruire une automobile, convoyer des expéditions jusqu’au Mali pour sauver les derniers éléphants de l’Ouest africain. Il aime puissamment les bêtes et les gens. Et j’ajoute qu’il est un naturaliste de terrain comme il en est peu. Sur le plateau du Vercors – l’un des lieux les plus beaux parmi ceux que je connais -, il surveille comme aucun autre la piste des loups. Car les loups sont là, répartis en trois meutes, et Jean-Marie, Véronique Thiery – des bises ! – et leurs potes de l’association Mille Traces (ici) veillent au grain. C’est-à-dire qu’ils empêchent les tirs des quelques fiérots locaux qui voudraient faire un carton sur le bel animal.

Il y a quelques soirs, j’ai dîné à Paris avec Jean-Marie et l’un des piliers de Mille Traces, François Morel. François, que je ne connaissais pas, m’a fait forte impression. Figurez-vous qu’il fabrique dans le Diois (Drôme), depuis près de 35 ans, des appeaux en bois magnifiques (ici). C’est un artiste, d’évidence, qui passe des mois à parfaire ses créations. Elles sont hallucinantes, et si je peux le dire ainsi, c’est parce que François m’a offert trois de ses œuvres : le coucou, la huppe fasciée, le rouge-gorge. Souffler dedans vous transporte au paradis.

Pourquoi vous parler d’eux ? Pour la raison simple qu’ils cherchent des sous pour un projet que je soutiens, et que je trouve exaltant. Il s’agit d’ouvrir au pied de l’immense Réserve naturelle des Hauts-Plateaux du Vercors – 17 000 hectares parcourus par des loups, des bouquetins, des tétras, des vautours fauves -, la toute première Auberge naturaliste de France. La maison est déjà la, avec ses chambres, ses espaces, ses hôtes. Aux alentours, les pentes du Grand Veymont, dont la beauté m’a fracassé un été d’il y a neuf ans.

On pourra aussi bien se reposer et dormir que boire, manger, rencontrer des amis, échanger sur la vie et les bêtes, glaner quelques idées heureuses sur la marche du monde. Un tel lieu ne se refuse pas, mais il coûte. Une SCI a été constituée, et vous trouverez quelques détails dans les docs ci-dessous appelés Auberge 1 et Auberge 2. Il manque environ 100 000 euros, répartis en parts de 100. Ce n’est rien, à peu près rien. Je ne vous oblige pas, mais pour ce qui me concerne, je vais souscrire, car on ne peut passer à vie à crier contre le monde, comme je le fais sans arrêt. Il faut aussi admirer ce qui reste debout.

Je vais donc acheter quelques parts, qui me permettront de penser que je n’ai pas tout perdu de mon argent gagné. Si vous avez trois sous, je vous jure que l’action le mérite, et bien au-delà. Si vous n’avez pas un rond, envoyez toujours un mot de soutien. Et retenez l’adresse, car cette auberge va ouvrir, sûr et même certain. Vous voulez en être ? On se croisera peut-être là-bas.

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