Archives de catégorie : Biodiversité

L’état réel du monde (l’enfumage de l’entreprise Wilmar)

Ce papier ne concerne pas notre quotidien. Mais un écologiste sincère peut-il détourner son regard de ce qui se passe ailleurs, au loin, qui touche les hommes, les bêtes, les arbres ? Vous avez comme moi la réponse, et c’est pourquoi je souhaite que vous lisiez ce qui suit avec l’intérêt que cela mérite. Mais commençons par planter le décor : Wilmar.

Wilmar est une énorme entreprise asiatique, qui fait son chiffre d’affaires – près de 45 milliards de dollars en 2011 – dans l’agriculture industrielle. Et plus précisément encore grâce au palmier à huile, dont on tire non seulement des matières grasses à bon marché, mais aussi des biocarburants, autrement appelés nécrocarburants. La si précieuse Emmanuelle Grundmann a écrit il y a peu un livre bourré d’informations rares sur le sujet (Un fléau si rentable, Calmann-Lévy, 262 pages, 16,90 euros, 2013). Je ne me souviens pas d’y avoir lu mention des surfaces plantées en palmier à huile, mais le chiffre doit y être. Celui qui me tombe sous la main, qui date de 2009, parle de 15 millions d’hectares dans le monde. Nous devons en ce cas avoir dépassé les 20 millions, car cette culture industrielle est une peste qui se répand comme telle.

Inutile de m’appesantir : le palmier à huile n’est comparable, dans les temps présents, qu’au désastre total engendré par le soja transgénique, qui a changé la structure physique de pays comme le Paraguay, l’Argentine (au nord), le Brésil (au sud). Et comme lui, il détruit tout : les cultures paysannes locales, les animaux, les forêts bien sûr. Parler de crime paraît modéré, compte tenu de l’extrême violence des destructions. Mais si l’on doit s’accorder sur le mot, disons alors qu’il s’agit d’un crime majeur.

Wilmar, donc. Le 9 décembre dernier, je reçois un message des Amis de la Terre, association pour laquelle j’ai une sympathie mesurée, mais réelle. Son titre est un cri de triomphe : Huile de palme : la multinationale Wilmar cède sous la pression de la société civile et de ses financeurs. Une telle annonce est si inattendue qu’immédiatement, et contre l’évidence, j’espère une vraie bonne nouvelle. Ce que dit le communiqué, c’est que « les Amis de la Terre ont interpellé BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole et Axa. Seule la BNP Paribas a réellement pris au sérieux la gravité des pratiques dénoncées et reconnu sa responsabilité en tant que financeur de Wilmar. Alertée, la banque française a à son tour fait pression sur Wilmar pour leur demander de rendre des comptes ».

Wilmar, rendre des comptes, et sous la pression des Amis de la Terre ? Dès la lecture de cette phrase, je savais qu’on se trouvait en pleine fantasmagorie, celle qui préside aux communiqués triomphants d’autres associations, comme Greenpeace ou le WWF, qui ont un besoin vital de prouver à leurs chers donateurs que l’argent est bien employé. Oui, une complète fantasmagorie. Et le reste était pire encore : « Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée pour les Amis de la Terre conclut : “L’annonce de Wilmar montre que notre stratégie de pressions sur les banques peut être très efficace et entraîner des changements au sein des entreprises. Nous avons pu le constater lors des différents entretiens avec BNP Paribas. Il est donc plus que jamais utile que les citoyens se mobilisent pour interpeller leur banque” ».

Oh ! des changements au sein des entreprises ? Wilmar la vertueuse aurait décidé de ne plus s’approvisionner auprès de fournisseurs d’huile travaillant dans l’illégalité. Fantastique ! Je profite de l’occasion pour dire aux Amis de la Terre qu’en Indonésie et en Malaisie, terrains privilégiés de profits pour Wilmar, la loi, c’est eux, représentée sur place par leurs amis. Inverser un tel rapport de forces nécessite un peu plus qu’agiter ses petits bras. Croyez-en un vieux cheval fourbu comme moi.

Ce n’est pas tout, car j’ai reçu dans le même temps que ce communiqué une information accablante de l’association Grain, l’une des plus chères à mon âme (c’est ici). Vous lirez, je l’espère, mais je dois en faire un commentaire, qui conclura mon propos. Nous sommes cette fois au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 170 millions d’habitants. Je ne sais évidemment pas ce que cette poudrière va devenir, mais il faudrait être bien sot pour espérer qu’elle n’explosera pas. Les affrontements entre chrétiens, animistes et musulmans ne sont que l’une des faces d’une dislocation générale, sur fond de folie écologique.

Dans ce pays ne subsistent que des confetti de forêts tropicales, et ces confetti se changent en poussière rouge latérite. Le village d’Ekong Anaku, dans le sud-est du pays, conserve – conservait ? – l’usage d’un lambeau de quelques milliers d’hectares. Et puis les corrompus de Lagos, la capitale, se sont emparés de ce que les villageois avaient accepté de transformer en réserve. 10 000 hectares d’un seul tenant. Un vol pur et simple dans ce pays dirigé par des kleptocrates. En 2011, le voleur, qui n’avait pas payé un centime son butin, décide de le revendre à une opportune société étrangère, empochant un nombre indéterminé de millions de dollars. Et cette entreprise, c’est Wilmar International, celle qui s’achète une belle conscience auprès des naïfs des Amis de la Terre.

Le point de vue d’un chef villageois : « Obajanso [le voleur] n’avait absolument pas le droit de vendre ces terres. Si vous achetez un bien volé, vous ne pouvez pas dire qu’il vous appartient. » Si. Au Nigeria comme en Malaisie, c’est possible, et c’est même certain. Wilmar a commencé de planter des palmiers et on voit mal cette transnationale rendre le bien si mal acquis à ses légitimes propriétaires.

Quelle morale à tout ce qui précède ? J’en vois une : faire semblant d’agir et d’obtenir des résultats est encore pire que de ne rien faire du tout. Cela détourne, cela assoupit, cela trompe. J’en vois une autre : qui n’a pas envie d’affronter les monstres doit rester à la maison. La bataille contre la destruction du monde fait partie d’une guerre de tranchées dans laquelle nous avons le grand privilège d’être à l’arrière, buvant du champagne et festoyant, tandis que d’autres meurent. Je n’ai aucune envie de mourir, mais il serait temps de se mettre d’accord sur les enjeux du combat et les risques que nous décidons en conscience de courir. En attendant, qu’on nous foute la paix avec les bluettes. Les activités d’une transnationale sont par définition amorales. Et quand elles s’attaquent ainsi, frontalement, aux être vivants, à tous les êtres vivants, arbres compris, il faut avoir le courage élémentaire de désigner un ennemi. Pas un adversaire. Un ennemi.

communique-amis-de-la-terre.pdf

Une botte de poireaux, trois kilos d’oiseaux (la nature monétarisée)

Cet article a été publié dans Charlie Hebdo le 9 octobre 2013

La nature a-t-elle un prix ? Peut-elle être vendue sur les marchés ? Oui, jure le Conseil économique, social et environnemental, où siègent des « écologistes » bien propres sur eux.

—————

Belles moquettes, beaux salons, superbes breloques. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dont tout le monde se fout, entretient 233 conseillers : des patrons, des syndicalistes, des pedzouilles, et depuis Sarkozy des écolos dûment estampillés, qui savent rester gentiment à leur place. Compter 3800 euros par mois d’indemnités, et jusqu’à 7500 euros pour le président. Le tout siégeant quatre après-midi par mois au charmant palais d’Iéna, à Paris.

Le CESE, purement consultatif, donne des avis au Sénat, à l’Assemblée, au gouvernement, et pond d’ébouriffants rapports. Par exemple, et parmi les tout derniers : « La coopération franco-allemande au cœur du projet européen », « Pour un renforcement de la coopération des Outre-mer », « Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? ». On ne rit pas, c’est sérieux.

On s’arrêterait volontiers là si une vilaine opération n’était en cours, façon ballon d’essai. Pour bien comprendre la suite, un mot sur les « mesures compensatoires » en cas de destruction d’un milieu naturel. Un aménageur ne peut aujourd’hui tout bousiller que s’il dispose d’un plan  destiné à compenser ailleurs. En remplaçant par exemple un bout de marais ou de forêt, plus ou moins comparables au plan biologique.

C’est con, mais en plus, ça coince. Les mesures proposées en remplacement des 2 000 hectares où Ayrault veut foutre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sont contestées de toute part. Par les naturalistes de terrain, mais aussi par plusieurs commissions officielles. Or le même Ayrault, s’appuyant sur le rapport Boulard-Lambert (Charlie du 24 avril 2013), ne rêve que d’une chose : contourner les rares lois de protection de la nature, et combattre « l’intégrisme normatif dans le domaine de l’environnement ». La croissance, à tout prix.

Chaussons ces lunettes et lisons le dernier Avis du CESE sur la biodiversité (http://www.lecese.fr). Au détour d’une phrase, on s’attaque sans préavis à près de quarante ans de lois censées protéger la nature. Citation : « Dans le cas où les espaces consommés ne peuvent pas être compensés en surfaces », eh bien, il faudra bien trouver autre chose. C’est le bon sens qui parle. Et le CESE d’ajouter : « Il doit être envisagé, dans les cas où la compensation écologique en surface de terrains est contre-productive, voire impossible, que celle-ci soit monétarisée ».

Cela n’a l’air de rien, mais c’est une révolution. En clair, l’adoption du langage de l’économie et de la finance : tu détruis, mais tu paies. Derrière les mots, des dizaines, des centaines de banques et d’agences, dans le monde entier, se voient en « instruments financiers innovants », veillant aux « paiements pour services écosystémiques ». Commentaire de Maxime Combes, d’Attac (http://bastamag.net), à propos d’une tendance mondiale au « capitalisme vert » : « Niant la complexité, l’unicité et l’incommensurabilité des écosystèmes, cette approche transforme les écosystèmes et les services qu’ils rendent en actifs financiers comparables, quantifiables et échangeables sur des marchés ».

Bien entendu, on n’en est pas là en France, et l’Avis du CESE pourrait n’être qu’un feu de paille. Mais il provoque des secousses dans le milieu associatif. À commencer par les Amis de la Terre, dont la présidente actuelle, Martine Laplante, membre du CESE, a voté sans état d’âme le texte. Plusieurs adhérents, parmi les plus anciens, ne rêvent que de la lourder au plus vite, rappelant l’une des dernières grandes campagnes internationales des Amis de la Terre : « La nature n’est pas à vendre ».

De leur côté, les dirigeants de France Nature Environnement (FNE) – 3 000 associations revendiquées – membres du CESE ont voté l’Avis en bloc. Commentaire d’un responsable, opposant de longue date à la ligne majoritaire : « Sans débat interne, sans égard pour les luttes en cours, voilà nos cadors du CESE qui se lancent dans la financiarisation de la nature ». Sans débat, c’est vite dit, car ils en ont forcément parlé entre eux.

Victoire au bois de Tronçay !

Je vous remets ci-dessous un papier de Planète sans visa. Et si je le fais, c’est la joie au cœur. Les bonnes nouvelles sont rares, mais elles existent. Par une décision du 9 octobre, le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation du projet de méga-scierie dans le bois de Tronçay (Nièvre), prononcée par le tribunal administratif de Dijon le 27 février 2013. Que les valeureux qui se sont opposés, sur le terrain, aux bulldozers, savent qu’ils sont à mes yeux, des héros. Les héros modestes d’un combat planétaire. Sans réserve aucune, champagne !

—————————————————————-

Massacre au bois de Tronçay (un autre Notre-Dame-des-Landes)

Une putain d’affaire. Vraiment, on ne voit pas un pareil désastre tous les matins. Je résume, et prie les acteurs locaux d’excuser d’éventuelles erreurs. Comme souvent, les choses sont un peu compliquées. Je commence par le lieu, qui est une forêt de 110 hectares bordée par l’Yonne d’un côté, la rivière Sardy et le canal du Nivernais de l’autre. Nous sommes tout près du du parc naturel régional du Morvan, dans l’arrondissement de Clamecy et le département de la Nièvre. Un château fort connu des historiens, celui de Marcilly, domine les environs.

Pascal Jacob, président du Medef

Le coin est paumé, c’est-à-dire en réalité préservé comme bien peu. Les élus locaux, aussi malins qu’ailleurs, décident voici une poignée d’années de « créer de l’emploi » et achètent à prix d’or, dans des conditions d’ailleurs discutées, le bois de Tronçay, avant de le refiler à une scierie industrielle belge, Fruytier. Laquelle, après mûre réflexion, décide d’aller installer ailleurs en Bourgogne ses activités. Tête des élus, qui ont emprunté et se retrouvent lourdement endettés. Heureusement pour eux arrive Pascal Jacob, président du Medef en Bourgogne. Comme le gars a fait une école du Bois, il a de grandes idées sur le sujet, et depuis une bonne dizaine d’années, il est lobbyiste en chef de l’industrie du sciage. Il a fait le siège de tous les politiques possibles pour leur vendre son idée fixe, qui est de « réindustrialiser les campagnes » par l’installation de scieries. Bon, après le lâchage des Belges de Fruytier, les élus locaux tombent dans les bras de Jacob, dont on lira pour se marrer le blog, chef-d’œuvre on ne peut plus involontaire (ici).

Jacob se lance dans un nouveau projet, toutes voiles dehors (ici, la localisation sur Google Map). À la tête de l’entreprise Erscia, lancée tout spécialement, il entend créer ex nihilo un géant du bois : 300 000, puis 500 000 m3 de grumes sciés sur place chaque année. Sont également prévues une centrale électrothermique et une unité de pelletisation, c’est-à-dire de fabrication de granulés de bois. À quoi on ajoutera pour faire bon poids de la cogénération, cette tarte à la crème désormais dans tous les projets dégueulasses, et de la production d’électricité, ainsi que 120 emplois créés, et 148 millions d’euros d’investissement, etc. Notons ensemble qu’il ne s’agit là que de promesses, qui n’engagent jamais que ceux qui les croient. Mais passons, non sans avoir ajouté que Pascal Jacob est un as de la novlangue qui présente son beau projet comme « exemplaire en matière d’énergie verte »,  qui se substituera pour sûr « aux énergies fossiles et à l’énergie nucléaire ».

Au pays des pique-prunes

Or donc, un fier capitaine d’industrie veut s’emparer, pour le bien de la planète, d’un bois de 110 hectares. En août 2011, les pelleteuses et les bulls sont là. Suis-je bête ! J’avais oublié de préciser que le projet incluait la dévastation du lieu, par défrichement quasi-total. Jacob ayant oublié un détail – une telle destruction est tout de même soumise à autorisation -, les travaux sont stoppés. Je résume encore, bien obligé. Une enquête publique a lieu, et un premier avis du consultatif Conseil national de protection de la nature (CNPN) est donné. Il est défavorable pour la raison évidente que le bois de Tronçay est une merveille de biodiversité. On y trouve, au milieu de quantité d’autres beautés, des insectes très protégés, comme le Grand capricorne, la lucane cerf-volant, et ce pique-prune qui, jadis, stoppa à lui seul une autoroute (ici). En bref, les promoteurs de cette scierie sont des barbares, espèce qui semble ne jamais devoir être menacée.

Je survole à nouveau. La population locale se mobilise grandement (ici), le CNPN donne au total trois avis défavorables – ce doit être un record -, mais le projet avance à tous petits pas, sans réellement s’arrêter. C’est qu’il est soutenu d’une manière épouvantable par la préfète de la Nièvre, Michèle Kirry, qui doit tout à la gauche gouvernementale, et singulièrement au ministre de la police, Manuel Valls. Ancienne élève de l’Ena, elle a occupé diverses fonctions dans plusieurs ministères avant d’être nommée préfète en novembre 2012. Sitôt arrivée, elle marque le territoire, et de quelle manière ! Le 4 février 2013, madame Kirry pond un arrêté scélérat, qui malgré diverses décisions judiciaires et administratives, ouvre la voie au grand massacre. Une grosse heure après, les les machines sont là, et les arbres tombent.

Christian Paul et Arnaud Montebourg

Question de simple bon sens : pour quelle raison une préfète si récemment arrivée prend-elle une décision aussi grave ? Outre le fait que les élites, en totalité, se contrefoutent de la nature, il faut y ajouter le poids de Christian Paul. Comme on n’a pas le droit d’insulter un noble élu de la République, je m’en garderai bien. Paul est socialo, ancien élève de l’Ena bien sûr, insignifiant secrétaire d’État sous Jospin, entre 2000 et 2002, et il a occupé diverses fonctions locales, parmi lesquelles maire de Lormes, conseiller général, conseiller régional. Il est en ce moment député de la Nièvre. Et bien sûr, il défend de toutes ses forces d’apparatchik le projet de destruction du bois de Tronçay. Quand on n’a pas la moindre idée de l’avenir, pourquoi ne pas faire semblant ? Il a, au reste, rencontré hier notre si formidable ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui l’a assuré de son indéfectible soutien au projet Erscia. On comprend mieux l’engagement si intense de madame la préfète de la Nièvre.

Mais où en sommes-nous ce 7 février à 22 heures ? Sur place, de valeureux combattants, que je salue ici, occupent comme ils peuvent le bois. Sans pour l’instant parvenir à empêcher le passage des engins. Cela donne à peu près cela :

Seulement, la messe est loin d’être dite, et les défenseurs de la forêt appellent maintenant à la création sur place d’une Zone à défendre (ZAD), sur le modèle de Notre-Dame-des-Landes. Ils attendent de tous ceux qui peuvent un soutien, un coup de main, une visite, plus si c’est possible. J’en profite pour passer le message aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes, et leur suggère d’envoyer sur place, au plus vite, une délégation. Ceux de Sardy ont un besoin immédiat de tam-tam, et de mobilisation. Je précise enfin que je n’aurai pas écrit ce texte sans la sollicitation de trois sources différentes :

1/ Mon ami Thierry Grosjean, de l’association Capen 71. Un mail : thierry.grosjean5@wanadoo.fr. Thierry est un véritable combattant de l’écologie.

2/ Une chère lectrice de ce blog, Sylvie Cardona, responsable de l’association Aves, http://www.aves.asso.fr/

3/ Enfin Anne Lhostis, de l’association Adret Morvan.

Un tout dernier mot. De nombreuses associations sont sur le pont, et elles m’excuseront de ne pas les citer toutes. Je me contenterai de donner ici le contact d’Adret Morvan. D’abord un site internet  : http://adretmorvan.org/. Ensuite une adresse électronique : contact@adretmorvant.org. Je (ne) suis (pas) payé pour le savoir, on ne peut se multiplier. Mais le combat pour le bois de Tronçais est un grand combat. Tous ceux qui iront là-bas pourront légitimement être fiers d’eux.

Le pétrole d’Équateur est-il de gauche ?

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 28 août 2013

Rafael Correa, président de l’Équateur, et rusé renard. D’un côté, il prétend en 2007 vouloir se passer du pétrole du parc de Yasuni. De l’autre, il vend l’Amazonie et les Indiens aux transnationales.

——————————————

La version pour les altergogos : Rafael Correa, président – de gauche – de l’Équateur, est un héros. D’ailleurs, Mélenchon l’adore et réciproquement. En 2007, Correa propose de ne pas exploiter le pétrole du parc national Yasuni, en échange d’un chèque de 3,6 milliards de dollars signé par les pays du Nord. Ceux qui parlent de la crise climatique sans jamais rien foutre. Nous.

Six ans plus tard, n’ayant obtenu que des clopinettes, le même Correa annonce le 15 août dernier que le pétrole du Yasuni sera exploité. Aux chiottes les 696 espèces d’oiseaux, les 2 274 d’arbres, les 382 de poissons, les 169 de mammifères. Et les Indiens de la forêt, car nous sommes, mais oui, en Amazonie.

C’est beau comme un chromo, mais comme un chromo, c’est de la daube. Correa a été élu président en 2006 grâce à une coalition mêlant la gauche classique, y compris chrétienne, les groupes écologistes et alter, et le puissant mouvement indigéniste. Les Indiens sont certes minoritaires – ils représentent quand même 25 % de la population -, mais leurs idées le sont bien moins.

Et quand Correa fait voter sa nouvelle Constitution, en juin 2008, il prend soin d’y inscrire en toutes lettres une vision politique remontant aux Quechuas de l’ère précolombienne : le sumak kawsay, qu’on traduit généralement par « bien-vivre ». Bien qu’aucune définition n’épuise sa signification, ce « bien-vivre » tourne le dos à l’idée de croissance économique et considère les relations avec la nature comme essentielles à l’équilibre de toute société.

Et donc Sarayaku, village kichwa de 1200 habitants. Kichwa, c’est-à-dire quechua. Quand on commence à parler de pétrole dans ce coin d’Amazonie – qui n’a rien à voir avec Yasuni -, dans les années 90, les habitants de Sarayaku envoient une émissaire se renseigner à Quito, la capitale. Elle y rencontre des biologistes, des économistes, des politiques, et rentre, ayant compris l’essentiel : on va éventrer son pays. Les Indiens envoient chier toutes les propositions des compagnies et en 2002, lourdent les employés venus pour les premiers travaux, escortés par 400 flics et militaires. La résistance n’a cessé depuis de s’amplifier, sur fond de menaces, d’emprisonnements, de tortures.

En 2003, les Indiens déposent une plainte devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui leur donne raison, contre toute attente, estimant en juin 2012 que l’État équatorien a violé leurs droits. La Cour exige qu’à l’avenir, les Indiens soient consultés sur tous les projets les concernant.

Certes, le verdict condamne les prédécesseurs de Correa, mais ce dernier tire une tronche épouvantable, car il gêne considérablement ses projets. En novembre 2012, sans bruit, il met aux enchères l’exploitation de 13 champs pétrolifères au beau milieu de l’Amazonie, déclarant : « Bienvenidos todos los inversionistas que buscan esa rentabilidad razonable, pero con altísima responsabilidad ambiental ». On dirait un dépliant de Total : « Bienvenue à tous les investisseurs qui cherchent une rentabilité raisonnable, mais avec un haut sentiment de responsabilité environnementale ».

À ce stade, plus de faux-semblant. Dans un entretien au magazine américain de gauche New Left Review (septembre-octobre 2012), Correa officialise sa rupture avec une partie de ses soutiens de 2006. Il déclare notamment : « Je ne crois pas que Marx, Engels, Lénine, Mao, Ho Chi Minh ou Castro ont dit non aux mines ou aux ressources naturelles. C’est une nouveauté absurde, mais qui semble être devenue une part fondamentale du discours de gauche ».

Dans le même entretien, Correa embrasse sur la bouche les transnationales, assurant : « Une exploitation propre des ressources naturelles peut aider à conserver la nature plutôt qu’à la détruire ». Sublime. Alberto Acosta, ancien président de l’Assemblée nationale, qui a rompu avec Correa, a un point de vue un poil différent. Pour cette grande gueule locale, l’exploitation du pétrole dans le parc national Yasuni serait une honte nationale. Et il réclame l’organisation d’un référendum. Sûr que Mélenchon va le soutenir.

Adresse aux éradicateurs de loups et d’ours (à propos de subventions)

C’est explosif. Si. Il ne faut surtout pas dire un mot des primes et subventions agricoles. Si on le fait, on est un salaud d’urbain. Pardonnez, mais pour ma part, j’ai toujours défendu, et continuerai de le faire, le soutien financier aux paysans étranglés par les règles du marché mondial. Seulement, quand on accepte des subventions qui parfois dépassent le chiffre d’affaires réel d’une exploitation, cela a des conséquences. La société  – et dans la société le point de vue écologiste – peut alors réclamer que ses avis soient pris en compte.

Autrement dit, les éleveurs qui beuglent contre l’Ours et le Loup, réclamant à hauts cris leur éradication, oublient opportunément de reconnaître que, sans les aides publiques, ils seraient morts. Pas seulement les brebis boulottées par le monstre, mais le troupeau entier. Eux compris. Encore une fois, pas de démagogie : oui aux aides, mais oui aussi aux contreparties. Ces dernières impliquent à mes yeux une discussion libre sur la présence du sauvage dans un pays où des millions d’hectares ne sont (presque) plus pénétrés par les activités humaines.

Je vous mets ci-dessous un article paru sur le site de l’excellent Journal de l’Environnement (ici). Ce quotidien en ligne est payant, mais en ce qui me concerne, je trouve le prix justifié par la qualité des informations, qui peuvent être partagées. Je ne devrais pas piquer ainsi un article qui n’est pas en libre accès, je sais. J’espère être pardonné, car c’est aussi une publicité pour l’abonnement, sans la moindre hypocrisie.

L’article évoque quelques cas, et je crois juste d’en rester là, même si ce site permet d’en savoir bien plus, du moins sur les GAEC, ces groupements locaux de paysans. Je ne vous donne pas le mode d’emploi, et je précise, pour ceux qui iraient voir dans le détail, que les chiffres bruts, parfois impressionnants, doivent être pondérés de bien des manières. Sur le fond, il demeure que beaucoup de paysans sont fortement subventionnés. Certains, même si ce mot les choque violemment, sont devenus, volens nolens, des fonctionnaires non déclarés de la République. Ce n’est pas en niant d’aussi claires évidences qu’on trouve des solutions.

Voici l’article du Journal de l’Environnement :

Le montant des aides de la PAC (et leurs bénéficiaires) désormais en ligne

Le 30 avril 2013 par Marine Jobert

> 

 54.925.194,58 euros. Le groupe volailler Doux restait, en 2011, le leader incontesté de la subvention agricole européenne la plus élevée de France. C’est ce que l’on peut (re)découvrir sur le site mis en ligne hier par le ministère de l’agriculture, qui publie la liste d’une partie des bénéficiaires français des fonds agricoles européens, pour la période comprise entre octobre 2010 et octobre 2012. «Ce service a pour unique finalité l’information du public», précise le ministère, qui a dû se mettre conformité avec la législation européenne imposant la transparence sur ces données. Une transparence souhaitée par 62 % des citoyens européens, qui considéraient en 2011 que les noms des bénéficiaires et les montants qu’ils reçoivent devraient relever du domaine public et être accessibles à tous, selon un sondage Eurobaromètre. La liste des bénéficiaires du fonds européen pour la pêche –«l’outil de gestion européen pour développer la pêche et l’aquaculture tout en préservant la ressource et la biodiversité marine»- est également disponible.

Le voile n’est toutefois levé que partiellement, puisque les sommes versées aux personnes physiques -c’est-à-dire, pour l’essentiel, les exploitants agricoles à titre individuel- n’apparaissent pas. La moitié des bénéficiaires ne sont donc pas répertoriés. «Les données publiées ne concernent que les structures sociétaires agricoles (GAEC, SCEA, EARL, organisations de producteurs…), les entreprises agroalimentaires, les interprofessions, les établissements publics et les collectivités, ainsi que les organisations caritatives et les associations», précise le ministère. Toutes ces informations sont directement issues des données individuelles de paiement (DIP), transmises par les organismes payeurs à la Commission européenne, dans le cadre de la déclaration annuelle des comptes.

Aux côtés d’exploitations situées dans les Antilles françaises, on trouve les Restos du cœur (20 millions), le secours populaire français (21 millions) ou la fédération des banques alimentaires (29 millions) dans la liste des 136 bénéficiaires d’une aide supérieure à 1 million d’euros.  Le montant total des aides directes versées aux agriculteurs français ont été récemment stabilisées à 47 milliards d’euros sur 7 ans. Pour le développement rural, elles se montant à 8,8 milliards d’euros.