Archives de catégorie : Biodiversité

Et une con-fait-rance environnementale, une !

La bouffonnerie est reine. Rions donc comme à Carnaval. Pleurons de même, puisque, de toute façon, notre impuissance est totale. Pour ce qui me concerne, je regarde avec stupéfaction la pantomime qui se prépare. Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Je résume pour les sourds et mal-entendants : M.Hollande réunit vendredi 14 et samedi 15 septembre, au palais d’Iéna de Paris, une Conférence environnementale. Sur le modèle, mais en parodie, du Grenelle de l’Environnement voulu par Sarkozy en septembre 2007. Je vous glisse sous forme de PDF deux documents que l’on a le droit de juger hilarants. Un sur le déroulement (organisation des débats.pdf), l’autre qui donne la liste des participants (invités.pdf).

Mon premier commentaire sera évident : le simple fait que se tienne pareil conclave marque une défaite du mouvement écologiste. En effet, le cadre imposé par les socialistes est digne de l’émission télévisée des années 70 qui s’appelait Chefs-d’œuvre en péril. On y considérait la France des villages et l’affreuse atteinte du temps sur les nobles monuments légués par l’Histoire. Il s’agissait de dépenser quelques picaillons pour sauvegarder un clocher ou l’aile d’un château. Ma foi, cela ne mangeait pas de pain. Refaire le coup près de cinquante ans plus tard n’est pas seulement ridicule : il s’agit d’une insulte jetée au visage des centaines de millions – qui seront bientôt des milliards – de victimes de la crise écologique planétaire.

Hollande and co, qui se moquent tant de l’écologie qu’ils ne savent pas ce que c’est, prétendent donc, avec l’aval des écologistes officiels qui participent, incarner une vision nationale des écosystèmes. C’est baroque, inutile de s’appesantir, mais comme il faut entrer dans les détails, allons-y. La question de l’énergie ? Les pauvres âmes qui nous gouvernent ne pensent qu’à une chose : gagner un point de croissance pour éviter d’être jetés au prochain scrutin. Le dérèglement climatique ? Plus tard, un jour, peut-être. Je sais que Hollande a vu à plusieurs reprises Christophe de Margerie, patron de Total, par l’entremise de Jean-Pierre Jouyet, cousin de ce dernier et patron de la Caisse des dépôts et consignations (ici).

C’est on ne peut plus normal compte tenu de leurs rôles respectifs, mais que se sont-ils dit ? Selon ce que j’ai glané – je ne suis pas certain -, ils ont abordé la question des gaz et pétrole de schiste. Côté cour, Hollande et ses amis refusent toute exploitation en France, où la technique de fracturation hydraulique est interdite par une loi votée par la gauche et la droite l’an passé. Côté jardin, les mêmes misent sur un retournement de l’opinion, qui sur fond d’augmentation continue du prix du gaz domestique, pourrait accepter des forages en France. À la condition, par exemple, que les pétroliers bidouillent une technique présentée comme différente de la fracturation hydraulique. En façade, donc, intransigeance gouvernementale face aux gaz de schiste. Et en privé, encouragements donnés à Total pour malaxer l’opinion publique. L’affaire Bezat montre que nous sommes face à un plan concerté. En deux mots, Jean-Michel Bezat, journaliste au Monde, y publie le 26 juillet un reportage réalisé aux États-Unis – 700 000 puits en activité, des régions entières transformées en Lune aride – sur les gaz de schiste. Surprise relative – Bezat est un grand admirateur de l’industrie -, ce reportage est très favorable au point de vue des pétroliers. Et puis plus rien.

Et puis on apprend que le voyage de Bezat a été payé par Total (ici). On, mais pas les lecteurs du si déontologique quotidien du soir, qui n’ont évidemment pas le droit de pénétrer dans l’arrière-boutique. En résumé : Total prépare le terrain, en accord avec Hollande, pour qui l’exploitation des gaz de schiste en France serait une bénédiction électorale. Et une violation grossière de la loi Énergie de juillet 2005, qui prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France à l’horizon 2050. Mais que représente la loi au regard d’une possible réélection ?

Revenons à la Conférence qui commence demain. Si j’ai abordé en commençant le dossier des gaz de schiste, c’est parce qu’il est emblématique. Comme l’est le nucléaire, défendu sans état d’âme par ce gouvernement, ainsi que par le précédent. Reportez-vous plus haut au déroulement des festivités. La table-ronde numéro 1 s’appelle : « Préparer le débat national sur la transition énergétique ». On devrait mettre au centre de toute discussion la crise climatique et les extrêmes dangers d’une industrie sans contrôle, le nucléaire. Or non. On va comme à l’habitude blablater, de façon à « définir les enjeux du débat national », puis « définir les grandes règles du débat national ». En 2012, après tant de centaines de rapports, tant d’alertes et de mises en garde, d’engagements passés – le référendum sur le nucléaire promis par Mitterrand en janvier 1981 -, nous en sommes encore au point mort.

Et nous le resterons, je vous en fiche mon billet. Deux ministres en exercice participent à cette table-ronde truquée : Delphine Batho, ministre de l’écologie, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Les deux sont en faveur du nucléaire. Le second clairement en faveur de l’exploitation des gaz de schiste. Et de même madame Batho, qui, en hypocrite accomplie, fait semblant de croire que le dossier ne bouge pas. La fracturation hydraulique n’est-elle pas interdite par la loi ? À côté des deux ministres, une « facilitatrice » du nom de Laurence Tubiana. J’ai écrit sur elle en 2008, si cela vous intéresse : c’est ici.

Ceux qui acceptent de siéger dans ces conditions sont des dupes ou des manipulateurs. Peut-être les deux. Il n’y a pas de débat sur l’énergie, car les décisions ont déjà été prises. Ce que le pouvoir veut, c’est une caution. Il l’aura. Les écologistes officiels qui ont servi la soupe à Sarkozy il y a cinq ans peuvent bien aujourd’hui feindre qu’on ne les y reprendra plus. Si, on les y reprendra, aussi longtemps que les structures dégénérées qu’ils conduisent existeront. Voulez-vous qu’on parle des autres tables-rondes ? Bon, soit. L’intitulé de la deuxième est saisissant. La biodiversité s’effondre partout, mais, cocorico, on va s’atteler à la mise en œuvre de « la stratégie nationale pour la biodiversité » de manière à « favoriser la prise de conscience citoyenne ». C’est tellement con que ce n’est même plus drôle. On trouve ceci sur le site de notre ministère de l’Agriculture : « Grâce à l’Outre-mer, avec 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France dispose du deuxième espace maritime mondial, après celui des USA. Dans l’Océan Indien, les zones sous juridiction française s’étalent sur une surface huit fois plus grande que celle de la métropole. Cet immense espace maritime, réparti dans tous les océans, dote la France d’une grande richesse en matière de biodiversité marine, ce qui constitue à la fois un atout et une responsabilité. »

Formidable, hein ? Alors que l’Europe, pour une fois inspirée, souhaite interdire progressivement le chalutage profond, notre France vertueuse s’y oppose. S’y oppose, à nouveau pour de sordides intérêts politiciens. Or le chalutage profond est une catastrophe écologique planétaire (ici). Autre menu exemple : le nickel est en train de tuer à jamais des espèces endémiques de Nouvelle-Calédonie, venues en droite ligne du  Gondwana, supercontinent créé il y a 600 millions d’années et dont la Nouvelle-Calédonie est l’un des ultimes morceaux, à la dérive depuis bien avant l’arrivée des hommes sur terre. Non, bien sûr que non, on ne parlera pas de biodiversité. Et pas même chez nous, dans notre vieille France où l’agriculture industrielle est reine. Le Foll, ministre de l’Agriculture, a dealé depuis des semaines avec la FNSEA, puissance dominante, au point de ne pas même inviter à la Conférence de demain la Confédération paysanne, pourtant proche de la gauche. Au point d’aller visiter le 3 septembre les industriels français des biocarburants, fiers défenseurs d’une filière criminelle (ici). Je dois bien reconnaître que ces gens me dégoûtent.

Le reste ? Quel reste ? Table-ronde 3 : « Prévenir les risques sanitaires environnementaux ». Ministre présente : Geneviève Fioraso, militante déchaînée du nucléaire, des nanotechnologies, de la biologie de synthèse (ici). Les deux dernières tables-rondes, chiantes comme la mort dès leur énoncé, devraient causer fiscalité et gouvernance. Tout cela est à chialer. Mais comme je n’écoute que mon grand cœur, je n’entends pas vous quitter sans positiver un peu. Attention ! ce qui suit est à prendre au premier degré, malgré ce qui précède. Un certain nombre d’écologistes officiels, qui se rendront demain au palais d’Iéna, gardent ma sympathie. Notamment ceux du tout nouveau Rassemblement pour la planète (ici), comme André Cicolella, Nadine Lauverjat, Franck Laval ou François Veillerette. Ils vont tenter d’arracher quelques mesures dans le domaine de la santé, et même si je crois qu’ils se trompent sur le fond, ils ont mon estime et mon affection. Ceux-là du moins pensent à l’avenir.

José Bové et le Loup (nous tous et la Bête)

Commençons par le commencement : je tiens José Bové pour un ami. Pas un ami de tous les jours, mais un ami, certes. On n’est pas obligé d’être d’accord avec un ami. On peut même s’opposer à lui de toutes sortes de manières. Moi, je ne partage pas les vues de José sur la marche du monde. Il le sait. Je le redis. Ce qui ne m’a pas empêché d’aller le trouver quand j’ai entendu parler des gaz de schiste, il y a environ deux ans. Je savais que José ferait le considérable travail de mettre au jour la question. Et qu’il entraînerait. Qu’il se battrait. Il l’a fait, d’une splendide manière. On ne saura jamais ce qui se serait passé sans lui. On sait ce qui est arrivé. Avec lui. Et tous les autres, cela va sans dire.

Bon, le Loup. Il y en avait sans doute 20 000 en France il y a 250 ans. Il y en aurait autour de 200, après un retour époustouflant réussi au début des années 90. José Bové a déclaré en Lozère, voici quelques jours, que la présence du Loup était incompatible avec l’élevage. Son argumentation (ici) est simple : « Voulons-nous encore des paysans, voulons-nous encore des bergers ? Nous, sur le Larzac, on a eu un loup il y a quelques années, eh bien on a retrouvé quelque temps après son squelette sur un clapas, et c’est très bien comme cela ». Je ne crois pas le caricaturer en ajoutant qu’il a une solution toute prête pour faire face à la présence du Loup : le flingue. C’est ainsi déjà, par une combinaison efficace du fusil et de la strychnine, que le Loup a disparu de France à la fin des années 20 du siècle écoulé. Après une présence sur le territoire de la France actuelle probablement bien plus longue que l’homme lui-même. On pense que les Loups d’aujourd’hui existent depuis environ 1,8 million d’années et que le mammifère d’où il provient a pu naître voici 50 millions d’années.

C’est dans ce cadre-là, me semble-t-il, qu’il faut poser la question du Loup en France. La confrontation spatiale, alimentaire, physique, psychique entre le Loup et nous est une très vieille histoire. Suivre Bové signifie sans détour continuer sur le chemin qui a toujours été le nôtre. L’homme, ayant des droits supérieurs inaliénables, ne peut supporter, ni subir, la concurrence d’un être qu’il peut réduire, puis exterminer. Ce qu’il a fait, il le refera. Et tout sera pour le mieux « dans le meilleur des mondes possibles ». Sans Loups bien sûr, mais aussi sans Ours ni Lynx, car ils posent au fond les mêmes problèmes. Donc, sans ces sales bêtes.

Mais bien entendu, José Bové étant pour l’égalité entre les êtres humains, le raisonnement s’applique aux autres contrées du monde. Il va de soi que les paysans africains, déjà accablés par tous les malheurs qu’on sait, ne sauraient tolérer bien plus longtemps la présence de monstres de plusieurs tonnes capables d’écraser une récolte en une seule parade. Les Éléphants, oui, on les avait reconnus. Il faudra aller les regarder au zoo. Ne parlons pas des tigres mangeurs d’homme, qui n’ont désormais d’autre utilité que de fournir aux bande-mou de Chine et d’ailleurs des aphrodisiaques garantis par le charlatan du quartier. Le Tigre étant devenu si rare qu’il va réellement disparaître, eh bien, comme on a commencé à le faire, les trafiquants tueront les panthères – des neiges, par exemple – ou les chats-léopards. Ces malins disent déjà que l’effet est le même. Le gras soigne la lèpre. L’os la fatigue. Les poils de la moustache les rages de dents. Les globes oculaires l’épilepsie. Et, last but not least, la soupe de pénis fait mieux encore que les comprimés bleus du Viagra.

On en a donc fini avec une flopée de salopards, mais vous savez comme moi que la liste s’allonge à mesure que les animaux meurent. L’aileron de requin vaut une fortune, pour les mêmes glorieuses raisons. Le shark finning consiste à pêcher un requin, découper son aileron et rejeter en mer l’animal encore vivant, qui crèvera entre deux eaux. L’aile sera ensuite transformée en soupe plus ou moins miraculeuse, non sans avoir élégamment enrichi les intermédiaires au passage. On se consolera en pensant que le requin est un vilain, qui vient de tuer un surfeur à La Réunion. N’est-il pas juste, dans ces conditions, de massacrer des dizaines de millions de ces assassins chaque année par shark finning ? Sous leur forme actuelle, la plupart des Requins ont 100 millions d’années d’existence. Ils étaient là quand nous n’étions qu’une vague possibilité de l’évolution.

Mais stop, vous compléterez la liste vous même. L’Homme ne tolère rien d’autre que lui-même, et lui-même de moins en moins bien. On verra le résultat. Quoi qu’il en soit, les déclarations de José Bové montrent à quel point une grande partie des altermondialistes ne sont pas des écologistes. Je rappelle – c’est en tout cas mon point de vue – qu’un écologiste tente de regarder le tout et sa complexité. La planète telle qu’elle est et telle qu’elle va, l’Homme bien sûr, mais aussi tous les êtres vivants qui partagent avec lui le même territoire. Compte-tenu de la puissance de feu de notre espèce, il me semble évident qu’il faut passer de toute urgence à cette révolution copernicienne qui consisterait à écrire enfin une Déclaration universelle des devoirs de l’Homme. J’ose affirmer, bien que profondément humaniste, que la défense des droits de l’Homme, ô combien nécessaire, ne peut plus servir de paravent à la destruction du monde. Face au vertigineux mystère de la vie sur Terre, je clame que nous avons l’impératif catégorique de défendre, au nom d’une morale transcendante, toutes les formes de vie existant encore. Quelles qu’elles soient. Où qu’elles soient.

Telle est la base. Telle devrait être la base de toute discussion. Ne vivons-nous pas la sixième crise d’extinction des espèces ? Il y a consensus mondial sur le sujet : jamais depuis au moins 65 millions d’années, date de la fin du Crétacé et des dinosaures, la vie n’a été à ce point menacée. Et, apparemment, jamais au rythme actuel de la disparition d’espèces qui ne demandent qu’à vivre, et qui meurent pour satisfaire nos démentiels appétits. Dans le même temps, de dérisoires politiciens nous abreuvent de dérisoires discours où ils blablatent sur la biodiversité, l’ardente obligation où nous sommes, etc. Et dans le même temps, donc, José Bové – qui n’est pas à mes yeux un dérisoire politicien – tranche une question réellement essentielle en ne considérant qu’une de ses infimes facettes. Le Loup n’aurait pas sa place en France pour la raison qu’il gêne les activités d’élevage.

C’est simplement déprimant. Car les vrais défenseurs du Loup, de l’Ours et du Lynx, dont je connais beaucoup d’acteurs de premier plan, autour de Ferus (ici) ou de France Nature Environnement (ici) n’ont jamais prétendu que le sujet était facile. Jamais ils n’ont exprimé la moindre once de mépris pour les éleveurs. Tout au contraire, ils ont constamment cherché les moyens d’une cohabitation, inévitablement difficile. Laquelle passe assurément par une mobilisation sociale, le déblocage de vrais moyens qui restent à notre portée, et la reconnaissance de tous les faits, aussi embêtants soient-ils. Oui, le Loup est un animal très dérangeant pour les activités pastorales. Non, il ne peut – hélas – se réinstaller partout où ses pas anarchistes le mènent. Mais oui, nous avons l’impérieux devoir de l’accueillir ici et de lui faire partout où c’est possible bon accueil. Il a toute sa place dans quantités de lieux où l’Homme est désormais en recul.

En effet, par un paradoxe qui me réjouit, une partie de la France s’ensauvage. La déprise agricole, la disparition de millions de paysans – que je déplore – ont rendu à la friche, à l’embuissonnement, à la forêt des millions d’hectares. Le territoire existe donc, bel et bien, pour une formidable politique en faveur de la biodiversité. Ne devons-nous pas, nous qui sommes farcis d’argent et de moyens matériels, montrer l’exemple aux sociétés du Sud, qui se débattent au milieu d’infinies difficultés ? Ne devons-nous pas montrer qu’il est une voie, aussi étroite qu’elle soit, pour l’Homme et l’ensemble de la création, et l’ensemble des créatures ? Il est évident, je répète : évident, que si nous ne défendons pas de toutes nos forces le Loup en France, il deviendra ridicule de prétendre sauver quelque animal que ce soit ailleurs.

Les mots terribles prononcés par José Bové tournent le dos à tout débat authentique. On répond à la question avant qu’elle ne puisse être exposée. Avant qu’elle soit discutée. Il crève les yeux que nous ne pouvons pas tous avoir le même point de vue. Il crève les yeux qu’un compromis intellectuel, moral, spatial pour finir, doit être recherché. Et trouvé. José Bové parle les accents de la guerre à l’autre, quand il s’agit de tracer le chemin d’une paix durable, honorable, heureuse même. J’ai oublié un point très important : le Loup est revenu spontanément chez nous il y a vingt ans, après être parti de ses refuges des monts Apennins, en Italie, où il n’a jamais été exterminé. Je considère cet événement comme un cadeau des cieux. Une chance inouïe de nous montrer un peu, tout petit peu meilleurs que n’ont été nos ancêtres.

La civilisation, si ce mot garde un sens, consiste à croire qu’on peut faire mieux que ce qui déjà été réalisé. De ce point de vue, le Loup, ce grand sauvage, est un formidable civilisateur. Et l’homme au fusil un simple barbare de plus dans une histoire qui les collectionne.

Pascal Canfin, nouveau ministre, face à un putain de barrage

Ne quittez pas de suite cette page, même si le préambule vous paraît long. Je vais bel et bien parler de Pascal Canfin, dirigeant d’Europe Écologie – Les Verts, devenu depuis peu ministre délégué en charge du « développement ». Mais patience, car je dois avant toute chose vous parler de la vallée de l’Omo, en Éthiopie. Je doute que beaucoup d’entre vous connaissent ce lieu, qu’il me faut donc présenter en quelques mots. L’Omo est une rivière, qui coule le long de 760 kilomètres depuis ses sources situées au sud-ouest d’Addis-Abeba, la capitale. La ville est installée sur un haut-plateau dont l’altitude varie de 2300 à 2600 mètres. L’Omo, après avoir taillé sa route là-haut, descend par une vallée sublime qui s’achève en delta dans le lac Turkana, qu’on a longtemps appelé Rudolf. Je laisse aux spécialistes le soin de dire si une rivière se jetant dans un lac est aussi un fleuve.

Cette partie inférieure de la vallée de l’Omo se trouve aux portes du Kenya – le lac Turkana est pour l’essentiel sur son territoire -, très près de cette Rift Valley – la vallée du Rift – où l’aventure humaine a connu de saisissants mouvements. On a découvert ici de nombreux fossiles humains, dont certains d’Homo abilis, un ancêtre qui pourrait bien avoir inventé l’outil. Mais il n’y a pas que les morts, dans cette vallée basse de l’Omo. Il y a les vivants, les survivants du terrifiant développement imposé au monde entier. Huit peuples au moins, 200 000 personnes peut-être, vivent le long de l’Omo. Qui est paradoxalement une zone semi-aride. L’eau est tout.

Les Bodi, les Daasanach, les Karo, les Muguji, les Mursi, les Nyangatom attendent tout des crues de l’Omo, en quoi ils ont raison (ici). Depuis des temps plus anciens qu’internet, ces peuples cohabitent avec la rivière, qui dépose sur ses rives un limon qui apporte, après travail, du sorgho, du maïs, des haricots, et quelques pâturages pour les bêtes. La biodiversité autre qu’humaine ? Ce territoire à peu près unique abrite 300 espèces d’oiseaux, 80 espèces de gros mammifères, sert de refuge aux lions, aux rhinos, aux éléphants, aux chimps, aux buffles, aux léopards, aux girafes. Merde, croyez bien que je n’en rajoute pas.

Mais il y a Addis. Où, comme partout ailleurs dans le Sud de ce monde malade, trône une folle bureaucratie urbaine. Qui réclame les mêmes standards de vie que les nôtres. Qui connaît parfaitement la chanson du « développement » et des aides publiques déversées par la Banque Mondiale et tous ses clones. Ne croyez pas que l’Éthiopie est une vague province oubliée. C’est un immense pays qui compte chaque jour un peu plus. Un pays grand comme deux fois la France, et dont la population dépasse 90 millions d’habitants. 90 millions ! L’Éthiopie fera parler d’elle sous peu, et ce ne sera pas pour jouer de la mandoline. J’ajoute qu’un régime atroce, inspiré par l’expérience soviétique stalinienne, et longtemps soutenue en France par notre si bon parti communiste, a régné en Éthiopie de 1974 à 1990. On appelait cela le Derg – gouvernement militaire provisoire de l’Éthiopie socialiste -, puis la République populaire démocratique d’Éthiopie, le tout mené après 1977 par l’une des plus belles crapules du siècle passé, Mengistu Haïlé Mariam. Lequel, après avoir été chassé du pouvoir en 1991, s’est réfugié au Zimbabwe, où sévit Robert Mugabe, un autre salopard qualifié.

C’est dans ce pays éthiopien qu’ont été construits une dizaine de grands barrages, de manière à pouvoir gaspiller l’électricité comme EDF nous a appris à le faire à la maison. L’un d’eux devrait être achevé en 2014, qui s’appelle Gibe III, à environ 300 km au sud-ouest d’Addis. Comme son nom l’indique, il est le troisième. Le troisième d’une série de barrages édifiés sur l’Omo. Mais Gibe III appartient à une race différente, car lorsqu’il fonctionnera – s’il doit jamais fonctionner -, il sera le plus haut barrage hydro-électrique d’Afrique, et permettra en un coup de doubler la capacité électrique installée de toute l’Éthiopie (sur la base des chiffres de 2007).

Ce qui se passera à l’aval des 240 mètres de hauteur du mur de béton, on le devine. Mieux, on le sait. Des peuples entiers – si l’on considère qu’un peuple est aussi sa culture – mourront à jamais. Cette manière si singulière qu’ont les Daasanach ou les Muguji d’habiter le monde partira à la benne. La gigantesque benne à ordures où tout s’entasse à une vitesse désormais stupéfiante. Plus de crue, plus de vie. Plus de pâturages, plus de villages. Est-ce bien compliqué ?

Comme le chantier est avancé, il faut tenter de comprendre ce qui passe par la tête des demeurés habitant aujourd’hui les rives de l’Omo. Pardi ! pour eux, c’est la vie ou la mort. Tout le reste est insignifiance. En ce moment, au moment précis où j’écris ces mots qui se perdront à coup certain, des flics et des militaires éthiopiens ratissent hameaux et villages de la vallée de l’Omo. Sans témoins, ils tabassent, arrêtent et emprisonnent les récalcitrants, volent et tuent le bétail. Vont-ils plus loin ? Je n’en serais pas autrement étonné – je doute fort que CNN et TF1 envoient sur place des équipes rutilantes -, mais je n’en ai aucune preuve. Je me base sur une enquête de terrain d’une des ONG les plus respectées de la planète, Human Rights Watch (ici). Outre le gaspillage d’électricité, le barrage servira à irriguer 100 000 hectares de terres vendues par Addis à l’encan. À des transnationales étrangères, dans le but principal de cultiver la canne à sucre, plante de grand rapport. L’accaparement des terres, c’est-à-dire le vol, c’est cela : s’emparer de vastes surfaces par tous moyens étatiques, puis détourner l’eau, sans laquelle le pillage ne serait pas assez rentable.

Ce barrage coûte très cher. Évidemment. Si le gouvernement éthiopien devait le financer, il ne le pourrait. Et c’est pourquoi, dans sa grande sagesse industrialiste, il a fait affaire avec le club des Grands Destructeurs Associés de la planète, au premier rang desquels la Banque Mondiale. Cette merde globale est une merde globale. Mondialisée, je veux dire. Et je ne me lasserai jamais de rappeler que deux institutions clés de la destruction du monde ont été récemment dirigées par des socialistes français. Plus exactement, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) l’est encore : le socialiste Pascal Lamy, qui serait autrement ministre français, commande à cette association de malfaiteurs depuis 2005. Et M.Strauss-Kahn, qu’on ne présente plus, a dirigé le Fonds Monétaire International de 2007 jusqu’à ses menus soucis sexuels.

La Banque Mondiale est donc au centre de ce maudit barrage éthiopien. Et elle vient de débloquer 243 millions de dollars à l’Ethopie et 441 millions au Kenya pour réaliser le raccordement électrique de ce dernier pays au grand barrage en construction. C’est dégueulasse ? C’est au-delà des mots. Sauf que notre belle Agence française du développement (ici) est dans le coup, qui finance elle aussi ce que les promoteurs nomment « l’autoroute électrique ». Je n’ai pas le temps de détailler ce qu’a été, ce qu’est encore cette AFD, véritable bras armé de l’État français depuis sa naissance en 1941. L’AFD est indissociable de ce qu’on a nommé à juste titre la Françafrique.

Et c’est à cet instant que nous retrouvons Pascal Canfin, membre éminent d’Europe Écologie – les Verts, et nouveau ministre délégué, en charge du « développement ». Je ne connais pas cet homme, que des amis, qui l’ont fréquenté, présentent comme un garçon respectable. Je vais donc faire comme si, et lui adresser la lettre suivante :

» Eh bien, monsieur le ministre, vous voilà d’ores et déjà au pied du mur. Du barrage, si vous me permettez. Je sais, et vous savez mieux que moi que les attributions de votre ministère vous donnent la tutelle de l’Agence française du développement (ici). Ne présidez-vous pas le conseil d’orientation stratégique de cette institution ?

» Aussi bien, votre responsabilité personnelle concernant le barrage sur l’Omo est-elle immense. Certes, vous pouvez vous abriter derrière les décisions déjà prises, et prétendre qu’elles n’engagent vraiment que vos prédécesseurs. Vous le pouvez. Ce serait commode, ce serait aussi suicidaire. Car vous suivriez alors, inéluctablement, le sort de Jean-Pierre Cot, éphémère ministre de la Coopération de Mitterrand après 1981, congédié tel un domestique des temps passés pour avoir osé parler de la Françafrique. Ou, en plus dérisoire encore, celui de Jean-Marie Bockel, « exfiltré » en catastrophe de son poste de secrétaire d’État à la Coopération, en 2008, pour avoir déplu à MM.Bongo et Sassou-Nguesso.

» Faut-il, dans un autre registre, rappeler le sort ministériel funeste fait à votre camarade de parti Dominique Voynet ? Incapable d’œuvrer comme la ministre écologiste qu’elle prétendait être, elle restera dans la (très) modeste histoire récente comme celle qui fut incapable de trouver les mots justes après la marée noire de l’Érika. Vous pourriez bien, mutatis mutandis, vous retrouver rapidement dans une situation proche. En accompagnant une politique indigne et en tournant le dos au vrai changement, lequel vous mettrait forcément en danger. Dans le monde tel qu’il est, monsieur le ministre, celui qui s’oppose à la marche à l’abîme ne finit pas avec une retraite de ministre.

» Il est pour vous une autre voie que celle du déshonneur ou de la démission. Si cela vous semble nécessaire à votre carrière, eh bien assumez donc ce financement, au nom du passé. De la France, si vous préférez. Chargez au passage la barque de ces messieurs de la Sarkozie, qui ne sont plus à cela près. Mais aussi et surtout, dénoncez ! Mais ruez ! Mais criez sur tous les toits que l’aide de la France au barrage de l’Omo est en contradiction totale avec les valeurs qui sont les vôtres. Une forte parole de cette France que vous représentez aurait un effet direct, majeur, sur les autres bâilleurs de fonds, qui se tiennent tous par la barbichette. Dont la présence d’un seul entraîne et rassure tous les autres. En revanche, si par malheur vous deviez rester muet, que vous soyez alors maudit à tout jamais ! Car rien ne vous interdit de poser des limites. Rien ne vous empêche de dire à vos alliés socialistes et au pays que vous ne serez pas une potiche. Une déclaration ferme de solidarité avec les peuples de l’Omo vous vaudrait l’exécration des industrialistes et le soutien définitif de ceux, partout dans le monde, qui savent ce que cache le mot amer de « développement ».

» Arrivé à ce stade, monsieur le ministre, je dois avouer qu’il me vient un doute. Ayant lu certains de vos propos depuis votre nomination, je me demande avec inquiétude si vous avez seulement parcouru ce très grand livre : « Le développement : Histoire d’une croyance occidentale ». Dans cet ouvrage essentiel, Gilbert Rist montre comme l’histoire fait d’une idée une idéologie, puis une force matérielle. Tenez, je suis prêt à vous l’envoyer à mes frais. Que diable entendez-vous nous dire, lorsque vous écrivez (ici): « Vous l’avez noté : en remplaçant le terme Coopération au profit de celui de Développement, l’intitulé du Ministère qui m’a été confié par le Premier ministre est d’ores et déjà un marqueur du changement souhaité par le Président de la République. Un symbole qui révèle aussi la marque de la volonté politique qui anime le Gouvernement dans son ensemble ». Je me répète, pardonnez ma familiarité : il me semble que la lecture de Gilbert Rist s’impose.

» Monsieur le ministre, vous et vos conseillers pouvez bien entendu passer ces mots par pertes et profits. Et suivre la voie si naturelle de ceux qui tiennent le pouvoir, puis s’y accrochent. Il me semble qu’il serait plus noble de commencer par aller faire un tour dans la vallée de l’Omo. Un voyage ministériel auprès des Bodi, Daasanach, Karo, Muguji, Mursi, Nyangatom marquerait réellement le changement dont tout le monde se réclame sans jamais avoir à le prouver. Si le cœur vous en dit – sait-on jamais ? -, je suis tout prêt à vous accompagner. Et je suis on ne peut plus sérieux. Avec mes salutations écologistes,

Fabrice Nicolino

Dites-moi, vous croyez qu’il va répondre ?

PS : L’avocat William Bourdon apparaît comme un proche du nouveau pouvoir (ici). Fort bien.  Grand défenseur des droits de l’homme – c’est sans ironie -, créateur de l’association Sherpa, critique résolu de la mondialisation cannibale dont le barrage éthiopien est comme un étendard, Bourdon peut et doit évidemment défendre les peuples de l’Omo. Et démontrer du même coup qu’il se distingue de tous ceux qui, après 1981, ont oublié c e qu’ils prétendaient être, au motif que la gauche était au pouvoir. Je lui demande, je nous demande à tous un sursaut. Bas les pattes devant la rivière Omo ! Cela semble ridicule ? Ça l’est. Qui s’attaque à l’Everest avec une pelle en plastique est ridicule.

Un lointain souvenir d’eux (et de nous)

Un rappel pour nous tous, mais davantage encore pour ceux qui vivent dans la tranquillité ou l’exaltation le spectacle lamentable de l’élection présidentielle française. Au-delà, à tous ces Insupportables d’ici ou d’ailleurs qui croient être seuls sur Terre. C’est un film, et il ne dure que 3 minutes et 56 secondes : ici. L’atoll de Midway est à plus de 3000 kilomètres de tout territoire habité (par des hommes).

Cette tragédie grecque dont personne ne parle

Ce papier sur la Grèce, davantage que d’autres, nécessite un préambule. Autrement, on me tirerait dessus sans préavis, et je préfère, à tout prendre, être prévenu. Comme on verra si l’on me lit, cette précaution ne sera pas suffisante, mais tant pis, assez tergiversé. Mon préambule est que je suis d’accord pour accuser les banques et les banquiers, Goldman Sachs, les bureaucrates européens complices des politiciens véreux, le Pasok, la Nouvelle Démocratie, le pape de Rome, et j’en oublie par force. Oui, je suis d’accord.

Seulement, j’aimerais aussi me poser quelques questions que la bonne conscience de gauche – et d’extrême-gauche – oublie généreusement. Commençons par un chiffre épouvantable, celui des recettes touristiques de la Grèce. Elles représentent aujourd’hui entre 15 et 18 % du PIB. Oui, cette façon de calculer est ridicule, mais il n’y en a pas d’autre pour le moment. Le tourisme de masse est assurément le moteur principal de l’économie locale, et il se porte, figurez-vous, de mieux en mieux (lire ici). En 2011, année tragique pour le pays, les recettes du tourisme ont augmenté de 9,5 %.

Est-ce une bonne nouvelle ? Ben non, je ne crois pas. Un pays jadis fabuleux a vendu son cul et son soleil au reste de l’Europe, trucidant ses lieux les plus grandioses, ses plages les plus belles, ses îles les plus enchanteresses pour que des hordes de couillons souvent braillards viennent siroter sur place quelques verres d’un ouzo de basse qualité. On applaudit bien fort la patrie de Socrate et Platon, mais aussi de Diogène, d’Aristote et d’Épicure. Le progrès est évident au premier regard. Encore faut-il ajouter au tourisme de masse ce corollaire qu’est l’explosion immobilière, laquelle ne se conçoit pas sans des centaines de milliers – voire des millions – de participants.

La fièvre immobilière, autre nom du fric, a « augmenté » la richesse de la Grèce et de nombreux Grecs, au détriment sûr et certain de la nature, en particulier ces forêts méditerranéennes qui impressionnaient si fortement les hommes de l’Antiquité. Je me dois de rappeler que la Grèce n’a pas toujours été un vaste caillou blanc plongeant dans la mer. Il fut un temps, et ce temps a duré, où des forêts climaciques – l’état le plus stable, sans intervention humaine – formaient des ensembles biologiques d’une richesse que je ne reverrai plus. La spéculation immobilière, en association avec ce tourisme qui rapporte tant, a tout ravagé.

Autour d’Athènes, chaque année, chaque été, des incendies épouvantables réduisent chaque fois un peu plus les espaces naturels, déjà modifiés tant de fois par les activités humaines (lire ici). Des milliers d’hectares brûlent et rebrûlent, des dizaines de milliers d’habitants hagards s’enfuient, et le béton avance inexorablement. Dites, a-t-on le droit de dire aux Grecs qu’on ne les a pas beaucoup vus défendre leurs écosystèmes en flammes ? Le « développement », massivement soutenu par toutes les forces politiques grecques, du Laos – Laïkos Orthodoxos Synagermo, un parti fasciste – aux nombreuses formes communistes plus ou moins remaniées, a détruit le profond, et même l’essentiel.

C’est étrange, autant que révélateur. Tous ont accepté l’extrême démolition des équilibres de base de leur propre pays, et voilà donc qu’ils se lèvent contre une poignée de profiteurs. Lesquels existent, je l’ai écrit plus haut, et je n’y reviens pas. Au-delà, j’aimerais ajouter quelques lignes désagréables. Sur le papier, la crise grecque m’apparaît comme une chance fabuleuse, qui sera je le crains gâchée. Certes oui, il faut compter avec les 50 % de chômeurs chez les jeunes, ce qui est d’évidence un crime social. Mais au total, ce que je lis me porte à réfléchir. On parle de 20 % de baisse du niveau de vie. Un niveau de vie artificiellement augmenté par le tourisme, l’immobilier et toutes ces impudentes dépenses publiques que sont par exemple les autoroutes.

Tiens, les autoroutes. L’Europe envisage de refiler encore 12 milliards d’euros de fonds structurels non encore dépensés par la Grèce, qui iraient en priorité à la construction de nouvelles infrastructures autoroutières. Faut-il vraiment préciser ce que j’en pense ? Les centaines de milliards déjà accordés n’iront-ils pas, en priorité eux aussi, à des dépenses aliénées le jour où elles permettront aux Grecs de s’endetter de nouveau ? À des bagnoles, des téléphones portables, des télés d’un mètre de large, des MacDo, des jouets et de la bimbeloterie chinoise, etc ? Et en ce cas, de quoi donc les Grecs se plaignent-ils ? De ne plus se goinfrer autant qu’ils le souhaiteraient ?

20 % de baisse du niveau de vie : voilà l’illustration de ce qu’il FAUT obtenir dans toute l’Europe, au plus vite. Pas pour châtier de supposés dépensiers, mais bien pour enfin oser le vrai débat. De quoi avons-nous réellement besoin ? De quelle santé publique ? De quels logements, consommant quel type et quelle quantité d’énergie ? De quel système d’éducation pour nos enfants ? Le reste, pour l’essentiel, nous mène tous au gouffre. L’épisode grec, involontaire exemple de décroissance, serait un formidable étendard pour une révolution complète de nos manières de vivre et de consommer. Fabuleux, même ! Que l’on consacre enfin l’argent public à la restauration des écosystèmes ! Que l’on trouve le moyen – les moyens – de ne plus polluer du tout ces eaux qui sont notre vrai grand trésor ! Et je dis bien : ne plus polluer du tout. Le voilà, le changement de paradigme. Non plus épurer à grands frais, mais ne plus avoir à le faire serait un authentique progrès. Le  « bon progrès », que j’oppose après un mien ami, vieux paysan breton, au « mauvais progrès ». Ne serait-il pas temps d’offrir aux Grecs une authentique perspective, qui consisterait à rétablir partout des écosystèmes aussi fonctionnels qu’au temps de Périclès ?

L’argent est là, dans les poches de ces foutus banquiers et de leurs compères. Mais la volonté ? Je conclus : il est évident à beaucoup, dont je suis, que la France peut très bien connaître demain le sort de la Grèce. Alors les masques tomberont. Car qui donc – que chacun s’exprime sans détour -, défend chez nous des thèses réellement écologistes ? Exceptionnellement, je ne citerai pas de noms. Mais qui ?