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Sarah Palin, au sommet inversé du monde

C’est merveilleux, la vie est belle, tout va de mieux en mieux. Dans quelques mois – quelques années ? -, le monde pourrait bien se retrouver avec une présidente of the United States of America. Sarah Palin, évidemment. Il y faudrait deux petites conditions qui n’ont rien de cinglé : que John McCain soit élu en novembre prochain, contre Obama; que McCain meure en cours de mandat et soit remplacé par Palin.

McCain a 72 ans, mais quelles années ! En 1967, au cours d’une gentille mission de bombardement sur Hanoï, son avion est abattu , et lui aussi. Dessous, il y a une grande ville, des gosses et des marchés, toute une vie simple que McCain a pour mission de réduire en confetti. Dans la légende fabriquée par le politicien, cette date marque son entrée dans le panthéon des Héros. Il souffre, car il est blessé, puis bastonné par ceux qui le récupèrent à moitié noyé dans le lac Truc Bach, où son parachute l’a mené. Les Vietnamiens ne comprennent pas bien le langage américain du tapis de bombes sur des civils, et se montrent agressifs. Quels barbares !

Bon, ne rions pas trop. McCain passe des années dans des geôles qui n’ont sans doute pas été drôles, et cet homme pourrait, tout bien pesé, être plus près de 90 ans que de 72. Dans l’hypothèse où il serait élu, il n’est donc pas fou d’imaginer une disparition (à peine) prématurée. Et donc, Palin. 44 ans, cinq enfants, dont le dernier, bébé, est trisomique. Cette redoutable politicienne est parvenue, contre la bureaucratie du Parti républicain, à conquérir le poste de gouverneur de l’Alaska.

Elle a tout pour nous plaire. Vraiment tout. Elle adore les flingues, l’industrie pétrolière, les animaux sauvages quand ils sont morts. Elle serait, si elle était un homme, un beauf comme on n’en fait plus guère. Mais regardez plutôt les photos qui suivent, et vous m’en direz des nouvelles. J’en suis désolé, mais je n’arrive pas à les reproduire, ce qui est bien dommage. Voici l’adresse où vous pourrez admirer madame Palin en train de se repaître de la chair morte de la vie (ici). Il est d’autres admirables documents où l’on voit madame Palin en maillot de bain, armée d’un fusil de précision. Elle se marre. Elle aime. Le sang, la tripaille, le pire. Sur un autre cliché, on la voit installée sur un sofa d’où pendouille une peau de grizzly (). Elle veut également permettre aux chasseurs de loups de tirer sur cette merveille depuis des avions de tourisme. Dieu du ciel, nous touchons le fond.

Quoi d’autre ? Oh, elle se bat de toutes ses forces pour faire passer un gazoduc au travers d’un des plus beaux pays du monde, cet Alaska que, pour notre grand malheur, elle gouverne. Elle souhaite, elle dont le mari travaille pour la transnationale BP, ouvrir aux compagnies pétrolières la fabuleuse, la grandiose réserve naturelle arctique (Arctic National Wildlife Refuge). Elle milite pour une relance du programme électronucléaire américain.

Voilà donc ce qui nous attend peut-être dès demain. Une femme plongée dans l’idéologie la plus éloignée de la nature qu’on puisse imaginer. Dotée d’un minuscule savoir – elle a fait des études de journalisme, je ne parviens pas à retenir un gloussement -, Sarah Palin, si elle en a le pouvoir, aggravera tout ce qui peut l’être encore. C’est dingue ? Je confirme : c’est dingue.

Une étoile est née (Lucien Barge, tireur d’élite)

Raymond Faure, merci ! Ce président de la Frapna-Loire – une belle association basée à Saint-Étienne – envoie régulièrement des informations à quelques privilégiés, dont moi-même. Et cette fois, Raymond a fait fort en m’adressant la copie scannée d’un article inoubliable d’une tribune signée Lucien Barge, responsable de la FDSEA du Rhône. Autrement dit, la FNSEA, le grand syndicat agricole dont le bilan éloquent, en soixante ans, aura été d’accompagner en fanfare la disparition pure et simple de la paysannerie.

Oui, Raymond, tu as fait très fort, mais en me mettant dans l’embarras, car cette copie scannée, je ne peux l’offrir aux lecteurs de ce blog, pour des raisons techniques qui me dépassent. Et j’en suis marri, car j’y vois un pur chef d’oeuvre. Le texte de Barge a paru dans le numéro 1976 du bulletin L’Information agricole du Rhône, en date du 28 août 2008, sous le titre : « Ne pas se tromper de cible ». La position de principe honore notre ami Barge, dont on va comprendre qu’il est une fine gâchette, qui sait à la fois qui viser et qui descendre.

Hélas, je n’ai pas le temps de tout recopier pour vous, car je pars ce vendredi au festival de l’Albenc, en Isère, où je parlerai ce soir et demain. Mais enfin, je vous donne ci-dessous quelques extraits fameux, qu’il vous faudra encadrer. C’est entendu, n’est-ce pas ? Je précise le contexte, que j’ai d’ailleurs abordé il y a quelques jours (ici). Le préfet du Rhône a autorisé des épandages massifs de pesticides par hélicoptère. Les écologistes ont protesté, et les apiculteurs aussi.

Et ça, Lucien Barge ne pardonne pas. Voici le début de son texte, dont je respecte scrupuleusement l’orthographe comme la syntaxe, bien entendu : « La capture de nouvelles chrysomèles sur Saint-Priest et Communay a mis une fois de plus en évidences un exemple parmi d’autres, où pour des illusions, ou plus graves encore, pour servir les intérêts de grands groupes, la profession agricole est agressée, montrée du doigt voire jetée « à la vindicte populaire » ! (L’eau, les nitrates…).

En effet, lors de la réunion à la Draf pour définir la mise en œuvre des moyens de lutte qu’imposent, tant Bruxelles que l’arrêté ministériel, à ce parasite classé insecte de quarantaine. La profession a été littéralement agressée et mise en accusation à tort par les représentants de l’apiculture. Pour eux, les seuls bons agriculteurs sont les « bio ». Certes, un créneau existe pour des productions « bio », mais il ne deviendra jamais l’intégralité des productions agricoles. Heureusement, car le monde serait en situation de famine et l‘espérance de vie des Français ne se situerait plus au niveau actuel. La généralisation du « bio » reposerait les énormes problèmes de santé publique résolus par nos aînés ».

Bon, Lucien est un marrant, je crois qu’il faut lui reconnaître la qualité, sans barguigner. On rit de bon coeur. C’est charmant, exotique, cela repose sur une humeur un poil atrabilaire peut-être, mais enfin, aussi sur l’audace. La bio, c’est donc la mort. Bien vu, bien pensé, bien exprimé, Lucien. Vous permettez que je vous appelle Lucien ?

La suite est un peu moins drôle. Car les apiculteurs exagèrent vraiment : « Aussi, au lieu de s’adapter aux évolutions et rechercher avec nous les solutions qui permettraient à chacun de se côtoyer et de vivre de nos productions respectives, les apiculteurs veulent en permanence, imposer leur vision passéiste et dangereuse ». Cette vision, vous l’avez compris, passe par la critique des pesticides de synthèse. Mais où veulent en venir les barbares ? Lucien se pose la question, franchement inquiet : « À rester dans une logique de concertation et de discussions entre partenaires, on nous a supprimé le « gaucho », demain les traitements « hélico » ? ». Lucien, du calme, je vous prie, on vous sauvera l’hélico, c’est promis.

En attendant, que peuvent donc faire Lucien et ses chers amis ? Et s’ils en parlaient à Son Altesse Sérénissime (SAS) Nicolas Sarkozy ? Je glisse cette suggestion, car après tout, Lucien Barge n’est-il pas le maire UMP de la petite ville de Jonage, aux portes de Lyon ? Lucien, que diable, avez-vous, oui ou non, de l’influence à Paris ? Je le souhaite de toutes mes petites forces de Hun, car si j’ai bien lu votre conclusion, vous avez de beaux projets pour la France et l’amitié entre voisins. La voici, que je lis debout, au son vivifiant d’un chant militaire : « Désormais, vis-à-vis des individus qui se comportent en véritables parasites à l’encontre des agriculteurs, nous devons être virulents et offensifs (la carotte ne peut plus être l’unique solution, il faut avoir un solide bâton dans l‘autre main et montrer de temps en temps que l’on sait s’en servir).
Dorénavant, lorsque nous pouvons être en mesure de porter des coups, nous devons nous montrer impitoyables et contrer voire « casser » nos détracteurs, s’ils exposent leur flanc et que l’occasion de tirer s’y prête. Avant que leur intégrisme finisse par menacer la santé de nos enfants. Certains apiculteurs, aujourd’hui, sont dans ce camp, il est temps d’agir avec une fermeté exemplaire »
.

Je vous crois capable de lire comme moi cette prose admirable. Tir à vue sur tout ce qui bouge. J’aimerais vous dire que Lucien s’exprime au dix-huitième degré de son humour caustique, mais, voyez-vous, je suis saisi par le doute. Lucien. Lucien Barge.

L’affaire du kangourou géant

Oh, oh ! Et si c’était vrai ? Une étude sérieuse, toute récente, suggère que l’homme serait le vrai responsable de la disparition de la mégafaune de Tasmanie, cette grande île située au sud de l’Australie. Peuplée par des Aborigènes il y a 40 000 ans, l’île a été « découverte» par notre Occident en 1642 et occupée en permanence 150 ans plus tard. Ce fut longtemps un authentique paradis naturaliste, habité par de somptueux animaux comme le tigre de Tasmanie – un marsupial carnivore – de grands oiseaux endémiques, des kangourous géants. C’est justement l’un de ces derniers qui est au coeur du travail publié dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (Late-surviving megafauna in Tasmania, Australia, implicate human involvement in their extinction). Ses auteurs ont étudié le crâne d’un de ces kangourous, retrouvé au fond d’une grotte de l’île (ici).

Richard Roberts, qui est l’un des signataires de l’article scientifique, a déclaré tout de go : « Jusqu’à présent, on pensait que la mégafaune de Tasmanie s’était éteinte avant que l’Homme n’arrive sur l’île ». La thèse généralement retenue désignait le climat comme la cause première de l’extinction. Or le niveau des températures serait resté stable, et le crâne retrouvé daterait de plusieurs milliers d’années après l’arrivée de l’homme en Tasmanie. Je ne vous en dis pas davantage, car je n’ai pas lu l’étude.

Au-delà, la question me paraît être celle-ci : les civilisations anciennes, mieux, les peuples premiers ont-ils été plus respectueux de la vie que nous ? Chez nombre d’écologistes, la messe est dite. Les Indiens d’Amérique, par exemple, auraient toujours entretenu de belles relations équilibrées avec les écosystèmes et les espèces vivantes. Seule l’arrivée des Blancs et de leur armada aurait bouleversé la donne. On ne peut nier la démence de la conquête du continent nord-américain par nos ancêtres européens. En moins d’un siècle, l’immense forêt qui couvrait tout, de l’est du Canada à la vallée du Mississipi, était réduite en morceaux. La Grande Prairie, ce fabuleux monument qui séparait les deux océans, était changée, en à peine plus de temps, en une morne plaine de blé et de maïs intensif. Je ne crois pas qu’il existe dans l’histoire un autre exemple d’une telle furie contre la terre.

Mais les Indiens ? La cause est controversée, et je n’ai pas de réponse personnelle. J’aimerais croire, comme tant d’autres, que les Pawnees et les Navajos se comportaient mieux que nous. Bien des faits semblent prouver le contraire. Les brûlis massifs d’origine humaine, par exemple, ont clairement joué un rôle néfaste dans la disparition de certains gros animaux, tant en Amérique qu’en Australie. Et la chasse, dans certaines conditions, a pu également détruire des populations fragiles. Si, je dis bien si l’homme venu d’Asie par le détroit de Béring est le responsable d’extinctions, eh bien, quel drame ! Car, rappelons-le, le continent américain n’a été peuplé par nous que très tardivement. Il y a 13 000 ans pour beaucoup, bien que d’autres hypothèses évoquent une présence humaine en Amazonie il y a environ 60 000 ans. Peut-être manquaient-ils simplement de moyens matériels pour accomplir le grand crime ?

Je le répète, je ne tranche pas. Mais à la vérité, en mon for le plus profond, je crains de connaître un jour une vérité mieux établie. Je pressens que quelque chose ne tourne pas rond. Je vois bien – nul besoin d’être grand clerc – que l’aventure humaine a toujours eu sa large part d’une extrême violence contre tout ce qui n’était pas elle. Il n’est pas difficile de la voir comme une conquête militaire sans fin de territoires à soumettre, et d’êtres vivants à engloutir. Je dois avouer que, pour un 23 août, je ne gâte pas les lecteurs de ce blog.

Je l’avoue, mais j’ajoute aussitôt que cette horrifiante perspective ne me décourage pas. J’ai toujours cru, aujourd’hui plus que jamais, à l’esprit. À la puissance de l’esprit. À la force du refus. À l’énergie de la résistance. Or j’ai l’outrecuidance de penser que je suis un refusant, au plus profond de mon être. Et comme nous approchons du moment où, fatalement, la parole refusante sera toujours mieux entendue, sinon comprise, je garde de l’espoir. Contre l’évidence, cela se peut. Mais l’évidence est l’autre nom du renoncement. Et renoncer, non. Renoncer à vivre, à parler, à écrire, à aimer, non. Non. NON.

Chasseurs de tous les pays, venez chez nous !

Qu’est-ce que j’en ai marre ! Vrai, quel pays insupportable, parfois ! Je doute que l’herbe soit plus verte ailleurs, mais je ne connais bien que celle-là. Or donc, qu’on se le dise, l’herbe française, ça craint. En l’occurrence, le roseau. J’étais au téléphone, il y a une heure, avec XYZ. Un joli nom de code censé protéger un naturaliste de qualité, amoureux des oiseaux sauvages. XYZ me rapporte des faits crapoteux, qui se passent en ce moment même dans la « réserve naturelle de l’estuaire de la Seine », non loin du Havre.

Je vous décris rapidement. Ce n’est pas un paradis, non. J’y suis allé naguère, et les immenses roselières des bords de Seine, entre le pont de Tancarville et Le Havre, sentaient affreusement le pétrole des lourdes installations industrielles de la région. Mais enfin, une roselière, géante. Et des merveilles, malgré tout : au moins 250 espèces d’oiseaux recensées, dont des raretés, comme le butor ou le blongios.

Poussée au cul par l’Europe – pardon, mais c’est le mot juste -, la France a été contrainte de créer là, en 1997, une réserve naturelle d’État. Sur 3800 hectares pour commencer. En effet, et c’est lié, le « développement » exigeait la construction au Havre d’un nouveau port destiné aux conteneurs, ce qu’on a appelé pompeusement, dans le langage en cours, Port 2000.

Mais il a fallu bâtir, c’est-à-dire détruire la nature. Et sacrifier des espaces exceptionnels, où nichaient par exemple 200 couples d’avocettes. En échange, pour « compenser », et parce que l’Europe exigeait des mesures de protection de l’estuaire, nos princes ont concédé l’agrandissement de la réserve naturelle, qui atteint aujourd’hui 8500 hectares, ce qui en fait l’une des plus grandes de France. La deuxième, en fait, après la Camargue.

Seulement, on s’est foutu de la gueule du monde, activité prisée dans la totalité des services de l’État. Car dans la « réserve naturelle », les chasseurs locaux étaient déjà là depuis des lustres, installés dans au moins 200 gabions enterrés, sortes de blockhaus de parfois plusieurs pièces, depuis lesquels on tire le canard. Entre autres.

Car on les tire encore. Dans une « réserve naturelle d’État ». C’était cela ou rien. Accepter le maintien de cette noble activité traditionnelle était le seul moyen d’agrandir la réserve, à cette réserve près que les animaux y sont flingués.

Passons. Oui, je suis obligé d’écrire cela, car il y a pire. Passons. Depuis le 31 janvier, la chasse aux canards (toutes espèces) est heureusement fermée. Au-delà, les oiseaux se reposent avant de se lancer dans la périlleuse période de la reproduction. Autrement dit, légalement parlant, les fusils sont à la maison, au-dessus du chien, en face de la tête de sanglier, à côté de la télé.

Mais où serait le bonheur de la chasse sans un peu – beaucoup – de braconnage ? XYZ m’a raconté une scène étourdissante que je vous livre à mon tour. Mercredi 20 février, avant-hier donc, il se rend dans la réserve. Il est 19h30. Cinq braconniers préparent tranquillement un gabion, dans une zone très accessible, au vu et au su de tous. Plus loin, vingt voitures de chasseurs sont gentiment garées sur un coin de route. Après avoir compté une trentaine de coups de fusil, écoeuré, XYZ part.

Bien entendu, pas un gendarme. Pas un garde de l’Office de la chasse. L’impunité totale. Et ne croyez pas que c’est un fait isolé. Le journal local publie régulièrement des photos de chasseurs armés dans les roselières des bords de Seine, ces jours derniers encore. Il s’agit donc de braconniers. Tout le monde, préfet compris, sait ce qui se passe. Et nul n’envisage la moindre action.

Il faut dire que les extrême-chasseurs des environs sont aussi d’une rare violence. Il serait intéressant de dresser la liste des agressions physiques dont ils se sont rendu coupables ces dernières années. L’un de leurs « exploits » de miliciens remonte au 17 décembre 2005. Ayant appris que la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) du Havre fêtait la fin de l’année dans un restaurant, une dizaine d’encagoulés ont tout cassé, molestant au passage les invités, en blessant même plusieurs. Classé sans suite.

Bon, je ne vais pas régler une affaire pareille ici, ni ailleurs au reste. Mais je veux dire ce que je pense, ce qui ne saurait faire du mal. Certains sont peut-être tentés, après avoir reçu une claque géante sur la joue droite, de tendre la gauche. Désolé, ce n’est pas mon genre. Mon genre, c’est de me battre. Et je crois que le mouvement de protection de la nature ne se bat pas assez. Assez de palabres. Des actes ! Chez nous aussi.