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Un éditorial imbécile du journal Le Monde

Vous lirez, après mon commentaire, un éditorial étincelant du quotidien dit de référence – en France -, c’est-à-dire Le Monde. Bien que le cadre ancien ait disparu, bien que la presse ne soit plus ce qu’elle a été, ce journal demeure celui qu’il faut prétendre lire lorsqu’on est responsable de quelque chose. Que l’on soit député ou ministre, haut-fonctionnaire ou journaliste bien sûr, habitué du Cac 40 ou syndicaliste, il convient, assez souvent encore, d’avoir Le Monde sous le bras, si possible une à deux heures après sa sortie des presses, si l’on habite Paris du moins.

Cet éditorial du Monde date du 7 mai, et il est d’une connerie confondante. Entendons-nous : depuis la lecture il y a bien quinze ans du livre d’Howard Gardner, Les intelligences multiples (Retz), je ne crois plus à ce qu’on m’avait seriné avec tant d’application. Disons que je ne crois plus à l’intelligence, car cette imagination sociale désigne en fait une forme particulière, que Gardner nomme fort justement, à mon avis, l’intelligence logico-mathématique. Celle des longues études et des brillants diplômes, celle du pouvoir, celle de la « réussite ». Les autres formes, pourtant fabuleuses, de savoir vivre, comme la capacité à se comprendre soi-même, à comprendre les autres, à se mouvoir, à changer la matière avec un marteau et un burin, tout cela n’existe pratiquement pas aux yeux aveugles de la société officielle.

Reprenons. Quand j’écris que le texte du Monde est d’une stupidité confondante, je sais que c’est cruel pour son auteur, homme ou femme. Seulement, je ne désigne pas une personne, mais un texte. Celui – ou celle – qui l’a écrit est peut-être bien très intelligent, dans le sens donné par Gardner, mêlant à des doses diverses et complémentaires, plusieurs variétés des sept formes d’intelligence qu’il avait définies au début des années 80. Reste que cet éditorial est en tout point ridicule. Car que dit-il, avec cette dose de componction qu’on trouvait jadis dans chaque livraison du quotidien ? Que les activités humaines – en l’occurrence l’industrialisation de la planète entière – nous ont fait changer d’ère géologique. Et je ne parle pas là de cette invention langagière, défendue notamment par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, connue sous le nom d’Anthropocène, époque succédant à l’Holocène, et créée comme son nom le suggère par l’Homme.

Non, Le Monde parle d’un retour climatique hypothétique à l’ère du Pliocène, qui s’étend, selon les chiffrages couramment admis, de 5,33 millions d’années en arrière à 2, 58 millions d’années. « Ce mois-ci, dit le texte, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère devrait, pour la première fois depuis quelques millions d’années, dépasser le seuil de 400 parties par million (ppm) dans l’hémisphère Nord ». À ce stade franchement délirant – nous serions donc les contemporains d’un événement jamais vu depuis l’apparition de l’Homme -, de deux choses l’une. Ou cette perspective est sérieuse et crédible, ou elle ne l’est pas.

Si elle ne l’est pas, Le Monde ne vaut pas mieux que Le Journal de Mickey. Mais si elle l’est, voici bien l’un des textes les plus ineptes de ces derniers temps. En effet, la simple logique voudrait alors que l’on trace quelques traits entre l’organisation économique et politique du monde et cette incroyable – qui peut le croire vraiment ? – tragédie qui nous rapproche certainement du pire. Si l’on écrit que le climat n’a jamais changé aussi vite, si l’on assure que « les fenêtres d’action se ferment peu à peu », alors il faut décréter la mobilisation générale. Car d’évidence, même si elle n’est pas déclarée, c’est tout de même la guerre.

Pas pour Le Monde, qui se contente d’insupportables palinodies. Je cite : « La question climatique pèse – et pèsera, plus encore, demain – sur la dégradation économique mondiale ». C’est grotesque. On parle d’un événement cataclysmique, et l’on en retient qu’il aura des effets sur la « dégradation économique mondiale ». En somme, on évoque le Pliocène pour mieux souligner les affres des sociétés riches du Nord au cours des prochains mois, ou années. Ma foi, quel tableau ! Quelle faillite de la pensée !

J’ajoute, comme je l’ai déjà écrit ici, que les pages Planète du Monde viennent de disparaître en tant qu’espace d’information distinct des autres. J’ajoute qu’exactement au même moment, la nouvelle direction du Monde a lancé un cahier quotidien appelé « Le Monde éco&entreprise ». On y vante, comme vous pouvez l’imaginer, l’entreprise, les fusions et acquisitions, les nanotechnologies, les forages pétroliers, demain les gaz de schiste et fatalement donc, la destruction de tout.

On ne saurait mieux résumer la régression en cours : d’une main on se libère des pages traitant – plus ou moins bien, souvent mal – de la crise écologique; de l’autre, on ouvre un vaste et précieux territoire « à un système de développement fondé sur la combustion des ressources fossiles et reposant sur les idées du XIXe siècle ». Je crois pouvoir écrire que je préfère encore de francs négationnistes de la crise climatique. Car il est reposant, car il est nécessaire de reconnaître adversaires ou ennemis. En revanche, il est épuisant de croiser à chaque coin de rue tant de mascarade, où le matois se cache derrière le jocrisse. Revenons-en à l’essentiel. En 2010, alors qu’il était en faillite, Le Monde a été racheté par trois capitalistes dont la fortune repose précisément sur le désastre.

Pierre Bergé, 120 millions d’euros de fortune personnelle.

Xavier Niel, 6,6 milliards de dollars de fortune personnelle (selon Forbes).

Matthieu Pigasse est directeur général délégué de la banque Lazard, après avoir été membre de cabinets ministériels auprès de DSK et Fabius.

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Changement climatique : retour au pliocène ?

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LE MONDE | 07.05.2013 à 12h08 • Mis à jour le 07.05.2013 à 15h40

 

Une centrale électrique à Venise, en juillet 2010.

Une centrale électrique à Venise, en juillet 2010. | REUTERS/ALESSANDRO GAROFALO

Indifférent aux controverses ou à l’embarras qu’il suscite, le changement climatique de notre planète poursuit son cours, inexorablement. Ce mois-ci, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère devrait, pour la première fois depuis quelques millions d’années, dépasser le seuil de 400 parties par million (ppm) dans l’hémisphère Nord.

Pour être symbolique, ce cap n’en est pas moins alarmant. Il nous rappelle que, du fait des activités humaines, le climat terrestre s’altère à une vitesse sans équivalent dans l’histoire de notre espèce. Quelques jalons permettent de fixer les idées : les premiers fossiles d’humains anatomiquement modernes (Homo sapiens) sont vieux de quelque 200 000 ans, mais il faut remonter au début du pliocène, il y a plusieurs millions d’années, lorsque aucun être du genre Homo n’arpentait la surface du globe, pour retrouver de tels niveaux de CO2 dans l’atmosphère.

Les effets de cette mutation sur le changement climatique sont bel et bien tangibles : élévation du niveau des océans, destruction d’écosystèmes d’intérêt économique, augmentation de la fréquence et de la gravité des événements extrêmes – par exemple la récente sécheresse qui a frappé l’Amérique du Nord ou l’ouragan Sandy, qui, à l’automne 2012, a ravagé New York et la Côte est des Etats-Unis.

La communauté scientifique compétente prêche dans le désert depuis de nombreuses années. Elle est unanime. Elle ne cesse de prévenir des graves dangers qu’il y a à ignorer la science et à s’en remettre aveuglément à un système de développement fondé sur la combustion des ressources fossiles et reposant sur les idées du XIXe siècle – lorsque le monde paraissait encore infini au petit milliard d’êtres humains qui le peuplait.

Les fenêtres d’action se ferment peu à peu. Le seuil de stabilité climatique à très long terme, situé à 350 ppm par certains climatologues parmi les plus galonnés, est déjà loin derrière nous. Il a été franchi peu avant 1990. Quant à l’objectif de limiter à 2 °C le réchauffement d’ici à la fin du siècle, il est déjà presque intenable.

Que risque-t-on ? L’altération du climat est souvent perçue en termes de désagréments individuels. Le risque va bien au-delà. La question climatique pèse – et pèsera, plus encore, demain – sur la dégradation économique mondiale. Car, à l’heure où il est fortement question de dettes en tout genre, il faut le rappeler : le développement économique actuel ne se poursuit qu’en contractant une dette énorme vis-à-vis du système climatique.

Ce n’est pas une dette financière, mais géophysique. La première est contractée entre des hommes ou des institutions. Elle peut se renégocier, elle peut être annulée, le créancier peut toujours passer l’éponge.

La seconde est plus dangereuse : elle est contractée avec un monstre froid gouverné par les seules lois de la nature – la Terre. Nous n’aurons d’autre choix que de la rembourser, avec ce désagrément supplémentaire que personne n’a, aujourd’hui, la moindre certitude sur le taux de l’emprunt. La communauté internationale serait bien avisée de ne pas feindre de l’ignorer.

La mer, l’air et l’eau (vaines pensées)

J’aime Alexandre Dumas à la folie. Je crois avoir lu Le Comte de Monte Cristo quatre ou cinq fois et au moins trois fois Les Trois Mousquetaires et bien d’autres livres encore de lui, qui était pourtant un épouvantable plagiaire. Dumas n’était pas seulement un copieur, mais un industriel de la récupération d’histoires et de textes, qui utilisa au cours de sa vie littéraire, croit-on, au moins une centaine de nègres écumant pour son compte archives et vieilles éditions. Je ne résiste pas à l’envie de vous donner cet extrait de Comment je devins auteur dramatique, en vous priant d’excuser sa longueur :

« Dieu lui-même, lorsqu’il créa l’homme, ne put ou n’osa point l’inventer ; il le fit à son image. C’est ce qui faisait dire à Shakespeare, lorsqu’un critique stupide l’accusait d’avoir pris parfois une scène tout entière dans quelques auteurs contemporains : c’est une fille que j’ai tirée de la mauvaise société pour la faire entrer dans la bonne. C’est ce qui faisait dire encore plus naïvement à Molière : je prends mon bien où je le trouve. Et Shakespeare et Molière avaient raison, car l’homme de génie ne vole pas, il conquiert; il fait de la province qu’il prend une annexe de son empire ; il lui impose ses lois, il la peuple de ses sujets, il étend son sceptre d’or sur elle, et nul n’ose lui dire en voyant son beau royaume : “Cette parcelle de terre ne fait point partie de ton patrimoine”.» Bon, Dumas ne se voyait pas comme un égal parmi les égaux, et je ne peux pas dire que sa vanité me fasse grand plaisir. Je suppose que le personnage est un tout, dont il est difficile d’extraire seulement ce qui me convient.

Je précise encore deux choses. Un, je reste époustouflé par Le Comte de Monte Cristo, qui multiplie toutes les dix pages des coïncidences et des rencontres parfaitement impossibles dans la vie, et presque autant dans un roman. Ce devrait dissuader de continuer, tant les surprises les plus folles sont à chaque tournant, et pourtant l’on marche en exultant. Je marche en exultant. Deux, tout ce qui précède n’a (presque) rien à voir avec ce qui suit et qui justifie un peu que je vous écrive ce dimanche soir. Tout est parti d’un extrait qui trotte souvent dans ma tête, venu du Grand Dictionnaire de Cuisine de Dumas, publié en 1871, en cette si grande année de La Commune, juste après la mort de son auteur. Je cite : « Dans un cabillaud de la plus grosse taille (…), on a trouvé huit millions et demi et jusqu’à neuf millions d’œufs. On a calculé que si aucun accident n’arrêtait l’éclosion de ces œufs et si chaque cabillaud venait à sa grosseur, il ne faudrait que trois ans pour que la mer fût comblée et que l’on pût traverser à pied sec l’Atlantique sur le dos des cabillauds ».

Le cabillaud, je le précise pour ceux qui ne le savent pas, c’est la morue, qui fut à l’origine de tant de fortunes humaines. Et je reprends. Jules Michelet, l’historien bien connu, était un contemporain de Dumas, et il écrivit de son côté, dans le livre  La Mer (1861) : « Dans la nuit de la Saint-Jean (du 24 au 25 juin), cinq minutes après minuit, la grande pêche du hareng s’ouvre dans les mers du Nord (…) Ils montent, ils montent tous d’ensemble, pas un ne reste en arrière. La sociabilité est la loi de cette race; on ne les voit jamais qu’ensemble. Ensemble ils vivent ensevelis aux ténébreuses profondeurs (…) Serrés, pressés, ils ne sont jamais assez près l’un de l’autre (…) Millions de millions, milliards de milliards, qui osera hasarder de deviner le nombre de ces légions ? ».

Pourquoi ces deux courts textes ? Parce qu’ils montrent une évidence : il y a 150 ans, alors que l’espèce humaine occupait le monde depuis des centaines de milliers d’années déjà, nul n’envisageait les limites de l’océan mondial. On pouvait y puiser sans fin pour nourrir les hommes, on n’en viendrait jamais à bout. La pêche industrielle a détruit en moins d’un siècle des équilibres écologiques stables – dynamiques, mais stables – depuis des millions d’années. Et ce qui est vrai de la mer l’est de l’eau, dont notre corps est fait à environ 70 %. À peine si l’idée pourtant réaliste que nous sommes en train de nous attaquer à coup de canons chimiques au cycle de l’eau douce, que l’on croyait pourtant éternel, à peine si cette idée commence à se répandre. L’impératif catégorique serait de briser le cadre des pensées anciennes, et de proclamer qu’il ne faut plus rien polluer. Que l’eau est sacrée. Que celui qui la profane est un criminel des profondeurs. Fuck Off ! Veolia et Suez. Fuck Off ! J’ai encore assez de jus en moi pour rêver d’un monde où les dépollueurs de l’eau auraient disparu.

De la mer, je suis donc passé aux eaux douces, si durement traitées, et je pense maintenant à l’air. Ce dimanche soir, j’apprends que « la région parisienne est en alerte pollution, du fait du taux élevé de particules fines dans l’air ». Je vis dans cette partie du monde, et je sais que certains d’entre nous, parmi les plus faibles, les plus vieux, les plus jeunes, les plus asthmatiques, vont mourir d’avoir été exposés à ces horribles poisons. Et tout le monde le sait. Cela m’amène à rapprocher l’air et le climat des mots écrits par Dumas et Michelet il y a 150 ans. Même à l’époque de la première vague écologiste, celle d’Ivan Illich, celle d’André Gorz, celle de René Dumont – chez nous -, il y a quarante ans, nul (ou presque) ne voyait le climat comme une menace globale.

Nous avons fait de cet auxiliaire premier de la vie un ennemi, peut-être implacable. C’est une nouveauté si radicale que nombre refusent d’y croire. Parmi eux des Allègre, qui ne comptent finalement pas tant que cela à mes yeux. Et puis d’autres, dont je sais la sincérité et la probité, ce qui me navre bien davantage. Où veux-je en venir ? À ce constat mi-rigolard mi-désespéré que l’époque est rude pour les cœurs tendres que nous sommes. On a cru la mer inépuisable : elle se vide chaque jour un peu plus. On a imaginé le cycle de l’eau hors de portée : un nombre croissant de fleuves n’arrivent plus à la mer. On a négligé l’atmosphère et le climat tant qu’on a pu, pour découvrir enfin que nous sommes en train de détruire la régularité du temps et des précipitations, qui a pourtant permis l’éclosion des civilisations d’où nous venons en ligne directe.

Où veux-je en venir ? Nous avons grand intérêt à serrer nos voiles, nous avons grand intérêt à nous regrouper pour nous tenir chaud, car l’heure des tempêtes est devant nous.

Mélenchon et les Indiens de Sarayaku (ode à la « révolution citoyenne »)

Pour Grego

Habitué aux sports de haute voltige, je vais commencer, moi qui ai conchié tant de fois Jean-Luc Mélenchon, par lui rendre hommage. Attention, c’est un saut périlleux arrière retourné, et je ne suis pas sûr de bien me rattraper. Roulement de tambour. Les paroles de Mélenchon dans Libération (ici) m’ont paru sortir du cadre habituel de la simple propagande. Cette dernière y était bien sûr, mais pour qui s’en tient aux mots, nul doute qu’il y avait là une petite musique intéressante.

En deux mots, Mélenchon y affirme que le tournant de son Parti de Gauche vers l’écologie n’a rien de tactique. Il s’agirait d’une conversion profonde et sincère. L’avenir, bien que présenté d’une manière nébuleuse, appartiendrait à la « règle verte », à la « planification écologique ». Certaines formules prêtent tout de même à sourire, comme : « Il faut cesser de produire et d’échanger dans des conditions telles que la capacité de renouvellement de l’écosystème n’y répond plus. C’est simple, ça se chiffre et ça se planifie ». Mais au total, allez, une mention passable. Inutile d’insister, à ce stade, sur le but à peine caché de faire disparaître, à terme, le parti EELV. Au reste, je m’en fous bien.

Où sont passés les textes de 1992 ?

Pour être honnête ou tenter de, signalons les 18 thèses pour l’écosocialisme proposées au débat dans le Parti de Gauche (ici, puis chercher un peu). J’ai lu, ce qui ne doit pas être le cas de tout le monde. Si je veux être (très) gentil, je dirai que c’est rempli de proclamations et de bonnes intentions. Un peu comme le programme du parti socialiste d’avant 1981, que défendait d’ailleurs, à l’époque, Mélenchon. On a vu. Les programmes de partis sont comme des promesses. Des mirages. Et si j’essaie d’être franc, j’ajouterai qu’il s’agit de vieilleries assez consternantes. Le mot écosocialiste, désolé de faire de la peine aux mélenchonistes, a été employé à de nombreuses reprises dans le passé, et a même été défendu avec clarté par la Ligue communiste révolutionnaire il y a de longues années.

Le pire n’est pas là : il n’y a aucune analyse de la situation réelle du monde. De la dislocation déjà entamée de nombreuses sociétés sous le coup de la crise écologique. On se croirait en 1970. On y est, d’ailleurs. La crise diabolique du climat, la crise sans limites apparentes de la biodiversité, la crise mortelle des océans, la crise planétaire des sols fertiles ne sont pas au tableau. En somme, les questions politiques les plus essentielles ne font pas partie de la discussion publique. Quel étrange parti écosocialiste.

Retour à Mélenchon. Il est important de savoir ce que ce politicien pense. Non pour lui, je l’avoue, mais à cause des gens, souvent d’excellentes personnes, qui croient en lui. Mélenchon, dans l’article de Libération évoqué, se vante de textes qu’il aurait écrits sur l’écologie dès 1992. Qu’il les publie donc, que l’on puisse rire un peu ! Ne remontons pas à Mathusalem, seulement au 22 octobre 2012. Ce jour-là, l’agence chinoise Xinhua publie une dépêche (ici, en français) qui résume un entretien que lui a accordé Mélenchon. Que dit-il ? « Je considère que le développement de la Chine est une chance pour l’humanité ». Une telle phrase, je pense, a le mérite de la clarté, mais comme elle m’a littéralement soufflé, j’ai cherché une confirmation. Les bureaucrates chinois, staliniens dans l’âme, avaient peut-être tordu le propos de notre grand Leader Écosocialiste ?

La croissance chinoise est une chance pour l’humanité

Eh bien non. Le 28 octobre 2012, Mélenchon était l’invité de Tous Politiques sur France Inter (ici), et y parlait à nouveau de la Chine (à partir de la minute 44). Il y confirme sans détour que la « croissance chinoise est une chance pour l’humanité ». Je crois pouvoir affirmer, car à la différence de Mélenchon, je sais de quoi je parle, que notre Grand Homme de poche démontre ainsi qu’il n’a strictement rien d’un écologiste. L’inculture profonde, l’ignorance abyssale ne sauraient être une excuse pour raconter de telles inepties. Car la Chine, comme je l’écris en de nombreux endroits depuis une dizaine d’années, nous menace tous, elle d’abord, d’un krach écologique à côté duquel la Grande Dépression d’après 1929 ressemblerait à une dispute pour un bout de chocolat.

Je n’ai pas le temps de détailler, mais même ici, sur Planète sans visa, il est aisé de retrouver certains textes grâce au moteur de recherche. La Chine, qui devient la plus grande économie mondiale, n’a plus d’eau, plus d’air, plus de terres agricoles capables de supporter une croissance démentielle. Et elle ruine en conséquence, pour des siècles au moins, quantité de pays d’Asie – le Cambodge et le Laos sont en haut de la liste – et désormais d’Afrique, s’emparant aussi bien du bois que du pétrole ou encore de millions d’hectares de terres destinées à produire, in fine, la viande que réclame tant sa classe moyenne.

Dire que la croissance chinoise, qui n’est que dévastation, est une chance pour tous n’est pas seulement imbécile. C’est aussi criminel. Je pèse mes mots, si. Dans la même émission d’Inter, Mélenchon se répand comme à son habitude sur la supposée vitalité des gauches latino-américaines. C’est justement de cela que je voulais vous parler, comme en atteste le titre que j’avais placé tout là-haut avant de commencer ce roman-fleuve. Le 17 février 2013, l’Équateur vote pour l’élection de ses président et vice-président de la République. Le président actuel, Rafael Correa, se représente et espère l’emporter une nouvelle fois. Qui est-il ? Un homme de gauche, à coup sûr. Est-il plus proche de la ligne Chávez que de la ligne Lula ? C’est hautement probable, et ce qui est certain, c’est que Correa est l’un des grands inspirateurs de Mélenchon. Il a notamment popularisé l’expression un brin étrange connue sous le nom de « révolution citoyenne » que le Français arrange désormais à toutes les sauces. Pendant la campagne présidentielle du printemps dernier, Correa a envoyé à Mélenchon un vibrant message de soutien, rendu public, qui commençait ainsi : « Querido Jean-Luc ». Et finissait par ce vieux slogan guévariste : «  ¡ Hasta la victoria, siempre ! ».

Les 1200 habitants de Sarayaku

Je pense que cela suffit pour établir la grande proximité entre les deux hommes. Et je poursuis. Les élections équatoriennes approchent, et surtout, ne quittez pas, car je vais (probablement) vous apprendre quelque chose. L’Équateur est un pays deux fois plus petit que le nôtre, peuplé de 15 millions d’habitants. Entre Quito, la capitale, installée sur les flancs d’un volcan, à 2850 mètres d’altitude, et l’Amazonie équatorienne, il n’y a pas grand chose en commun. Dans la forêt légendaire, des peuples indiens survivent tant bien que mal. Mal. Et parmi eux les kichwa. Et parmi eux, les 1200 habitants du village de Sarayaku (ici). Ils vivent de, ils vivent avec la forêt depuis des milliers d’années.

Mais le pétrole ne vaut-il pas mieux que tout ? Voici un court résumé, emprunté à Frontière de vie (ici) : « Afin de développer l’exploitation du pétrole amazonien, l’Etat équatorien a emprunté des milliards de dollars à l’étranger, s’endettant de façon effrayante. Cercle vicieux, l’Etat ne peut espérer rembourser ses dettes qu’en augmentant encore l’exploitation pétrolière, ce qui implique une surexploitation dépassant toutes limites. 1.500.000 hectares de forêts sont déjà en exploitation. 500 km de routes ont été construites pour permettre l’installation de 400 puits de pompage. Ces puits génèrent quotidiennement 17 millions de litres de déchets toxiques non traités. Ces déchets sont déversés dans des bassins à ciel ouvert qui débordent lors des pluies tropicales et se répandent dans la forêt. Dans certaines rivières, toute vie a disparu ».

Un grand désastre, donc, synonyme de « développement », cette parole maudite qui réunit les droites comme les gauches. Mais Sarayaku résiste aux compagnies pétrolières depuis 25 ans. Surtout depuis qu’en 2003, ces frères humains ont réussi à foutre dehors des ouvriers payés par un pétrolier, défendus par 400 militaires, venus pour de premiers travaux. Il est impossible de seulement évoquer les principaux événements de cette saga. Elle fait des habitants de Sarayaku des héros de l’humanité. Et ils tiennent. Encore et toujours. Greg m’envoie de Colombie un article du quotidien de Bogotá El Espectador (ici, en espagnol). J’y apprends que Los hijos del jaguar, les fils du jaguar comme ils se nomment, sont au cœur du débat de la présidentielle en cours. Correa, ce fier combattant de la « révolution citoyenne » entend ouvrir un peu plus aux pétroliers l’Amazonie équatorienne,. D’un mot, l’Équateur est l’une des zones les plus riches en biodiversité de notre planète. Peut-être la plus riche. Sans doute. On y a recensé environ 1 600 espèces d’oiseaux, 4 000 d’orchidées, 382 de mammifères.

 Les Indiens vendus par Correa aux transnationales

Je lis une dépêche en espagnol de l’agence chinoise – décidément – Xinhua, en date du 29 novembre 2012 : « El gobierno de Ecuador convocó hoy a la XI Ronda Petrolera de Licitación 13 campos del suroriente del país para la exploración y explotación de crudo, en medio de la resistencia de comunidades indígenas de la Amazonía ». Le gouvernement de Quito vient de lancer des enchères pour l’exploitation de 13 champs pétrolifères au beau milieu de la résistance de communautés indiennes de l’Amazonie. Voici les propres mots du querido compañero de Mélenchon, Correa soi-même : « Bienvenidos todos los inversionistas que buscan esa rentabilidad razonable, pero con altísima responsabilidad ambiental ». Bienvenue à tous les investisseurs qui cherchent une rentabilité raisonnable, mais avec un haut sentiment de responsabilité environnementale : on croirait du Total dans le texte. Mélenchonistes éventuels, qui me lisez, épargnez-moi vos leçons : Correa vend son pétrole et les Indiens qui sont au-dessus aux transnationales.  Point final. Et tant pis pour le climat, et tant pis pour la biodiversité, et tant pis pour ces extraordinaires cultures indiennes qui sont pourtant, razonablemente, une partie de notre avenir possible.

Alors, désolé, je ne marche pas. L’écosocialisme vérolé que Mélenchon tente de fourguer en France à des crédules – chaque génération a les siens -, non merci. À moins, amis mélenchonistes, que je ne me trompe ? À moins que The Great Leader Chairman ne vole publiquement au secours des Indiens de Sarayaku, et désavoue son cher ami Rafael Correa ? Ce serait, pour le coup, une vraie nouvelle, susceptible de me faire changer d’avis sur ce que je tiens pour une pure foutaise. Tenez, il y a même un rendez-vous : en avril 2013, Correa prévoit l’organisation à Quito d’un forum mondial de sa soi-disant « révolution citoyenne ». Mélenchon a, je crois, prévu d’y aller. C’est le moment, camarade écosocialiste, de prouver que les mots et proclamations ont un sens.

Comment bidonner le débat sur l’énergie ?

Cet article a été publié dans Charlie-Hebdo du 21 novembre 2012

Avant de vous laisser avec ce papier, un commentaire s’impose : vous ne trouverez la plupart des informations qu’il contient nulle part ailleurs. C’est un fait. Qui me fait réfléchir à cette rude question : qu’est donc une information utile ? Et par voie de conséquence : à quoi sert de déterrer des faits ? Notez que ce ne sont que des questions, pas des conclusions. Voici l’article :

Carton plein pour Delphine Batho, ministre de l’écologie. Pour organiser un débat sur l’énergie, elle prend quatre partisans du nucléaire et du pétrole, plus une anguille politicienne. Chapeau bas.

Vous ne connaissez pas Laurence Tubiana ? C’est un tort, les gars et les filles. Les socialos, à peine au pouvoir, avaient promis une grande discussion publique sur ce que les gens sérieux appellent la « transition énergétique ». C’est-à-dire le passage d’une économie menée par le charbon, le pétrole, le gaz et le nucléaire à une autre, encore dans les limbes, où domineraient les renouvelables, à commencer par le solaire et l’éolien. On appelle cela le « débat sur l’énergie ».

Ce que les socialos avaient oublié de dire, c’est que l’arnaque était au programme. Résumons : la ministre de l’Écologie, Delphine Batho, annonce le 10 novembre la composition d’un comité de pilotage comprenant cinq « personnalités ». Citons Anne Lauvergeon, ancienne patronne d’Areva, militante du nucléaire. Puis Pascal Colombani, ancien administrateur du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), militant du nucléaire. Enfin Bruno Rebelle, ancien de Greenpeace et remarquable anguille.

Rebelle a fait la campagne de Royal en 2007, puis tenté de torpiller en 2008 la candidature Voynet l’écolo à Montreuil, où il a figuré sur la liste municipale de Brard, ancien stalinien, tout en animant un microcourant interne au PS. Il faut suivre. Après avoir tenté de couler Voynet, il rejoint Europe Écologie (EELV) en juillet 2009, juste après le triomphe des écolos aux élections européennes. Un pur hasard, sûr. Mais début 2012, alors que se profile la victoire de Hollande, il retourne au PS. Quelle énergie, hein ?

Bon, et les deux autres ? Voyons le cas Tubiana.  C’est un monument du « développement durable », oxymoron bien connu. Madame Tubiana est de tous les comités Théodule, en France comme ailleurs, et elle est férocement de gauche, puisqu’elle a été conseillère de Jospin quand celui-ci était Premier ministre en 1997. Parmi tant d’autres breloques, elle est directrice de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), sorte de gros think tank associé à Sciences Po. Racontons à ce propos une belle histoire, qui se passe le 19 octobre 2007 à Paris.

Ce jour-là, l’Iddri invite pour une conférence celui qu’on appelle au Brésil le « roi du soja », Blairo Borges Maggi en personne. Sa boîte, Grupo André Maggi, est le plus grand producteur de soja dans le monde. Or quelques semaines auparavant, le journal Le Monde a mis en cause Maggi dans la déforestation massive de l’Amazonie, et l’heure a sonné d’une grande opération de « communication ». Grâce à l’Iddri. Précisons que le soja, transgénique en l’occurrence, était inconnu au Brésil vers 1970, et qu’il y occupe aujourd’hui des dizaines de millions d’hectares. Au détriment de la forêt ? Et des Indiens, et des petits paysans ? Devine. C’est ce philanthrope que madame Tubiana invite à faire sa pub à Paris, le 19 octobre 2007, sous les applaudissements de l’Iddri. Titre de la conférence :  « Production agricole, commerce et environnement, le cas de l’État du Mato Grosso ».

À ce stade, posons cette horrible question : qu’est donc l’Iddri ? Qui paie les raouts, les conférences, les billets d’avion ? Madame Tubiana elle-même ? Peut-être, ou pas. On trouve dans le collège des fondateurs les entreprises suivantes : EDF, EpE, GDF Suez, Lafarge, Saint-Gobain, Veolia Environnement. Et dans EpE, d’excellents garçons comme Bayer, BASF, Vinci, EADS, et même Total. Madame Tubiana est bien entourée, et peut noblement piloter le débat sur l’énergie, pas ? Reste le cinquième personnage du comité Batho. Lauvergeon, Colombani, Rebelle, Tubiana : qui est le dernier ? Eh bien, il se nomme Jean Jouzel, et il est climatologue.

Est-ce tout ? Non. Il siège au conseil d’administration de l’Iddri, en compagnie de Total – le pétrole -, EDF – le nucléaire – et GDF Suez – le gaz. Pour ne rien vous cacher, il est même président de l’Iddri que dirige madame Tubiana. Est-ce tout ? Non. Il a fait toute sa carrière scientifique au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Cette fois, on y est, le compte est bon.

Trois mots encore sur Notre-Dame-des-Landes

C’est bien triste pour moi, mais je n’ai pas été de la fête. Pour une raison impérieuse, que je ne peux donner ici, je n’ai pas pu aller à Notre-Dame-des-Landes samedi passé. Mais j’ai vu à quel point c’était splendide. Merci aux lecteurs de Planète sans visa d’avoir raconté leur voyage, et sachez que j’ai évidemment tout dégusté, jusqu’à la dernière ligne.

Combien étions-nous – car j’étais là tout de même – dans le bocage ? Nul ne le sait, mais enfin, déplacer des milliers, des dizaines de milliers de personnes d’un bout à l’autre de la France pour se crotter les pieds dans un chemin creux, cela relève de l’exploit. Ce que je ressens en pensant à ce rassemblement, c’est ce que les anciens navajos appelaient hozro. Un mot si puissant qu’on ne peut le traduire. Il signifie marcher dans la beauté du monde, être en harmonie avec lui, de plain-pied avec ce qui nous entoure, avec le jour qui lève. Oui, vous qui avez participé à cet événement, et vous tous qui l’avez soutenu d’ici ou d’ailleurs, vous avez – nous avons – vécu un instant hozro. Et personne ne nous le reprendra plus.

Quoi d’autre ? Le début fragile d’un mouvement qui se cherche et se cherchera longtemps encore. Le passage d’un monde dominé par les objets et les choses à un autre où règnerait l’esprit et les valeurs humaines les plus essentielles, ce passage ne peut que prendre du temps. Mais il n’y a rien de pire, au point où nous en sommes, que l’immobilité. Notre-Dame-des-Landes crée du mouvement, et qui est en mouvement avance. Vers où ? Commençons par marcher.

Pour le reste, et en quelques mots, voici ce qui me fait soutenir les combattants de Notre-Dame-des-Landes. Je le précise pour éviter tout malentendu, il n’est pas dans ma tête de hiérarchie. Dans le désordre qui m’habite, j’extrais :

– La vie. Près de 2 000 hectares habités par des êtres de toutes sortes, de l’arbre au ver, de la grenouille à la terre mouillée, du loriot au murin de Daubenton, de l’orchis brûlé à l’ache inondée. Ils étaient là avant nous, je leur souhaite ardemment d’au moins survivre à notre barbarie.

-Les gens. La rencontre, en 2008, avec Marie, Elisabeth, Paul et les autres a modifié, d’une manière invisible mais réelle, ma trajectoire. Ces habitants du bocage menacé m’ont fait sentir l’extraordinaire injustice qui leur est faite. Depuis, je pense à eux. Pas chaque jour, mais souvent. Ils comptent. Ils font partie de ma vie.

-Les zones humides. Nos si ridicules dirigeants n’ont jamais entendu parler de zones humides, ces territoires où l’eau est reine, essentiels à la régulation des rivières et de leurs crues, essentiels à la recharge des nappes, essentiels à la dépollution des conneries que tous les Ayrault de la Terre fabriquent et disséminent. 98 % du territoire convoité pour l’aéroport est une zone humide et l’ONU vient de publier son millième rapport – solennel, comme à l’habitude – sur la question. En un siècle, la planète a perdu la moitié de ses zones humides, et la France du drainage intensif, sans doute davantage.

-L’avion. Je déteste l’avion. Non pas le voyage en avion, et même si je n’utilise plus qu’avec la plus extrême parcimonie ce moyen de déplacement, je dois dire qu’il m’a souvent rendu heureux. Partir de Paris, débarquer à New York, ou Dakar, ou Alger, ou Managua, ou Tegucigalpa, ou Mexico, ou Moscou, ou Delhi, ou Miami, ou Londres, ou Lima, ou Buenos-Aires, ou Montreal, ou Nairobi, ou Dacca, ou Rome, ou Madrid, tant d’autres villes, cela me fut un immense plaisir. Mais dans le même temps, j’ai toujours su que l’avion était une façon désastreuse de penser le monde. En écrasant la distance, en compressant le temps, jusqu’à donner à la vitesse le pouvoir de décider à notre place. La vitesse est l’ennemie du genre humain, de la pensée, de la réflexion, de l’action même. Puis, j’ai toujours su, je crois, que l’avion signifie opposer ceux d’en-haut et ceux d’en-bas. Ceux qui prennent un taxi à la sortie de JFK et ceux qui croupissent dans les bidonvilles de Kayelitsha, Dharavi, Kibera ou Vila Cruzeiro. Ceux qui vont bronzer leur cul à Bali ou Saint-Domingue, à Djerba ou aux îles Maldives, et ceux qui vendent le leur ou celui de leurs gosses. Le tourisme de masse est l’une des formes les plus achevées de la destruction du monde et de ses cultures. Et l’avion est le prophète de ce criminel définitif.

-Le climat. Cette infâme trouvaille d’Airbus appelée A380 – premier vol commercial en 2007 – consomme, d’après ses ingénieurs, 15 % de kérosène en moins que ses prédécesseurs. Mais le plan commercial de l’avion misait – bien obligé – sur un triplement du trafic aérien en vingt ans. En somme, on consommera peut-être un peu moins par avion en 2025, mais beaucoup plus compte tenu de l’explosion du trafic. La loi française de 2005 oblige à réduire de 80 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. On ne le fera évidemment pas. Chirac, Hollande, Sarkozy seront morts depuis longtemps. Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est un déni flagrant, insupportable de la crise climatique dans laquelle leur « développement » nous a plongés.

Bien au-delà de ce que je viens d’écrire, la bataille de Notre-Dame-des-Landes apparaît de plus en plus comme une croisée des chemins. Où l’on continue droit devant, sur cette autoroute du malheur, où nous attendent la dislocation des sociétés humaines, la dévastation finale des écosystèmes, et des affrontements de nature biblique, ou bien nous bifurquons. Le chemin de traverse n’est pas la voie de la tranquillité. Il nous obligera à l’intelligence et à l’humilité. Au courage, à l’extrême solidarité, aux plus grands sacrifices. Comble de tout, rien ne nous garantira jamais le succès. Mais c’est en tout cas le sentier de la vie pour tous, sur cette Terre qui devient peu à peu inhabitable.

Il faut se convaincre que Notre-Dame-des-Landes est une cause supérieure, pour laquelle nous devons donner beaucoup. Du temps, de l’argent, des actes. La coalition des idiots et des salauds doit être défaite. Rien ne dit avec certitude qu’elle le sera. Rien ne m’ôtera de la tête qu’elle peut l’être.