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Kempf et Superno sur Notre-Dame-des-Landes

Je ne le dirai jamais assez : la bagarre de Notre-Dame-des-Landes est essentielle pour tout écologiste qui se respecte. Je n’ai pas le temps d’y insister, et vous donne donc à lire deux textes qui ne sont pas de moi. D’abord une chronique d’Hervé Kempf, parue dans son journal, Le Monde. Ensuite un billet du blogueur lorrain Superno. Je les salue tous les deux.

Une cause nationale

Hervé Kempf – 21 octobre 2012

Le lourd silence de Cécile Duflot, de José Bové, de Daniel Cohn-Bendit, de Nicolas Hulot et de tant d’autres sommités, le désintérêt des médias, la passivité d’Europe Ecologie Les Verts, le « courage fuyons » des élus PS informés des enjeux écologiques, l’apathie de la grande majorité des associations environnementales, le désir si manifeste de tout ce joli monde de tourner la page n’y font rien : ce qui s’est déroulé cette semaine et se poursuit ces jours-ci autour de Notre Dame des Landes, en Loire-Atlantique, est vital, crucial, essentiel. Si ceux pour qui les mots « crise écologique » veulent dire quelque chose perdent cette bataille, si cet aéroport se faisait, le mouvement écologique en serait aussi durablement affaibli qu’il l’avait été, en 1977, par les événements de Creys-Malville.

On s’étonne que ne soit pas comprise l’importance de ce bras de fer. Mais peut-être faut-il, de nouveau, en expliquer les enjeux. Il s’agit, donc, d’un projet d’aéroport qui occuperait près de 2000 hectares de terres au nord de Nantes. Vieux d’une quarantaine d’années, il a ressurgi au début des années 2000. La résistance tenace, non violente, assise sur des expertises solides, de paysans, d’élus, d’écologistes, de citadins, d’habitants anciens et nouveaux, a retardé le projet. Elle a permis de voir que se cristallisent ici toutes les problématiques qui forment le complexe écologique de ce début du XXIe siècle. Ce n’est pas Trifouilly-les-Oies, c’est une cause nationale.

Alors que le Programme des nations unies pour l’environnement vient d’annoncer que les zones humides, essentielles à la biodiversité et à la régulation des écosystèmes, ont perdu dans le monde la moitié de leur superficie depuis un siècle, on s’apprête en France à détruire un site dont 98 % des terres sont des zones humides. Alors que semaine après semaine, les climatologues publient des études montrant la gravité du changement climatique, on s’apprête en France à construire un aéroport qui stimulera le trafic aérien, important émetteur de gaz à effet de serre. Alors que l’artificialisation des sols et la disparition des paysans sont officiellement déplorées, on la planifie ici, ce qui la justifiera ailleurs. Alors que le pouvoir du capital et les partenariats public-privés sont partout dénoncées, on donne les clés du projet à la multinationale Vinci.
Il y a des moments où il faut savoir dire non. Il est temps que se fassent entendre ces « Non ».

Source : Cet article est paru dans Le Monde daté du 21 octobre 2012. On peut le trouver ici : http://www.reporterre.net//spip.php?article3367

Superno (ici)

 

Assourdissant silence médiatique sur la guerre civile contre l’écologie à l’Ayraultport de Notre-Dame-des-Landes

[La démocratie et l’écologie selon Jean-Marc Ayrault. Cette photo a été prise ces dernières heures à Notre-Dame-des-Landes. Je n’en connais pas l’auteur, mais s’il se fait connaître je le créditerai et le remercierai.]

Ce qui se passe en ce moment même à Notre-Dame-des-Landes est un scandale véritable. Et le deuxième scandale, c’est que tout le monde s’en fout !

La télé, les grands médias, n’en parlent quasiment pas. Un entrefilet sur France Info, un bandeau de quelques secondes sur Itélé, point barre. Ah si, un petit article dans “Le Monde”, un autre sur rue 89. Mais rien dans les JT nationaux.

Sur Internet, c’est à peine mieux. Il faut dire que depuis que Hollandréou et sa clique ont pris le pouvoir, la plupart des blogueurs “de gauche” sont de plus en plus mal à l’aise, le cul entre deux chaises, et se ridiculisent à défendre des gens et des trucs indéfendables (genre le TSCG et le prix Nobel à l’UE). Et puis il faut bien dire qu’il y a des sujets autrement plus importants . Ah, si c’était Sarkozy qui s’était amusé à faire la même chose, c’eût été la révolution !

Je ne suis même pas sûr que chacun d’entre vous connaisse les détails du projet de Notre-Dame-des-Landes, et sache ce qui se passe là-bas, maintenant.

Je vais donc essayer de vous le résumer.

Tout d’abord, il y a déjà un aéroport à Nantes, l’aéroport de Nantes Atlantique (anciennement Château-Bougon), à quelques kilomètres au sud-ouest de la ville. Un bel aéroport, d’ailleurs. En place depuis des dizaines d’années. 3 200 000 passagers par an. Et capable d’en accueillir bien plus, puisque lorsque le volcan islandais a fait des siennes, ce sont 20 000 passagers par jour qui y sont passés dans des conditions correctes. On peut donc supposer que son seuil de saturation est au delà de 7 millions de passagers par an.

Il a même obtenu en 2011 le prix européen du meilleur aéroport décerné par l’ERA (European Region Airlines Association). C’est dire s’il est pourri et bon à jeter.

Au passage, il y a au total 14 aéroports dans l’ouest de la France. Cela pourrait sembler suffisant…

Seulement voilà. Aéroport ancien et opérationnel, ça veut dire possibilité de bétonnage supplémentaire limité. Pas bon pour la “croissance”. Et pas bon pour le bétonneur Vinci, société multinationale bien connue pour sa rapacité et son influence sur les politicards, et qui cogère l’aéroport de Nantes Atlantique.

Le maire de Nantes depuis plus de 20 ans s’appelait jusqu’en juin dernier Jean-Marc Ayrault. Un notable régional médiocre, un roublard de la politique comme on en connaît hélas tant. Or, quand un élu le reste trop longtemps, chacun sait qu’il a une fâcheuse tendance à se monarchiser ou se dictateuriser, on ne connaît que trop bien le problème en Lorraine avec Metz et Nancy.

Toujours partant pour faire parler de lui ou pour laisser une trace dans l’histoire régionale, le maire écoute forcément d’une oreille attentive les margoulins cupides qui se pressent autour de lui.

Ayrault, comme Hollande et tous les “socialistes” archaïques, en est resté aux 30 glorieuses, au béton, au nucléaire, et à la sacro-sainte “croissance” qui s’est évanouie mais pour laquelle ils sont prêts à tout sacrifier dans l’espoir de son retour, un peu comme un amoureux éconduit qui ne comprend pas que c’est foutu, elle ne reviendra jamais. En particulier, ils ne semblent jamais avoir entendu parler de Peak Oil ou de réchauffement climatique.

Complètement plongés dans la politique, avec une vision rétrécie qui ne dépasse jamais l’horizon de la prochaine élection, ils n’ont pas vu le temps passer, le monde changer. Oh, ils ont bien entendu parler d’écologie, mais ils n’y ont rien compris. Des conseillers en comm leur ont dit d’en parler ? OK on en parle. Mettez-moi un ou deux ministres écolo, fermez moi une vieille centrale nucléaire, une bagnole hybride pour le président, Montebourg qui se promène en voiture électrique, et voilà, ça fait la rue Michel. Pour le reste ? Ben on change rien, c’est croissance, nucléaire, béton et bagnole.

Il est d’ailleurs assez symptomatique de voir sur Twitter des arguments en faveur de l’Ayraultport qui soient défendus par Théo Aubin, le cheffaillon régional des “jeunes de la droite populaire” ! (Au passage, visez l’oxymore ! Jeunes sur leur carte d’identité, et déjà tellement vieux cons dans leur tête !). Ça ne vous interpelle pas ?

Le projet de Notre-Dame-des-Landes est ancien. On avait même failli réussir à le justifier pour faire atterrir… le Concorde ! C’est dire le niveau et la clairvoyance de nos dirigeants. Qui n’a pas évolué depuis 40 ans.

Mais un jour, j’imagine que quelqu’un de désintéressé à dû souffler à l’oreille de Ayrault qu’un deuxième aéroport à Nantes ce serait bien pour la croissance, pour le rayonnement régional, pour celui du maire, aussi, hein, hé hé…

Et l’aéroport actuel ? Comme le vieux chien dont on veut se débarrasser, on l’accuse de la rage. Ah ? Euh… Oh… Il est vieux et tombe en ruines… Avec la croissance du trafic, il sera bientôt saturé… Et puis il est… dangereux !

Comme on l’a vu, cet aéroport est loin de la saturation. Et personne ne l’a jamais trouvé dangereux, ni les pilotes, ni la Direction Générale de l’Aviation Civile. Et s’il doit tomber en ruines, c’est que plus un investissement n’y est fait en raison du nouveau projet.

Souvent, dans les projets régionaux, les clans s’affrontent et cela peut donner des catastrophes aberrantes. Tout près de chez moi, il y a l’exemple magnifique de l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine et de la gare de Cheminot. Après une guerre Metz-Nancy, l’aéroport a été construit, pour ne froisser personne, à exacte distance entre les deux. Sauf qu’il est perdu dans le trou du cul du monde et qu’il faut faire 25m pour y aller. D’ailleurs il y a très peu de trafic, et c’est un gouffre à pognon qui fermera tôt ou tard. Ensuite, il fallait construire une gare TGV. Là encore, deux clans se sont battus. Les uns voulaient cette gare à Cheminot, près de l’aéroport, d’autres à Vandières. C’est la première solution qui a été retenue. Merveilleux. Sauf que cette gare, qui se trouve aussi dans le trou du cul du monde, n’est reliée à rien. Même pas à l’aéroport, distant de quelques km seulement, et encore moins au réseau TER. Du coup, il est à nouveau question de construire une nouvelle gare à Vandières. Bref. Et on confie l’avenir de nos enfants à cette engeance…

Ayrault n’a pas eu ce problème à Nantes. Dès qu’il s’agit de “croissance ou de béton”, l’UMP est toujours d’accord. Comme le PCF. Et les barons du Grand Ouest, comme Fillon et Raffarin, ont soutenu ce projet ridicule et scandaleux. Pour être honnête, il y a un peu d’opposition. Le Parti de Gauche, par exemple (au passage on notera encore une fois que le “Front de Gauche” est un attelage très étrange…). EELV, bien sûr, dont on reparlera. Le Modem, aussi. Ségolène Royal. Et Philippe de Villiers (qui lui n’est pas contre l’aéroport, mais le trouve trop loin de la Vendée, et voudrait donc… construire un nouveau pont sur la Loire… Du béton, des bagnoles, on n’en sort pas). Mais tous ces gens-là ne pèsent pas grand-chose face au Front du Béton.

Le nouveau projet d’aéroport se situe au nord-ouest de Nantes, plus loin, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Tant mieux, c’est toujours autant d’autoroutes et de béton à construire. La surface totale du terrain à saccager est de 1650 hectares. Monstrueux ! Cette ZAD (“Zone à Aménagement Différé”, que les opposants ont rebaptisée “Zone à Défendre”) se trouve dans un secteur rural et fragile. Inutile de préciser que l’eau du secteur a du souci à se faire. Au moment où l’agriculture bio peine à décoller car elle ne trouve pas de terrains pour l’accueillir, inutile de préciser qu’on est en présence d’une ineptie sans nom.

C’est un projet principalement privé, mené par Vinci, qui en obtiendra la concession pour 55 ans ! Le coût du projet, sous-estimé à un peu plus de 500 millions d’euros (la moitié d’argent public), serait en fait au total (comprenant donc les autoroutes) de 4 milliards d’euros.

Mais rien n’arrêtera les bétonneurs et leurs complices politiciens. Les gouvernements passent, et le projet se poursuit. On habille bien entendu l’ignominie avec les habits du droit (enquête d’utilité publique…). Le Grenelle de l’environnement Sarkozyste en 2007 aurait dû enterrer le projet définitivement, mais non, il se poursuit. Il faut dire qu’on a mis le paquet dans le greenwashing et l’intoxication médiatique. À écouter ces andouilles, ce site sera un merveilleux paradis écologique. Non polluant, autosuffisant en énergie. Labellisé “Haute Qualité Environnementale”. Pour un peu, ils nous feraient croire que seuls des avions à pédales ou à élastique vont s’y poser.

Voilà pour ce rapide résumé. Passons maintenant à l’actualité.

Depuis quelques années, et malgré la quasi-unanimité des politiciens du Front des Bétonneurs, la résistance s’est organisée sur place. Des riverains. Des écolos. Une association, l’ACIPA, compte désormais 3000 membres. Et même des citoyens engagés venus de loin : Notre-Dame-des-Landes est devenu un symbole de la résistance à l’absurdité. Des séminaires y ont eu lieu, réunissant décroissants, écolos, et “Vraie Gauche”. Force est de constater que la situation a comme un arrière-goût de Larzac, 40 ans après.

Tiens, le Larzac. Voilà qui doit faire mal au cul à quelques “socialistes” qui dans leur jeunesse y sont venus affûter leurs dents de lait contre le pouvoir de droite de l’époque. Mais comme les notaires de Jacques Brel, ils sont désormais passés dans l’autre camp..

Des propriétaires qui ont eu la malchance de se trouver sur la zone ont été sommés de déguerpir. Nombreux sont ceux qui refusent de vendre leur maison à Vinci. Et des maisons expulsées sont squattées par des opposants. La résistance s’est concentrée dans la ferme maraîchère du sabot où les derniers irréductibles se sont installés.

Et c’est dans ce contexte que les bétonneurs ont commencé à passer à l’action. Hier, ils ont envoyé 1200 flics (CRS, gendarmes mobiles, BAC…) déloger les empêcheurs de bétonner en rond. Mille deux cents ! Plus que l’effectif total de l’armée Luxembourgeoise ! Milice au service de Vinci. Des scènes de guerre civile dans le bocage nantais (cf photo d’illustration). Des robocops qui gazent les manifestants pacifiques, et selon certains témoignages, tirent au flash ball. C’est ça, la “gauche” ?

Les flics ont reculé hier soir le temps de la nuit, mais sont revenus ce matin. Et à l’heure où j’écris ces lignes les affrontements se poursuivent. Dans le silence télévisuel.

L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est un projet pharaonique et anachronique. C’est le triste résultat de raisonnements faits par des cerveaux malades de gens drogués depuis leur enfance par l’idée de “croissance”. Ces gens-là sont persuadés que le trafic aérien va poursuivre une croissance exponentielle, alors que dès qu’on regarde la situation sans œillères, on voit clairement que le secteur aérien sera l’un des premiers touchés par la crise de l’énergie et l’effondrement économique qui va s’ensuivre (et qui a déjà commencé).

[ça donne envie, hein ?]

Et puis ce qui est saturé, ce sont les plages et les stations balnéaires de la région, prises d’assaut en été. Même si le trafic aérien était multiplié par 3, où mettrait-on ces touristes ? On bétonnerait 3 fois plus Saint Jean de Monts ? On mettrait des mezzanines sur les plages ? C’est ridicule.

Comme le dit si bien Paul Ariès pour illustrer l’absurdité du concept de “croissance”, le problème n’est pas de faire grossir le gâteau, le problème c’est de changer la recette. Et dans cette recette, le kérosène, le béton est les avions n’ont pas leur place.

La croissance infinie n’existe pas, inutile de courir après. Il ne faut pas chercher toujours plus de croissance, il faut réfléchir aux moyens de vivre mieux sans croissance et les mettre en place. Respecter la planète au lieu de l’exploiter jusqu’à en faire un désert inhabitable et surchauffé. Si on écoute les croissancistes, on va creuser des puits de gaz de schiste dans tous les jardins, saloper toutes les nappes phréatiques pour repousser l’inéluctable de quelques années.
Ces “socialistes” n’ont rien compris à l’écologie. Pire, ils ne comprennent plus rien à rien. Notre-Dame-des-Landes juste après le TSCG, personne ne peut avaler ça. Quoi qu’ils en disent, ils veulent poursuivre et amplifier le nucléaire. Ils veulent faire baisser le prix de l’essence, et le nouveau “bonus/malus écologique” confirme le choix du “tout-diesel” cancérigène. Des aveugles, des incompétents, des irresponsables. Je n’ai pour ces gens que mépris. D’ailleurs, quand on voit qu’ils veulent pénaliser de 130 000 euros les impudents qui ont osé dire non au TSCG, quand on voit la procédure “démocratique” (similaire à celle utilisée par les communistes dans Tintin au Pays des Soviets) qui va se terminer ce soir par la nomination d’Harlem Désir au poste de premier secrétaire, on se dit que rien ne va plus dans ce parti.

Notre-Dame-des-Landes est encore plus symbolique depuis que son promoteur, Ayrault, est devenu premier ministre. Bon, il est en train de se planter, les Valls ou Touraine guignent déjà sa place en coulisses. Et pendant que les CRS gazent les résistants du “Sabot”, Môôssieur Ayrault part 4 jours en Asie du Sud-Est. Même pas de couilles !

Dans ces œuvres de malfaisance, le P”S” est toujours épaulé par les “écolos” d’EELV. Ils ont toujours deux ministres, des députés, des sénateurs, des voitures de fonction, du travail pour des dizaines de collaborateurs. Pour garder ce train de vie confortable, ils sont contraints de tout avaler. Ils n’ont rien dit pour le TSCG, rien pour le nucléaire, rien pour le diesel… Ils ne diront plus rien pour rien.

À Notre-Dame-des-Landes, ils n’ont jamais été à la pointe du combat, adoptant tout juste une opposition de principe. On se souvient d’un passage éclair d’Eva Joly, du seau d’épluchures jeté sur Nicolas Hulot. Mais depuis qu’ils sont au pouvoir, c’est pire.

Pour certains, c’est manifestement un supplice de se voir ainsi écartelé entre des convictions et la soupe. Le président d’EELV, Pascal Durant, s’est tout de même fendu d’un article sans ambiguïté. Les élus locaux ont aussi mis leur grain de sel. Et Yannick Jadot a trouvé sur Twitter le temps de condamner le projet et le déploiement de militaires.

Mais Cécile Duflot, d’ordinaire très prolixe sur Twitter, est totalement muette de saisissement sur le sujet. Idem pour son collègue Pascal Canfin. Extinction de voix totale. Et pendant qu’on prépare le bétonnage à Notre-Dame-des-Landes, la députée européenne EELV de la région Est, Sandrine Bélier, continue comme si de rien n’était à parler de biodiversité. Ce très grand écart est ridicule. Ces “écolos” ne sont même pas fichus de se rendre compte qu’ils cautionnent ces saloperies, qu’ils doivent quitter ce gouvernement où ils n’auraient d’ailleurs jamais dû entrer.

Le Canard Enchaîné nous apprenait cette semaine que l’élue EELV parisienne mise en examen pour un blanchiment d’argent présumé était aussi actionnaire d’une site internet de “sex shop bio”, et qu’elle vendait entre autres joyeusetés un “lubrifiant anal à l’extrait naturel d’écorce de goyave”. J’espère qu’elle en a mis quelques hectolitres de côté à l’attention de ses collègues ministres, parce qu’il y a là un marché de grande ampleur à la croissance prometteuse.

Terminons en remerciant les lanceurs d’alerte, des gens bien connus sur ce blog, et sur lesquels on peut compter :

Fabrice Nicolino, qui qualifie Jean-Marc Ayrault de “pauvre imbécile”. C’est inexact : il n’est pas pauvre du tout !

Corinne Morel Darleux, du Parti de Gauche, qui une fois de plus sauve l’honneur des politiques. Son billet sur Vinci.

Hervé Kempf et son site “reporterre.net”, auteur d’un article au titre ironique : la transition écologique a commencé

Si ce silence médiatique se poursuit, les opposants ne tiendront pas longtemps. Hollandréou a lâchement cédé aux “geonpis”, parce qu’ils ont été capables d’organiser un battage médiatique de grande ampleur. Avis aux vrais blogueurs de Gauche. Nous devons lui faire comprendre que ce projet est une folie et que comme Mitterrand en 1981 qui avait mis fin au délire au Larzac et à Plogoff, il se grandirait en reconnaissant cette colossale erreur.


Plus d’infos sur le sujet :L’association ACIPA, à suivre notamment sur son Twitter @ACIPA_NDL ou encore ici
https://zad.nadir.org/spip.php?article353
http://leflochingtonpost.wordpress.com/2012/10/16/occupation-militaire-a-notre-dame-des-landes/
http://lutteaeroportnddl.wordpress.com/
http://www.zebigweb.com/_NDDL.html
http://www.gauche-anticapitaliste.org/content/notre-dame-des-landes-quon-leur-envoie-la-troupe

C’est la guerre (à Notre-Dame-des-Landes)

Vous êtes sans nul doute au courant. Ce matin, des centaines de flics et de militaires, appuyés par des hélicoptères, ont délogé par la force un grand nombre d’habitants de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, où ce pauvre imbécile de Jean-Marc Ayrault, ancien maire de la ville, aujourd’hui Premier ministre, entend bâtir un second aéroport (voir ici, ici et ). En agissant de la sorte, le triste gouvernement de la France vient de franchir un pas qui, pour moi, révèle l’ampleur du gouffre entre eux et nous. Cette expression, « eux et nous », a beaucoup servi dans le passé des idées, et pas toujours, loin s’en faut, d’heureuse manière. Il n’empêche qu’elle m’est venue spontanément. Car entre ceux qui défendent un avenir possible pour les hommes et tous les êtres vivants d’une part, dont je suis, et les autres, il existe un univers. Quand je dis les autres, inutile d’insister je pense, cela fait beaucoup de monde. Mais c’est ainsi que je vois les choses, qu’y puis-je ?

Foin d’illusions : le gouvernement socialiste est un adversaire. Et même un ennemi. L’incroyable opération militaire lancée contre les habitants de Notre-Dame-des-Landes n’a rien à voir, évidemment, avec les tueries d’Alep, les massacres de la République démocratique du Congo, ni même les ignobles opérations menées au Brésil, en Argentine, au Paraguay pour chasser les petits paysans de leurs terres et y imposer le soja transgénique. Non, rien à voir.

Pour autant, il s’agit à mes yeux d’un acte de guerre, dans un sens précis : il marque une frontière, infranchissable. Il désigne deux camps irréconciliables, qui défendent assurément deux manières de voir la vie ensemble, et l’avenir qui nous attend. Pour leur part, les socialistes sont maîtres de tout le jeu politique alors que leur candidat à l’élection présidentielle n’a recueilli, au premier tour, que 25 % des électeurs inscrits. Au pouvoir, ils se montrent incapables de seulement imaginer régler les problèmes du modèle qu’ils défendent pourtant. Cette économie, cette banlieue, ce racisme fou, cette lancinante question des retraites, ce prix de l’énergie, ce nucléaire, cet effondrement de l’industrie automobile, ce chômage de masse interminable, mais c’est leur legs ! Le leur et celui de leurs jumeaux de l’UMP, car tous deux se partagent le pouvoir depuis des décennies sans que rien n’ait bougé, sans que rien n’ait jamais été résolu.

Ces derniers jours, burlesques au possible, ont vu le gouvernement chanceler sous des coups de butoir en papier mâché. Ridicules « pigeons » défendant les patrons de start-up, ridicule Peillon réclamant un débat sur le shit, ridicule Tartempion s’embourbant au sujet de la taxe télé dans les résidences secondaires, etc. C’est bien parce que Jean-Marc Ayrault est incapable, et risible à force, qu’il a cru malin de monter l’odieuse opération aéroportée contre ceux de Notre-Dame-des-Landes. Quand tout s’effondre, quand tout démontre que la politique ancienne ne peut rien et ne sait pas davantage, reste l’apanage essentiel de l’État : la coercition. Autrement dit ce monopole de l’usage prétendument légitime de la force.

On peut aussi le dire autrement. Ayrault, nécessairement soutenu en la circonstance par Hollande, a voulu montrer qu’il bandait encore. C’est vulgaire ? Que oui, ce l’est. Mais personne ne saurait l’être davantage que Jean-Marc Ayrault, qui masque de la sorte sa si cruelle impuissance politique. Je l’accuse, en plus de tout le reste, de violer allègrement la loi du pays qu’il représente si mal. Car en effet, la France est dotée depuis juillet 2005 d’une loi sur l’énergie dont j’extrais, de l’article 2, cette phrase : « En outre, cette lutte [contre le dérèglement climatique] devant être conduite par l’ensemble des Etats, la France soutient la définition d’un objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050, ce qui nécessite, compte tenu des différences de consommation entre pays, une division par quatre ou cinq de ces émissions pour les pays développés ».

De ce point de vue, Notre-Dame-des-Landes n’est pas seulement une lamentable ânerie, qui nous ramène de manière fantasmatique au temps où le climat semblait éternel. Franchement, est-il compatible de miser, avec de l’argent public, sur le développement du trafic aérien, et de prétendre diviser par cinq nos émissions de gaz ? Franchement. Mais ce foutu aéroport est aussi et surtout un symbole. Le symbole éclatant que culturellement parlant, au sens le plus profond, les socialistes ne lâcheront rien. Parce qu’ils en sont incapables. Parce qu’ils ne savent pas même ce que l’expression « crise écologique » contient d’inévitables contraintes au regard desquelles les leurs – par exemple le déficit public – perdent toute signification.

Bien entendu, mais faut-il, ici du moins, insister, les écologistes officiels EELV ne valent guère mieux. Ils ont abdiqué à propos de l’aéroport au moment où leurs petits chefs signaient un déshonorant accord électoral avec le parti socialiste. Et si j’écris déshonorant, ce n’est pas, non pas, pour me faire plaisir. C’est parce que lorsqu’on prétend que le feu est au lac, on ne se tourne pas vers le bac à sable pour y faire des pâtés. Alors que la crise infernale du climat est à nos portes, se vendre pour un ministère et demi est une insulte faite aux hommes.

Et pour le reste, bien sûr, MOBILISATION ! Non-violente, cela va de soi pour moi, mais MOBILISATION tout de même. Nous n’avons, nous les écologistes sincères, pas le droit de reculer. La bataille de Notre-Dame-des-Landes, qui ne fait que commencer, doit être gagnée. Perdre ici serait lâcher partout ailleurs. Ce combat est à mes yeux une cause sacrée. ¡ Sin jamás retroceder, adelante!

PS : j’attends les commentaires de tous les foutriquets écologistes enrubannés et décorés présents à la Conférence environnementale du mois dernier. Le mois dernier. Elle est bien belle, la transition écologique de cet excellent monsieur Hollande.

Pierre-Emmanuel Neurohr, prisonnier politique écologiste

Publié dans Charlie-Hebdo du 3 octobre 2012.

C’est un cinglé, mais dans ce monde de tarés, il n’y en aura jamais assez. J’ai connu Pierre-Emmanuel Neurohr il y a quinze ans, quand il s’occupait de déchets, et d’ordures, nombreuses on le sait. Après avoir travaillé pour Greenpeace, il avait créé une petite association, qui foutait le bordel à propos des incinérateurs, entre autres. Et puis il était parti à Bruxelles, puis à Prague, puis je ne sais où. Je me souviens d’une discussion longue avec lui, sur la dioxine, et la malignité des autorités françaises de l’époque, manipulées comme à l’ordinaire par les lobbies de l’industrie. Il avait les yeux et la voix de celui qui ne lâche pas. Il n’est visiblement pas du genre à lâcher.

Et voilà qu’il est en taule. À la Santé. Depuis le 7 septembre. Ça me paraît si incroyable que je me pince. Mais comme je viens d’avoir son avocat, Alexandre Faro, au téléphone, il faut bien s’y faire. En taule, en attendant un procès. Et il va mal, car il fait partie de ces étranges qui n’aiment pas être encabanés. À 44 ans, sans boulot, sans place dans le si magnifique édifice social, Neurohr a cramé ses vaisseaux.

Qu’a-t-il fait ? À cinq reprises depuis ce printemps, il est allé ouvrir à la pince coupante un grillage de cette saloperie d’aéroport de Roissy. Et puis il s’est avancé sur le tarmac, avant de se pointer devant le nez d’un long-courrier, les bras grands ouverts, pour arrêter la bête. Condamné une première fois en juillet, il a récidivé le 5 septembre, et cette fois, une jugesse a considéré « le risque qu’il fait courir aux usagers ». Cellule.

Que veut donc ce terroriste ? À la différence de tous les clampins qui parlent du dérèglement climatique sans vouloir rien changer de leurs conneries d’habitudes, Neurhor a décidé d’agir. Pour lui – et pour moi de même -, la crise climatique est la mère de toutes les batailles. Nos civilisations reposent, depuis l’origine, sur une relative stabilité des cieux. Sans la régularité des saisons et des pluies, pas de Pharaons, pas d’Athènes ni de Platon, pas de Rome ni de Cicéron, pas de France éternelle de Dunkerque à Tamanrasset. Neurhor n’hésite pas à rapprocher la folie ambiante de l’attitude générale, en son temps, face au grand massacre nazi des Juifs. Non seulement ce n’est pas futé, mais c’est de toute manière on ne peut plus inaudible. Les oreilles capables de seulement entendre cela n’existent pas.

Ce n’est pas une raison pour ne pas réfléchir. Un James Hansen, directeur de l’Institut Goddard d’études spatiales de la Nasa, grand lanceur d’alerte devant l’Éternel, a connu la geôle en 2009 pour avoir manifesté contre un projet de mine de charbon.  Pour lui et quantité d’autres – un énième rapport du Giec, angoissant, est prévu en 2013 –, la situation n’est pas loin d’être hors de contrôle. Et tout le monde s’en contrefout.

Or, rappelle Neurhor, nul sur cette Terre ne devrait émettre plus de 1,5 tonne de gaz à effet de serre par an. Si l’on s’en tient du moins à cette bluette passée selon laquelle nous sommes tous égaux. Et si l’on entend au moins stabiliser ces émissions qui ruinent toute chance d’un avenir humain. Un aller-retour Paris Montréal représente environ 2 tonnes de gaz. 11 000 Km de bagnole de chez nous, pareil. C’est chiant ? Oh, archichiant, car cela remet en cause tout ce qui a été construit si péniblement depuis 1789. La liberté de l’individu. Le droit de circulation et de mobilité. Surtout, ne faites pas chier : je ne propose évidemment pas d’affronter la liberté, ce point cardinal. Je suggère de penser, dans la liberté. Ça aussi, ç’est très emmerdant.

L’avocat de Neurhor : Alexandre Faro, 26, place Denfert-rochereau, 75014 Paris. Courriel : cabinet@faroetgozlan.com

Le machin de Neurhor : http://parti-de-la-resistance.fr

Écrire à Pierre-Emmanuel Neurohr :

écrou n° 21032
cellule 104, Bloc A
Maison d’arrêt
42 rue de la Santé
75674 Paris cedex 14

James Hansen, héros improbable pour temps impossibles

Je me répète : je ne suis pas là. Je suis ailleurs, quelque part, ailleurs. Mais ce qui suit était prévu avant mon départ, et je ne peux laisser passer de temps. Le rédacteur-en-chef de la revue suisse La Revue durable – Jacques Mirenowicz – me fait, vous fait la faveur de publier ici l’entretien que Susana Jourdan et lui-même ont mené avec James Hansen, et qui a paru dans le dernier numéro.

Un mot de la revue. Elle est si excellente – je précise que je suis fort loin d’être d’accord avec tout, à commencer par le titre, si discutable – que je ne peux que vous inviter, en confiance, à vous abonner. Si vous avez assez de sous, cela va de soi. Je laisse pour tous l’adresse sur le net de la revue (ici), ainsi que le PDF d’une lettre adressée aux grands-parents de la Terre, sur laquelle Jacques Mirenowicz a insisté (ici). À mon tour de me montrer décidé : l’abonnement à La Revue durable est un cadeau que vous vous faites à vous-même.

Et je passe à cet entretien avec James Hansen. Hansen est un être que je respecte sans détour, et que j’admire. Je n’admire pas souvent, mais alors sincèrement. Ce grand climatologue est né en 1941 et il dirige l’institut Goddard d’études spatiales de la NASA américaine depuis 1981. Le 9 novembre 1987, voici donc un quart de siècle, il lance au beau milieu d’un Sénat des États-Unis incrédule une bombe absolue : selon lui, les émissions de gaz à effet de serre émises par les activités humaines menacent toutes nos civilisations.

Les sénateurs s’en tapent, comme aussi bien l’on se doute. Il remet cela le 23 juin 1988 et, cette fois, ses propos font le tour du monde. Depuis, beaucoup de gaz ont coulé sous les ponts, et Hansen n’en finit plus d’alerter, conscient qu’aucun politique américain – ou d’ailleurs – ne prend le sujet au sérieux. En 2005, il annonce l’imminence d’un point de basculement au-delà duquel commence un autre monde, irréversiblement. L’administration Bush, au service des intérêts pétroliers, tente de le faire taire. Il continue. En 2009, ce papy si sage est brièvement emprisonné pour avoir protesté contre un projet de mine de charbon. Mais il ne peut plus arrêter. Pour cause. Sa cause est sacrée.

Je sais bien que l’emploi de ce mot ne peut que choquer les braves esprits cartésiens de notre vieille France. Je l’utilise à dessein. Bien entendu, rien n’indique avec une certitude à 100 % que James Hansen a raison. Peut-être se trompe-t-il en partie, cela ne me gêne pas de l’écrire, même si je sais la valeur de son jugement, appuyé sur des faits. Considérons le fond : des milliers de scientifiques ont forgé un consensus solide autour d’un constat sidérant : la stabilité du climat est menacée alors qu’elle a toujours été la garante, depuis des milliers d’années, de l’essor des civilisations humaines.

Face à cette perspective apocalyptique, il est au moins deux attitudes possibles. Le déni sous toutes ses formes, dont Claude Allègre illustre un excès pratiquement indépassable. Ou bien la mobilisation consciente pour réduire massivement, dès aujourd’hui, dès hier même, nos émissions. Car l’enjeu, voyez-vous, est sans commune mesure avec ce que l’humanité a eu à endurer dans son passé si tourmenté, guerres mondiales comprises. Si même, et je ne le crois pas une seconde, les sceptiques avaient raison, il serait bon, nécessaire, prodigieusement utile de reprendre en main les activités industrielles humaines, qui ont d’évidence échappé au contrôle.

C’est pourquoi je vous invite à lire, toutes affaires cessantes, l’entretien avec Hansen. Je vous précise que je mets le début de ce texte dans le corps même de cet article, mais que l’intégralité est cachée dans le document suivant, sur lequel il vous faut cliquer :james-hansen-larevuedurable-46.pdf.

Voici donc le début. Et souvenez-vous de la revue suisse.

Directeur de l’Institut Goddard d’études spatiales de la Nasa, le grand spécialiste du climat James Hansen le déplore : un gouffre sépare ce que les spécialistes du climat savent de ce que les décideurs et les populations des pays industrialisés comprennent de la situation. Inébranlable conscience morale, ce chercheur de très haut vol alerte depuis vingt-cinq ans ses congénères sur le péril que l’absence de prise en charge adéquate de la dérive climatique fait courir à l’humanité entière.
En vain pour l’heure, alors que chaque jour qui passe diminue les chances de l’espèce humaine de s’en sortir à bon compte. Lorsqu’en juin 2008, James Hansen s’adresse, en tant que « simple » citoyen, à une commission du Congrès des Etats-Unis, il espère in?uencer le successeur du sinistre George W. Bush. Son message : une hausse de température moyenne sur Terre de 2°C par rapport au niveau préindustriel est « la recette pour un désastre global ».
Or, ce but de contenir la hausse de la température à 2°C, qui est au cœur de l’Accord de Copenhague de décembre 2009… est en passe de devenir inatteignable. Tout n’est pas tout à fait perdu, insiste James Hansen, mais il faut prendre la mesure du danger et se déterminer à agir. Une voie de sortie – étroite – existe encore. Grand-père déterminé à ne pas laisser ses petits-enfants sans défense, il n’hésite pas à sortir de son statut de scienti?que « pur » pour expliquer et soutenir à nouveau ici, en son nom propre de citoyen concerné par l’avenir alors qu’il atteint le soir de sa vie, cette voie de sortie.

JAMES HANSEN/Il est encore temps de stopper la course à l’abîme

LaRevueDurable : Au vu de la politique internationale, l’objectif de limiter la hausse de température moyenne à +2°C apparaît désormais presque illusoire. Or, vous jugez qu’une telle élévation conduirait l’humanité au désastre.

Pourquoi ?

James Hansen : Les données sans doute les plus fondamentales qui illustrent que 2°C de hausse de la température par rapport à l’époque préindustrielle est un scénario pour un désastre, c’est l’histoire de la Terre qui les fournit. La dernière fois qu’elle était plus chaude de 2°C, au début du pliocène [il y a environ 5 millions d’années, ndlr], la planète avait une tout autre allure : le niveau de la mer était plus haut d’au moins 15 mètres. Un tel changement surviendrait bien sûr sur la durée avec une ligne de côte changeant sans cesse. Mais cela signi?e que toutes les villes côtières seraient sinon inhabitables, du moins soumises à d’énormes dommages économiques.
De nombreuses autres implications accompagneraient un réchauffement global de 2°C. Pour preuve, le signal des effets de la hausse de température actuelle commence déjà à se détacher du bruit de fond. Ce qui était un été caniculaire exceptionnel il y a cinquante ans, n’arrivant que 0,2 ou 0,3 % du temps, ou ne couvrant que 2 ou 3 % d’une région, a maintenant lieu environ 10 % du temps sur de vastes territoires.
En 2003, l’Europe de l’Ouest, surtout la France, a souffert d’une canicule correspondant à une anomalie de trois écarts types, voire plus, par rapport à la courbe moyenne normale des températures. L’été 2010, Moscou et une énorme région d’Europe de l’Est, d’Asie de l’Ouest et du Moyen-Orient ont vécu une anomalie de trois écarts types. L’été 2011, l’Oklahoma, le Texas et le nord du Mexique ont connu une anomalie de trois écarts types.

LRD : Et bien sûr, cette tendance va se poursuivre.

JH : Oui, parce que la planète est en situation de déséquilibre radiatif. C’est-à-dire que la surface de la Terre retient plus d’énergie (issue du soleil) qu’elle n’en renvoie dans l’espace. Les gaz à effet de serre provoquent ce déséquilibre parce que, dans l’atmosphère, ils agissent comme une couverture qui piège une partie des radiations de chaleur. Résultat : la planète se réchauffe. Chaque année n’est pas toujours plus chaude que l’année précédente, mais la moyenne des températures sur chaque décennie montre un réchauffement à l’œuvre, qui entraîne une hausse des épisodes caniculaires. Depuis trente ans, la distribution des anomalies glisse vers des températures plus hautes d’une quantité qui augmente à chaque décennie.
Cette tendance va se poursuivre : les anomalies de trois écarts types vont, au cours du siècle, couvrir des régions de plus en plus vastes. Et la hausse moyenne des températures aura des effets globaux majeurs : fonte des calottes de glace, poursuite de la migration des zones subtropicales chaudes et arides vers les pôles, extinction de très nombreuses espèces…

LRD : Ce qui est terri?ant, ce sont les points de bascule. Une hausse de 2°C signifiet-elle qu’on atteindra des points de rupture au-delà desquels il sera impossible de revenir en arrière, avec des conséquences tragiques sur les conditions de vie humaines ?

JH : C’est notre propos fondamental : +2°C conduira à coup sûr à dépasser le point de bascule de la stabilité des calottes de glace. Voilà pourquoi le niveau de la mer va monter. Le Groenland et l’Antarctique perdent d’ores et déjà de la masse au rythme de quelques centaines de kilomètres cubes de glace par an. A l’échelle globale, cela reste modeste : le niveau moyen des mers monte aujourd’hui de plus de 3 centimètres par décennie. Mais cela est très rapide au regard de l’évolution récente.

Et une con-fait-rance environnementale, une !

La bouffonnerie est reine. Rions donc comme à Carnaval. Pleurons de même, puisque, de toute façon, notre impuissance est totale. Pour ce qui me concerne, je regarde avec stupéfaction la pantomime qui se prépare. Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Je résume pour les sourds et mal-entendants : M.Hollande réunit vendredi 14 et samedi 15 septembre, au palais d’Iéna de Paris, une Conférence environnementale. Sur le modèle, mais en parodie, du Grenelle de l’Environnement voulu par Sarkozy en septembre 2007. Je vous glisse sous forme de PDF deux documents que l’on a le droit de juger hilarants. Un sur le déroulement (organisation des débats.pdf), l’autre qui donne la liste des participants (invités.pdf).

Mon premier commentaire sera évident : le simple fait que se tienne pareil conclave marque une défaite du mouvement écologiste. En effet, le cadre imposé par les socialistes est digne de l’émission télévisée des années 70 qui s’appelait Chefs-d’œuvre en péril. On y considérait la France des villages et l’affreuse atteinte du temps sur les nobles monuments légués par l’Histoire. Il s’agissait de dépenser quelques picaillons pour sauvegarder un clocher ou l’aile d’un château. Ma foi, cela ne mangeait pas de pain. Refaire le coup près de cinquante ans plus tard n’est pas seulement ridicule : il s’agit d’une insulte jetée au visage des centaines de millions – qui seront bientôt des milliards – de victimes de la crise écologique planétaire.

Hollande and co, qui se moquent tant de l’écologie qu’ils ne savent pas ce que c’est, prétendent donc, avec l’aval des écologistes officiels qui participent, incarner une vision nationale des écosystèmes. C’est baroque, inutile de s’appesantir, mais comme il faut entrer dans les détails, allons-y. La question de l’énergie ? Les pauvres âmes qui nous gouvernent ne pensent qu’à une chose : gagner un point de croissance pour éviter d’être jetés au prochain scrutin. Le dérèglement climatique ? Plus tard, un jour, peut-être. Je sais que Hollande a vu à plusieurs reprises Christophe de Margerie, patron de Total, par l’entremise de Jean-Pierre Jouyet, cousin de ce dernier et patron de la Caisse des dépôts et consignations (ici).

C’est on ne peut plus normal compte tenu de leurs rôles respectifs, mais que se sont-ils dit ? Selon ce que j’ai glané – je ne suis pas certain -, ils ont abordé la question des gaz et pétrole de schiste. Côté cour, Hollande et ses amis refusent toute exploitation en France, où la technique de fracturation hydraulique est interdite par une loi votée par la gauche et la droite l’an passé. Côté jardin, les mêmes misent sur un retournement de l’opinion, qui sur fond d’augmentation continue du prix du gaz domestique, pourrait accepter des forages en France. À la condition, par exemple, que les pétroliers bidouillent une technique présentée comme différente de la fracturation hydraulique. En façade, donc, intransigeance gouvernementale face aux gaz de schiste. Et en privé, encouragements donnés à Total pour malaxer l’opinion publique. L’affaire Bezat montre que nous sommes face à un plan concerté. En deux mots, Jean-Michel Bezat, journaliste au Monde, y publie le 26 juillet un reportage réalisé aux États-Unis – 700 000 puits en activité, des régions entières transformées en Lune aride – sur les gaz de schiste. Surprise relative – Bezat est un grand admirateur de l’industrie -, ce reportage est très favorable au point de vue des pétroliers. Et puis plus rien.

Et puis on apprend que le voyage de Bezat a été payé par Total (ici). On, mais pas les lecteurs du si déontologique quotidien du soir, qui n’ont évidemment pas le droit de pénétrer dans l’arrière-boutique. En résumé : Total prépare le terrain, en accord avec Hollande, pour qui l’exploitation des gaz de schiste en France serait une bénédiction électorale. Et une violation grossière de la loi Énergie de juillet 2005, qui prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France à l’horizon 2050. Mais que représente la loi au regard d’une possible réélection ?

Revenons à la Conférence qui commence demain. Si j’ai abordé en commençant le dossier des gaz de schiste, c’est parce qu’il est emblématique. Comme l’est le nucléaire, défendu sans état d’âme par ce gouvernement, ainsi que par le précédent. Reportez-vous plus haut au déroulement des festivités. La table-ronde numéro 1 s’appelle : « Préparer le débat national sur la transition énergétique ». On devrait mettre au centre de toute discussion la crise climatique et les extrêmes dangers d’une industrie sans contrôle, le nucléaire. Or non. On va comme à l’habitude blablater, de façon à « définir les enjeux du débat national », puis « définir les grandes règles du débat national ». En 2012, après tant de centaines de rapports, tant d’alertes et de mises en garde, d’engagements passés – le référendum sur le nucléaire promis par Mitterrand en janvier 1981 -, nous en sommes encore au point mort.

Et nous le resterons, je vous en fiche mon billet. Deux ministres en exercice participent à cette table-ronde truquée : Delphine Batho, ministre de l’écologie, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Les deux sont en faveur du nucléaire. Le second clairement en faveur de l’exploitation des gaz de schiste. Et de même madame Batho, qui, en hypocrite accomplie, fait semblant de croire que le dossier ne bouge pas. La fracturation hydraulique n’est-elle pas interdite par la loi ? À côté des deux ministres, une « facilitatrice » du nom de Laurence Tubiana. J’ai écrit sur elle en 2008, si cela vous intéresse : c’est ici.

Ceux qui acceptent de siéger dans ces conditions sont des dupes ou des manipulateurs. Peut-être les deux. Il n’y a pas de débat sur l’énergie, car les décisions ont déjà été prises. Ce que le pouvoir veut, c’est une caution. Il l’aura. Les écologistes officiels qui ont servi la soupe à Sarkozy il y a cinq ans peuvent bien aujourd’hui feindre qu’on ne les y reprendra plus. Si, on les y reprendra, aussi longtemps que les structures dégénérées qu’ils conduisent existeront. Voulez-vous qu’on parle des autres tables-rondes ? Bon, soit. L’intitulé de la deuxième est saisissant. La biodiversité s’effondre partout, mais, cocorico, on va s’atteler à la mise en œuvre de « la stratégie nationale pour la biodiversité » de manière à « favoriser la prise de conscience citoyenne ». C’est tellement con que ce n’est même plus drôle. On trouve ceci sur le site de notre ministère de l’Agriculture : « Grâce à l’Outre-mer, avec 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France dispose du deuxième espace maritime mondial, après celui des USA. Dans l’Océan Indien, les zones sous juridiction française s’étalent sur une surface huit fois plus grande que celle de la métropole. Cet immense espace maritime, réparti dans tous les océans, dote la France d’une grande richesse en matière de biodiversité marine, ce qui constitue à la fois un atout et une responsabilité. »

Formidable, hein ? Alors que l’Europe, pour une fois inspirée, souhaite interdire progressivement le chalutage profond, notre France vertueuse s’y oppose. S’y oppose, à nouveau pour de sordides intérêts politiciens. Or le chalutage profond est une catastrophe écologique planétaire (ici). Autre menu exemple : le nickel est en train de tuer à jamais des espèces endémiques de Nouvelle-Calédonie, venues en droite ligne du  Gondwana, supercontinent créé il y a 600 millions d’années et dont la Nouvelle-Calédonie est l’un des ultimes morceaux, à la dérive depuis bien avant l’arrivée des hommes sur terre. Non, bien sûr que non, on ne parlera pas de biodiversité. Et pas même chez nous, dans notre vieille France où l’agriculture industrielle est reine. Le Foll, ministre de l’Agriculture, a dealé depuis des semaines avec la FNSEA, puissance dominante, au point de ne pas même inviter à la Conférence de demain la Confédération paysanne, pourtant proche de la gauche. Au point d’aller visiter le 3 septembre les industriels français des biocarburants, fiers défenseurs d’une filière criminelle (ici). Je dois bien reconnaître que ces gens me dégoûtent.

Le reste ? Quel reste ? Table-ronde 3 : « Prévenir les risques sanitaires environnementaux ». Ministre présente : Geneviève Fioraso, militante déchaînée du nucléaire, des nanotechnologies, de la biologie de synthèse (ici). Les deux dernières tables-rondes, chiantes comme la mort dès leur énoncé, devraient causer fiscalité et gouvernance. Tout cela est à chialer. Mais comme je n’écoute que mon grand cœur, je n’entends pas vous quitter sans positiver un peu. Attention ! ce qui suit est à prendre au premier degré, malgré ce qui précède. Un certain nombre d’écologistes officiels, qui se rendront demain au palais d’Iéna, gardent ma sympathie. Notamment ceux du tout nouveau Rassemblement pour la planète (ici), comme André Cicolella, Nadine Lauverjat, Franck Laval ou François Veillerette. Ils vont tenter d’arracher quelques mesures dans le domaine de la santé, et même si je crois qu’ils se trompent sur le fond, ils ont mon estime et mon affection. Ceux-là du moins pensent à l’avenir.