L’affaire est si grave, elle se rapproche à ce point de l’essentiel que je suis bien obligé d’y revenir. Encore, encore, encore. Bien que n’étant nullement scientifique, j’ai traité de la crise climatique depuis près de vingt ans dans différents journaux de la place. Je l’ai déjà dit, mais je le répète : j’ai probablement été le premier dans ce pays à attaquer bille en tête Claude Allègre, à l’époque où il était encore surpuissant, socialiste, ministre. Et je l’ai attaqué précisément sur les imbécillités qu’il proférait à propos du climat, dès 1997.
Cela pour vous dire que je suis engagé de fort longue date dans la discussion publique autour de la crise climatique. Or, vous le savez, il existe une petite tribu « climato-sceptique », essentiellement médiatique, qui assemble l’animateur météo Laurent Cabrol – on ne rit pas, on pleure -, Vincent Courtillot, Claude Allègre, et al. Ces gens clament que le tintamarre fait autour du dérèglement est sans objet. Allègre parle de mafia climatique, de scientifiques avides de crédits et de gloire, qui ne cesseraient de truquer des rapports, etc. Ils s’appuient sur tous les arguments possibles et imaginables, et piochent par exemple quelques phrases tirées du vol massif de courriers électroniques de l’université anglaise d’East Anglia pour bâtir une théorie générale du complot.
Eh bien, cela suffit ! Pour moi, il y aura un avant Huet et un après. Sylvestre Huet est journaliste scientifique à Libération depuis 1995, et il vient de publier L’imposteur, c’est lui (Stock, 12 euros), une réponse à Claude Allègre. Ce n’est pas le livre que j’aurais écrit, certes, et il n’a pas toujours la légèreté qu’on eût pu espérer. Mais dans son genre implacable, c’est un petit chef-d’œuvre. Huet déconstruit tout l’édifice des faussaires. Car il est temps d’appeler ces gens-là par leur vrai nom : ce sont des truands de la discussion. Des gens qui s’exonèrent en totalité des règles les plus élémentaires du discours rationnel. Je le savais, je ne peux que dire et radoter cette vérité : je savais tout cela. Et dans le même temps, avant Huet, je ne savais rien.
Désormais, et je plains à l’avance les « climato-sceptiques », il leur faudra répondre point par point à la démonstration produite par Huet. Et ils ne le pourront pas. Donc ils inventeront autre chose. Le délire, le faux, l’exaltation du moi, l’ivresse de la transgression, la mégalomanie ne manqueront jamais de ressources. Je sais donc, par avance, que le livre de Huet ne refermera pas le dossier de cette infamie intellectuelle. Mais en tout cas, moi, je claque à jamais ma porte. Que celui qui osera encore – et cela se trouvera – défendre Allègre and co sache qu’il est inutile d’espérer quoi que ce soit de moi. Ceux qui défendent les thèses des contrefacteurs sont eux-mêmes des contrefacteurs.
On remarquera peut-être que je n’ai pas dit un mot sur le contenu du livre de Huet. Je m’en abstiens en effet, car il dit tout, d’une manière exceptionnelle, et toute personne éprise de vérité peut y trouver les réponses qu’il cherche. La frontière entre ceux qui nient et ceux qui acceptent la recherche et ses nombreuses imperfections devient de jour en jour plus infranchissable.