J’écoutais hier le bon François Hollande faire semblant de s’énerver. À la radio. De quoi s’agissait-il ? De pouvoir d’achat. Enfin, enfin le Parti socialiste avait trouvé la faille dans le dispositif de Son Altesse Sérénissime (SAS) Sarkozy. Ce dernier avait failli, faillissait à propos de « la question la plus essentielle » – je cite -, qui serait celle du pouvoir d’achat des Français.
Là-dessus, ce matin, à en croire les revues de presse, la France entière se retrouve ébahie devant le triomphe sarkozien à Pékin, où il termine un voyage historique, peut-être même légèrement hystérique. 20 milliards d’euros de contrats ont été signés, si j’ai bien enregistré. Par des entreprises aussi exemplaires qu’Areva, Airbus, Alstom. Entre autres.
Areva va donc pouvoir exporter massivement sa bimbeloterie nucléaire high tech. On en reparlera lorsque la Chine se cassera en deux, en trois, en dix, sur fond de krach écologique et social, désormais probablement inévitable. La Chine des années 30 et 40 du siècle passé – voyez, je ne remonte pas à Mathusalem, ni à la dynastie Ming – était un pays en guerre permanente, y compris civile. Et les tensions inouïes qui y règnent, dont on parle si peu, n’annoncent pas le printemps des peuples. On reparlera du nucléaire made in France.
Airbus ? L’A380 est une bombe climatique volante, qui ne sort des hangars que parce que ses promoteurs misent sur un doublement des transports aériens mondiaux en vingt ans. Mais chut, il ne faut pas gâcher la fête. Officiellement, la France comme la Chine sont lancées dans une lutte décidée contre le dérèglement climatique. Décidée et même vigoureuse.
Alstom ? La belle entreprise, chère au coeur de M.Chevènement – elle a longtemps fait vivre Belfort, défunte place-forte du monsieur -, a fourni des turbines géantes pour les barbares placés aux commandes du barrage des Trois-Gorges, cette monstruosité écologique.
Bref, nous sommes heureux. Madame Buffet, monsieur Hollande, monsieur Bayrou, SAS Sarkozy. Ce dernier nous a offert, sur la fin de son voyage en Chine, un cadeau sublime, dont il est, soyons sport, coutumier. Il s’agit d’un discours (http://afp.google.com). Grand Guignol pas mort ! Sarkozy a proposé aux gérontes chinois un New Deal écologique, façon Roosevelt de banlieue. Et évoqué même la perspective de voir Pékin réaliser un Grenelle de l’environnement à l’échelle du pays.
Ce n’est pas une blague, en tout cas pas seulement. Je puis vous l’assurer, ce propos n’est nullement destiné aux Chinois. À moins que, n’ayant un sens de l’humour encore plus délicat que celui que je leur prête, ils ne se passent la cassette le soir venu, entre amis. Non, la Chine est lancée, grâce à nous tous, et ne s’arrêtera pas. Et ce n’est pas un fanfaron, venu d’un pays loitain autant qu’impuissant, qui leur indiquera une autre voie possible.
En revanche, le verbe sarkozien est clairement destiné à TF1 et aux gogos, hélas nombreux, de la galaxie écolo française. Il d’agit de montrer une cohérence, ou plutôt de l’afficher, ce qui est quand même plus simple. La réalité est qu’il existe un consensus national pour fourguer aux Chinois tout ce que nous pouvons fourguer. À n’importe quel coût écologique, social, humain. Telle est la condition pour maintenir chez nous un niveau de vie matériel démentiel, artificiel, insupportable.
Là-dessus, tous les compères sont d’accord. François Hollande a donc bien raison : le pouvoir d’achat est « la question essentielle ».
PS : Une sécheresse terrible frappe depuis deux mois le grenier à riz de la Chine. Les pluies d’automne ont chuté de 90 % d’une année sur l’autre. Bah, ils mangeront du pain Poilâne.