Toujours à l’hosto ? Toujours. J’ai retrouvé ici deux amis de Charlie blessés avec moi. Philippe, gravement touché à la mâchoire, et Simon, frappé à la colonne vertébrale, sont bien plus à plaindre que moi. Il est question qu’on boive un verre tous les trois, dans la chambre de Simon. Ce serait bien bon.
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Je l’ai déjà dit plusieurs fois, de différentes manières : le parti appelé Europe Écologie-LesVerts (EELV) est parfaitement lamentable. Libre à ceux qui croient en lui de le présenter comme un pauvre oiselet à peine sorti du nid, et qui apprendrait encore à voler. Ce parti, né en 1984 – il y a trente-et-un ans – est adulte et montre ce qu’il a à montrer, c’est-à-dire un spectacle pitoyable et des chefaillons tantôt ridicules, tantôt crétins, tantôt salauds, et souvent les trois. Y a-t-il quelque chose à sauver ? Du point de vue de la défense de la vie et de ses formes, absolument rien. Cela ne m’empêche pas de saluer – je l’ai fait, et continuerai de le faire – de vaillantes individualités qui restent, envers et contre tout, à bord.
Le temps de faire disparaître un mot
Je n’aborde pas les causes de ce naufrage, que je crois, que j’espère définitif. Ce qui m’ennuie et me navre, c’est de ne pas savoir inventer un mot nouveau qui puisse s’imposer. D’évidence, s’ils sont écologistes, je ne le suis pas. Et inversement. Bien sûr, dans mon intérieur mental, je sais bien que ce mouvement n’est en aucune manière écologiste, mais à quoi bon le clamer ? Ils ont le label, ils ont préempté la belle maison que je souhaitais si fort habiter. Le mal est fait, et je sais bien qu’il est irréparable. Au reste, il faut une bonne raison pour qu’un mot s’impose. Et beaucoup de temps pour que son usage disparaisse. Je vous laisse réfléchir sur la destinée des mots socialiste et communiste. Et Dieu sait que le mot communiste est superbe, si sa réalité fut ignoble.
Je vous parle ci-après de deux personnages extravagants, qui représentent fort souvent dans l’univers médiatique le parti EELV. Il s’agit de Jean-Vincent Placé, autoproclamé chez suprême, et de François de Rugy, député de Loire-Atlantique, qui semble prêt à beaucoup de reptations pour devenir sous-ministre d’un Hollande soudain paré de vertus toutes imaginaires. On n’est pas obligé d’être d’accord avec ce qui suit, et je sais d’avance que cela déplaira à certains lecteurs. Je leur demande d’au moins croire que je fais cela dans l’espoir d’apporter une minuscule contribution au devoir impérieux de comprendre.
Le beau drapeau tricolore du grand écologiste
Commençons par Placé, qui n’a jamais été écologiste et ne le sera évidemment jamais. Si j’écrivais ce que certains responsables d’EELV m’ont confié parfois sur son compte, on ne le croirait pas. Comme je n’ai pas de moyen de vérifier, je m’abstiens donc, mais j’ai ma petite idée. Commençons par un portrait de lui, paru dans le journal Le Monde du 7 décembre 2011. Un portrait. Il a accepté de recevoir la journaliste Anne-Sophie Mercier, et on peut donc penser qu’il aura souhaité lui proposer un visage disons appétissant. Or, écrit-elle, « Lui-même n’en n’est peut-être pas conscient, mais en deux heures de temps, interrogé sur son parcours et ses passions, il ne parle jamais… écologie ».
Étonnant, ou non ? La suite est presque mieux, car on apprend au passage que ce monsieur est un véritable nationaliste – il dirait sans doute patriote -, qui « doit être le seul membre de la direction d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à avoir le drapeau tricolore dans son bureau, ainsi qu’un coffret contenant un petit soldat représentant Napoléon de retour de l’île d’Elbe ». Ce n’est plus étonnant, mais directement stupéfiant, car enfin, le drapeau ! Pour un écologiste, c’est grotesque. Pour un Placé, c’est de toute beauté. Et Napoléon, en plus. Le délirant conquérant, qui a saigné la France et une partie de l’Europe est donc, pour el Jefe, un beau personnage.
De profundis pour Margerie
La suite, toujours sur Placé. Nous sommes le 20 octobre 2014, et le patron de Total vient de mourir dans un accident d’avion. Un écologiste comme moi tâche de ne surtout rien oublier des activités criminelles, légales ou non, de Total (ici). Mais Placé ose la phrase incroyable ci-dessous, encore en ligne sur son compte twitter. Un grand capitaine d’industrie, presque un frère de combat. C’est plus inouï encore que scandaleux. Voici :
Hommage à un grand capitaine d’industrie francais très lucide sur la situation de la planète et de l’avenir de l’ humanité #Margerie
Enfin, pour conclure sur notre grand Manitou, cet extrait d’un sien article paru dans l’édition du 24 décembre 2014 du Nouvel Observateur. Il s’agit d’un hommage appuyé au coureur cycliste Thibaut Pinot. Placé est un fan de cyclisme, et comme je l’ai été entre 9 et 13 ans, je peux comprendre, un tout petit peu comprendre. Mais certainement pas ceci, sous sa plume : « Je connais beaucoup de passionnés de la petite reine. Mais je n’en connais qu’un qui voue un tel culte au tour: Christian Prudhomme, son extraordinaire directeur général, qui met sa gentillesse et son professionnalisme au service de ce , admirable chef d’orchestre de notre Tour de France, sans lequel le Tour ne serait plus le Tour. Vive le Tour et vive la France! Il ne manque plus qu’une victoire finale française… »
Quel commentaire trouver ? L’immonde foire commerciale du Tour, qui caricature les travers les plus terribles de la pub et de la manipulation, est donc un « patrimoine exceptionnel ». Tout le monde sait, et Placé lui-même – évidemment ! – que les 4 000 kilomètres du Tour de France ne peuvent exister sans des cames de plus en plus sophistiquées, qui supposent des dealers, des médecins marrons, des escrocs, des truands, des chantages, de la violence au moins psychologique. Placé s’en fout, car il rêve – décidément, une obsession – de voir flotter l’oriflamme tricolore.
Martin Bouygues est-il bien mort ?
Voyons maintenant le cas distrayant de François de Rugy, ce député écologiste qui réclame à cor et à cris qu’on vienne à bout – policièrement parlant – des zadistes de Notre-Dame-des-Landes et d’ailleurs (ici). Je dois avouer que c’est un excellent client de Planète sans visa. L’une de ses dernières facéties m’a fait rire aux éclats, ce qui n’est pas rien. Nous sommes le 28 février 2015 et Martin Bouygues vient de mourir. Un couple d’heures seulement, car la nouvelle, propagée par l’AFP, est fausse.
M. de Rugy, qui est si pressé d’obtenir un poste digne de son dévouement, décide, dans le très court laps de temps imparti, d’imiter grossièrement son chef bien-aimé – ou bien-détesté ? -, Jean-Vincent Placé. Ce dernier pleurait en octobre la mort de Margerie, grand capitaine d’industrie. Eh bien, n’écoutant que son grand cœur tendre, de Rugy écrit sur son compte twitter :
« Ecologistes et groupe Bouygues, c’est évidemment des visions souvent divergentes mais Martin Bouygues était un vrai capitaine d’industrie
— François de Rugy (@FdeRugy) 28 Février 2015 »
Bon, il est bien amusant, ce cher homme. Mais en réfléchissant, que penser de ce brevet donné à l’un des plus grands bétonneurs de la Terre ? Je dis bien : de la Terre. On doit à Bouygues, entre mille autres belles constructions, un palais des Congrès à Hong Kong, la mosquée Hassan II au Maroc, un complexe immobilier géant au Qatar, et si j’en avais le temps, je vous dirais tout le bien qu’il faut penser du fondateur, Francis, qui prétendait en son temps employer des truands un petit peu tueurs pour impressionner les récalcitrants.
La belle invention pourrie des PPP
Faut-il ajouter un mot sur TF1 Bouygues, cette gigantesque entreprise de décérébration nationale ? Je pense que vous en avez assez, et je n’y insiste donc pas. Mais monsieur de Rugy voit loin, bien au-delà de ces mesquines considérations morales qui gênent la marche des affaires. Monsieur de Rugy est un grand admirateur des Partenariats-Public-Privé ou PPP pour les intimes. Créés par le mémorable Jean-Pierre Raffarin en 2004, quand cet athlète de la politique était Premier ministre, ils sont très simples à comprendre. Une entreprise, de préférence très grosse, réalise une construction qui intéresse le domaine public. En échange, l’État lui accorde la gestion du machin pendant des décennies et perçoit un loyer annuel.
Les PPP peuvent servir à construire des prisons, des hostos, des équipements militaires, des routes, des lignes de chemin de fer ou des canaux, etc. Le funeste projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes est lui aussi un PPP, imaginé au vaste profit de l’entreprise Vinci. Mais le Bouygues de monsieur de Rugy n’est jamais très loin des contrats, car ils sont juteux. Ainsi du projet nommé le « Pentagone français », qui vise à faire du quartier parisien de Balard un haut lieu de nos vaillantes armées. Bouygues y a gagné un chantier majeur. Je précise, parce que c’est somptueux, qu’une collectivité – l’État et tout autre structure publique – qui s’engage dans un PPP qui s’étend pourtant sur des dizaines d’années, n’a pas le droit de le remettre en question. Faut réfléchir. Faudrait.
Éloge écologiste des transnationales du BTP
Et quand je dis que monsieur de Rugy est un grand admirateur, ce n’est pas moi qui le dis, c’est lui. Dans une vidéo tournée par le très sérieux club PPP (ici) au cours de ses journées de 2012, notre parfait écologiste vante la complémentarité, maître-mot selon lui des relations entre public et privé. Et il affirme nettement la supériorité du privé quand il s’agit de bâtir un équipement public servant à plusieurs fonctions. Selon lui, les élus ne sauraient pas faire. Bouygues ou Eiffage ou Vinci si.
Monsieur de Rugy aurait-t-il été abusé par quelque ami peu regardant ? Ayant découvert la malignité des PPP et leur éminente contribution à la destruction du monde existant, peut-être aura-t-il juré qu’on ne l’y reprendrait plus. Eh bien, à la vérité, non. L’année suivant son passage aux Journées PPP, il donne un entretien au Journal des PPP numéro 23 (octobre 2013). On y taquine de très près le sublime. Comme on lui demande – à lui ! – comment faire évoluer les PPP, il répond aussitôt, avec des trémolos dans la voix qu’on ne peut qu’imaginer : « Il faut tout d’abord dépasser l’idée que privé = profit et profit = de l’argent sur le dos des élus (…) Je pense qu’il n’y a pas de fossé ni de barrière infranchissable entre les élus et les acteurs privés et qu’on peut très bien avoir différentes formes de coopération, en tout cas des projets menés en commun, au service des citoyens ». Rappelons, car c’est le rôle des emmerdeurs : des prisons, des routes et canaux, un ministère de la Défense, Notre-Dame-des-Landes.
Ma foi, qu’en pensez-vous, très sincèrement ? Vous pourrez lire ci-dessous un article – payant – paru sur le site de Mediapart en juin 2014. Nul doute que cela vous fera penser. Placé et de Rugy, grands inspirateurs du dégoût en politique.
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L’ARTICLE DE MEDIAPART
Le grand raout du lobby des partenariats public-privé
Le club des PPP a célébré mardi 17 juin les dix ans de l’ordonnance créant les partenariats public-privé. Alors que l’horizon s’obscurcit, l’influent lobby a tenu à raconter la belle épopée de ce « jeune outil de la commande publique » tout en proposant, sobrement, d’en changer le nom.
Il a fallu attendre près de trois longues heures de discours, avant de sabrer le champagne et d’entamer les petits fours. Ce mardi 17 juin, le club des PPP avait mis les petits plats dans les grands pour célébrer les 10 ans de l’ordonnance de 2004 portant création des partenariats public-privé (PPP) au Cercle national des armées, à Paris.
« Dix ans de l’ordonnance des contrats de partenariats, on ne voulait pas manquer la date », lance le maître de cérémonie Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du club des PPP, attendri devant les dix bougies de ce jeune « outil de la commande publique » qui a permis aux majors du BTP de réaliser de bien belles opérations ces dernières années. Mais lui a aussi valu quelques-uns de ses plus récents scandales : naufrage de l’hôpital francilien (un de nos articles ici), soupçons de corruption dans l’attribution du marché du Pentagone de la défense ou du grand stade de Lille… Sans compter les nombreux rapports de la Cour des comptes soulignant combien les PPP constituent, la plupart du temps, un marché de dupes pour la puissance publique.
Ce jour-là, c’est évidemment une tout autre histoire qu’on se raconte. Celle d’une belle épopée contre l’idéologie et le conservatisme pour faire émerger d’ambitieux projets de travaux publics.
Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des PPP
Devant un parterre composé pour l’essentiel de représentants du BTP, mais aussi de quelques élus et de hauts fonctionnaires de Bercy, Marc Teissier d’Orfeuil appelle donc, les unes après les autres, les bonnes fées qui se sont penchées sur le berceau des PPP depuis leur création.
Jérôme Grand d’Esnon, l’un des plus actifs artisans, en coulisse, de la création des contrats de partenariats vient d’abord rappeler combien « à l’époque le projet était connoté idéologiquement » : « Au départ il y avait un contexte très violent, beaucoup d’hostilité de la gauche, il a fallu beaucoup de ténacité. » L’homme, qui fut le secrétaire général de l’association de financement de la campagne de Jacques Chirac en 1995, après avoir été directeur des affaires juridiques de la mairie de Paris à la grande époque des scandales du financement du RPR, a été celui qui a mené à Bercy la réforme des marchés publics dans le gouvernement Raffarin. Il officie désormais comme avocat conseil dans un cabinet d’affaires où il s’occupe notamment des grands contrats publics.
Autre figure inconnue du grand public, mais tout aussi essentielle dans le développement des PPP, Noël de Saint-Pulgent raconte lui aussi la dure bataille qu’il a dû mener pour faire accepter ce nouvel outil de la commande publique à la tête de la MAPP, la mission d’appui des PPP à Bercy, qui depuis l’origine est à la fois chargée de les promouvoir et de statuer sur leur bien-fondé… « Avez-vous senti ce poids de l’idéologie à ce moment-là ? » l’interroge, plein d’empathie, Marc Teyssier d’Orfeuil. « C’est effectivement un débat qui a dérapé. Il y a eu autour des PPP une passion bien française qui nous a beaucoup gênés », admet cet « X Pont » qui avait fait jusqu’alors carrière dans l’assurance et l’organisation d’événement sportifs. Noël de Saint-Pulgent, qui est par ailleurs président de l’association d’entraide des familles nobles de France, souligne aussi combien les décisions successives du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel – qui ont limité leur utilisation – ont été pénalisantes.
Le bilan de ces dix dernières années reste néanmoins positif pour lui. « On n’a pas à rougir de ce qu’on a fait. Il y a très peu d’échecs. Et puis des échecs, il y en a partout, regardez la maîtrise d’ouvrage publique, le Philharmonique ! » souligne-t-il en référence à la laborieuse construction de la salle de philharmonie à la Villette. Pourtant, reconnaît-il, le PPP a toujours mauvaise presse : « Il faut toujours travailler à son acceptabilité politique et sociale, c’est vrai. Même si les choses progressent auprès des vrais gestionnaires de gauche comme de droite d’ailleurs. »
À la tribune, le président du club des PPP – en bon communicant – enfonce le clou sur le ratage de la maîtrise d’œuvre publique. « Le philharmonique, c’est au final 300 % du prix ! L’hôpital francilien, les 80 millions supplémentaires ne représentent que 20 % du coût total. »
François Bergère, ancien directeur de la MAPP
C’est ensuite au tour de François Bergère, autre acteur essentiel du développement des PPP en France, de dresser le bilan de la décennie écoulée. « Quel recul sur dix ans ? On pouvait difficilement aller beaucoup plus vite. » Il faut se pencher de près sur le pedigree de François Bergère pour savourer toute l’ambiguïté de ce « on ». Cet ancien directeur de la Mission d’appui des PPP à Bercy a en effet été un des plus grands lobbyistes des PPP au sein de l’administration. Aujourd’hui, en quittant la MAPP, il retourne à la Cour des comptes, son corps d’origine. Il va rejoindre la chambre chargée de contrôler notamment les sulfureux PPP de l’université de Versailles Saint-Quentin (notre enquête ici)…
L’ancien secrétaire d’État chargé des entreprises et du commerce, Hervé Novelli, qui avait fondé le groupe PPP à l’Assemblée nationale, est ensuite chaleureusement accueilli comme celui qui permit, grâce son projet de loi de 2007, de supprimer un certain nombre d’obstacles au recours aux PPP. Il regrette que l’État comme les collectivités locales soient encore bien timorés sur le sujet et invite à se fixer comme objectif un doublement du nombre de PPP conclus chaque année : « Il faut passer à l’acte II des contrats de partenariats ! Il faudrait aussi que des gens réfléchissent à nouveau à tout ça », affirme-t-il, déplorant que « l’effervescence intellectuelle autour des PPP (ait) un peu disparu ».
« C’est le moment de mettre le paquet en matière de communication »
Malgré la bonne humeur un peu forcée en ce jour anniversaire, chacun sait dans l’assistance que les perspectives pour les PPP ne sont en réalité guère réjouissantes. « Les beaux jours de l’investissement public sont derrière nous », admet François Bergère. « Nous sommes dans une crise des finances publiques considérable et qui ne va pas aller en s’arrangeant », opine Noël de Saint-Pulgent.
Ce que personne ne dit à la tribune, c’est qu’en dehors d’un sérieux problème d’image, les PPP ont aussi perdu beaucoup de leur attrait auprès de la puissance publique depuis qu’un arrêté de décembre 2010 interdit d’en faire un moyen de masquer son déficit. Depuis cette date, les loyers versés doivent en effet figurer dans les comptes au titre de l’endettement.
« C’est le moment de mettre le paquet en matière de communication », annonce donc plein d’entrain Marc Teyssier d’Orfeuil, qui tutoie tous les parlementaires présents ce jour-là. Il faut dire que ce lobbyiste à la tête de l’agence Com’Publics passe beaucoup de temps auprès d’eux à des titres divers, puisqu’il dirige aussi le club des amis du cochon, le club des voitures écologiques, le club des eaux minérales naturelles…
Pour redorer le blason des PPP, son club a tout prévu. Comme l’acronyme « PPP » commence à sérieusement sentir le soufre, ce jour-là tout le monde semble s’être donné le mot : on ne parle plus que de CP (pour contrat de partenariat).
Le club des PPP a aussi commandé une série de vidéos pour vanter les mérites des PPP, « que vous pourrez présenter à vos prospects », explique le maître de cérémonie. Autant d’outils pour faire la pub des PPP « auprès des acteurs locaux », assure Marc Teyssier d’Orfeuil. Parce que « pour l’État, on s’en chargera ! », assure le lobbyiste qui devait rencontrer le 2 juillet prochain Emmanuel Macron et qui rencontrera sans doute, affirme-t-il, Jean-Pierre Jouyet.
Dans l’une des vidéos présentées, on apprendra de la bouche de Xavier Bezançon, délégué général du syndicat des entreprises de BTP (EGF BTP) – et « auteur d’une thèse sur les PPP » – que les partenariats public-privé ont toujours existé « depuis les Romains en passant par Colbert ». Plus tard, on découvrira en fait que le Stade de France aurait été l’un des premiers PPP, à moins que ce ne soit finalement la Tour Eiffel… Qu’importent ces petites approximations, l’essentiel est de raconter aux « prospects » une belle histoire. Nul besoin, surtout, de trop insister sur le fait que les PPP ont été en réalité calqués sur les PFI (Private finance initiative) britanniques, qui ont connu de tels déboires outre-Manche (corruption, malfaçons, etc.) qu’ils sont aujourd’hui pratiquement à l’arrêt.
Alors que les PPP sont nés sous le gouvernement Raffarin, et se sont réellement envolés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le club des PPP a tenu en ce jour anniversaire à montrer qu’il dispose aussi de très bons soutiens à gauche. L’événement était d’ailleurs parrainé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg qui, compte tenu de son emploi du temps, n’a pu être présent mais s’est fendu d’une lettre transmise avec l’invitation par le club des PPP à tous les participants.
L’ancien maire socialiste de Grenoble, Michel Destot, ne tarit donc pas d’éloges à la tribune sur cette solution qui constitue selon lui, « une bonne réponse à la complexité ». « C’est même tout simplement du bon sens » dans la mesure où les collectivités territoriales ne peuvent faire face à ces investissements. Pour lui, un des terrains à développer, c’est le PPP dans le cadre de la politique de la ville, « pour raccourcir les délais et pour rapprocher les entreprises de BTP de ces quartiers ». « Mon bilan est qu’on n’a pas été assez allant » finit par reconnaître le député de l’Isère. Mais il en est sûr, comme beaucoup dans l’assemblée : le développement des PPP à l’international est une des conditions du rétablissement de la balance extérieure de la France.
Le député socialiste de Seine-Saint-Denis, Razzy Hamadi, qui était annoncé au programme, n’est finalement pas venu. Cet habitué du club des PPP aurait pu parler du faramineux contrat de PPP de construction de collèges signé par Claude Bartolone dans le département qu’il défend ardemment. En octobre 2013, il participait aux rencontres internationales du PPP, où les participants devaient débourser entre 7 000 et 35 000 euros pour approcher les « élus concernés » (voir la plaquette de présentation de l’événement)…
Razzy Hamadi, député socialiste de Seine-Saint-Denis
Seule note dissonante de l’après-midi, celle, mezzo voce, d’André Chassaigne, le député communiste du Puy-de-Dôme qui joua gentiment sa partition de contradicteur : « Si j’ai bien compris, dans cette assemblée, je suis le méchant. » Un méchant pas trop méchant quand même, puisqu’il affirmera dès le départ connaître assez peu le sujet, auquel, « en tant qu’élu rural », il n’a jamais été confronté. Sans citer aucun exemple précis, il résume rapidement son propos : « Je pense que c’est toujours gagnant d’un côté, pas toujours de l’autre. » Un frisson parcourt bien l’assemblée lorsqu’il plaide pour un pôle public bancaire, mais Marc Teyssier d’Orfeuil reprend vite le micro pour remettre tout cela en perspective : « La vraie question dans ce que tu dis, elle est philosophique, c’est « qu’est-ce que le service public ? ». » Et de plaider pour un État qui arrête de vouloir tout faire et délègue un peu plus aux professionnels.
Pour le final, le club des PPP avait promis une « surprise ». C’est donc à un imitateur d’Alain Souchon que fut confiée la lourde tâche de conclure dans la bonne humeur la rencontre en chantant, sur l’air de la chanson « J’ai dix ans », avec des rimes étudiées : « On essaye d’être innovant/Et que tout le monde soit content…/Si tu nous crois pas, hé, t’as qu’à voir nos PPP ! » Enfin, le buffet était ouvert. Enfin, les cartes de visite allaient pouvoir s’échanger.