Archives de catégorie : Développement

Mais comment changer d’air (en Chine) ?

Cet article a été publié le 19 novembre 2014 par Charlie Hebdo

Entrez, entrez découvrir les 365 photos de l’artiste Zou Yi ! À Pékin, l’air est devenu si dégueulasse que le lycée français met des filtres à l’entrée des bâtiments. Les vrais chiffres de la pollution ? Secret d’État (totalitaire).

On connaît la chanson : quand ça devient trop dur, on ferme les écoutilles. Cela s’appelle le déni, parade psychologique qui permet à certaines femmes enceintes d’oublier qu’elles le sont. Et qui rend la plupart des gens – éduqués, sensés, « intelligents » – aveugles en face de la très grande nouvelle de ce temps : le dérèglement climatique. Dans ce domaine, les nouvelles sont riantes : l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ramassis mondial de productivistes, prévoit une hausse de 37 % de la consommation mondiale d’énergie d’ici 2040, dans moins d’un quart de siècle. Et dans ces conditions, un seul mot s’impose : l’Apocalypse. Demain. Demain matin. Pour tous.

En Chine, on en est encore aux galéjades, à la pollution si classique de l’air et aux doigts dans le cul pour voir si ça fait mal. Le 23 janvier 2013, un habitant de Pékin, Zou Yi, décide de photographier chaque jour (1) l’immeuble qui lui fait face. Fenêtres sur cour, façon délire postmoderne. Zou Yi entend documenter l’extraordinaire dégradation de la qualité de l’air dans la capitale chinoise. Ce qui donne un cliché par jour, pendant un an. Le plus souvent, les fenêtres disparaissent dans un gris sombre, ou dans le noir. Pékin, la ville où l’on marche à tâtons.

Pour mesurer les dimensions bibliques de cette affaire, trois historiettes. Un, le lycée français de Pékin n’a plus la moindre confiance dans l’air qu’on respire localement. Il défend sa croûte, pas ? Des expatriés, des étrangers venus bosser en Chine six mois ou six ans ne veulent plus venir en compagnie de leurs gosses. Le lycée, plein d’imagination, proposera sous peu un établissement à air filtré. Fabius, ministre des Affaires étrangères, est passé sur place le 19 octobre pour poser la première pierre d’un nouveau bâtiment. On respire.

Deuxième illustration, qui date de ces tout derniers jours. Pékin accueille un sommet de chefs d’État de la zone Asie-Pacifique, ou APEC, mais consciente de ses devoirs d’hôte, se demande comment offrir à ses invités un air moins pourrave que d’ordinaire. Comme les bureaucrates ont tous les pouvoirs, ils ferment à moitié ou aux trois quarts 2 000 usines de l’agglomération, et traquent les peigne-culs qui osent allumer leurs fours, cuisinières ou chaudières à charbon. C’est-à-dire la totalité du peuple. Malgré ces beaux efforts, les chefs d’État doivent avaler le même air dégueulasse que les ploucs de la région.

Troisième grandiose exemple : la destruction, pour plus de sûreté, du thermomètre. Si on ne mesure plus, où est le problème ? La Chine vient d’interdire la publication – jusqu’ici disponibles sur le Net – de données américaines. L’ambassade US à Pékin, qui effectue ses propres contrôles, mettait à la disposition du public des mesures précises de la qualité de l’air dans la capitale. Comme on se doute, fort loin des chiffres officiels. Que sait-on ? L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une limite maximale de 25 microgrammes au mètre cube d’air de particules fines PM 2,5. Ce sont de loin les plus dangereuses, car elles ne dépassent pas 0, 0025 millimètre de diamètre, et grâce à leur petitesse, elles se fixent aisément dans les alvéoles des poumons, où elles finissent par provoquer les pires saloperies. À Pékin, les PM 2,5 atteignent et dépassent régulièrement 550 microgrammes, soit 20 fois ce qu’il ne faudrait jamais avaler.

Ce que ne raconte pas l’histoire, c’est notre contribution nette au grand massacre en cours des Chinois. Hollande et Sarkozy avant lui sont prêts à tout pour relancer leur croissance  adorée, qui passe fatalement par la Chine. En échange de nos turbines, de nos trains, de nos centrales nucléaires, la Chine nous envoie des montagnes de jouets, de colifichets à deux balles, de vêtements et d’ordinateurs. Qui ne poussent pas dans les arbres. La croissance et notre connerie – deux synonymes – tuent le monde. Charlie espère n’offenser personne.

(1) http://online.thatsmags.com/post/photos-this-is-what-one-years-worth-of-beijing-pollution-looks-like

Aux nobles gendarmes du barrage de Sivens

Cet article a été publié le 12 novembre 2014 par Charlie Hebdo

Revenons-en aux faits. Un, ce sont les flics qui ont commencé la violence. Deux, il y a sur place l’ébauche d’une milice pro-barrage que personne ne recherche. Trois, Xavier Beulin a des idées derrière la tête. Quatre, les agences de l’eau, ça craint.

C’est plutôt rigolo. Ben Lefetey est un écologiste de longue date, ancien président des Amis de la Terre. Il y a une petite quinzaine d’années, il part vivre en Asie, avec femme et bientôt enfants. Et puis il revient en France, où il s’installe à Gaillac (Tarn). Fatalitas ! Quelques mois après son arrivée, un tract déposé sous son pare-brise l’invite à une manif contre le barrage de Sivens, à une poignée de kilomètres de là. Il y va, il s’engage, et devient le porte-parole des opposants, ceux du « Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet » (http://www.collectif-testet.org).

Certains des pro-barrage les plus énervés lui promettent de lui couper les couilles, et les mêmes ou d’autres le présentent comme un « étranger » à la région venu y foutre le bordel. Il ne donne pas l’impression d’être autrement impressionné, et Charlie s’est finalement décidé à l’interroger. On apprend des choses, indiscutablement.

Charlie :  Et si on revenait sur la violence ? Qui a commencé ?

Ben Lefetey : Le premier acte de violence date du 23 janvier 2014. Ce jour-là, une bande d’une vingtaine de types, certains cagoulés, sont venus sur place saccager la ferme alors occupée par les zadistes. Avec des voitures dont le numéro d’immatriculation était caché. Il n’y avait que deux filles présentes, qui ont été attirées à l’autre bout du champ par une diversion. Le commando a sorti des masses, détruit portes et fenêtres, ouvert un trou dans le toit,  balancé du répulsif sur les matelas de manière à rendre le lieu inhabitable. Plainte a été déposée par le…conseil général, propriétaire en titre de la ferme. Bien qu’il n’y ait pas de grands doutes sur l’identité des gros bras, il n’y a jamais eu de suite.

> Les affrontements avec les gendarmes ont commencé, eux, le 27 février, un mois plus tard.  Les zadistes, surtout des anars du Tarn, renforcés par quelques Toulousains, étaient entre 5 et 10 à occuper le futur chantier en permanence et à y dormir. Après la destruction de la ferme, ils ont construit une maison en paille, installé des yourtes et un chapiteau. Et ils ont été expulsés par des policiers en civil et des gendarmes du Peloton de surveillance et d’intervention de Gaillac. Ces derniers forment une unité qui correspond aux brigades anti-criminalité (BAC) des villes. Une unité qui utilise souvent la violence, et qui l’a employée contre les occupants pacifiques du chantier. Le plus inouï est que cette expulsion a été condamnée ensuite par la cour d’appel de Toulouse. La gendarmerie opérait donc dans l’illégalité.

Charlie : Et c’est donc ensuite, et seulement ensuite, que tout s’est enchaîné ?

B.L : Aucun doute. Dès mars, les occupants ont été plus nombreux –entre 50 et 100 – et ils ont pu empêcher le déboisement qui était alors prévu.  Au passage, des gens plus radicaux sont en effet arrivés, qui ont construit des barricades qui ne tenaient d’ailleurs pas dix minutes. Dans tous les cas, l’escalade vient de là. Et de l’arrivée de Valls à Matignon : en septembre, entre 150 et 200 gardes mobiles ont été « réservés » trois semaines pour imposer le barrage de Sivens.

Charlie : En dehors des zadistes, qui refuse localement le barrage ?

B.L : Je voudrais d’abord parler des paysans, car le conseil général du Tarn a toujours prétendu que le monde agricole était pour, unanimement. Or il y a des paysans locaux, comme par exemple Pierre Lacoste, qui sont contre, et qui soutiennent depuis le début les zadistes. Et il faut citer le réseau de paysans bio de Nature et Progrès Tarn, très actif. Enfin, la Confédération paysanne est venue en renfort avec des tracteurs, réclamant au passage un moratoire. S’ajoutent au combat Attac, très présent dans le Tarn, ainsi que les associations historiques de France Nature Environnement (FNE). Des individus comme moi se sont greffés au fil du temps à la bagarre.

Charlie : Ségolène Royal a annoncé on ne sait plus bien quoi. Y aura-t-il un barrage ?

B.L : Nous avons désormais bon espoir qu’aucun barrage ne sera construit. Les experts qu’elle a nommés, dans leur fameux rapport, nous ont donné raison sur des points décisifs que nous avions avancé il y a un an sans être écoutés par le conseil général. Cela nous donne une sacrée crédibilité ! On est loin de cette image manipulée de zadistes maniant la barre de fer et terrorisant la population locale.

Charlie : Encore un mot sur la violence. Sans les affrontements avec les gendarmes, sans la détermination des zadistes, où en serait le barrage aujourd’hui ?

B. L : Il serait aux trois quarts construit.

Encadré 1

L’homme aux pesticides entre les dents

La menace bolchevique n’étant plus disponible, Xavier Beulin, président de la FNSEA – syndic(at) de faillite des paysans – vient d’inventer pire encore. Les écologistes de Sivens seraient des « djihadistes verts ». On pourrait en ricaner si ce n’était autant sérieux. Car derrière ce gros céréalier de la Beauce se profile une radicalisation croissante des paysans qu’il manipule.

Beulin déjeune régulièrement avec Hollande, à qui il promet de créer plein d’emplois à condition qu’on dérégule la profession. Plus de contraintes, plus de règles, nitrates à tous les étages ! Il veut en outre créer un statut du paysan qui serait refusé aux plus petits, ceux dont les surfaces ne lui paraissent pas dignes des grasses subventions qu’il reçoit.

Autre aspect de ce grand personnage : Sofiprotéol, énorme groupe industriel  qui pèse 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires (en 2013). Beulin n’est pas seulement « syndicaliste » : il est également le patron de Sofiprotéol et joue un rôle crucial dans des dossiers comme celui de la ferme des 1000 vaches. Sofiprotéol commercialise plus de la moitié des pesticides épandus en France. Cet homme aime la vie.
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Encadré 2

Le rôle si trouble des agences de l’eau

Sans l’agence de l’eau Adour-Garonne, pas de barrage de Sivens. Ce mastodonte public prévoit un budget de près de deux  milliards d’euros sur la période 2013-2018, et a promis 50 % du montant des travaux, qui s’élèvent sur le papier à 8, 4 millions d’euros pour une poignée d’irrigants.

La France compte six agences régionales de l’eau, créées en 1964, qui décident de tout parce qu’elles financent tout. Menu problème : elles sont une chasse gardée des trois grands corps d’État évoqués la semaine passée dans Charlie : les Mines, les Ponts et le Génie rural et les eaux et forêts. Ces grands ingénieurs sont intéressés au volume de travaux placés sous leur contrôle. En 2014, malgré quelques velléités démocratiques, l’oligarchie règne : cinq des six agences sont dirigés par des « corpsards », et la sixième, qui attend le sien, est administrée par un intérimaire, haut fonctionnaire du ministère de l’Agriculture.

Adour Garonne est pilotée par un ingénieur général des Mines, Laurent Bergeot, et le vice-président de la décisive commission Programmes et Finances est un certain Alain Villocel. Mais il faut employer le passé, car Villocel vient de partir vers de nouvelles aventures. Qui était-il jusqu’à ces derniers mois ? Le directeur général de la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG), bastringue public au service du conseil général du Tarn. Cette société d’économie mixte, qui fait abondamment couler l’argent public, est au point de départ du barrage de Sivens. Où le serpent se mord méchamment la queue.

Comment on construit un port en catimini (dans les Yvelines)

Écologistes et bagarreurs des Yvelines, ce texte vous concerne en priorité.

Je n’ai pas encore travaillé sur le sujet, mais je crois qu’il s’agit d’une vaste folie de plus. Vous lirez ci-dessous un article paru dans un journal des Yvelines, Le Journal des deux rives. On s’apprête à bouleverser la Seine à deux pas de Paris, dans les mêmes conditions d’opacité qu’a été lancé le funeste barrage de Sivens, entraînant la mort de Rémi Fraisse. Tout entier tourné vers les le BTP et ses si vertueuses entreprises, il consistera, autant qu’on peut le savoir à ce stade, en une « plateforme multimodale » contenant des transports par l’eau – la Seine -, le rail et la route. À Achères, à six kilomètres de Saint-Germain-en-Laye. La chose s’appelle pompeusement « Port Seine-Métropole Ouest »(ici)

Pour autant que l’on sache, ça renâcle jusque dans le camp des provisoires vainqueurs, ce qui est un comble dans ce genre d’histoires, où tout est ficelé dès les commencements. Est-ce que cela gêne si peu que ce soit les « promoteurs » du port ? Bien sûr que non. Jusqu’au 2 décembre, ils informent la population sous la conduite de l’inénarrable Commission du débat public, ou CNDP (ici), chargée d’imposer « l’acceptabilité sociale » des projets inutiles et nuisibles, comme par exemple les nanotechnologies. Dans ce cas précis, la composition de la commission locale de la CNDP fleure lourdement la provocation. On y trouve l’inévitable ingénieur des Ponts, un ancien d’EDF, un ancien de Péchiney-Alcan, une ancienne préfète du Tarn-et-Garonne (ce département directement concerné par Sivens), et d’autres personnages aussi intéressants que ce « fondateur de l’Avicenn, association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et nanotechnologies ».

Qu’y a-t-il derrière, outre le BTP ? L’État et nos socialos, car il s’agit de trouver des montagnes de granulat qu’on extraira du lit du grand fleuve martyrisé, avant que d’être conduit en péniches quelque part. Où ? Mais sur les chantiers du Grand Paris, ce mégaprojet qui entend dessiner les contours de la région Île-de-France pour les siècles des siècles. Conséquences pour la Seine, l’eau, les sols, le vivant ? On s’en fout. Il faut avancer. En retour, il n’est pas exclu que ces beaux entrepreneurs entassent sur place des déchets. Le conseil général des Yvelines, qui soutient à fond, écrit noir sur blanc que le site «pourrait aussi accueillir des déblais issus des chantiers franciliens.»

En bref, amis de partout et même d’ailleurs, c’est maintenant qu’il faut agir. Je n’ai aucun conseil à donner, mais il n’est pas interdit d’avoir un avis. Voici le mien : on se réunit au plus vite, on crée un collectif, et on se bat. Pour le fleuve, pour la vie, contre le Grand Paris.

———————L’article du Journal des deux rives

Port d’Achères : le débat public va durer 2 mois à partir d’octobre 2014

Le débat public au sujet du «Port Seine-Métropole Ouest» s’ouvrira  dès le 2 octobre 2014. Rappelons que ce port sera situé sur la plaine d’Achères et que ce sera une plate-forme trimodale (fleuve, rail, route) de 100 ha principalement orientée vers le secteur du BTP. Un ouvrage qui impactera le territoire des 2 rives, des communes qui la compose  et bien au delà.

C’est la Commission Nationale du Débat Public qui a décidé d’organiser un grand débat public (2 mois) sur ce projet auquel Ports de Paris est favorable et maître d’ouvrage. Un  projet soutenu par le Conseil général des Yvelines qui le présente comme devant «permettre l’extraction de granulats au bénéfice des travaux du Grand Paris et leur acheminement par voie d’eau. » Et «pourrait aussi accueillir des déblais issus des chantiers franciliens.»

Qu’est-ce qu’une           

plateforme multimodale ?

Une plateforme multimodale accueille sur le même site plusieurs modes de transport. Le projet Port Seine-Métropole est trimodal : il associe le fleuve, le rail et la route.

Cette formule permet de cumuler les avantages : forte capacité de la voie d’eau, faible pollution du fleuve et du rail, flexibilité et proximité de la route. Les activités envisagées sur cette plateforme s’articulent principalement autour du transport de conteneurs maritimes.

Impact, territoire et habitants

La prise en compte des enjeux  environnementaux, économiques et sociaux et des intérêts locaux, régionaux et interrégionaux ainsi que ceux des communes d’Achères, d’Andrésy, de Conflans Sainte-Honorine et de Saint-Germain-en-Laye seront au centre des huit réunions publiques qui ont à leur programme outre la présentation du projet, des débats sur : l’environnement, les travaux, le phasage, l’intermodalité, le développement économique, les aménagements urbains etc. Et puis l’audition publique des acteurs économiques pour finir sur une réunion publique de clôture.

Un précédent local, l’Eco-port des 2 rives

Un tel déroulé de réunions s’est déjà produit pour le Port des deux rives organisé conjointement par les dirigeants de la CA2RS et ceux de Ports de Paris. Concertation il y a eu ainsi qu’une écoute réciproque attentive. Les sujets ont été largement exposés, débattus, confrontés à des critiques  formulées sur les études, les diagnostics, les scénarios environnementaux, les schémas d’aménagement, l’uge du port (déchets, eco-construction etc.).  Une  évaluation socio-économique a été réalisée dont les conclusions ont été sujet à interprétation. On sait aussi que l’enquête publique s’est soldée par un avis défavorable du commissaire enquêteur… dont les dirigeants de la CA2RS n’ont absolument pas tenu compte puisqu’ils maintiennent  ce Port des deux rives dans leurs projets. (Voir vidéo Urbicus)

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             CNDP  Composition de la commission particulière au projet «Port d’Achères»

Michel GAILLARD (président), ancien cadre chez EDF Anne-Marie CHARVET, préfet honoraire, ancienne préfet du Tarn-et-Garonne et de l’Aude – Lucie DEMONDION, diplômée en sciences politiques et en géographie, expériences au sein de cabinet conseil en concertation citoyenne et en collectivités locales – Bruno de TREMIOLLES, ancien cadre de Péchiney-Alcan – Jacques ROUDIER, ingénieur général honoraire des ponts, des eaux  et  forêtsSecrétaire générale : Julie QUENTEL
Secrétaire général adjoint : Philippe BOURLITIO

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Lors des futures réunions de concertation et des ateliers thématiques (s’il y en a),  le monde politique,  associatif et socio-économique ainsi que les médias et les citoyens seront présents.  Assisterons-nous à un «moment» de démocratie participative ? A une «saison» d’échanges et de dialogues ? ou au théâtrale  monologue des «pour» et des «contre» aboutissant à un résultat programmé d’avance ? Il en va autant de la crédibilité de la Commission Nationale du Débat Public que des autres intervenants, politiques compris et que le slogan de la CNDP «Vous donner la parole et la faire entendre» sera appliqué.

Huit réunions publiques sont organisées dans les Yvelines du 2 octobre au 2 décembre

  • Réunion publique d’ouverture – Présentation du projet. 2 oct. 2014, 20H00 – 23H00. A Achères, Salle des fêtes Boris Vian – Place G. Brassens – Avenue Jean Moulin
  • Présentation du projet – Focus sur l’environnement, les travaux, le phasage. 7 oct. 2014, 20H00 – 23H00. A Conflans-Sainte-Honorine, Salle des fêtes – Place Romagné – Avenue Foch
  • Présentation du projet – Focus sur l’intermodalité. 14 oct. 2014, 20H00 – 23H00. A Saint-Germain-en-Laye, Théâtre A.Dumas – Place A. Malraux – Rue Saint-Louis
  • Présentation du projet – Focus sur le développement économique. 6 nov. 2014, 20H00 – 23H00. A Achères, Salle des fêtes Boris Vian – Place G. Brassens – Avenue Jean Moulin
  • Présentation du projet. 12 Nov. 2014, 20H00 – 23H00. A Carrières-sous-Poissy, Espace L. Armand – 142 rue Louis Armand
  • Présentation du projet – Focus sur les aménagements urbains. 18 Nov. 2014, 20H00 – 23H00. A Andrésy, Salle des fêtes Julien Green – 4 boulevard Noël Marc
  • Audition publique des acteurs économiques. 20 NOV. 2014, 20H00 – 23H00. A Poissy, Centre de Diffusion Artistique – 49-53 avenue Blanche de Castille
  • Réunion publique de clôture. 2 DÉC. 2014, 20H00 – 23H00. A Andrésy, Salle des fêtes Julien Green – 4 boulevard Noël Marc

Parallèlement aux réunions publiques (mardi 7 octobre à 20 h à la salle des Fêtes de Conflans Sainte-Honorine), deux rendez-vous sont programmés pour le public et la presse avec inscription obligatoire car le nombre de places est limité :

– une visite de terrain le 11 octobre. Pour mieux comprendre le projet et ses impacts, Ports de Paris, conjointement avec la Commission particulière du débat public PSMO, vous propose de visiter le site du projet PSMO et le port de Limay le samedi 11 octobre après-midi. Voir le programme ci-dessous.

– un atelier de travail le 18 novembre. Un atelier animé par des spécialistes est organisé le 18 novembre à Andrésy, avant la réunion publique relative aux aménagements urbains. Le programme sera disponible très prochainement. Cette séance fera l’objet d’une restitution le soir même lors de la réunion publique pour alimenter les réflexions. Pour participer à cet atelier, merci de remplir le formulaire d’inscription.

Une rencontre ouverte au public, associant des étudiants du territoire de Cergy-Pontoise, est également en préparation pour le 24 novembre. Plus d’informations prochainement

Programme de la visite du site du projet Port Seine–Métropole Ouest samedi 11 octobre suivie d’une visite du port de Limay

La Commission particulière du débat public et Ports de Paris proposent une visite guidée du site du projet Port Seine–Métropole Ouest. Cette visite est ouverte à tous sur inscription préalable avant jeudi 9 octobre à 12h00, dans la limite des places disponibles*.

Au programme, visite de terrain sur la plaine d’Achères en autocar. Plusieurs arrêts sont prévus pour comprendre au mieux les différents aspects du site existant et du projet. Après la visite du site du projet à Achères et un point de vue panoramique depuis l’Hautil, départ vers le port de Limay-Porcheville, le premier port fluvio-maritime d’Ile-de-France. A Limay, découverte d’une plateforme multimodale de 125 hectares gérée par Ports de Paris au cœur de la région mantoise dans un cadre paysagé de qualité. Tout le programme en détails  de la visite du 11 octobre à Limay :

13h30 : Rendez-vous pour le départ de la visite devant la gare du RER A d’Achères-ville

14h00 : Départ de la visite en autocar

14h00-15h30 : Visite du site du projet Port Seine-Métropole Ouest

15h30 : Visite du port de Limay

Vers 17h30 :  Retour à la gare d’Achères Ville

Pour s’inscrire, remplir le formulaire sur : http://psmo.debatpublic.fr/autres-rendez-vous-du-debat

Villes concernées:

Andrésy, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes, Maurecourt, Meulan/Les Mureaux, Orgeval, Triel-sur-Seine, Verneuil/Chapet, Vernouillet, Villennes/Médan, Autres

Accord hystérique entre la Chine et les États-Unis (sur le climat)

Le climat. Cette crise climatique que je considère depuis vingt ans comme la mère de toutes les batailles humaines. Je rappelle que le GIEC vient de remettre son cinquième rapport sur la question, et qu’il est réellement effrayant. En 1990, le GIEC parlait d’une augmentation maximale de 3° de la température terrestre moyenne à l’horizon 2100. Puis 3,5° en 1995. Puis 3,6 ° en 2001. Puis 4 ° en 2007. Et aujourd’hui 4,8°. Entre 1880 et 2012, cette température moyenne a augmenté de 0,85 °, avec des conséquences déjà énormes – dont nous nous foutons – sur les précipitations, les sécheresses, la productivité des sols agricoles. Imaginez la suite, avec X milliards d’humains en plus.

Le GIEC peut se tromper. Sur quoi, je n’en sais rien. Mais de toute façon, il est le seul instrument raisonnable dont nous disposons. Et cette lourde machine qui compile les études par milliers montre avec clarté que le temps est désormais compté. J’ajoute que cette bureaucratie, car c’est une bureaucratie, utilise des artifices diplomatiques pour être tant soit peu entendue par nos si grandioses « décideurs ». En clair, le GIEC euphémise systématiquement et permet ainsi aux gazettes de notre monde de répéter l’ineptie selon laquelle on se battrait pour empêcher une augmentation dépassant les 2°. En deçà, cela irait encore. Au-delà, ce serait dramatique.

Il y a de la bouffonnerie, une bouffonnerie tragique, dans tout cela. Comme est bouffonne la grande information du jour. Américains et Chinois auraient signé conjointement un formidable engagement. Oui, si l’on ouvre notre quotidien « de référence » – Le Monde – daté de demain, on peut lire, barrant la première page : « Climat : accord historique entre Chine et Etats-Unis, les deux premiers pollueurs ». Tu parles ! L’accord en question est annoncé en marge du sommet des pays Asie-Pacifique (APEC), qui se tient à Pékin. Pour que les invités puissent respirer autrement qu’avec des masques à gaz, les bureaucrates postmaoïstes au pouvoir ont fermé ou réduit les activités de 2 000 usines du grand Pékin.

Cela ne serait qu’anecdote sans la suite. L’Amérique d’Obama jure qu’elle réduira ses émissions de 26 à 28 % en 2025 par rapport à 2005. La Chine, héroïque, annonce qu’elle fera de mieux en mieux après un pic d’émissions qu’elle situe en 2030. Ce serait donc inouï, fabuleux, fondateur. C’est une farce, et elle est sinistre. Je crois inutile de détailler, car vous trouverez tout dans un excellent article de Valéry Laramée de Tannenberg (ici). J’ajoute un petit grain de sel : Obama veut montrer qu’il bouge encore, quelques jours après sa déculottée électorale et la perte définitive du Congrès. S’il avait voulu agir, la simple logique nous dit qu’il aurait tenté une opération à son entrée en fonction, début 2009. Ou du moins tant que les Démocrates tenaient le Congrès. Mais il ne l’a évidemment pas fait parce qu’il n’en a jamais eu l’intention. S’il le fait dans ces conditions, c’est pour des raisons qui n’ont rien à voir.

Or donc, la presse installée présente cette mystification comme un événement historique. Non pas qu’elle soit vendue. Simplement, elle exprime à la perfection le fait qu’elle est dans l’idéologie de son époque. Laquelle refuse de croire au drame. Laquelle défend l’idée si primaire de « progrès » linéaire. Laquelle veut croire qu’il existe des solutions techniques à des questions anthropologiques. Nous en sommes là, et c’est dingo. Le comble, c’est que le réalisme est du côté d’une institution hautement productiviste (ici), l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

L’AIE vient de ridiculiser sans le savoir les vétilleux chefs d’État chinois et américains. Ses prévisions – admises par tous les establishments – indiquent que d’ici 2040, les émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie augmenteront de 20 % (ici). Et si elles augmentent, dites-moi, comment pourraient-elles baisser ? Pour y arriver, il faudrait attaquer de front la question industrielle, actuellement hors de tout contrôle. Et donc affronter les transnationales et tous ceux, innombrables en vérité, qui soutiennent leurs actions de mort. On préfère ne rien faire du tout.

La France est aussi bien placée que les autres. Notre pauvre M.Hollande et sa petite troupe préparent un sommet climatique mondial pour l’an prochain, à Paris. Les trémolos sont donc nécessaires. On a entendu notre Président affirmer (ici) ces derniers jours : « Nous devons être les soldats de la préservation de la planète ». Où l’on voit qu’il a gardé le sens de l’humour au milieu de toutes les calamités qu’il traverse quotidiennement. En visite au Canada début novembre, il y a vanté l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta, qui donne comme on sait du pétrole en tuant tout ce qui entoure les gisements, et en contribuant bien sûr au grand dérèglement climatique. Il faut dire que Total, le Total de son grand amour défunt, Christophe de Margerie, est dans le coup. Ceci explique cela. Extrait du journal Le Monde du 5 novembre :

« Dans le parc national de Banff, dans le sud de la province de l’Alberta, au pied des montagnes Rocheuses où il s’était rendu la veille, jusqu’à la capitale du Canada, le président a promu le savoir-faire des entreprises françaises dans l’exploitation des sables bitumineux, extraits à grande échelle dans le nord de cette province. Sans la moindre allusion à la destruction de l’environnement que cette industrie occasionne ni à leurs effets polluants. Je souhaite que la France puisse continuer à mettre en valeur les immenses richesses de l’Ouest canadien, que ce soit dans les techniques d’exploitation, de transformation, d’acheminement des hydrocarbures ou dans la construction d’infrastructures”, a-t-il déclaré. Le chef de l’Etat, accompagné dans sa visite de 38 chefs d’entreprises françaises, petites ou grandes, a précisé que “Total réalisait actuellement en Alberta son plus gros investissement au monde”, en utilisant, selon lui, “des techniques respectueuses de l’environnement”.

> Parallèlement, et sans y voir matière à contradiction, M.  Hollande s’est efforcé de convaincre le Canada de s’impliquer activement dans la lutte contre le réchauffement climatique, à l’instar des pays de l’Union européenne, qui ont récemment décidé de réduire de 40  % leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030. Il n’y est apparemment pas parvenu, même si son plaidoyer a coïncidé avec la mise en garde, diffusée dimanche, par les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) aux gouvernements de la planète, pressés d’adopter des mesures supplémentaires pour freiner le réchauffement climatique ».

Croyez-moi sur parole, ce papier me désole, plus que je ne saurais vous l’exprimer.

Derrière Sivens, ceux qui décident

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 5 novembre 2014
Faudrait voir à comprendre. Qui « pense » les barrages, les ponts, les routes, le nucléaire, le remembrement ? Perpétuellement les mêmes, depuis plus de deux siècles.

On va essayer de faire court, mais le fond de l’affaire mérite un livre. Ce qui s’est passé autour de ce putain de barrage de Sivens se produit chaque jour ou presque, d’un bout à l’autre de la France, de la ferme des « 1 000 vaches » à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, en passant par des milliers de projets publics ou parapublics conçus dans l’opacité la plus totale. Pourquoi, chers amis les aveugles ? Mettons de côté l’imbécillité coutumière des collectivités locales, qui versent faute d’idées dans le clientélisme. À Sivens, il s’est agi pour les socialos en place d’arroser quelques paysans intensifs et de faire travailler des boîtes de BTP locales. Il y a toujours une raison, aussi merdique soit-elle.

Mais derrière, il y a des dossiers biaisés, des choix controuvés, des prises de décision dissimulées sous l’apparence de la froide technique. Pour mieux comprendre, deux exemples. Exceptionnellement, l’auteur de ce papier va utiliser le je, car c’est à moi que cela est arrivé. En 1991, préparant un livre, je décide de rencontrer un Ingénieur général des Ponts et Chaussées, Jacques Bourdillon. Ce monsieur venait d’écrire, sous l’autorité du ministère de l’Équipement auquel il appartenait un rapport renversant intitulé : « Les réseaux de transport français face à l’Europe ».

Selon lui, pour éviter un déclin sinon inévitable, il fallait investir 1560 milliards de francs – 340 milliards d’euros en valeur 2013 – en quinze ans, soit plus de cent milliards de francs par an. Cette manne colossale se traduirait par d’innombrables infrastructures : ponts, routes, autoroutes. Comme j’étais époustouflé, j’ai décidé d’aller voir ce monsieur Bourdillon, mais, crotte, il venait de prendre sa retraite de haut fonctionnaire, et il avait donc quitté le ministère. Je l’ai retrouvé rue du Général Camou, à Paris, travaillant pour Scetauroute, bureau d’études commun à toutes les sociétés d’autoroute. Vous faut-il un paquet cadeau ?

L’année suivante -, 1992 -, j’interrogeai pour le même livre un ingénieur du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM). Il était rigolard, il me demandait pourquoi il n’y avait pas de châteaux d’eau en Angleterre. Ben oui, pourquoi ? Les ingénieurs des Ponts gagnaient chez nous – légalement, mais discrètement – des « rémunérations accessoires », primes épouvantables accordées en fonction du volume de travaux effectués sous leur contrôle. En somme, plus on construisait en France de châteaux d’eau, plus ces grands ingénieurs empochaient. Sauf qu’il y avait des châteaux d’eau partout. Par quoi les remplacer ? Alors le type du BRGM a explosé de rire, me disant ensuite, à peu près textuellement : « Regardez ce qui va se passer dans les prochaines années. La France va être saisie d’un prurit de ronds-points ». Et il avait raison. On en aurait des milliers, et les ingénieurs des Ponts rempliraient ainsi leurs bas de laine.

Trois corps de cette « noblesse d’État » décrite en 1989 par Bourdieu tiennent le pays via un monopole de l’expertise technique : les Mines, les Ponts et Chaussées et réunis avec eux depuis 2009, le Génie rural et les eaux et forêts. Et cela dure depuis plus de 200 ans. Le nucléaire, les autoroutes, les villes nouvelles, le remembrement, le « recalibrage » des ruisseaux et rivières, les barrages, c’est eux. Tout, rigoureusement tout passe par eux.

Même le barrage de Sivens ? Même. Formés dans un cadre aujourd’hui ringardissime – une rivière, c’est un tuyau, une forêt, c’est une monoculture, une centrale nucléaire, c’est la puissance nationale -, on les trouve par exemple, côté pile, à la direction départementale de l’agriculture du Tarn et du Tarn-et-Garonne, où une partie du projet Sivens a été « pensé ». Et bien sûr à la surpuissante Agence de l’eau Adour-Garonne, dont le directeur, Laurent Bergeot, est ingénieur général des Mines. Le plus rigolo : les signataires du rapport contestant en partie Sivens (1) sont deux ingénieurs des Ponts et des eaux et forêts.

Ces gens sont des dialecticiens capables de proposer à tout moment, en fonction de leur intérêt, la thèse et son antithèse. Mais on n’a pas la place de continuer, dommage.

(1) http://www.tarn.gouv.fr/expertise-du-projet-de-barrage-de-a2986.html