Archives de catégorie : Développement

Les éoliennes aux mains d’Areva et Total

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 16 avril 2014

Un nouvel Eldorado pour les transnationales françaises de l’énergie : les éoliennes en mer.  Un accord inédit lie le WWF, Greenpeace, les Amis de la Terre et les compères du nucléaire, du gaz et du pétrole réunis

Cherbourg, capitale de la propagande. La semaine passée – les 9 et 10 avril -, le syndicat des énergies renouvelables (SER) organisait dans le Cotentin les premières « Assises nationales des énergies marines renouvelables ». Formidable ? Dégueulasse. Pour bien comprendre ce qui se passe, il faut commencer par présenter la bête. Le SER (http://www.enr.fr) n’est pas un syndicat, c’est une vaste réunion de compères créée en 1993, où dominent quelques poids lourds comme EDF, Gdf-Suez, Total, Alstom, Areva. La fine fleur du nucléaire, des turbines industrielles qui lui sont souvent liées,  et des combustibles fossiles comme le gaz ou le pétrole. Peut-on trouver plus merdique ? Non.

À Cherbourg, on a discuté de l’avenir prévisible de deux très gros dossiers. Les éoliennes offshore et les hydroliennes. Pour les premières, c’est vraiment parti après des années de valse-hésitation. On peut voir le coup d’envoi dans une lettre un poil hallucinante datée du 18 septembre 2009. Toute la galaxie écolo officielle – celle qui a donné dans le Grenelle de l’Environnement de Sarkozy – a posé sa signature. Le WWF, Greenpeace, Les Amis de la Terre, entre autres.

Ces écolos bien-élevés hurlent à la mort, car « les adversaires de l’énergie éolienne s’apprêtent à une nouvelle campagne de dénigrement avec, pour point d’orgue, l’organisation de leur manifestation annuelle le 26 septembre ». Où ? Au Mont Saint-Michel, où ces crapules prétendent qu’il existe un projet d’éoliennes offshore. Et blababli et blablabla. Le texte est un hymne au progrès techno, et peste contre des projets de loi susceptibles de nuire à l’éolien et à son « rôle important dans la lutte contre le changement climatique et pour le développement économique ».

Non, ce n’est pas un dépliant du ministère de l’Industrie, quoique. On a oublié l’un des signataires, un certain André Antolini, alors président du SER évoqué plus haut. Antolini est une caricature, qui a été – entre autres – président de la Fédération nationale des promoteurs constructeurs (FNPC), du Conseil national de la construction (CNC), et directeur général délégué d’EDF-énergies nouvelles. Bref, un bon camarade. Comme les écolos estampillés se sont-ils embarqués à bord d’une telle galère ? Mystère des profondeurs. En tout cas, Sarkozy embraie aussitôt et débloque un dossier jusque là en panne. En janvier 2011, il annonce un appel à projets portant sur 10 milliards d’euros et cinq sites offshore : Dieppe-Le Tréport, Fécamp, Courseulles-Sur-Mer, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire. En moins de dix ans, 600 éoliennes doivent être construites en mer.

En avril 2012, le noble Éric Besson annonce les résultats de l’appel d’offre. EDF, alliée avec Alstom et un Danois, ramasse la mise pour Courseulles, Saint-Nazaire et Fécamp. Areva et un Espagnol s’emparent de Saint-Brieuc, et Le Tréport est repoussé. Besson sanglote et lâche au micro : « Cette décision va conduire au développement d’une nouvelle filière industrielle à vocation mondiale, avec 10.000 emplois industriels créés, et positionner la France parmi les leaders mondiaux de l’industrie éolienne offshore ».

Rebelote en novembre 2013 : le gouvernement lance un second appel d’offres pour deux champs d’éoliennes offshore au large du Tréport et de Noirmoutier. Cette fois, le SER d’Antolini et de Jean-Louis Bal, son remplaçant, ne se sent plus, et annonce carrément 30 000 emplois d’ici 2030 si on lui refile toutes nos côtes. Toutes ? Quand même pas. La carte établie pour l’occasion se concentre sur la mer du Nord et la Manche, l’Atlantique au sud de Saint-Nazaire, et quelques spots en Méditerranée. Pour l’instant. On en est là, au point de bascule d’un gigantesque projet d’industrialisation côtière. La France octroie la mer proche à ceux qui ont pourri la France et le monde – Total, c’est Elf, et les satrapes africains – à coup de centrales nucléaires, de barrages géants – celui des Trois Gorges, en Chine, c’est Alstom – et de derricks dans le cul des pauvres du Sud.

Est-ce bien raisonnable ? Gloire à l’association Robin des Bois (www.robindesbois.org), qui a décidé, bien seule, de relever le gant. Dans un communiqué cinglant publié le 8 avril, elle pose la seule question qui vaille : « Nous avons dégradé le littoral. Allons nous maintenant transformer la mer côtière en zone industrielle ? ». À ce stade, ça craint déjà beaucoup, car « aucune étude d’impact sérieuse et contradictoire n’est disponible ». Rien sur les oiseaux, les mammifères marins, les poissons, les effets de barrière, les risques de collision.

Sérieusement, faut-il faire confiance à Areva et EDF pour assurer la fameuse « transition énergétique » ?

Encadré
Le raz Blanchard changé en tuyauterie

Cela s’appelle la fuite en avant. Les monstres énergétiques ne sont pas programmés pour penser la sobriété, mais seulement le gaspillage et la surproduction. L’exemple des hydroliennes entre à la perfection dans ce schéma mental.

Qu’est-ce qu’une hydrolienne ? Une turbine immergée qui utilise la puissance des courants sous-marins comme le font les éoliennes avec le vent. La technologie existe, mais ses effets demeurent inconnus. Prenons des exemples, du plus simple au plus général. Pour empêcher l’encrassage des turbines par les algues et le plancton, il faudra balancer sans cesse des produits antifouiling, qui sont parmi les pires perturbateurs endocriniens. Bien au-delà, les hydroliennes modifient fatalement les courants marins, la sédimentation, les zones de pêche. Le risque de ce que les biologistes appellent des « zones mortes » est évident.

Le projet le plus fou de tous concerne le raz Blanchard, qui est l’une de nos vraies merveilles. Il s’agit d’une sorte de torrent sous-marin d’une puissance stupéfiante – la vitesse du courant peut dépasser 5m/seconde -, à l’ouest de Cherbourg. Nul ne sait comment ce trésor s’insère dans les écosystèmes locaux et régionaux, mais les ingénieurs ont décidé de le traiter comme une grosse canalisation. Un tuyau.

Où irait l’électricité ainsi produite ? Droit dans la ligne THT qui partirait du futur réacteur nucléaire EPR de Flamanville, en direction du réseau national d’EDF. La poursuite du même, encore et toujours. Reiser, Gébé, où sont passés l’an 01 et les petites éoliennes au-dessus des toits ?

Royale prise de tête pour l’écologie

Ce papier a été publié par Charlie Hebdo le 9 avril 2014

Mission impossible pour Ségolène Royal, qui doit se coltiner au ministère les ingénieurs des Ponts et des Eaux et forêts. Derrière les rideaux de fumée, la « noblesse d’État » décrite par Bourdieu réclame la seule chose qu’elle connaît : des coulées de béton.

Pas la peine de mentir : on ne voyait pas Ségolène Royal revenir au ministère de l’Écologie, 20 ans après avoir occupé le poste. Ben oui. Royal a été ministre de ce qu’on appelait l’Environnement entre avril 1992 et mars 1993, juste avant la branlée monumentale des législatives, qui a dû rappeler des souvenirs au père Hollande. Député sortant de Corrèze – déjà -, il avait en effet été sèchement battu par le candidat UDF-RPR de l’époque.

Donc, Royal. Ne jamais oublier qu’elle n’a pas réussi grand-chose. À l’Environnement, en 1992, elle a lamentablement foiré une Loi sur les déchets, qui devait interdire les décharges dès 2002, sauf pour les déchets dits ultimes. 22 ans plus tard, il existe encore des centaines de décharges en France, et rien n’indique le moindre mouvement en sens contraire. Certes, toute la société a merdé. Mais Royal encore plus.

Deuxième raté : le Marais poitevin. Élue du coin comme députée, puis présidente de la Région, elle connaît le dossier par cœur. L’une des plus splendides zones humides de France a été drainée en bonne part, et transformée en une immensité de maïs dopé aux pesticides. Elle a  blablaté, ferraillé à l’occasion avec Raffarin, l’autre ponte local, côté droite, mais elle a laissé faire. Elle y pouvait rien ? En tout cas, elle n’a rien foutu.

Que vient-elle traîner dans la galère gouvernementale ? Le ministère de l’Écologie appartient de longue date aux grands ingénieurs, cette « noblesse d’État » décrite avec bonheur par Bourdieu dans un livre de 1989. En la circonstance, au corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts (IPEF). On ne peut que survoler : les ingénieurs des Ponts ont absorbé par fusion ceux des Eaux et Forêts (Igref), et forment l’ossature administrative du ministère de l’Écologie. Or les Ponts, qui existent depuis avant la révolution de 1789, auront tout fait : les routes et ronds-points, les autoroutes, les villes nouvelles comme l’atroce Marne-la-Vallée, les ZUP pouraves de banlieue. Les Igref, de leur côté, ont assaisonné les restes : remembrement des campagnes, destructions des haies, « rectification » ou canalisation des voies d’eau, plantations massives de résineux. L’anti-écologie.

Royal sait à quoi s’en tenir, et elle ne va certainement pas mener des combats perdus d’avance. Elle a en ligne de mire deux dates clés : la loi de transition énergétique d’une part ; le sommet mondial sur le climat qui doit se tenir en 2015 à Paris. Charlie a déjà parlé de la prochaine loi Énergie, prévue avant l’été. Pour l’heure, les grands lobbies industriels – Total et de Margerie, EDF et Proglio – mènent le bal, en plein accord avec Hollande, qui a un besoin crucial de ces poids lourds pour fourguer son Pacte de responsabilité.

Margerie comme Proglio refusent à l’avance qu’on leur fasse payer une transition vers des énergies vraiment renouvelables. Business as usual. Total guigne une hypothétique exploitation des gaz et pétroles de schiste en France et EDF exige qu’on lui foute la paix avec le nucléaire. Que peut espérer Royal contre son ancien jules, Valls, Montebourg et Cazeneuve, appelé jadis le « député Cogema » à cause de son militantisme pronucléaire ? Elle a intérêt à trouver avant les grandes vacances.

Quant à la réunion sur le climat, l’affaire s’annonce là aussi délicate pour Royal. Car jusqu’ici, tous les rendez-vous depuis la conférence de Kyoto, en 1997, ont échoué, faute d’accord sérieux entre le Nord et le Sud. Ajoutons un mot sur l’Agriculture, secteur décisif pour qui se préoccupe des écosystèmes. Le Foll maintenu, c’est l’assurance que les liens noués en profondeur avec la FNSEA de Xavier Beulin seront maintenus.

Or Beulin, chantre de l’agriculture industrielle, ne rêve que d’une chose : installer des fermes des 1000 vaches et des usines à biocarburants. Il est donc raccord avec Proglio et Margerie, mais aussi avec les ingénieurs anciennement des Eaux et Forêts qui tiennent le ministère de l’Agriculture. Lesquels ne rêvent que d’une chose : industrialiser ce qui ne l’a pas encore été. Les surprises ne sont pas terminées.

28 000 rivières chinoises ont disparu

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 2 avril 2014

Ne pas voir plus loin que le bout de son nez. Obsédé par la croissance, Hollande vient de recevoir en grande pompe le président chinois. Il oublie un détail dont il se contrefout d’ailleurs : la Chine est en train de sombrer.

« Ah les cons ! ». En 1938, Daladier rentre d’Allemagne, où il vient de signer les catastrophiques Accords de Munich. Au Bourget, où il atterrit, la foule en liesse salue l’homme qui, croit-elle, vient de sauver la paix. Le poète et diplomate Saint-John Perse qui accompagne le président du Conseil, l’entend distinctement insulter les nigauds qui l’acclament.

Bis repetita ? Le président chinois Xi Jinping a passé deux jours en France, la semaine dernière, avec 200 patrons de chez lui. Derrière les contrats et les fleurs, derrière les grandes tapes dans le dos, la réalité est simplement apocalyptique. Sauf erreur, aucun journal français n’a seulement noté la parution, il y a plusieurs mois, d’un recensement officiel du ministère chinois de l’eau (1). Accrochez-vous, il n’y pas d’erreur de frappe : environ 28 000 rivières ont disparu du pays entre les années 90 et aujourd’hui.

Cela commande quelques explications. 800 000 personnes sont allés sur le terrain, et n’ont trouvé que 22 909 cours d’eau dont le bassin était supérieur à 100 km2, contre à peu près 50 000 il y a vingt-cinq ans. Que disent les bureaucrates du parti communiste ? Que les cartes anciennes n’étaient pas fiables et que le dérèglement climatique aurait bien pu assécher quelques rivières. En marge des médias officiels, c’est un tout autre débat que mènent quelques critiques autour de l’écologiste Ma Jun, auteur d’un livre sensationnel paru en 1999 (en anglais, China’s Water Crisis).

Ma Jun, qui donne l’impression d’un bien grand courage, a donné une tout autre explication au journal The Australian, qui paraît, comme son nom l’indique, en Australie : « Une des raisons principales est la surexploitation des nappes d’eau souterraines, mais la destruction de l’environnement est une explication complémentaire, car la disparition des forêts entraîne une baisse des pluies sur nos montagnes ». Sans que personne ne s’en soucie, la Chine a donc changé de structure physique, perdant jusqu’au souvenir de rivières coulant depuis des dizaines de millénaires.

Tous les connaisseurs du dossier savent que la Chine est devenue folle, pompant sans aucun contrôle l’eau de ses rivières pour soutenir cette expansion qui fait saliver en France Hollande et Bartolone. Ce dernier, président de l’Assemblée nationale, est allé jusqu’à déclarer, au cours d’une visite à Pékin, en janvier : « La croissance, nos entreprises sont prêtes à la chercher jusqu’ici, en Chine. À cet égard, venir en Chine c’est humer un bon air d’optimisme ». Un trait d’humour, alors que les 20 millions d’habitants de Pékin étouffaient dans un infernal nuage de pollution ? Même pas.

La Chine peut-elle espérer continuer ? Quelques années, sûrement. Mais à terme, on ne voit pas comment une économie qui nie à ce point des réalités de base pourrait survivre sans un krach écologique aux dimensions bibliques. La tension ne cesse de monter entre l’Inde et la Chine – toutes deux puissances nucléaires -, car la première accuse la seconde de vouloir piquer une partie des eaux descendant du plateau tibétain vers les plaines alluviales indiennes, par exemple celle du Brahmapoutre.

Un premier barrage, celui de Zangmu, devrait être terminé en 2015, mais d’autres projets bien plus spectaculaires encore, sont sur la rampe de lancement. Les Chinois, qui le nient, prévoiraient un détournement massif d’eau pour abreuver leur Nord assoiffé. De leur côté, les Indiens le répètent sur tous les tons au cours de nombreuses réunions bilatérales : toucher à l’eau qui descend de l’Himalaya serait un casus belli.

Dans ces conditions, que penser de la joie au cœur de Hollande, Bartolone et consorts ? En 2011, le géologue chinois Fan Xiao remettait aux autorités un rapport on ne peut plus flippant (A Mighty River Runs Dry) sur le plus grand fleuve d’Asie, le Yangzi Jiang (Yangtsé). Selon lui, si tous les barrages prévus sur son cours devaient fonctionner en même temps, il n’y aurait simplement pas assez d’eau dedans. Vive le commerce mondial ! Vive l’amitié franco-chinoise !

(1) http://www.irtces.org/isi/WebNews_View-en2.asp?WebNewsID=1003

Brice Lalonde reprend du service pour l’industrie lourde

Cet article a été publié le 27 mars 2014 par Charlie Hebdo

Comique troupier un jour, comique troupier toujours. Brice Lalonde, l’ancien du PSU et des Amis de la Terre, devenu ultralibéral et pote d’Alain Madelin, lance une OPA sur le WWF, un an avant le Sommet du climat de Paris.

Brice Lalonde est de la race costaude des morts-vivants. Tu l’as à peine jeté de la fenêtre du troisième étage qu’il est déjà dans l’escalier de secours, à remonter quatre à quatre. Ainsi qu’on va voir, il s’est une nouvelle fois remis en selle. Cette fois aux côtés de son vieux compagnon Philippe Germa, propulsé à la tête du WWF en France. Mais qui est-il ? Pour les jeunes et les oublieux, une mise à niveau s’impose.

Jusqu’en 67, il est au PSU, sous l’aile d’un certain Rocard. En 68, il est soixante-huitard. En 69, il est aux Amis de la Terre. En 74, il est de la campagne du vieux Dumont à la présidentielle. En 81, il se présente lui-même à cette dernière. En 89, il accepte d’être secrétaire d’État – à l’Environnement – de son pote Michou Rocard. En 90-91, il monte avec Mitterrand et Jean-Louis Borloo sa petite entreprise, Génération Écologie, pour torpiller les Verts naissants. En 95, ruiné politiquement, il devient maire d’un patelin breton, Saint-Briac et proche de l’ultralibéral et sympathique Alain Madelin.

Ensuite, comme Madelin, les affaires. Il devient consultant dans des projets de « développement » en Afrique, et doit son premier come-back politique à Sarkozy soi-même, qui le nomme « ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique ». Un triomphe, qui mènera à la faillite du sommet de Copenhague, en décembre 2009, dont Lalonde n’est quand même pas le seul responsable.

Quand même pas. Il est ensuite chargé par l’ONU – et Sarko en coulisses – de préparer le deuxième Sommet de la Terre de Rio, en juin 2012. Peu de gens savent que ce raout est totalement infiltré par l’industrie transnationale, et que son inventeur, Maurice Strong, a dirigé les plus grosses boîtes canadiennes, comme PetroCanada ou Ontario Hydro, géant de l’hydro-électricité et du nucléaire.

Donc Lalonde. On croyait bêtement que le Sommet de Rio serait son chant du cygne, mais tout au contraire, ce n’était qu’un tremplin. Le voilà de retour pour une opération grand style qui concerne le WWF. La machine à sous décorée d’un panda, c’est ça. Le WWF a été créé par des riches chasseurs britanniques en 1961, et depuis cette date, n’a jamais cessé de fricoter avec les plus grosses boîtes de la planète. Du côté des premiers financiers, on peut citer Mobutu, le cher ange propriétaire du Congo (ex-Zaïre) entre 1965 et 1997, McNamara, le grand responsable des bombardements massifs sur le Vietnam ou encore, pour la rigolade, madame André Bettencourt. La vieille ? C’est cela même.

Le WWF-international a décidé il y a deux ans de faire le ménage dans sa section française, soupçonnée d’altermondialisme. L’ancien directeur, Serge Orru, est débarqué en septembre 2012, et comme par enchantement, Philippe Germa prend sa place en janvier 2013, avec le plein soutien de la navigatrice Isabelle Autissier, présidente du WWF, pleine de belles compétences patronales.

Le WWF nouvelle manière adore le capital sans frontières. Ainsi, Germa est banquier, venu d’une entreprise transnationale d’origine néerlandaise, ABN AMRO. Et son nouveau directeur des programmes, Christophe Roturier, a bossé en Afrique dans les « équitables » échanges de cacao entre la France et des pays comme la Côte d’Ivoire. Il a également été le salarié d’Arvalis-Institut du végétal, chantre de l’agriculture industrielle.

Lalonde dans tout cela ? Il vient d’entrer à pas feutrés dans le conseil d’administration du WWF-France, où l’attendait Germa, un ami de quarante ans, qui fut le trésorier de Génération Écologie. Reconstitution de ligue dissoute ? Ça y ressemble. Mais il y a plus : le 14 mars, sur Europe 1, Lalonde déclare sans état d’âme sa flamme au gaz de schiste et au nucléaire. Or le WWF-International et son homme au conseil d’administration du WWF-France, Jean-Paul Paddack, préparent avec ardeur le prochain sommet mondial sur le climat, qui se tient à Paris en 2015. Lalonde, selon des confidences recueillies par Charlie, deviendrait une pièce maîtresse de ce dispositif. Sous les applaudissements de Total, Exxon, BP, Shell et Areva. Compris ?

Transition (énergétique), mon cul

Ce papier a été publié par Charlie Hebdo le 5 mars 2014

Il faut sortir une loi sur l’énergie, mais en enfilant gentiment les écolos sans qu’ils se barrent en courant. Margerie et Proglio sont au pouvoir, mais chut, faut pas le dire.

C’est une enflade. Le mot n’existe pas dans le dictionnaire, mais il illustre bien ce qui est en train de se passer. Enflade, d’enfler, qui signifie arnaquer. Officiellement, tout ce beau gouvernement est d’accord sur la transition énergétique. En gros, cela ne peut pas durer. Le pétrole abondant et bon marché,  c’est fini. Les fossiles – pétrole encore, gaz, charbon – détruisent l’équilibre du climat. Le nucléaire, malgré les fantasmes nucléocrates, ne représente jamais que 5,7 % de l’énergie primaire mondiale, avec une tendance à la baisse.

Par ailleurs, les renouvelables : l’eau – hydro-électricité -, le bois, le soleil, le vent, réclament de grands investissements pour pleinement prendre la place. D’autres contraintes martyrisent l’horizon, à commencer par la loi Énergie de 2005, qui oblige la France à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 80 % d’ici 2050. Il faudrait commencer maintenant.

Hollande est pour. Comme il n’est contre rien, il est pour une loi sur la transition énergétique qui préciserait enfin les contours du bouquet énergétique français dans dix, dans vingt, dans trente ans. L’emmerde c’est qu’il faut trancher, ce qu’il ne sait pas faire, et qu’il se branle de la crise écologique. En janvier 2013, le père François promet un « grand débat ouvert et citoyen » pour le printemps, suivi d’une belle synthèse en juin et d’un projet de loi devant le parlement en octobre 2013. Mais rien ne vient.

Le 11 décembre, un an après les promesses, une première réunion d’une fumeuse Commission se tient. On cause, entre soi. Le 7 février 2014, le ministre de l’Écologie Philippe Martin, qui a le sens de l’humour, déclare : « Les travaux sur la loi de transition énergétique avancent bien et les délais seront tenus ». Il est question maintenant d’une présentation au conseil des ministres ce printemps et un vote après, en juin, ou en septembre, ou à la saint Glin-Glin, ça dépendra.

Pourquoi ? Parce que dans les coulisses, où les industriels ont déjà gagné, la bataille fait rage. Il n’est pas question de les embêter si peu que ce soit. Pas au moment même où Hollande croit s’en tirer avec son pacte de responsabilité, dont la propagande dit qu’il pourrait créer 300 000 emplois. Deux grands patrons, qui font antichambre à l’Élysée, illustrent les manœuvres en cours. Christophe de Margerie, PDG de Total, a la pleine oreille de Hollande, qu’il voit régulièrement. Or il se plaint sans détour de Philippe Martin, qui est aussi, on l’oublie, ministre de l’Énergie. Pour le Christophe, l’opposition de Martin au gaz de schiste, secteur où Total est très présent hors de nos frontières, est un casus belli.

De son côté, Henri Proglio, patron d’EDF jusqu’en novembre au moins – Hollande veut le remplacer -, tente d’arracher une concession majeure : augmenter la durée de vie de nos centrales nucléaires, prévues au départ pour trente ans, jusqu’à cinquante, voire soixante ans.

Derrière les deux poids lourds, Pierre Gattaz, ennemi déclaré de toute contrainte « écologique », et le Medef avec lui. Ce n’est pas un secret d’État que Martin a failli démissionner plusieurs fois depuis le début de l’année, ce qui ferait grand désordre après le licenciement de Delphine Batho en juillet 2013. Des témoins, indirects mais fiables, rapportent des discussions à l’Élysée, au cours desquelles Martin était seul contre tous. Seul contre les productivistes du gouvernement, Montebourg bien sûr, Moscovici, Ayrault, Cazeneuve et Hollande soi-même. La morale de l’affaire est très simple : il ne fait pas le poids.

Que contiendra la loi à l’arrivée ? C’est là que cela se complique, car les braves soumis d’EELV, y compris Cécile Duflot, ont déjà annoncé qu’ils rompraient l’alliance avec le PS en cas de reniement trop visible, par exemple sur la date de fermeture de Fessenheim. Un ponte du parti écolo, moyennement charitable, raconte à Charlie : « Je ne vois pas comment ils vont s’en sortir. Ni Duflot ni Canfin ne veulent lâcher leur place, mais Hollande ne veut rien lâcher sur un dossier qu’il juge stratégique. Donc, ça devrait saigner ».

On verra. Pour l’heure, rideau de fumée sur la ligne d’horizon.