Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 17 juillet 2013
Les flics font tomber un à un les « rois de l’éolien », des chefs de la mafia qui se font des couilles en or grâce aux parcs éoliens financés par l’Europe. Pendant ce temps, en France, des boîtes propres sur elles lancent des projets délirants, comme sur les crêtes des Vosges.
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La mafia, les petits gars, se moque bien de l’idéologie. Avec le fric pour totem, qu’il vienne du corps des femmes, de l’héro des junkies ou du trafic d’AK-47 – un beau fusil d’assaut -, on va toujours plus loin qu’avec des jérémiades. Le dernier exemple en date n’étonnera personne : les flics européens d’Europol expliquent dans un rapport tout chaud tout frais: « Les mafias italiennes (…) investissent désormais dans le secteur des énergies renouvelables pour blanchir leurs revenus illégaux et bénéficier des aides européennes ». En tête de gondole, les éoliennes. Disons sans vouloir vexer les cognes que ce n’est pas réellement un scoop.
L’an passé, la police italienne a saisi 350 millions d’euros de biens divers, appartenant à la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. Et dans le lot, le plus grand parc éolien d’Europe, situé à Crotone. Une bien belle réalisation de 48 aérogénérateurs construits grâce à une cascade de prête-noms et sociétés-écrans basés en Allemagne et en Suisse.
Rebelote il y a quelques semaines. Des unités spécialisées de Palerme ont découvert au Luxembourg une charmante boîte appelée Lunix, enchevêtrement de sociétés de Malte, du Panama et d’ailleurs, dont le point commun est la construction d’éoliennes en Sicile et bien au-delà. Prix de l’ensemble, à la louche : 1,3 milliard d’euros.
Derrière la vitrine, celui qu’on appelle le « roi des éoliennes », Vito Nicastri. Un proche, très proche du boss de Cosa Nostra, Matteo Messina Denaro, en fuite depuis 1993. En 2009, il existait déjà 900 éoliennes en Sicile, dont certaines dépassant les 100 mètres de haut, et des milliers en construction. Aucun chiffre plus récent n’est disponible, mais on peut faire confiance à Vito Nicastri pour avoir pulvérisé ses records précédents. La province sicilienne de Trapani, à elle seule, compte des centaines d’éoliennes, et un projet soulève une vraie grosse colère dans la ville de Mazàra del Vallo, où 48 éoliennes géantes de 190 mètres de haut pourraient être bâties à moins de trois kilomètres des côtes.
Pourquoi tant d’efforts de la part des mafias ? Un, l’Europe, cette brave fille aveugle, refile d’énormes subventions à qui veut construire des éoliennes, ce qui tombe à pic. Deux, l’Italie accorde un prix de rachat de l’électricité produite par les éoliennes trois fois supérieur à celui de pays européens comme la France. Le résultat est qu’une installation est rentable dès la deuxième année. Ensuite, bingo.
La mafia exerce-t-elle ses talents éoliens en France ? Nul ne sait, nulle enquête ne le prouve. Mais il se passe chaque jour de nouveaux événements. D’innombrables comités bagarrent contre l’installation massive d’éoliennes, qui se surajoutent aux centrales nucléaires. Pour l’heure, EDF est contraint de racheter au prix fort l’électricité d’origine éolienne à ses producteurs, mais cela risque de changer.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par des associations, devrait annuler en septembre le tarif d’achat imposé à EDF, estimant qu’il constitue une aide d’État non déclarée. Le 11 juillet, l’avocat général de la Cour s’est en effet prononcé dans ce sens, et il est presque toujours suivi par elle.
Dans ce cas, la crise du secteur serait immédiate. Faut-il pleurer ? Faut-il en rire ? Le débat est complexe, et on ne l’ouvrira pas aujourd’hui, non par peur de se faire écharper, mais par manque de place. Ce qui est sûr, c’est que le vent a rapporté beaucoup de fric à de vraies boîtes industrielles, comme par exemple Ostwind, filiale française d’un groupe allemand lancé en 1992. Sur le papier (http://www.ostwind.fr), « la conviction écologique est le moteur d’Ostwind depuis ses débuts ».
Dans la réalité, faut voir. Il y a deux semaines, une vraie manif à l’ancienne a eu lieu au col du Bonhomme, sur les fabuleuses crêtes des Vosges. Ostwind vient d’obtenir du préfet du Haut-Rhin l’autorisation de défricher le terrain, prélude à la construction d’éoliennes au milieu d’un des plus beaux paysages de France, abri derniers grands tétras du coin. Ouais, faut voir.