On me dira que ce responsable de la CGT ne représente pas son syndicat. Polope, comme je disais souvent dans ma jeunesse banlieusarde. Yves Tual est un bonze de la CGT des ports, et il s’exprime au nom de sa confédération. La commission de dialogue dont il est question est la foutaise imaginée par Ayrault et ses amis socialos pour calmer le jeu. Elle a écouté une série d’acteurs, et rendra un avis avant la fin mars, dont il n’y a rien à attendre. Ayrault veut. Hollande ne sait pas comment sortir du merdier. Mais en attendant, la tradition productiviste de la CGT s’exprime ci-dessous avec une vigueur inentamée. Oui, on peut en chialer.
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Syndicat CGT Donges le 28/02 /2013
G P M
NANTES SAINT NAZAIRE
RENCONTRE AVEC LA COMMISSION DU DIALOGUE AEROPORT
NOTRE DAME DES LANDES
Mercredi 27 Février 2013, à ma demande, j’ai été auditionné par Mrs Chéreau et Kbaier, membre de la commission de dialogue.
Au cours de cette audition, j’ai rapellé mon attachement à la réalisation de cet équipement structurant pour le Grand Ouest de la France. Au cours de mon activité syndicale j’ai toujours défendu les projets économiques porteur d’emplois et et rappelé que dans le contexte d’un accroissement du chomâge, nous ne pouvons laisser une minorité torpiller et remettre en cause un tel chantier.
J’ai fait part à la commission que nous pouvons faire un parralèle entre les projets de développement portuaire et aéroportuaire, ils sont tous encadrés par des cadres juridiques, des réglementations et des directives trop lourdes qui sclérosent leur realisation. En atteste actuellement l’élaboration des plans de PPRT Donges et de Montoir qui bloquent tous les projets sur le port de Nantes Saint-Nazaire.
J’ai aussi fait remarquer à la commission, que le port a déjà subi de graves entorses dans sont développement avec Donges-Est et qu’il risque encore d’avoir des difficultés sur ses projets Aval, nous ne pouvons plus addmettre cette telle décroissance.
Concernant la réalisation de ce nouvel équipement à Notre Dame des Landes, j’ai rappelé à la commission la nécessité de le relier aux réseaux routiers et ferroviaires dès sa mise en service et notamment à la liaison train tram en réalisant une bretelle de raccordement à la ligne Nantes Chateaubriant. Prenant exemple sur les ports ou leurs développements sont toujours conditionnés par des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales.
D’autre part, la réalisation d’une liaison train tram permettrait une meilleure fluidité de circulation des résidants de toute cette zone aux heures d’embauches et de débauches.
Sur les incidences du déplacement de l’aéroport de Château Bougon à Notre Dame des Landes, j’ai rappelé la nécessité de conserver la piste pour les activités d’AIRBUS Nantes, de nombreux emplois en découlent.
Enfin j’ai insisté sur :
? Le fait qu’il faut absolument savoir marier Ecologie et Economie. En tant que responsable syndical, j’ai toujours lutté pour la place de l’homme au cœur de la société, mais il faut toujours trouver des compromis entre l’économie, l’écologie et le sociale.
? Qu’il est nécessaire de mettre en place des mesures environnementales de grandes qualités et concertés pour la réalisation de la nouvelle plate forme aéroportuaire
? Qu’opposer l’économie à la préservation de l’environnement est aussi ridicule que de voir aujourd’hui le dogmatisme soit disant écologique opposer l’environnement avec la vie du territoire
? Que la réalisation de cet équipement indispensable au développement économique, social et culturel du Grand Ouest ne prenne aucun retard, cela augmenterait d’autant son coût de réalisation
YVES TUAL
Ex secrétaire général syndicat CGT Port Autonome NANTES SAINT NAZAIRE
Faudrait pas oublier l’essentiel. Un, la Roumanie est tenue par la mafia, la vraie. Deux, la viande est devenue en France une industrie comme les autres. La fabrication du « minerai de viande » est légale.
Oublie tout ce que tu as entendu, et regarde d’un autre œil cette fabuleuse histoire. Le « scandale de la viande de cheval » est une grosse farce, jouée par des acteurs de premier plan. Deux mots sur Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture et comédien de génie : contrairement à tant d’autres ministres, il visait depuis un bail le poste qu’il occupe depuis mai 2012. Il est petit-fils de pedzouille, titulaire d’un BTS agricole, et il a enseigné l’économie dans un lycée agricole. Il connaît donc le secteur.
Et c’est bien pourquoi il faut l’applaudir si fort. Jeté au milieu d’une énième crise de confiance, qui risque de plomber les comptes de l’industrie de la bidoche pour un moment, il a choisi contre toute évidence la voie de l’humour. Citation (RTL le 11 février) : « Je découvre la complexité des circuits et de ce système de jeux de trading entre grossistes à l’échelle européenne ». Immergé depuis sa naissance dans le monde de l’agriculture intensive, copinant avec certains de ses pires tenants, comme le président de la FNSEA Xavier Beulin, il ignorerait tout de ce qui fait le quotidien de la barbaque industrielle. C’est crédible.
On ne va pas refaire dans Charlie le circuit de la viande roumaine, mais on peut ajouter deux ou trois bricoles au vaste storytelling (1) en cours. Un, tous les sopranos de cet opéra bouffe savent ce qu’est devenue la Roumanie : un pays dirigé par la mafia. Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra, livre consacré à la Camorra, ne cesse de le répéter dans de nombreux entretiens, et la presse roumaine le confirme chaque jour. Le 9 février 2011, le quotidien de Bucarest Gândul (3) se demande en Une : « Mais où va l’argent sale des douanes ? ». Bonne question, car en cet instant, un douanier sur quatre est poursuivi pour corruption. Le 25 mai 2011, un autre quotidien roumain, Evenimentul Zilei (4), annonce que la mafia touche entre 1 000 et 7 000 dollars pour chaque container envoyé dans l’Union européenne. On arrête là, faute de place.
Voilà donc l’arrière-plan. Mais les neuneus ont tort de croire les ministres, qui désignent une poignée de fraudeurs et annoncent de nouveaux contrôles. Car la merde, qu’elle soit de vache ou de cheval, est dans le système. La vérité est dans un entretien passionnant accordé à une feuille de Nevers par Constantin Sollogoub, ancien vétérinaire local connaissant bien la Roumanie (4). Le Constantin se demande : « Pourquoi une viande abattue en Roumanie vient-elle jusqu’à Castelnaudary, pour être préparée au Luxembourg, via Metz ? ». Et il répond que le kilo de cheval vaut le tiers du kilo de bœuf, du moins en Roumanie. Et que l’exportation de viande permet d’engranger en plus des aides européennes. On voit que ça rapporte.
Mais ce n’est pas tout, et Constantin mange même le morceau principal : « Il y a 40 ans, les déchets des premières opérations allaient à l’équarrissage. Ils sont désormais mis en blocs et congelés ». Voilà le grand secret : on ne jette plus rien, ce serait trop bête. Et les industriels de la viande – qu’ils soient Roumains ou Français – fabriquent ce que nos belles autorités appellent discrètement du « minerai de viande ». Ne fuyez pas, cela devient sublime. Charlie étant un journal sérieux, bien qu’irresponsable, a épluché la Spécification technique n° B1-12-03 du 28 janvier 2003 , édictée par les services français. Cela donne : « Le minerai ou minerai de chair utilisé pour la fabrication des viandes hachées correspond exclusivement à des ensembles de muscles striés et de leurs affranchis, y compris les tissus graisseux y attenant ».
Il n’y a qu’une explication au supposé scandale de la viande de cheval : l’animal est devenu un produit industriel comme un autre. Une marchandise à laquelle on peut faire subir tous les outrages. Pour le reste, pour la com’ et les trémolos, voyez plutôt Le Foll.
LE MONDE | 25.02.2013 à 15h57 • Mis à jour le 25.02.2013 à 17h35 Par Fabrice Nicolino, enquêteur, chroniqueur et reporter
Que se passe-t-il vraiment dans l’univers de la viande industrielle ? Et que nous fait-on manger, de gré ou de force ? Avant d’essayer de répondre, il est bon d’avoir en tête deux études récentes. La première, publiée en 2011, montre la présence dans le lait – de vache, de chèvre ou d’humain – d’anti-inflammatoires, de bêtabloquants, d’hormones et bien sûr d’antibiotiques. Le lait de vache contient le plus grand nombre de molécules.
La seconde, qui date de 2012, est encore plus saisissante. Une équipe de chercheurs a mis au point une technique de détection des résidus dans l’alimentation, en s’appuyant sur la chromatographie et la spectrométrie de masse.
Analysant des petits pots pour bébés contenant de la viande, ils y ont découvert des antibiotiques destinés aux animaux, comme la tilmicosine ou la spiramycine, mais aussi des antiparasitaires, comme le levamisole, ou encore des fongicides. Certes à des doses très faibles – en général –, mais, comme on le verra, la question se pose aujourd’hui dans des termes neufs. On remarquera que, dans le scandale en cours, un mot a presque disparu : phénylbutazone. Cet anti-inflammatoire, on le sait, a été retrouvé dans des carcasses de chevaux exportés vers la France.
UNE FRAUDE ISOLÉE ?
Or la phénylbutazone est un produit dangereux, interdit dans toute viande destinée à la consommation humaine. S’agit-il d’une fraude isolée ? Ou bien, comme certains éléments permettent de l’envisager, d’une pratique tolérée par les autorités de contrôle ? Nul besoin d’une vaste enquête pour avoir une idée de l’incroyable pharmacopée destinée aux animaux d’élevage. La liste des produits autorisés contient de nombreux douvicides (contre des vers parasites), anticoccidiens (parasites de l’intestin), anthelminthiques (vermifuges), hormones, vaccins, neuroleptiques et antibiotiques.
Sait-on comment l’oxytétracycline se mélange avec la gonadolibérine chez un poulet ? Comment le flubendazole se marie avec l’azapérone et les prostaglandines PGF2 dans la chair d’un porc ? Le thiabendazole avec le diazinon ou le décoquinate dans le sang d’une bonne vache charolaise ? Aucune étude sur les effets de synergie de ces produits n’est menée. Il n’est pas dit qu’elles seraient possibles.
Lorsque c’est le cas, on découvre en tout cas un nouveau monde. Le 3 août 2012, la revue PloS One publiait un travail sur les effets combinés de trois fongicides très employés dans l’agriculture. Leur association provoque des effets inattendus sur les cellules de notre système nerveux central. Commentaire de l’un des auteurs, Claude Reiss : « Des substances réputées sans effet pour la reproduction humaine, non neurotoxiques et non cancérigènes ont, en combinaison, des effets insoupçonnés. »
Effets insoupçonnés, éventuellement cancérigènes, ouvrant la voie –peut-être – à des maladies neurodégénératives comme Parkinson, la sclérose en plaques ou Alzheimer. Cette découverte est cohérente avec les grands changements en cours dans la toxicologie, qui étudie les substances toxiques.
« LA DOSE FAIT LE POISON »
Aujourd’hui encore, le principe de base de cette discipline est le Noael (No observed adverse effect level), ou dose sans effet toxique observable. Longtemps avant Noael, son précurseur Paracelse – un magnifique alchimiste du XVIe siècle – résumait à sa façon le paradigme actuel de la toxicologie : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose n’est pas un poison. »
Phrase-clé que des générations de toxicologues ont résumée dans cette formule : « La dose fait le poison. » Mais la connaissance bouscule les idées en apparence les plus solides. Le lourd dossier des perturbateurs endocriniens vient rebattre les cartes de manière spectaculaire. En deux mots, ces substances chimiques imitent les hormones naturelles et désorientent des fonctions essentielles du corps humain, comme la reproduction ou la différenciation sexuelle.
Or les perturbateurs agissent à des doses si faibles que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pu conclure, dans un rapport de 2011, que les effets de l’un d’eux, le bisphénol A, étaient avérés à « des doses notablement inférieures aux doses de référence utilisées à des fins réglementaires ». Il est certain que ce seul propos marque un tournant. Car du même coup, la dose journalière admissible (DJA) du bisphénol A – sa limite légale – pourrait être divisée par… 2 millions, selon le toxicologue André Cicolella. Le bisphénol A pourrait même « avoir des effets plus importants à très faible niveau d’exposition qu’à haut niveau », ce qui mettrait à bas tout l’édifice.
Quel rapport avec cette fraude géante appelée désormais « horsegate » ? C’est on ne peut plus limpide : nul ne sait ce que contient réellement la viande industrielle. Et nul ne veut savoir. Dans la lutte contre l’orgie d’antibiotiques donnés au bétail, le ministère de l’agriculture apparaît comme un Janus biface. D’un côté, des promesses, et, de l’autre, l’inaction. Il lance fin 2011 un plan de réduction « de 25 % en cinq ans de la consommation des antibiotiques destinés aux animaux », mais que n’a-t-il oeuvré auparavant ? Entre 1999 et 2009, l’exposition du bétail à ces médicaments a augmenté de 12,5 %.
Certes, le volume global a baissé entre ces deux dates, mais les nouveaux produits sont actifs à des doses plus faibles. La situation s’aggrave, alors que l’antibiorésistance a été repérée dès avant la seconde guerre mondiale. De quoi s’agit-il ? Après un temps court, les bactéries combattues par un antibiotique mutent. Ainsi des sulfamides, introduits en 1936, confrontés dès 1940 à des souches résistantes de bactéries.
LES INFECTIONS NOSOCOMIALES
Ainsi de la molécule de tétracycline, ainsi du tristement célèbre staphylocoque doré, dont plusieurs souches résistantes ont donné diverses lignées SARM (staphylocoque doré résistant à la méticilline). Le SARM joue un rôle fondamental dans les infections nosocomiales, celles qui surviennent dans les hôpitaux. Bien que des chiffres indiscutables n’existent pas, on pense que les trois quarts des 7 000 à 10 000 décès annuels de ce type en France sont le fait de bactéries résistantes aux antibiotiques, au tout premier rang desquelles le SARM.
Des chiffres officiels américains font état de 19 000 morts dans ce pays en 2005, soit davantage que le sida. L’enjeu de santé publique est donc considérable.Et il n’est pas exagéré de parler d’une maladie émergente, dont l’évolution demeure imprévisible. Tout récemment, le professeur David Coleman, spécialiste de la question, a identifié une souche si différente des autres qu’elle ne peut être détectée par les tests existants. Bien qu’elle touche les humains, elle se développe tout d’abord chez des animaux d’élevage, surtout les bovins.
Ce n’est guère étonnant, car une autre souche – le CC398 – prolifère depuis des années dans les élevages industriels. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu, en 2010, un avis indiquant que le réservoir du CC398 se trouve chez les bovins, la volaille, mais surtout chez les porcs. Fait inquiétant, le SARM animal est de plus en plus présent dans les infections humaines, et une étude néerlandaise (Voss et al., 2005) établit que les producteurs de porcs sont 760 fois plus touchés que la population générale. Un exemple frappe l’imagination : celui d’un vétérinaire (Nienhoff et al., 2009) qui transmet à son propre chien un SARM animal acquis au contact d’un porc.
C’est dans ce contexte de grande inquiétude que l’EFSA lance en 2008 une enquête européenne. Disons franchement qu’elle étonne. Laissons de côté le mystère britannique, qui ne reconnaît aucun cas de SARM animal. L’Espagne, en revanche, a retrouvé la souche CC398 dans 46 % des élevages porcins, l’Italie dans 14 % d’entre eux, l’Allemagne dans 43,5 % et la Belgique dans 40 %. Autrement exprimé, tous nos voisins sont fortement touchés. Mais pas nous. Nos services ne rapportent que 1,9 % d’élevages porcins frappés par le SARM animal, dont tout le monde sait qu’il tue en France un nombre inconnu, mais en toute hypothèse élevé, de malades.
Ce pourcentage est peut-être exact, mais il fait penser, mutatis mutandis, à ce nuage de Tchernobyl qui aurait par miracle épargné la France. Il est peut-être exact, mais l’Europe elle-même, par le biais de l’EFSA, a diplomatiquement fait état de sa grande surprise au vu des résultats. Citation du rapport de 2009 : « L’EFSA recommande en outre que de nouvelles études soient réalisées afin d’identifier les raisons justifiant les différences observées au niveau de la prévalence du SARM dans les différents Etats membres. » Oui, pourvu que ce pourcentage soit exact, ce qui serait mieux que de jouer avec le feu bactérien. Car laisser flamber le SARM dans les élevages serait autrement plus grave que le tour de passe-passe autour de la viande de cheval.
Aucune équipe gouvernementale, depuis cinquante ans, n’a osé ouvrir le dossier infernal de l’élevage industriel et de la folie des antibiotiques. Le moment est peut-être venu.
Fabrice Nicolino, enquêteur, chroniqueur et reporter
La communication de crise entre en scène
LE MONDE |
Il n’est pas injurieux de parler de mise en scène. Après tout, chacun évoque depuis longtemps la « scène médiatique », et c’est bien là que se joue en partie la crise actuelle de la viande industrielle. Parmi les nombreux acteurs de la pièce, l’agence de communication reste obstinément dans l’ombre, ce qui empêche de saisir certains des ressorts de l’intrigue. Mais voyons de plus près.
Le 11 février, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, déclare : « Je découvre la complexité des circuits et de ce système de jeux de trading entre grossistes à l’échelle européenne. » Est-ce crédible de la part d’un petit-fils d’agriculteur, titulaire d’un BTS agricole, longtemps professeur d’économie dans un lycée agricole ? Mais n’était-ce pas le début d’une stratégie de communication, destinée à éteindre l’incendie ? Il faut comprendre que M. Le Foll s’appuie sur des règles de communication.
Je me suis fait avoir comme un bleu en relayant les informations d’un site nauséabond. Je vous prie de m’en excuser. J’efface en conséquence ce qui était auparavant ci-dessous. Et merci au lecteur qui m’a prévenu.
La bagarre contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a mis en mouvement une tribu qu’on croyait disparue, celle des naturalistes. Les naturalistes, si chers à mon cœur, sont ceux qui, scientifiques ou amateurs, observent le fabuleux spectacle, permanent et gratuit, de la nature. Certains restent au labo, le nez vissé au microscope; d’autres courent les grèves et les landes, les forêts et pics à la recherche d’une fleur, d’un accouplement, d’une bouse. Comme je les aime !
Je l’ai donc signalé ici (les naturalistes en lutte) ou ailleurs ( dans Charlie Hebdo), les amis des oiseaux et des fleurs ont lancé un inventaire de la biodiversité des 2 000 hectares convoités par les promoteurs de ce foutu aéroport. Par dizaines, ils arpentent le bocage et notent tout ce qu’ils peuvent. Pour ma part, je ne doute pas que ce travail aidera à défaire nos adversaires. Il existe encore, en effet, quelques remparts légaux, dont je reparlerai. Mais en attendant, même si cela paraîtra lointain à nombre de lecteurs de Planète sans visa, j’ai souhaité vous faire partager un texte sur ce qu’on nomme la « compensation ». Les crétins qui commandent estiment que l’on a parfaitement le droit de détruire un lieu si l’on « compense » ailleurs, après travaux de génie écologique éventuellement, ce qui a disparu. C’est contre cet « argument » détestable que s’élèvent les mots qui suivent.
Les décompenseurs en lutte
Que ce soit au regard de la biodiversité ou au titre de la loi sur l’eau, AGO [Aéroport Grand Ouest] et l’État présentent de multiples mesures visant à compenser la destruction irréversible de la ZAD [Zone d’aménagement différé]. La compensation est la dernière étape d’un triptyque Éviter, Réduire, Compenser. S’il nous semble évident que la construction de cet aéroport devrait avant tout être évitée, la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) a permis aux « opérateurs » d’avancer jusqu’à l’étape Compenser. Cette démarche est présentée comme « innovante » et plusieurs éléments laissent penser que l’expérience tentée ici, devrait devenir un modèle pour d’autres grands projets en France.
En effet, la méthodologie, commune aux dossiers biodiversité et loi sur l’eau, est proposée par le plus gros bureau d’étude environnemental en France, Biotope. Pourtant, cette méthodologie est critiquable sur de nombreux aspects, aussi bien sur le fond que sur la forme. C’est pourquoi, nous avons créé un groupe de travail, les décompenseurs en lutte, pour tenter de mettre au jour les menaces d’une telle approche, tant pour Notre-Dame-des-Landes que par la « flexibilisation » destructive qu’elle permettrait ailleurs en France.
Voici quelques points sur lesquels nous pensons travailler.
1. La compensation écologique repose sur l’illusion que l’ingénierie et la toute puissance de la technologie permettront de restaurer de la nature. Des études empiriques démontrent pourtant que la restauration de zones humides ne permet jamais de retrouver la biodiversité et les fonctions écologiques des zones naturelles. Cette arrogance technophile est particulièrement inquiétante. Peut-on croire que la techno-science va réconcilier croissance et nature ?
2. La compensation se fait en tranches, après un découpage technocratique : seules les espèces protégées sont considérées, seules certaines « fonctions » écologiques, sont considérées. L’entité que forme l’écosystème détruit n’est pas compensée en tant que telle comme un tout cohérent attaché à un territoire et des pratiques agri-culturelles, mais morceau par morceau. Ces morceaux sont compensés séparément en ignorant leur interdépendance et leur degré de connexion. Peut-on déplacer la nature comme on déplace des voyageurs ?
3. Sur la base de hiérarchies fonctionnelles et de biodiversité les différentes zones se voient attribuées des valeurs et des coefficients de « besoin compensatoire ». Ces coefficients varient de 0,25 pour les zones les plus « pauvres » à seulement 2 pour les plus « riches » (alors que le barème du Comité National de Protection de la Nature (CNPN) préconise des coefficients allant jusqu’à 5 ou 10). Peut-on se satisfaire de ces coefficients, non validés scientifiquement, qui apparaissent comme un bricolage permettant une « compensation » au rabais pour AGO et l’État ?
4. La destruction occasionne une perte de nature immédiate et certaine, tandis que la compensation par des projets de restauration écologique (type « actifs de nature » qui sont une forme de spéculation) ne peuvent éventuellement compenser que de façon différée dans le temps et incertaine. Les mesures compensatoires proposées aussi bien pour l’aéroport que pour le barreau routier prévoient de l’acquisition foncière et des contractualisations (baux ruraux de 9 ans) avec des agriculteurs afin d’« améliorer » le bocage et les zones humides existantes en périphérie de la ZAD. Peut-on accepter qu’aucune garantie ne soit donnée quant à la sécurisation réglementaire de ces mesures dont la durée n’est ni à la hauteur de celle de la concession (55 ans) ni de celle nécessaire à la restauration écologique ?
5. L’équivalence écologique nécessaire à l’échange est formalisée par des « Unités de Compensation » qui visent à rendre commensurables (c’est-à-dire comparables sur une même unité de valeur) des couleuvres et des chauves-souris. Ces unités de compensation peuvent être achetées par des banques d’un nouveau genre, des banques « d’actifs naturels » à l’instar de la CDC-Biodiversité. Partout en France de nouveaux opérateurs de compensation sont labellisés par l’État, autorisant des multinationales (comme Veolia ou Bouygues) à faire des profits supplémentaires grâce à ce nouveau marché compensatoire. Peut-on échanger des espèces et des fonctions écologiques sur des marchés comme des titres d’actifs financiers ?
Si ce travail vous intéresse, entre visites de terrain et décodage de dossiers technocratiques, rejoignez-nous en contactant decompenseurs@gmail.com