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Fleur Pellerin, ministre électromagnétique (et follement socialiste)

Le parti socialiste est arrivé au bout de sa course. On le voit mal beaucoup évoluer encore, car il exprime aujourd’hui, comme jamais, le soutien total au monde comme il va. Le destin des créations humaines est de dégénérer. Disons pour ne point fâcher, de s’institutionnaliser. Jadis parti de classe, au temps de Jaurès, ce mouvement a peu à peu pris la place politique qu’occupait, sous la Troisième République, le Parti radical. Une manière comme une autre de reconnaître le vrai pouvoir, celui de la propriété, qui s’incarne aussi bien dans les patrons français que transnationaux.

L’un des exercices les plus épuisants consiste à demander à une structure ou à un être ce qu’il leur est impossible de donner. Réclamer du parti socialiste, dirigé en totalité par une caste au service du monde réel et de sa destruction, qu’il défende les peuples, les espèces, les espaces, est pleinement absurde. Le temps où cela demeurait concevable a disparu depuis si longtemps que, personnellement, je ne l’ai pas connu. Et pourtant, il m’arrive encore d’être surpris. Mais il est possible que cela ne soit que niaiserie. Vous allez juger.

L’Assemblée nationale discute aujourd’hui d’une proposition de loi d’Europe Écologie-Les Verts au sujet des ondes électromagnétiques. Ou dois-je dire devait ? À l’heure où je vous écris – 18 heures – une rumeur me parvient : la discussion n’a pas eu lieu, et le projet est enterré au profond d’une Commission. Ces gens sont de parfaits croque-morts. Mais je n’entends pas insister aujourd’hui sur la dangerosité plus que probable des ondes, notamment celles du téléphone portable. Non, je voulais évoquer la personne de Fleur Pellerin, sous-ministre à l’Économie numérique (et aux PME, et à l’Innovation [sic]). On lui doit en bonne part le caviardage du projet de loi évoqué plus haut. Car bien qu’escamoté, apparemment et au dernier moment, ce projet avait au préalable été vidé de ses mesures les plus significatives. À savoir la limitation du wifi dans les crèches et les écoles.

À ce sujet, la déclaration la plus belle de madame Pellerin, mais il y a concours dans ce singulier domaine, condamne tout projet de loi qui inscrirait « dans le dur des choses qui correspondent à des peurs un peu irrationnelles, et qui consisteraient à donner un poids juridique à la dangerosité des ondes radioélectriques alors que cette dangerosité n’est pas scientifiquement étayée ». Quelle est cette langue stupéfiante ? La sienne.

Reprenons. Fleur Pellerin. Elle aura 40 ans en août prochain, et elle a fait une belle carrière dans ce qu’il faut appeler, après Bourdieu, la « noblesse d’État ». Essec, puis Sciences-Po, puis l’ENA, enfin la Cour des Comptes et les différentes babioles professionnelles qui vont de pair. Socialiste par surcroît ? Exact, par surcroît. Elle entre au PS en 2006, à l’âge intéressant de 33 ans. On a connu des engagements plus fulgurants, sans aucun doute, mais il faut faire avec. Donc, socialiste. Mais quelle ? Eh bien, cette même année 2006, madame Pellerin devient membre de la Fondation Royaumont (ici).

Cette philanthropique institution fonctionne comme un centre culturel,  accueille des concerts, éduque à la musique médiévale et baroque, forme au chant. On applaudit. Mais il n’est pas interdit de rappeler que le fondateur lui-même, Henry Goüin, décrit ainsi la philosophie de sa si charmante créature (ici) : « C’est bien l’étude de l’homme dans le temps, et dans l’espace, sous ses aspects physiques et moraux, dans ses relations avec sa famille, son milieu social, son milieu de travail, avec les peuples d’autres nations et d’autres races, qui peut faire découvrir les remèdes aux états de tension, manifestations d’un désaccord, souvent irraisonné, avec soi-même, avec le prochain, avec la société, qui se traduisent par le déséquilibre mental, les haines, les fanatismes, les luttes de classe, les révolutions et les guerres ».

Ma foi, le programme est joli : il faut extirper par le clavecin ces basses idées propagées par tant d’abrutis. C’est celui de toutes les droites rances, éventuellement catholiques, depuis deux siècles. S’agit-il d’une calomnie ? Sincèrement, je ne le crois. Dans un entretien récent au Parisien (ici), madame Pellerin énonce tranquillement, montrant combien elle a retenu la leçon : « À une logique de lutte des classes, je préfère une stratégie où tout le monde ressort gagnant ». Entendons-nous : ces propos n’ont rien de criminel. Mais ils démontrent, si besoin était, que cette dame n’a rien à voir, de près ou de loin, avec ce fil rouge qui court l’histoire souvent héroïque de ce qu’on appela jadis le mouvement ouvrier. Ce magnifique effort de civilisation assassiné par la guerre mondiale de 1914, puis le stalinisme.

Elle est parfaitement dans son rôle quand elle explique, ces derniers jours : « Je n’ai aujourd’hui aucune preuve que le Wifi est mauvais pour la santé ». Elle n’en aura jamais. Ou quand les morts se ramasseront à la pelle mécanique. Elle n’en aurait pas eu davantage à propos de la clope, de l’amiante, du DDT et des pesticides, de la dioxine, et du reste. N’oublions pas qu’elle est notamment ministre de l’Innovation. Le téléphone portable est une superbe innovation, et ce qui vient sera encore mieux. Fleur Pellerin est socialiste. Et le socialisme est désormais l’ennemi de l’écologie. Libre à chacun de croire le contraire. Il n’y a pas d’âge pour espérer le Père Noël.

PS : J’ajoute pour mes amis de Montreuil que Fleur Pellerin envisage, après bien d’autres, de se présenter aux élections municipales de 2014 dans leur ville. Cela promet.

La mort au fond des containers

Ce papier a paru dans Charlie-Hebdo du 23 janvier 2013

Épidémie de cancers chez les dockers de Nantes Saint-Nazaire. Ces inconscients ouvrent chaque année des milliers de containers venus d’Asie ou d’Afrique, pleins de gaz toxiques et de pesticides.

Il va mourir, mais il ne le sait pas encore. En cette fin de l’année 2010, le docker Jean-Luc Chagnolleau se pose des questions. Ouvrir des containers du matin au soir, qui peuvent dégager les pires vapeurs, c’est un sacré risque. Il traîne d’ailleurs un vilain cancer du rein, et fait les comptes. Sur les docks du port de Saint-Nazaire, les malades et les morts se ramassent à la pelle.

Il décide d’y voir clair et lance avec deux potes de la CGT, Gilles Rialland et Serge Doussin, l’Association pour la protection de la santé au travail des métiers portuaires (1). En mars 2011, dans la foulée, un colloque réunissant scientifiques et dockers se tient à Nantes. La vérité commence d’apparaître : les dockers sont les victimes d’une hécatombe.

Chagnolleau se soigne, et se bat (2), mais il meurt en septembre 2011. Ses proches racontent : « Ce n’est pas normal de mourir à 55 ans. Ces années de maladie, c’est quatre ans de douleur psychologique, les attentes interminables des résultats des scanners et autres examens. Il avait la rage. Il nous disait sa haine envers ses employeurs, parce qu’il allait disparaître (3) ». Il meurt, mais l’association continue, car il y a de quoi. Doussin : « Il existe un lien entre son cancer et son activité au terminal Bois [du port de Saint-Nazaire]. Il a été en contact avec des bois traités aux fongicides, contenant des arséniates cancérigènes se concentrant dans le rein ».

Pour nos hautes autorités médicales, rien que du baratin. Le 6 octobre 2011, à peine plus d’un mois après la mort de Chagnolleau, un comité spécial de la Sécu, le Crrmp, refuse de reconnaître le cancer du docker comme maladie professionnelle. Mais note qu’au long de sa carrière, Chagnolleau a été exposé à des joyeusetés telles qu’« amiante, engrais, céréales et pesticides, bois et fongicides, solvants dont le trichloréthylène, gaz d’échappement… ». Et c’est à ce point-là de l’histoire que tout commence vraiment.

Les patrons aimeraient beaucoup qu’il n’y ait plus de syndicats, mais il reste pour le moment des vestiges, parmi lesquels le Syndicat National des Agents des Douanes (CGT). Dans un dossier un poil hallucinant (4), celui-ci raconte en préambule : « En France, des milliers de travailleurs (dockers, douaniers, déclarants en douane, magasiniers, chauffeurs routiers, logisticiens…) ouvrent chaque jour des conteneurs et y pénètrent pour un temps plus ou moins long afin d’y procéder par exemple à des opérations de contrôle ou de manutention ».

Résumons l’horreur. Une étude des médecins du travail allemands montre par exemple que « 97% des conteneurs testés au débarquement dans les ports de Hambourg et de Rotterdam présentaient des traces de gaz toxiques et dans des concentrations supérieures aux normes de sécurité dans 30% des cas ! ». Poussées au derche par la CGT, les Douanes françaises ont elles aussi fini par examiner 180 containers : « 28% ont révélé des taux de gaz toxiques supérieurs aux seuils de sécurité ».

Les marchands se foutraient-ils totalement de la santé du prolo ? Il ne faut rien exclure. En soi, l’affaire paraît pourtant simple. Chaque année, 550 millions de containers sont débarqués dans les ports du monde entier. Le Havre, notre champion national, en accueille 2,3 millions. Comme aucun contrôle n’a lieu, les pays exportateurs ont intérêt à utiliser massivement des gaz « de protection », des pesticides, des solvants, de manière que tout arrive en bon état commercial : les fruits exotiques, les bois tropicaux, les fringues, les jouets, les ordis, les meubles.

Commentaire de Chagnolleau en 2011, peu avant de mourir (5) : « Sur quelque 190 dockers que nous étions en 1992 à Nantes, nous en avons contacté 140. 87 de ces 140 personnes ont développé des maladies (dont 61 cancers). 35 d’entre elles sont décédées. À Saint-Nazaire, sur 160 dockers, on dénombre 43 malades et dix-sept décès parmi eux ». Mondialisation, on t’aime.

(1) http://www.appstmp.fr
(2) http://www.youtube.com/watch?v=P5mfPA8a6dM
(3) Ouest-France, 11 octobre 2011
(4) http://www.finances.cgt.fr/spip.php?article1147
(5) Viva, mai 2011

Montebourg dégueule sur la forêt tropicale de Guyane

Désolant, révoltant, criminel, assassin ? Bah, las palabras entonces no sirven, son palabras. À ce stade, en effet, les paroles ne servent à rien, car ce ne sont que des paroles, quand il faudrait des actes. Faisant ce que je peux, si peu, je vous signale que ce pauvre monsieur nommé Arnaud Montebourg fait à nouveau des siennes. Le ridicule ministre du redressement productif vient d’accorder un permis d’exploitation minière à la société française Rexma, spécialisée dans la recherche de l’or. Oui, mes pauvres lecteurs, il s’agit d’exploiter une mine d’or au pays de l’ancien Eldorado, en Guyane française, chez nous. Enfin, d’après ce qu’on dit, car pour ma part, j’ai toujours considéré que nous n’avions rien à faire là-bas. Nos militaires, qui ont transformé la Guyane en base secrète, de manière à permettre les exportations de satellites Ariane, sont d’un avis différent.

Donc, une mine d’or. On sait désormais ce que produit inévitablement l’activité minière, a fortiori aurifère. La destruction directe de la zone concernée, des montagnes de déchets toxiques, éventuellement d’épouvantables pollutions liées à l’usage du cyanure et de métaux lourds dans les bassins de décantation. Qui se souvient de la mort du fleuve Tisza, en Hongrie (ici) ? On ne parle pas là d’un quelconque royaume d’opérette, mais d’une mine située en Roumanie, laquelle appartient, croit-on savoir, à l’Union européenne. Mais évidemment, l’entreprise française Rexma ne pollue pas, elle.

Allez donc jeter un regard sur son site internet (ici), où le storytelling, façon modernisée de traduire le mot orwellien de novlangue, est proprement sublime. Je cite : « Nous avons intégré depuis les débuts de notre activité minière en 1998, les principes du développement durable dans notre démarche industrielle ». La virgule fautive n’est pas de moi, et je la garde donc. Une autre citation : « Nous sommes convaincus que la recherche de l’efficacité économique est compatible avec le respect des hommes et de l’environnement ». Une dernière, qui jette une autre lumière sur le tout : « REXMA intervient également comme prestataire de services pour l’exploitation des alluvions et des saprolites pour le compte de compagnies exploitant des gites primaires ». Mais que voilà de braves gens ! Ne me dites pas que l’exploitation des alluvions n’est pas un noble but.

Précision qui ajoute un peu, un petit peu à l’horreur. Le projet de mine aurifère se situe près du village de Saül, au centre de la forêt amazonienne dont l’histoire récente nous a confié la garde. Un mot sur la Guyane dite française : lagwiyan, ainsi que l’appellent les Guyanais en créole, est le plus grand de « nos » départements : 83 846 km2 au total. Ce n’est rien au regard de la taille du Brésil voisin, mais tout de même, 96 % de cette surface est couverte d’une forêt tropicale, l’une des mieux préservées au monde. Je n’insiste pas sur la biodiversité, qui est miraculeuse : 5 500 espèces végétales parmi lesquelles plus d’un millier d’arbres, 700 espèces d’oiseaux, 177 espèces de mammifères, plus de 500 espèces de poissons dont 45 % sont endémiques, c’est-à-dire présents là et nulle part ailleurs. Ajoutons qu’un parc national, dont le cœur borde d’ailleurs l’éventuelle mine, et si je ne m’abuse six réserves naturelles ont été créés à des fins de protection. Relisez donc calmement : si le cœur du parc national borde le projet d’exploitation, c’est que la mine se situerait sur son territoire, périphérique certes, mais son territoire néanmoins. On se fout donc ouvertement des principes perpétuellement vantés du haut des tribunes. Ce n’est pas étonnant ? Non, cela donne juste envie de tirer dans le tas.

Le parc national, des scientifiques de l’Inra, du Cnrs, des spécialistes de l’orpaillage – la recherche artisanale d’or dans les rivières -, l’association Guyane Nature Environnement, des associations métropolitaines, comme WWF, FNE, la Fondation Hulot, protestent à leur manière, poliment en vérité. J’ajoute au débat une pièce qui, à ma connaissance, n’est pas publique : vous la lirez en bas de mon article. Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), un machin rattaché au ministère de l’Écologie, rassemble notamment de bons scientifiques (ici). Consultatif, très rarement éruptif, le CNPN est censé donner son avis. Eh bien cette fois, bien loin du ton gentillet qui est son habitude, le CNPN gueule. À sa manière, mais d’une façon qui ne laisse planer aucun doute sur l’extraordinaire coup porté à la nature.

Encore deux petits points. Primo, Montebourg, ce crétin, est censé incarner l’aile gauche du parti socialiste au pouvoir, la plus proche du parti mélenchonien. On ne rit pas, on prend des notes. Deuxio, ce gouvernement se croit tout permis. Et s’il se croit tout permis, c’est parce qu’il sait où il met les pieds. Les écologistes officiels et de salon ont commencé par lécher les pieds – restons poli – de Sarkozy en 2007, au moment de la comédie du Grenelle de l’Environnement. Ils continuent, mezza voce, mais tout de même, avec Hollande, comme l’a montré la Conférence environnementale dérisoire de l’automne passé. Je vais vous dire : avec des gens comme Montebourg, il n’est qu’une chose : le prendre au col, et ne plus le lâcher. Mais c’est pour l’heure au dessus des forces débiles du mouvement écologiste. Je ne parle pas de l’ectoplasme des associations serviles. Je parle de nous.

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MOTION DU COMITE PERMANENT DU CONSEIL NATIONAL DE LA PROTECTION DE LA NATURE

Le Comité Permanent du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), réuni le 20 décembre 2012, a pris connaissance de l’arrêté ministériel du 26 octobre 2012, publié au Journal Officiel du 11 décembre 2012, accordant à la société REXMA un permis d’exploitation de mines d’or et substances connexes, dit «Permis Limonade », sur le territoire de la commune de Sau?l en Guyane.

Le Comité permanent du CNPN,

Constate que ce permis est donné en contradiction avec le Schéma Départemental d’Orientation Minière (SDOM), qui en particulier interdit toutes activités minières dans cette zone au regard de sa riche biodiversité ;

S’alarme du fait que l’exploitation minière est située en bordure de la zone coeur du Parc Amazonien de Guyane dans son Aire Optimale d’Adhésion, en amont de la naissance de la « Crique (rivière) Limonade » qui poursuit la majeure partie de son cours en zone coeur du Parc Amazonien de Guyane, entrainant potentiellement et accidentellement des pollutions liées à l’exploitation et des dégradations malheureusement bien connues de la biodiversité, tant aquatique que terrestre ;

Déplore que l’autorisation donnée n’intègre pas, surtout dans le cas présent, le principe de « Solidarité écologique », partie intégrante des « Principes fondamentaux applicables à l’ensemble des Parcs Nationaux » (cf. arrêté ministériel du 23 février 2007) de la loi sur les Parcs Nationaux de 2006 ;

S’étonne que l’autorisation donnée néglige, surtout aussi dans le cas présent, les principes de prévention et/ou de précaution inscrits dans la charte de l’environnement adossée à la constitution française ;

Relève que ce permis d’exploitation est en contradiction avec l’objectif premier fondamental de protection de la zone coeur du Parc Amazonien de Guyane ;

Attire l’attention du gouvernement sur le fait que le principe de cet arrêté est en contradiction avec la responsabilité particulière de la France vis-à-vis de la Guyane et de sa biodiversité mondialement reconnue, et de ses déclarations successives de s’investir, tant au plan national qu’international, pour la conservation et la restauration de la biodiversité ;

S’étonne du caractère non transparent d’une telle décision, alors que le projet de charte du Parc Amazonien de Guyane est en procédure cruciale d’adoption, avec ses conséquences sur la future Zone d’Adhésion, et que la concertation devrait présider à la réforme du Code Minier en cours ;

Compte tenu de ce qui précède, le Comité Permanent du CNPN :

Désapprouve donc très fortement la décision du Ministère du Redressement Productif,
…/…
…/…
Attend de l’Etat la mise en cohérence des politiques publiques et l’exemplarité en matière de conservation
de la biodiversité,

Demande instamment au Gouvernement de revenir sur la décision du Ministère du Redressement Productif,

Le Président du Comité Permanent

Jean-Claude LEFEUVRE

Cette motion a été adoptée à l’unanimité des membres présents du Comité permanent du CNPN, avec le soutien des autres membres suivants du Conseil National de la Protection de la Nature concernés par la Guyane : Philippe BALLON, Bernard DELAY, Francis DURANTON, Pierre-Michel FORGET, Jean-Francis GOSSELIN, Jean-Marie GOURREAU, Gérard LARGIER, Jean-Claude MALAUSA, Jean POIROT, Christian SCHWOEHRER, Christine SOURD, Claude SUZANON,

permis-rexma-2.pdf

Les rennes du Père Noël aux mains des ordures

Ce papier a été publié dans Charlie-Hebdo le 26 décembre 2012

Rien ne va plus pour les rennes du Grand Nord canadien. Le plus grand troupeau du monde a perdu 95 % de ses effectifs, et les Innu regardent mourir leur vieux compagnon. La faute à l’exploitation minière.

C’est difficile à croire, mais le renne n’a pas toujours été l’esclave du Père Noël, bondissant sous le fouet. En Amérique du Nord, il a longtemps peuplé le monde sous le nom de caribou. Pendant le Pléistocène, qui commence, jeunes gens, il y plus de deux millions d’années, on le trouvait jusque dans le Nevada – à côté de San Francisco – et le Tennessee actuels. Ses troupeaux, comme ceux du bison, obscurcissaient l’horizon. Et puis l’homme, ses pièges, ses flingues.

L’animal a replié ses bois vers le Nord et les sols acides, vers l’extrême froid, là où la tuerie est moins industrielle. En Alaska, dans le nord du Labrador et du Québec, il conserve quelques vraies hardes, mais plus pour très longtemps. Un communiqué du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) du Québec vient de tomber, comme un coup de hache (1). Un inventaire aérien confirme que l’immense troupeau de la rivière George est en train de mourir.

Un mot des lieux : la rivière George se jette dans la baie d’Ungava, à hauteur du village inuit de Kangiqsualujjuaq. Deux connards missionnaires lui ont donné le nom de Georges III, roi d’Angleterre et d’Irlande, mais dans la langue inuktitut, on l’appelle Mushuau Shipu, ou rivière sans arbre. Car ce pays entre Labrador et Québec est une immense toundra posée sur le granit, couverte de mousses et de lichens, que les caribous boulottent.

Le troupeau de la rivière George – de la sous-espèce dite toundrique au Québec – était jusque vers 1993 le plus important de la planète, atteignant alors entre 800 000 et 900 000 têtes. Avant de chuter de moitié – à 385 000 – en 2001. Et à 74 000 animaux en 2010. Et à 27 600 à l’été 2012. En vingt ans, la population a diminué de 95 %. Qui dit mieux ? Personne. Mettez-vous une seconde à la place des Inuits, des Innu, des Cris, des Naskapis, même si c’est rigoureusement impossible. Pendant des millénaires, le sort de ces peuples du Grand Nord a dépendu de l’état de santé des caribous, qui tombent comme des mouches. D’où une légère inquiétude existentielle chez ces pauvres arriérés de primitifs.

Pourquoi cet invraisemblable déclin ? Chez les officiels, aussi cons que les nôtres, la cause est entendue. Les caribous seraient trop nombreux et le surpâturage, au cours de leur migration, empêcherait les mousses et lichens de se reconstituer. Le problème existe certainement, mais permet de mettre au second plan le dérèglement climatique, dont les effets sur la végétation sont d’ores et déjà considérables. Surtout, cette thèse simpliste dissimule les responsabilités écrasantes du pouvoir politique.

L’association Survival (2), qui défend les peuples indigènes partout où l’on empêche de vivre, c’est-à-dire partout, a rencontré les principaux intéressés. George Rich, un vieil  Innu du nord-est du Canada : « L’exploitation et l’exploration minières à outrance sont l’une des principales causes de la disparition des caribous. La compagnie Quest Minerals a, par exemple, récemment annoncé qu’elle projetait de construire une route qui traversera le cœur de l’aire de mise bas du caribou et que des hélicoptères et des avions survoleront la zone pour atteindre les sites d’exploration ».

Le « développement », cet autre nom de la destruction, a en effet détruit massivement les pâturages et les routes de migration des caribous toundriques. Les exemples sont si nombreux qu’ils ne laissent place à aucun doute. Citons la compagnie Cap-Ex Ventures, qui exploite le fer dans la région, après avoir construit barrages hydro-électriques et ligne de chemin de fer. Quest Minerals de son côté, la boîte citée par George Rich, est spécialisée dans l’extraction des terres rares, qui pourrait démarrer sur place en 2016.

Les terres rares, rappelons les bonnes choses, sont vitales pour la fabrication des éoliennes, des cellules photovoltaïques, des ordinateurs, des téléphones portables, des bagnoles électriques. Tu l’as dit, y a un problème.

(1) http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/GPQF/Aout2012/16/c7587.html
(2) http://www.survivalfrance.org/

Cyclone à La Réunion (et sur Notre-Dame-du-Littoral)

Que ces gens sont cons. C’est à pleurer. Je vous ai parlé l’an passé, il y a quelques jours, d’un projet de route à La Réunion (ici). Propulsée par le lobby local des BTP,  cette route doit être bâtie sur l’océan Indien, au long de 12 kilomètres seulement, mais pour un coût extravagant qui pourrait atteindre 3 milliards d’euros. Une dinguerie d’autant plus retentissante que l’île est en permanence menacée par des cyclones, dont la gravité ne peut que croître à mesure que s’aggrave la crise climatique.

Au moment où je vous écris – jeudi à 10h11 -, l’un de ces ouragans dévaste l’île et ses côtes. 68 000 foyers n’ont plus l’électricité, et ce n’est visiblement pas fini ( ici). Des vagues de six à huit mètres de  hauteur déferlent, et déferleraient de même sur le chantier de cette folie de route. Que ces gens sont cons.

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Un article piqué à Métro :

 68 000 foyers sans électricité à La Réunion

L’alerte rouge est déclenchée. Depuis 10 heures ce jeudi matin (7 heures à Paris), les habitants de La Réunion sont confinés chez eux dans l’attente du passage du cyclone tropical Dumille, qui arrive par le nord-nord-ouest de l’île. La préfecture interdit aux Réunionnais de sortir de chez eux « pour quelque cause que ce soit » et pour au moins une durée de vingt-quatre heures.

Au moment où l’alerte rouge a été déclenchée, le cyclone était centré à 125 kilomètres au nord-nord-ouest de l’île, et il avançait vers le sud-sud-ouest à une vitesse de 22 km/h, selon Météo France. A La Réunion, l’intensité maximale de la tempête est attendue dans l’après-midi.

Des vents violents ont déjà balayé l’île dans la nuit, jusqu’à 176 km/h sur les hauteurs. Des arbres et des poteaux électriques ont été arrachés. A 11h30 heure locale, 68 000 foyers étaient privés d’électricité, selon EDF.

Un bulletin de vigilances « fortes pluies » a été déclenché sur l’ensemble de l’île. Plus de 150 millilitres d’eau (soit 150 litres par m2) ont été enregistrés à Cilaos, dans le sud de l’île, et jusqu’à 300 millilitres d’eau sur le piton de la Fournaise. Plusieurs routes sont inondées. Sur la côte nord, des vagues de 6 à 8 mètres, et jusqu’à 10 mètres de haut sont observées, selon la préfecture.

En raison de l’alerte rouge, toute l’activité économique de La Réunion est paralysée. Les deux aéroports et le port de commerce sont fermés depuis mercredi et le trafic des bus a été suspendu. Des centres d’hébergements ont été ouverts dans les communes de l’île pour accueillir d’éventuels sinistrés.

 Rajout à 15h54, cet extrait du Parisien :

15 h 20. Les fondations du pont de la rivière Saint-Etienne emportées par les flots. Submergés, fermés à la circulation puis emportés, les radiers de la construction ont fini par céder dans le sud de l’île. En 2007, c’est le pont entier qui avait été emporté après le cyclone Gamède.