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Encore sur la grande affaire française (pétrole et gaz de schistes)

Désolé, mais je ne peux reprendre tout à chaque fois. Il faut suivre. Le gaz et le pétrole de schistes déferlent en France de manière stupéfiante et si nous ne nous levons pas tous au plus vite, laissons tomber. Je suis sérieux. Laissons tomber, cela sera plus honnête. Pour ce qui concerne le pétrole de schistes, les choses se précisent. Julien Balkany, demi-frère de Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret et proche de notre président, est vice-directeur d’une compagnie pétrolière américaine, Toreador Resources (www.toreador.net), qui vient de déménager son siège de Dallas (Texas) à Paris. Il est question d’extraire d’ici cinq ans environ 4 millions de tonnes de pétrole du Bassin Parisien. Pour commencer et par année. Des estimations sérieuses affirment que la région parisienne contiendrait au total 120 années de production annuelle de pétrole d’un pays comme le Koweit.

Or, Toreador et Balkany ont signé un énorme contrat avec la société pétrolière américaine Hess, qui met 200 millions d’euros sur la table, dans un premier temps. Les deux tourtereaux espèrent faire main basse sur le pétrole de la région parisienne, et gagner ainsi la confiance de toute l’Europe, et au-delà. Pactole assuré. Oui, mais qui est la société Hess (www.hess.com) ?L’affaire devient passionnante, car Hess, c’est Bush. Toute l’ère Bush, père comme fils, se résume et se retrouve dans le staff de direction de l’entreprise. On y trouve ainsi Nicholas Brady, qui fut ministre de l’Économie de George Bush de 1988 à 1993. Un brave garçon qui a passé 33 ans dans des postes de responsabilité de l’industrie bancaire. Edith Holiday a occupé le poste stratégique d’assistante du même George senior – toutes les liaisons avec le cabinet du plouc et les agences fédérales passaient par elle – entre 1990 et 1993. Samuel Bodman a été ministre de l’Énergie du fils W de 2005 à 2009, belle saison dans l’enfer (pétrolier) irakien.

Le tout s’explique par des liens vieux de cinquante ans au moins entre la famille Bush et l’industrie pétrolière du Texas. Comme le disait il n’y a pas si longtemps Barbara Bush – la vieille du vieux et la vieille du fils -, George W. était « presque comme un membre de la famille » Stamps Farish, fondatrice en 1917 de ce qui deviendrait le géant Exxon (Courrier International du 24 octobre 2002). Une grande affaire américaine devient une grande affaire française. De très nombreux lecteurs de Planète sans visa, depuis août 2007, ont demandé ici ce qu’il était possible de faire. Eh bien, cette occasion ne se présentera pas de sitôt : il faut se battre. Il faut bloquer tous les sites d’exploration en France, en prenant les risques que cela implique. Il va de soi que je m’engage personnellement. Encore heureux.

(1) http://phx.corporate-ir.net/phoenix.zhtml?c=101801&p=irol-govBoard

Franchement, imaginez la suite (sur la neige et le climat)

Je ne vais pas vous faire injure : vous savez cela ou vous pouvez le savoir en réfléchissant seul deux secondes. Nous sommes une civilisation en bout de course. Il aura suffi de quelques centimètres de neige en France pour que la grande panique s’installe. On aura vu un olibrius, directeur je crois de l’aéroport de Roissy – ou ponte d’Air France, je ne sais plus – affirmer d’un ton sérieux que jamais on n’avait vu autant de neige à Roissy.

Baste ! Les aéroports de New York et même Moscou sont atteints du même mal. Il est vrai qu’il y est tombé plus de neige que chez nous. Mais le principe reste le même partout : nous sommes menacés par la dislocation. Les connaisseurs du roman de Barjavel Ravage comprendront mieux ce que je veux dire. La crise climatique démentielle dans laquelle nous entrons pour la simple raison que nous sommes fous, cette crise ne peut que faire exploser les digues de la raison technique. Ce n’est pas une prédiction. C’est une prévision.

Vive l’Ademe ! Vive la France ! Vive l’arnaque !

Comme je n’ai pas de temps en ce moment, vous me permettrez de recycler ci-dessous un article de moi paru dans l’hebdomadaire Charlie-Hebdo. Vous y verrez comme se porte bien l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe). J’y ajoute pour le même prix une information très, mais réellement très importante. Xavier Beulin vient d’être élu président du syndicat de l’agriculture industrielle, la FNSEA. Cela tombe admirablement bien, car Beulin est le patron d’une transnationale appelée Sofiproteol, qui pèse cinq milliards d’euros de chiffre d’affaires. Sofiproteol, c’est notamment l’industrie des nécrocarburants, que ses promoteurs appellent biocarburants. Et que soutient au travers d’Agrice l’agence publique, payée sur fonds publics, appelée Ademe. Vous voyez que cela se tient. Voici l’article de Charlie.

L’Ademe, ami lecteur, c’est très beau. D’ailleurs, c’est écolo. Créée en 1974 pour faire des économies d’énergie, au temps où ces salopards d’Arabes augmentaient les prix du pétrole, elle a pris plusieurs noms. En 1982, les socialos en ont fait l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME). Elle est aujourd’hui , retiens ton souffle, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Et voilà que ces corniauds de la Cour des Comptes ont décidé d’aller éplucher les dépenses et l’organisation interne. Cela donne un document très drôle, écrit pourtant dans une langue morte : « Communication à la commission du Sénat (article 58-2 de la LOLF) ». On en apprend de belles. L’Ademe ne connaît pas la crise. Au 31 décembre 2009, l’agence employait 1032 personnes, en augmentation de 8,5% par rapport à 2008 et de 12% par rapport à 2007. Avec en outre un « dépassement du plafond » des emplois temporaires, incluant la sous-traitance et l’intérim. Généreux, l’État n’applique pas à l’Ademe la règle de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

Question budget d’intervention, tout baigne de la même manière. Il est passé de 340 millions d’euros à 670 millions d’euros entre 2008 et 2009. Sauf erreur de CM1, on n’est pas loin du double. Mais le plus extraordinaire est ailleurs : le grand Emprunt national lancé le 22 juin par Sarkozy prévoit de refiler 2,85 milliards d’euros à l’Ademe. On entre là dans la cour des grands. Pourquoi tant d’argent ? Pour remplir quatre missions magnifiquement vagues : « connaître, convaincre et mobiliser, conseiller, aider à réaliser ». Cela fait cher la conviction. Mais après tout, et si l’Ademe était à la hauteur ?

La Cour des comptes exprime à mots camouflés les doutes les plus sérieux sur la question. D’abord, l’agence est installée sur trois sites – Paris, Angers, Valbonne (Alpes-Maritimes) – très éloignés les uns des autres. Ce qui provoque cloisonnement et surcoûts. Mais pas question de déménager. Ensuite et surtout, le travail de l’Ademe ressemble à un vaste merdier. « Les listes de projets financés, note la Cour, montrent qu’à l’exception de quelques grands équipements (unités d’incinération d’ordures ménagères, réseaux de chaleur etc…), l’Ademe finance en région une multitude de petits projets portant sur un grand nombre de thématiques pour lesquelles les besoins sont virtuellement infinis (des HLM en haute qualité environnementale, des plans de déplacement d’entreprises, des achats de véhicules électriques, des analyses d’éclairage public etc.), sans que l’Ademe paraisse particulièrement proactive ».

Toute cette belle dépense « n’a de sens que si ces petites opérations créent des précédents et visent un effet de contagion. Pour que cet objectif soit atteint, il faudrait que l’Ademe soit capable de faire remonter ce qui est réellement innovant ». Mais, crotte de bique, ce n’est pas le cas. Et pour comble, l’Ademe n’a plus de conseil scientifique depuis septembre 2009, ce « qui est particulièrement pénalisant dans une période où les activités de recherche de l’établissement sont au cœur des nouveaux dispositifs Grenelle et Grand emprunt »

 Nous y voilà peut-être. Le Grenelle de l’Environnement. Cette grande farce montée en 2007 était destinée à faire de Sarkozy le roi planétaire de l’écologie. Pour la seule com’ autour de ce grandiose événement, l’Ademe a été autorisée à claquer 80 millions d’euros. Pas mal. L’Ademe, présidée jusqu’en 2008 par une proche de Sarlozy, Michèle Pappalardo, servirait-elle les mises en scène présidentielles ? Charlie verse au dossier un point indirectement évoqué par la Cour des Comptes, qui note sans insister : «  Au titre de l’action “démonstrateurs énergies renouvelables et chimie verte”, la convention Etat-Ademe publiée au Journal officiel le 8 août 2010 affecte 450 millions d’euros au  versement de subventions et 900 millions d’euros à des interventions sous forme de prêts, avances remboursables et prises de participation ».

 Ce qui se cache derrière ces beaux cadeaux s’appelle Agrice. Un invraisemblable lobby industriel abrité au cœur de l’Ademe, qui défend les intérêts des biocarburants (autrement appelés nécrocarburants). Ceux qu’on obtient en transformant des plantes alimentaires en carburant, dans un monde qui compte un milliard d’affamées chroniques. L’Ademe aide donc avec élégance Agrice, qui regroupe entre autres le chimiste Rhodia, Total, Limagrain, Bayer CropScience, l’Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales (AGPB), le CEA. On voit mieux où part l’argent. Le blé.

On est les champions (air connu)

Il est bien rare qu’un seul chiffre résume à ce point une époque entière. Mais c’est le cas ici. Ce 14 décembre 2010 à 18h55, la France a battu son record historique – hystérique aussi – de consommation électrique. Nous sommes parvenus, mes aïeux, à 94 200 mégawatts (MW) de consommation instantanée, ridiculisant notre précédente performance du 11 février dernier à 93 100 MW (ici).

L’explication que l’on vous servira ad nauseam, c’est que le froid a contraint les pauvres hères de ce pays à chauffer davantage leur logement – avec de la chaleur nucléaire – et regarder plus TF1 et jouer davantage aux jeux électroniques sur écran. Ben oui, quand on a froid, il faut bien se changer les idées. Ce qui est proprement fantastique, avant de passer au noyau dur de cette information – par définition – sans précédent, c’est que les 58 réacteurs nucléaires français [correction ajoutée le 17 décembre 2010] n’auront pas suffi à notre fringale. On a suréquipé la France d’engins qui n’ont pas le moindre droit à l’erreur – sinon, c’est couic -, mais cela est resté en dessous de nos besoins. Il fait froid un 14 décembre, modérément d’ailleurs, et ces foutus cons du  nucléaire ne peuvent pas répondre à la demande. Il aura fallu importer, aux alentours de 19 heures ce soir, quelque chose comme 4 000 MW. Si la justice régnait sur le monde, la poignée de connards qui nous ont fait entrer sans débat dans l’ère nucléaire à vie passeraient en procès. Mais la justice n’existe pas.

Autre point plus décisif encore. Tout le blabla n’était donc que du blabla. Vous allez me dire que vous vous en doutiez. Moi aussi. Il n’est pas question de décélérer. Pas question de réfléchir aux désastres que notre modèle énergétique inepte provoque en tous lieux. Pas question de s’atteler à la crise climatique. Pas question de penser l’énergie, son utilité sociale et individuelle. De pourfendre les innombrables gaspillages. Le but est ailleurs : avancer, encore plus vite, et tout trucider sur le passage des machines. Ce monde sent la mort comme jamais.