Archives de catégorie : Développement

Du purin sur les dossiers (de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes)

Publié une première fois le 29 novembre, j’ai décidé de publier ce papier le 30, car je ne voulais pas, mais pas du tout, contrarier la rigolade au sujet de Claude Allègre. J’espère qu’on me pardonnera.

Gérard – des bises à Marie-Hélène – m’envoie un lien fort rigolo (ici) à propos de la noble bagarre contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. Je radote, mais avec bonheur : il s’agit d’un combat d’une importance cruciale pour nous tous. Il faut soutenir les opposants par tous les moyens à notre disposition, bombe nucléaire mise à part. De son côté, le quotidien Ouest-France rend compte du même épisode avec purin. Je vous laisse l’article ci-dessous. Deux plaisirs le même jour (voir l’article précédent sur Allègre), je crois que l’on peut appeler cela un bon lundi.

L’article se trouve aussi ici.

Saint-Nazaire

Les élus nazairiens empêchés de voter le financement du futur aéroport

Plusieurs organisations avaient appelé à manifester devant la mairie de Saint-Nazaire, ce soir, au moment où les élus de l’agglomération devaient délibérer sur leur participation financière au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Une trentaine de personnes a pénétré dans la mairie et rejoint le premier étage aux cris de «Non à l’aéroport».

Avant même que le conseil d’agglomération ne débute, deux personnes ont pénétré dans la salle des délibérations où étaient réunis les maires. Ils ont aspergé les tables de lisier et fracassé des oeufs sur la moquette. Plusieurs élus ont eu à subir des dégâts sur leurs vêtements.

Considérant qu’il n’était pas possible de siéger dans cet environnement, le président de l’agglomération, Joël Batteux a annulé la réunion des délégués des dix communes de l’agglomération. Elle est reportée la semaine prochaine. Elle se tiendra à huis clos.

Les élus verts de l’agglomération ont «condamné fermement ces actes commis par des groupuscules qui refusent le débat démocratique». Julien Durand, agriculteur et représentant de la coordination des associations opposées à Notre-Dame-des-Landes dénonce également «ces actes individuels isolés».

Pour le conseiller général socialiste, Philippe Grosvalet, «les élus verts qui profèrent des menaces contre les institutions démocratiques récoltent ce qu’ils sèment.»

La communauté d’agglomération Cap Atlantique de la presqu’ile guérandaise doit délibérer jeudi sur cette même question.

Les villes fantômes de Sibérie (une vraie réalité)

Frédérique – des bises à toi – m’envoie un lien exceptionnel dont je vous fais aussitôt profiter (regarder ici). Ces photos démentielles ont été prises en Sibérie, cette région de Russie grande comme 24 fois la France. Ce pourrait être l’une des parties les plus belles du monde, cela devrait l’être, et sans le moindre doute, ce l’a été pendant un temps qui n’est pas le nôtre. Voyez où nous en sommes. Des villes-fantômes, mais qui sont habitées. Des villes détruites à la racine par la folie humaine, qui n’annoncent aucun printemps. Des villes d’après le grand désastre, d’avant le grand désastre, des villes totalement désastreuses.

Il vous sera facile de lire les légendes en anglais, et de toute façon, les images parlent. La Sibérie n’est pas un pays pauvre. C’est un pays dévasté par l’incurie, la corruption, la cupidité et la folie. Imaginez plutôt ce qui se passe ailleurs, là où l’on survit avec un euro par jour. Évidemment, ce n’est pas drôle. Je me dis une nouvelle fois que nous profitons comme de grossiers imbéciles que nous sommes tous des derniers jours de Pompéi. Mais ceux de Pompéi ignoraient l’éruption qui allait les engloutir. Nous savons. Nous avons en tout cas les moyens de savoir. Où l’on voit que savoir n’a pas le moindre sens chez les humains. Nous ne voulons rien lâcher sur rien, et nous allons tout perdre.

Désolé d’écrire des mots de cette sorte à l’entrée d’un week-end que je vous souhaite heureux. Le plus incroyable est là : on peut être heureux et rire en « sachant » tout cela. Cela m’arrive, oui.

Clearly not sexy (un rapport de l’Agence internationale de l’énergie)

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) est une organisation fondée dans le cadre de la très libérale OCDE en 1974. Ce n’est donc pas ma tasse de thé favorite, mais il se trouve que chaque année, l’AIE pond un rapport sur l’état de l’énergie dans le monde. En anglais, bien sûr. Qui fait autorité, on se doute. Je n’ai pas lu le rapport 2010, que d’ailleurs presque personne n’a encore eu entre les mains. Il en coûte une somme, d’ailleurs. Mais les journalistes se contentent le plus souvent des communiqués de presse et des résumés. J’ai honte, mais je confesse que cela m’arrive. Pardi.

Cessons de causer. Je voulais attirer votre attention sur deux ou trois points. Un, le rapport 2010 dit sans détour, mais dans la langue diplomatique obligée néanmoins, que le monde ne parviendra pas à éviter une débâcle sur le front de la crise climatique. Le fiasco de la conférence de Copenhague, en décembre de l’an dernier, en annonce d’autres. Rien n’est fait, et probablement rien de sérieux ne sera fait. Rappelons que l’objectif – non contraignant – était de limiter la hausse de la température moyenne de la terre à 2 degrés à l’horizon 2030. Traduction par l’AIE : « Si les pays donnent prudemment suite à ces engagements [de Copenhague], la demande grandissante de combustibles fossiles continue d’accroître les émissions de CO2 liées à l’énergie pendant toute la période considérée. Il serait alors impossible d’atteindre l’objectif de 2°C ».

Ben dans ce cas, cela semble plié, car les prévisions de l’AIE indiquent que la consommation d’énergie dans le monde devrait augmenter de 36 % entre 2008 et 2035. Alors qu’il faudrait diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 dans notre propre pays (ici). Toutes les politiques menées dans le monde entier, même celle que prône le héros planétaire Jean-Luc Mélenchon, sont à juger à cette aune. On voit. D’après les ingénieux ingénieurs de l’AIE, la conférence de Copenhague nous aurait coûté – ces imbéciles transforment tout en money – 1 000 milliards de dollars (ici). Tendez vos sébiles, et comptez vos pièces de cinq centimes.

Autre intérêt du rapport de l’AIE : les « gaz non conventionnels » vont connaître un « âge d’or ». Texto. Un « âge d’or ». Sous cette goûteuse appellation se cachent – bien mal – les sables bitumineux du Canada et de Madagascar. Mais surtout les gaz de schiste dont je vous rebats les oreilles depuis quelque temps. Ils arrivent. Ils déferlent. Ils vont relancer massivement la machine à détruire le climat et le monde (ici). Mais on s’en fout, hein ?

Voilà bien ce qu’il faut faire (l’aéroport Notre-Dame-des-Landes)

Je sais que je rêve éveillé, mais je ne souhaite qu’une chose : que naisse enfin une véritable opposition à la marche écrasante de la destruction. Ceux qui refusent la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes – une partie du moins – sont en train de se transformer en combattants (ici). On me demande souvent, ici ou ailleurs, ce que l’on peut faire. La réponse évidente est qu’il faut se battre. Pas en sirotant le champagne dans les salons ministériels. Pas en participant à ce damné Grenelle de l’Environnement. En agissant, sans peur et sans reproches.

Extrait du journal Ouest-France de ce jour : « 70 manifestants ont empêché le début de l’enquête d’utilité publique. Ils ont bloqué l’accès à la salle, qui leur était réservée à la mairie, aux trois commissaires enquêteurs. Ceux-ci ont alors fait constater par un huissier l’impossibilité de conduire leur enquête. Ils ont ensuite demandé l’intervention des gendarmes pour pouvoir quitter la mairie. Mauvaise surprise, au moment de vouloir quitter Notre-Dame des landes, ils ont constaté qu’un pneu de leur voiture avait été crevé ; les manifestants, eux, sont toujours sur place ».

Voilà ! Voilà bien ce qu’il faut faire. Aucun compromis n’est possible. Aucun. Il faut vaincre.

Mais que sont nos rivières devenues ?

Je lis un article sur le site américain de la revue National Geographic (ici), qui décrit calmement l’état réel des fleuves et rivières du monde. Il me demeure étrange que de telles informations ne fracassent pas le poste, les micros, toutes les connexions de ce monde soi-disant informé en temps réel. Désolé d’avoir, une fois encore, à  hurler dans le vide sidéral sans aucune chance de changer quoi que ce soit. Cette fois, il s’agit d’une étude parue dans la revue scientifique Nature, dont le titre est : Global threats to human water security and river biodiversity. Soit : Menaces globales sur la sécurité des ressources en eau et la biodiversité des rivières. Il doit y avoir meilleure traduction.

Dans un éditorial de la revue (ici), Natasha Gilbert livre son sentiment, argumenté, sur l’étude. Si je cite ce texte, c’est que je n’ai pas eu accès à l’étude elle-même, qui est fort logiquement payante. J’espère que vous m’en excuserez. En tout cas, Gilbert rassemble quelques leçons du désastre en cours et note dès la première phrase : « Presque 80 % de la population du monde fait face à de graves menaces concernant l’approvisionnement en eau ou la biodiversité ». J’ai par ailleurs lu quelques présentations de l’étude sur des sites américains, et voici ce que je peux en dire. Les chercheurs ont défini 23 paramètres de stress hydrique, parmi lesquels la pollution, les barrages, l’agriculture, la disparition des zones humides et ils ont ensuite modélisé le tout sous la forme de cartes.

Des cartes pour montrer le niveau des ressources disponibles. Des cartes pour signifier l’état de la biodiversité. La superposition des deux montre les zones les plus globalement menacées. Je me contenterai de pointer quelques faits. Sans surprise, il n’existe presque plus de rivières vivantes, pleinement vivantes. On en trouve essentiellement au centre de l’Amazonie, dans le nord du continent américain, dans le nord de la Russie. Parce qu’il n’y a pas d’hommes, je crois qu’il vaut mieux regarder les choses en face. Autre information marquante, parmi tant d’autres : la carte concernant la biodiversité est accablante pour l’Europe et les États-Unis. Je l’ai sous les yeux, et c’est bien le moins que je puisse écrire : accablante. L’essentiel de nos territoires riches est dans l’orangé ou le rouge, c’est-à-dire le pire. La France fait évidemment partie du lot.

La plupart des habitants de ce pays ne comprennent pas ce que l’industrialisation du monde a fait disparaître. Une rivière serait une rivière. Mais qui se souvient par exemple de ce qu’était le Rhin il y a seulement 200 ans, à l’époque où Cassini le cartographiait ? Si vous avez la chance de mettre la main sur l’une de ces cartes magnifiques, regardez donc cette tignasse ! Le Rhin était un chevelu immensément étiré, dont les radicelles pénétraient au fond de gigantesques forêts alluviales. Le fleuve étendait ses crues bienfaisantes sur des kilomètres, de part et d’autre de ses rives naturelles. Et combien de bras morts ? Combien de refuges ? Combien de nurseries ? La richesse biologique d’un être vivant de cette taille défie bien entendu toute description. C’est cela que nous avons perdu. Le béton et le pauvre savoir des ingénieurs ont réussi à faire croire qu’un cours d’eau n’est jamais qu’un tuyau dans lequel coule un fluide. Et nous l’avons cru, imbéciles que nous étions.

Je reviens une seconde à l’étude de Nature. On peut télécharger les cartes de ce travail sur ce site suisse, si le cœur vous en dit. Que puis-je ajouter ? Le changement, s’il survient, ne pourra passer d’abord par la voie politique. La seule chose sérieuse à tenter, c’est de détruire les valeurs culturelles et morales qui ont permis de fonder un monde absurde, capable de faire disparaître une à une les seules richesses authentiques dont nous disposons. Est-il besoin d’une preuve ? Le Mondial de la bagnole commence. Et personne n’ose dire que cet engin est un crime contre l’homme et la nature. Combien d’écolos – oui, c’est péjoratif – se contentent de demander des crédits pour cette merde de voiture électrique ?

PS : on peut trouver les cartes de Cassini ici : http://cassini.seies.net/fr_ne.htm Ensuite, cliquer dans le carré qui vous intéresse.