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Ariane de Rothschild est écologiste (qu’on dit)

Juste se marrer un peu, ce qui changera. Un article du Nouvel Obs, écrit par une journaliste réputée qui ignore tout des réalités de base de ce monde. Je n’ai pas le numéro de série sous la main, mais c’est la semaine du 16 septembre, et du reste, vous pourrez tout lire ici-même. Titre de la joyeuseté : Révolution féminine chez les Rothschild. Ça raconte la vie de famille chez les très riches, avec vue imprenable sur le lac de Genève. Monsieur – Benjamin – reçoit en toute simplicité. Il n’est pas rasé, il est vêtu d’un jeans et de toutes bêtes chaussures de bateau, le torse recouvert d’un polo « siglé de son domaine du Mont d’Arbois, à Megève ». Cet homme de 47 ans, qui emploie 3 000 personnes et gère 130 milliards d’euros d’actifs, est d’un naturel confondant.

Et madame ! Ô madame ! Ariane a 45 ans et un « sourire lumineux ». Forcé, à ce prix-là. Elle parle cinq langues, élève en majesté les quatre filles de l’union, mais reste et demeurera « d’abord une professionnelle de la finance ». Bon, j’arrête les niaiseries. J’avoue avoir cru un bref instant à une parodie quelconque, mais Le Nouvel Obs n’est-il pas une splendide parodie de la première à la dernière page ? Malgré la présence d’une poignée de bons journalistes, dont certains franchement excellents, si. Aussi bien, droit à l’essentiel : Ariane est écologiste. Fatalement. Une personne aussi admirable est bien obligée de l’être. Et cela donne ceci : « Écologiste convaincue, Ariane de Rothschild est à l’initiative – avec le cabinet BeCitizen – d’une gamme de fonds d’investissement ditsd’économie positive”, pour “ renverser la dynamique court-termiste de rentabilité à tout prix” ». Au chapitre de l’économie positive – et écologique -, quoi ? Eh bien,  notamment « des projets de barrage et de chemin de fer au Congo, des cultures de biocarburants au Burkina Faso, des routes au Sénégal ». Et la madame Ariane de préciser : « Mes liens avec l’Afrique, où vit toujours mon père, sont restés forts »

Des barrages. Des biocarburants. Je ne vous ferai pas mon cinq centième cours de base sur l’horreur écologique et humaine que ces entreprises entraînent fatalement.  Ce sera toujours pire que ce que je pourrais en dire. Comment qualifier le crime des biocarburants, qui consistent à changer en carburant des plantes alimentaires, dans un monde d’affamés ? Euh, je sens que ce n’est plus très drôle, navré. Mais voilà où en est la presse. Mais voilà à quel degré d’ignorance – car il s’agit en l’occurrence,  au point de départ en tout cas, d’ignorance sans bornes – sont rendus des journalistes fêtés, primés, reconnus par le milieu et les élites de gauche et de droite. C’est fou. Mais le pire, c’est que c’est vrai.

Pourquoi ne pas bloquer les ports français ?

Élections présidentielles au Brésil le 3 octobre. Lula, « grand homme de gauche », ne peut se présenter une troisième fois et a placé sur orbite Dilma Rousseff, qui a toutes chances de l’emporter. Pendant ce temps, l’un des milieux naturels les plus importants au monde – le cerrado  – disparaît. Pour faire plaisir aux amis de Lula.

Le cerrado est lointain, mais il nous est pourtant essentiel. Avis aux nombreux petits rigolos qui ont marché dans la combine du Grenelle de l’Environnement, cette farce aux seules dimensions de la France. Cerrado, en espagnol comme en portugais signifie fermé, refermé, touffu, épais. Et tel est bien le cerrado du Brésil, une immensité d’environ 2 millions de km2, soit à peu près quatre fois la France. Une gigantesque savane arborée qui sépare grossièrement la vaste forêt tropicale amazonienne et l’océan, passant du niveau de la mer jusqu’à l’altitude de 1800 mètres. Il s’agit de ce que l’écologie scientifique nomme un biome. C’est-à-dire l’ensemble des formes vivantes présentes sur une vaste surface. Une cohérence d’écosystèmes corrélé à une aire géographique. La taïga est un biome. Le cerrado un autre.

Dans ce continent d’herbes et d’arbustes, plein de cachettes, d’eaux vives, d’épineux, de clairières, on trouve au total – pense-t-on – 160 000 espèces de plantes, de champignons et d’animaux. 100 espèces d’herbes, par exemple. 430 espèces d’arbres et d’arbustes. Il y aurait 4 400 espèces végétales endémiques, qu’on ne trouve donc que là sur la terre. Et 1 500 espèces animales de même, dont certes beaucoup d’invertébrés. Ce n’est pas tout, car c’est inépuisable. Le cerrado abrite par ailleurs les sources de nombreux affluents de l’Amazone et entretient par ses flots la plus vaste zone humide du monde, le Pantanal. Héros animaux de ce pays de rêve : le jaguar, le fourmilier géant, le tatou jaune et le capybara, qui se trouve être le plus gros rongeur de la planète.

Trop beau pour être vrai ? En effet. Le cerrado subit la plus grave agression de sa longue histoire, de loin. Selon les chiffres officiels du gouvernement brésilien, il aurait perdu la moitié de son territoire en cinquante ans (ici). Évidemment, la surface est toujours là, mais le cerrado, lui, a disparu. Bouffé par les activités humaines, en particulier par l’élevage et le soja transgénique, celui que nous importons par millions de tonnes chaque année pour nourrir notre bétail industriel. Celui qui débarque chaque jour à Lorient ou Brest. Le soja n’existait pas au Brésil il y a cinquante ans. Il couvre aujourd’hui peut-être 25 millions d’hectares, et comme il fait gagner de colossales fortunes aux producteurs et exportateurs, cela n’est pas près de finir. Le « roi du soja » brésilien, qui est probablement le plus gros producteur mondial, s’appelle Blairo Maggi. Non content d’avoir longtemps été le gouverneur de l’État du Mato Grosso – il vient de refiler la charge à un proche -, Maggi est aussi un allié fidèle de Lula, et donc de cette gauche brésilienne aussi pourrie que ne l’était la droite.

Le cerrado est donc dévoré de l’intérieur par ce développement qui est celui de la dévastation générale. Mais ne pas croire que les bureaucrates locaux sont indifférents. Ce serait mal les connaître. Eux aussi ont leurs Borloo et leurs Jouanno. Ils ont un plan, les amis, qui consiste à diminuer de 40 % les destructions d’ici 2020. Remarquez avec moi qu’ils n’ont pas même l’ambition d’arrêter le grand massacre. Non. Diminuer son rythme sera bien assez. Moi, qui vis à des milliers de kilomètres des lieux, je peux vous dire que ce dérisoire objectif ne sera pas même atteint. Ce qui se passe dans le cerrado est comparable à la guerre menée contre la Grande Prairie américaine aux 19 et 20 èmes siècles. Que reste-t-il de cet océan végétal ? Du maïs et des pesticides. Le cerrado aura droit au même destin, sauf révolte radicale. Et pulvérisation de l’industrie du soja. Nous y pouvons quelque chose ? Oui, nous pouvons tenter de détruire de notre côté l’élevage industriel. La tâche n’est pas évidente. Il est vrai. Elle est seulement fondamentale. Morale, écologique, humaine et fondamentale.

Si je m’autorise à écrire que le cerrado n’a, en l’état actuel, pas une chance, c’est qu’on pleure sur son sort depuis des lustres. Lisez avec moi ces quelques mots (le reste est ici, en français) : « Ces cinq à dix dernières années, 300 rivière se sont asséchées dans le cerrado à cause de la culture intensive du soja. Or elles sont parmi les plus importants affluents des grands fleuves qui rendent le Brésil aussi riche en ressources hydriques ». Je n’ai pas eu le cran de remonter à Mathusalem. Ce texte date de 2003, ce qui est bien suffisant. Lula est le président en titre depuis 2002. Mais pourquoi aurait-il embêté ses amis si chers ?

Morale de l’histoire. Il est douteux que j’en trouve une. Mais je sais qu’il est plus que temps de cesser les pleurnicheries. Il est un but clair, cohérent, positif qui pourrait réunir ce que la France compte de véritables écologistes. Bloquer, tenter de bloquer le débarquement du soja dans les ports français. C’est un appel ? C’est un appel. Crédible ? Je m’en fous.

PS : Suite à la remarque justifiée d’Hacène, j’ai modifié un court passage du texte ci-dessus. Celui concernant le nombre d’espèces recensées dans le cerrado. Sur le fond, bien sûr, c’est exactement le même texte.

Kofi Annan raconte n’importe quoi (sur la misère et la faim)

À New York, nouvelle palabre mondiale autour de la misère et de la faim. Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ne seront évidemment pas atteints. Sarkozy va au restaurant et pérore. Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU, montre en toutes lettres son abyssale ignorance. Y a de la joie.

Comme c’est chiant à écrire ! Comme j’aimerais écrire autre chose ! Énième raout, dix millième embrassade, mille millionième entretien avec l’un des supposés grands de ce monde. À propos de la faim et de l’abjecte misère qui l’accompagne. Au sujet de la mort programmée, froidement assumée, de millions d’êtres aussi intéressants que vous et moi. Vous le savez, 192 chefs d’État et de gouvernement sont réunis à New York pour un sommet censé faire le bilan des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) annoncés en 2000 par l’ONU. Il s’agit, il s’agirait, il se serait agi de « réduire de moitié la pauvreté extrême dans le monde d’ici 2015 ». Et tant qu’on y est, de combattre le sida, favoriser l’éducation, promouvoir l’égalité entre les sexes, réduire la mortalité infantile, et faire du shopping à New York.

Ce dernier point est à peine inventé. Notre illustrissime Sarkozy est arrivé deux jours avant la grande réunion avec madame, et l’on a pu les voir sortant du restaurant français Amaranth où, comme par hasard, des photographes les attendaient. Madame adore positivement New York, où elle est parvenue à entraîner son cher mari plusieurs fois depuis leur mariage. C’est magnifique. Comme il se doit, ragaillardi par l’ambiance locale, Sarkozy est allé faire son discours préfabriqué par quelque sbire. Je vous recommande chaudement la lecture du papier du Figaro (ici), dont le titre est déjà une merveille : « Sarkozy mobilise l’ONU contre la pauvreté ». Eh bien, quelle fierté dans notre petit cœur national. La France va une nouvelle fois terrasser le dragon. Notre président propose une taxe mondiale sur les transactions financières. Hi, hi ! Je n’ai pas même la force de rappeler toutes ses fadaises, notamment sa si forte volonté de moraliser le capitalisme et de faire disparaître en fronçant les sourcils les paradis fiscaux. Je n’ai pas davantage d’énergie pour rappeler les mots de la droite, la sienne, contre la taxe Tobin, imaginée dès 1972, avant d’être reprise par les altermondialistes en 1998. Bah, vous savez, tout.

Bien évidemment, cette réunion de New York est une immense foutaise. Les pauvres, les vrais miséreux de ce monde atroce, vont continuer à crever la gueule ouverte. J’ajouterais qu’il existe un consensus caché, car inavouable, et même impensé, sur la question de la faim. Je ne dis pas que tous le partagent. Je dis, au risque de choquer, que seul un racisme des profondeurs permet de comprendre un peu moins mal pourquoi rien n’est fait. De vous à moi, et je préfère ne pas insister, laisserions-nous mourir de faim des millions de gosses blancs ? Tant que nous n’aurons pas examiné jusqu’au tréfonds des consciences ce qui a pu fonder l’esclavage et les conquêtes coloniales, nous en resterons là. Et nous en restons donc là. Un mot sur la situation en cours. L’accaparement de millions d’hectares de terres agricoles pour le besoin d’États solvables ou de transnationales, dans les pays les plus pauvres, ne peut qu’aggraver la faim. Le boom écœurant des biocarburants, qui consiste à changer des plantes alimentaires en carburant, ne peut qu’aggraver la faim. Le reste n’est que foutue hypocrisie. Ne me dites pas que vous l’ignorez.

Je viens de lire une tribune de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, dans le journal Libération (ici). Misère ! Quelle nullité crasse !  Je pioche au milieu du néant. Premier extrait : « Je crains que ces obstacles transforment le sommet sur les OMD en un exercice futile, ponctué de grands discours et de promesses soigneusement formulées, mais suivi de peu d’actions significatives. Plusieurs donateurs importants ont déjà revu leurs engagements ou ont relâché leurs efforts, invoquant une gamme de raisons allant des doutes sur l’efficacité de l’aide au besoin d’un accord global providentiel ». Ô le bel arnaqueur ! Il a dirigé l’ONU entre 1997 et 2006, et il n’aura rien vu venir ? Et il n’aura rien dit. Cette connerie d’OMD, mais c’est SA chose. C’est sous son règne que l’ONU a inventé cette bluette censée calmer notre si sincère conscience. Deuxième extrait : « Le message doit être clair. Réaliser les OMD n’est pas une option, mais bien une nécessité. Celle d’investir pour un monde plus sûr, plus humain et plus prospère ». Même commentaire, auquel j’ajoute que la langue bureaucratique est en soi un mensonge.

Lisant ce si vilain papier signé Annan, je suis tombé sur une invraisemblable erreur. Une erreur qui en dit si long sur l’ignorance du grand personnage. Citant quelques progrès malgré tout obtenus, Annan écrit : « Nous avons vu les taux d’inscription à l’école pratiquement doubler en Ethiopie et en Tanzanie, et des pays comme le Malawi et l’Algérie passer du statut d’importateurs de produits alimentaires à celui d’exportateurs ». J’ai aussitôt bondi, car si je ne sais à peu près rien du Malawi, je connais assez la situation de l’Algérie pour avoir immédiatement saisi que Kofi Annan racontait n’importe quoi. Lisez plutôt ce qui suit (ici), qui date de 2008 : « L ’Algérie est aujourd’hui le premier importateur africain de denrées alimentaires, avec 75% de ses besoins assurés par les importations. L’insuffisance de la production agricole algérienne, couplée à une demande massive et croissante de produits agroalimentaires, fait de l’Algérie un pays structurellement importateur. De façon générale, les importations algériennes ont augmenté de 42% en 2008 par rapport à 2007. Dans le même temps, les importations alimentaires ont affiché une croissance supérieure à 55%, pour atteindre 7,7 Mds USD, soit le 3ème poste d’importation de l’Algérie en 2008 ».

Il est vrai qu’entre janvier et mai 2010, les importations alimentaires de l’Algérie ont baissé, mais à la suite de mesures étatiques et douanières. Lesquelles ne changent rien au fait que l’Algérie est et restera un importateur massif de nourriture. Donc, Annan déconne, à pleins tubes, à propos d’un pays majeur de la scène internationale. Que peut-il en être, dans ces conditions, du Malawi ? Je pose respectueusement la question. Et au-delà, je crois devoir écrire que je ne donnerai plus jamais ma voix à qui ne mettrait pas en avant, comme priorité absolue, la lutte véritable contre la misère. Oui, je pense au milliard d’humains qui n’ont rien à manger sur une terre où tant se goinfrent. J’y pense en me rasant. J’y pense quand je ne me rase pas. On ne risque pas de me voir à la sortie d’un isoloir en 2012.

Statistiques et salopards (sur la faim)

Je ne sais pas. Je ne peux rien garantir. D’ailleurs, il n’y a rien à garantir. Seulement, la FAO, cette agence de l’ONU bureaucratisée jusqu’à l’os, infestée par les grands lobbies industriels, vient de proclamer à la face du monde que les affamés chroniques seraient passés de 1,023 milliard en 2009 à 925 millions en 2010 (ici). Ces chiffres sont absurdes, ils sont à la fois politiques et criminels, bien que repris par la totalité de la presse française. Absurdes, car nous sommes le 15 septembre, et comment oser tirer un bilan de cette nature, foutus bureaucrates, sur moins des trois quarts d’une année ? Criminels, car même s’ils étaient vrais – et ils sont faux -, ils ne pourraient que conduire à démobiliser le peu qui se lève contre cette lèpre universelle. Or, de l’aveu même des crapules – je répète, crapules, de la FAO – cette diminution providentielle apparaît après  quinze années d’augmentation constante.

Tout cela n’est que bluff abject. Savoir qui a faim est une entreprise colossale, qui implique l’envoi de milliers de gens de bonne foi, militants et honnêtes, dans les villages des trous du cul du monde, où personne n’ira jamais. Évidemment, la FAO ne s’appuie que sur des courbes et statistiques, des tableaux qui ne disent rien sur rien. C’est lamentable. Je n’insiste même pas, car mon écœurement est sans bornes. La vraie raison de ce ramdam médiatique est que les bureaucrates qui ont le cul vissé sur leur si confortable fauteuil, Viale delle Terme di Caracalla, au siège romain de la FAO, ont besoin de chiffres pour continuer à jouir de secrétariats, de voitures climatisées avec chauffeurs, de notes de frais arrosées de grappa. La FAO, en sa munificence, a promis de réduire de moitié le nombre des affamés à l’horizon 2015. Les chiffres doivent suivre. Et ils suivront. Parce qu’il le faut bien.

Par ailleurs, je vous laisse lire  le début d’un article de Peuples solidaires ( la suite ici). Il n’y a pas de commentaire.

Kenya : Carburant contre paysans

En janvier 2010, les populations de la région de Malindi sont alertées par des fumées inhabituelles émanant de la forêt de Dakatcha. Elles comprennent que des bulldozers ont commencé à raser les arbres : une entreprise étrangère vient d’obtenir l’accord des autorités pour exploiter 50 000 hectares de terres afin de produire du jatropha, une plante dont l’huile sera utilisée comme carburant. Vingt mille personnes pourraient être déplacées et l’équilibre écologique de la région est menacé.
Ce projet est emblématique d’un phénomène global : l’accaparement des terres pour la production d’agrocarburants, dont l’impact sur la faim dans le monde et le climat risque d’être catastrophique. Il est donc essentiel de soutenir les organisations kenyanes qui se mobilisent face à cette situation.

Au Kenya, comme ailleurs en Afrique, le gouvernement est aujourd’hui partagé entre deux politiques contradictoires : d’un côté, il renforce les droits des communautés à cultiver leurs terres ; de l’autre, il cède aux appétits d’entreprises et Etats qui veulent exploiter ces mêmes parcelles.

Ainsi, dans la région côtière de Malindi, le gouvernement vient de confier 50 000 hectares de terres à une entreprise privée qui projette de raser une forêt de 30 000 hectares et d’exploiter les terres des communautés locales. D’après ActionAid Kenya, 20 000 personnes seraient affectées et éventuellement déplacées. Parmi elles, de nombreux paysans dont les productions vivrières nourrissent la population et une communauté indigène, les Wa Sanya, qui vit de la chasse et de la cueillette.

Un bouchon de camions, jusqu’à la fin des temps (in)humains

Il y a les discours, les innombrables discoureurs. Je ne parle pas, exceptionnellement, des habituels salauds qui défendent ce monde et seront enterrés avec lui. Non. Je songe à tous ceux qui, de plus ou moins bonne foi, défendent le mythe du « développement durable ». C’est-à-dire, pour simplifier, tous ces Bisounours du funeste Grenelle de l’Environnement. Tous ceux qui prient pour que tout change, pourvu que rien ne bouge réellement. La nouvelle qui suit est dédiée aux naïfs, aux gogos, mais aussi aux duplices, aux Janus, à tous ceux qui entraînent des milliers d’autres dans l’ambivalence, et finalement l’impuissance.

Cette nouvelle, la voici. Pour la deuxième fois en quelques semaines, l’autoroute qui va de la Mongolie Intérieure, province chinoise, à Pékin, est stoppée par un bouchon automobile d’environ 120 kilomètres de long. Stoppée. Il faudra sans doute des jours et des jours pour que les engins puissent tous repartir. il faut dire qu’environ 10 000 camions ont entremêlé leurs roues, créant un vaste chaos (lire ici). D’après ce que j’ai pu lire, on peut parler d’une ville toute provisoire, mais bien pourvue en services de toutes sortes, y compris sexuels. Ajoutons que la plupart de ces camions sont chargés de charbon, ce moteur essentiel de l’hyper-croissance chinoise, laquelle a atteint près de 12 % au premier trimestre 2010 (par rapport au même trimestre de 2009).

Tant pis si je radote : notre niveau de gaspillage de biens matériels repose en bonne part sur ces objets made in China à bas prix, qu’il s’agisse de colifichets ou d’ordinateurs,  qui sont au reste, eux aussi, des colifichets. Le lien entre cet encombrement d’anthologie dans le nord de la Chine et notre comportement est donc certain, indiscutable, direct. Faut-il ajouter que la combustion du charbon joue un rôle majeur dans le dérèglement climatique en cours, qui menace de dislocation les sociétés humaines, toutes les sociétés humaines ?

Le « développement durable » n’est pas seulement un oxymore, c’est-à-dire une contradiction dans les termes. Pas seulement un pot de peinture verte que les transnationales s’arrachent pour pouvoir continuer leurs affaires. Il est le signe majeur de l’époque. L’immense mensonge de qui n’a pas l’intention de s’attaquer aux sources du désastre en cours. Et cette source n’est que trop claire. C’est celle de la marchandise industrielle. En attendant, vous pouvez regarder en cliquant ici six photos de l’embouteillage précédent sur la même autoroute, qui date du mois dernier. Incroyable ? En effet.