En décembre 2007, Borloo, devenu ministre de l’Écologie, se baigne à Bali (Indonésie), bien entendu sous l’objectif des caméras. S’il plonge ainsi dans l’océan le 13 décembre 2007, en marge de négociations internationales sur la question climatique, c’est pour réimplanter un morceau de corail sur un massif malmené. En tout point charmant. Borloo prétendra que l’opération n’était pas prévue au programme – télés, radios, journaux étaient bien entendu présents – et pour preuve, prétendra ne pas disposer de maillot de bain ad hoc. On verra donc le ministre, qui pilote alors le Grenelle de l’Environnement depuis septembre, sauter à l’eau dans un caleçon bleu qu’on vient par miracle de lui trouver. Bleu comme la mer. Comme c’est beau.
Nul ne s’en souvient, pour cause, mais alors, tous les écologistes officiels, du WWF à France Nature Environnement (FNE), en passant par la fondation Hulot et Greenpeace, ne tarissaient pas d’éloges sur le grand écologiste que Sarkozy avait donné à la France. Tous lui donnaient du Jean-Louis, le tutoyant et trinquant à l’occasion. Un petit monsieur nommé Arnaud Gossement, en ce temps porte-parole de FNE, est aujourd’hui (discrètement) lancé en politique au côté du Parti radical de Borloo, et je vous fais le pari qu’il réapparaîtra avant l’élection présidentielle de 2010. Hulot, de son côté, continue à voir son « ami » Borloo. Pour les autres, je ne sais. Mais je serais fort étonné que le contact ait été rompu. C’est trop bon. Dès qu’on a goûté, on en reprend.
Pourquoi évoquer Borloo, dont la personne m’indiffère tant ? Parce qu’il est une quintessence de ce qu’est devenue la politique. Un jeu de farces et attrapes. Ou de bonneteau. De loin, ce serait presque rigolo. De près, attention aux vomissures. Je veux parler d’une simple signature, qui engage pleinement la responsabilité personnelle de Jean-Louis Borloo. En catimini, sans en dire un mot, l’ancien ministre de « l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat » – son titre officiel -, a signé le 1er mars 2010 des arrêtés scélérats. Je vous en cite un, qui vaut pour tous les autres : « Par arrêté du ministre d’État (…) le permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux dit « Permis de Villeneuve de Berg » est accordé à la société Schuepbach Energy LLC pour une durée de trois ans à compter de la date de publication du présent arrêté au Journal officiel de la République française. Pour cette période, l’engagement financier souscrit par la société est de 39 933 700 euros ».
La même autorisation, qui concerne aussi bien le pétrole que le gaz, a été accordée sur environ 8 % du territoire français. Je n’ai pas le décompte précis, mais tel est l’ordre de grandeur : 40 000 km2. De quoi s’agit-il ? Grâce à une nouvelle technique dite de « fracturation hydraulique », il est désormais possible d’exploiter des gaz et pétroles « non conventionnels » piégés dans des roches sédimentaires profondes, dont des schistes. Le petit malin qui a inventé cela [ajout le 11 janvier 2011 : la question de la fracturation hydraulique est plus complexe que ce que je croyais. Mais Halliburton est bien leader] est la société américaine Halliburton, longtemps dirigée par Dick Cheney, devenu ensuite vice-président de Bush. Je ne détaille pas les incroyables affaires que cette entreprise a faites avec l’armée américaine en Irak. Halliburton c’est la lie.
Les gaz de schistes sont d’ores et déjà un Eldorado aux États-Unis, où les puits se comptent par centaines de milliers. Je répète : centaines de milliers. Pour arriver à un tel chiffre, il faut massacrer des territoires entiers. Et utiliser des quantités d’eau astronomiques que l’on injecte à très, très haute pression dans le sol de manière à faire exploser la roche. On y ajoute pour faciliter le travail jusqu’à 500 produits chimiques différents, dont une grande partie se retrouvera dans les nappes phréatiques. La machine criminelle qui a lancé cette nouvelle aventure s’abrite derrière le secret industriel pour refuser de fournir la liste de ces poisons. Diverses enquêtes convergentes, bien qu’incomplètes, indiquent qu’un grand nombre est mutagène, cancérigène, reprotoxique, perturbateur endocrinien.
En France, Borloo a ouvert la boîte de Pandore, donnant des permis à des entreprises américaines, à Total, à GDF-Suez. Malgré la destruction assurée d’espaces naturels. Malgré une pollution des eaux qui pourrait se révéler sans précédent connu. Et malgré la loi française sur l’énergie de 2005 (ici) qui impose à la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre. Car évidemment, lancer une production massive de pétrole et de gaz chez nous ne peut que ruiner les engagements de la France et achever ce qui reste de négociation sur le climat. Borloo a donc, et sans détour, violé la loi de la République française, ce que personne ne lui reprochera jamais. Car il est du côté des maîtres, et du manche. Et nous ne sommes, pour l’heure du moins, que poussière.
Si vous avez le temps, regardez donc le film Gasland (ici). Vous verrez ce qui nous attend en France, grâce à Borloo et aux petits malins écologistes qui l’ont porté aux nues. Notez que la résistance s’organise. Vivement. Ouvrez les oreilles. Je vous tiendrai au courant.