Archives de catégorie : Industrie et propagande

Aux nobles gendarmes du barrage de Sivens

Cet article a été publié le 12 novembre 2014 par Charlie Hebdo

Revenons-en aux faits. Un, ce sont les flics qui ont commencé la violence. Deux, il y a sur place l’ébauche d’une milice pro-barrage que personne ne recherche. Trois, Xavier Beulin a des idées derrière la tête. Quatre, les agences de l’eau, ça craint.

C’est plutôt rigolo. Ben Lefetey est un écologiste de longue date, ancien président des Amis de la Terre. Il y a une petite quinzaine d’années, il part vivre en Asie, avec femme et bientôt enfants. Et puis il revient en France, où il s’installe à Gaillac (Tarn). Fatalitas ! Quelques mois après son arrivée, un tract déposé sous son pare-brise l’invite à une manif contre le barrage de Sivens, à une poignée de kilomètres de là. Il y va, il s’engage, et devient le porte-parole des opposants, ceux du « Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet » (http://www.collectif-testet.org).

Certains des pro-barrage les plus énervés lui promettent de lui couper les couilles, et les mêmes ou d’autres le présentent comme un « étranger » à la région venu y foutre le bordel. Il ne donne pas l’impression d’être autrement impressionné, et Charlie s’est finalement décidé à l’interroger. On apprend des choses, indiscutablement.

Charlie :  Et si on revenait sur la violence ? Qui a commencé ?

Ben Lefetey : Le premier acte de violence date du 23 janvier 2014. Ce jour-là, une bande d’une vingtaine de types, certains cagoulés, sont venus sur place saccager la ferme alors occupée par les zadistes. Avec des voitures dont le numéro d’immatriculation était caché. Il n’y avait que deux filles présentes, qui ont été attirées à l’autre bout du champ par une diversion. Le commando a sorti des masses, détruit portes et fenêtres, ouvert un trou dans le toit,  balancé du répulsif sur les matelas de manière à rendre le lieu inhabitable. Plainte a été déposée par le…conseil général, propriétaire en titre de la ferme. Bien qu’il n’y ait pas de grands doutes sur l’identité des gros bras, il n’y a jamais eu de suite.

> Les affrontements avec les gendarmes ont commencé, eux, le 27 février, un mois plus tard.  Les zadistes, surtout des anars du Tarn, renforcés par quelques Toulousains, étaient entre 5 et 10 à occuper le futur chantier en permanence et à y dormir. Après la destruction de la ferme, ils ont construit une maison en paille, installé des yourtes et un chapiteau. Et ils ont été expulsés par des policiers en civil et des gendarmes du Peloton de surveillance et d’intervention de Gaillac. Ces derniers forment une unité qui correspond aux brigades anti-criminalité (BAC) des villes. Une unité qui utilise souvent la violence, et qui l’a employée contre les occupants pacifiques du chantier. Le plus inouï est que cette expulsion a été condamnée ensuite par la cour d’appel de Toulouse. La gendarmerie opérait donc dans l’illégalité.

Charlie : Et c’est donc ensuite, et seulement ensuite, que tout s’est enchaîné ?

B.L : Aucun doute. Dès mars, les occupants ont été plus nombreux –entre 50 et 100 – et ils ont pu empêcher le déboisement qui était alors prévu.  Au passage, des gens plus radicaux sont en effet arrivés, qui ont construit des barricades qui ne tenaient d’ailleurs pas dix minutes. Dans tous les cas, l’escalade vient de là. Et de l’arrivée de Valls à Matignon : en septembre, entre 150 et 200 gardes mobiles ont été « réservés » trois semaines pour imposer le barrage de Sivens.

Charlie : En dehors des zadistes, qui refuse localement le barrage ?

B.L : Je voudrais d’abord parler des paysans, car le conseil général du Tarn a toujours prétendu que le monde agricole était pour, unanimement. Or il y a des paysans locaux, comme par exemple Pierre Lacoste, qui sont contre, et qui soutiennent depuis le début les zadistes. Et il faut citer le réseau de paysans bio de Nature et Progrès Tarn, très actif. Enfin, la Confédération paysanne est venue en renfort avec des tracteurs, réclamant au passage un moratoire. S’ajoutent au combat Attac, très présent dans le Tarn, ainsi que les associations historiques de France Nature Environnement (FNE). Des individus comme moi se sont greffés au fil du temps à la bagarre.

Charlie : Ségolène Royal a annoncé on ne sait plus bien quoi. Y aura-t-il un barrage ?

B.L : Nous avons désormais bon espoir qu’aucun barrage ne sera construit. Les experts qu’elle a nommés, dans leur fameux rapport, nous ont donné raison sur des points décisifs que nous avions avancé il y a un an sans être écoutés par le conseil général. Cela nous donne une sacrée crédibilité ! On est loin de cette image manipulée de zadistes maniant la barre de fer et terrorisant la population locale.

Charlie : Encore un mot sur la violence. Sans les affrontements avec les gendarmes, sans la détermination des zadistes, où en serait le barrage aujourd’hui ?

B. L : Il serait aux trois quarts construit.

Encadré 1

L’homme aux pesticides entre les dents

La menace bolchevique n’étant plus disponible, Xavier Beulin, président de la FNSEA – syndic(at) de faillite des paysans – vient d’inventer pire encore. Les écologistes de Sivens seraient des « djihadistes verts ». On pourrait en ricaner si ce n’était autant sérieux. Car derrière ce gros céréalier de la Beauce se profile une radicalisation croissante des paysans qu’il manipule.

Beulin déjeune régulièrement avec Hollande, à qui il promet de créer plein d’emplois à condition qu’on dérégule la profession. Plus de contraintes, plus de règles, nitrates à tous les étages ! Il veut en outre créer un statut du paysan qui serait refusé aux plus petits, ceux dont les surfaces ne lui paraissent pas dignes des grasses subventions qu’il reçoit.

Autre aspect de ce grand personnage : Sofiprotéol, énorme groupe industriel  qui pèse 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires (en 2013). Beulin n’est pas seulement « syndicaliste » : il est également le patron de Sofiprotéol et joue un rôle crucial dans des dossiers comme celui de la ferme des 1000 vaches. Sofiprotéol commercialise plus de la moitié des pesticides épandus en France. Cet homme aime la vie.
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Encadré 2

Le rôle si trouble des agences de l’eau

Sans l’agence de l’eau Adour-Garonne, pas de barrage de Sivens. Ce mastodonte public prévoit un budget de près de deux  milliards d’euros sur la période 2013-2018, et a promis 50 % du montant des travaux, qui s’élèvent sur le papier à 8, 4 millions d’euros pour une poignée d’irrigants.

La France compte six agences régionales de l’eau, créées en 1964, qui décident de tout parce qu’elles financent tout. Menu problème : elles sont une chasse gardée des trois grands corps d’État évoqués la semaine passée dans Charlie : les Mines, les Ponts et le Génie rural et les eaux et forêts. Ces grands ingénieurs sont intéressés au volume de travaux placés sous leur contrôle. En 2014, malgré quelques velléités démocratiques, l’oligarchie règne : cinq des six agences sont dirigés par des « corpsards », et la sixième, qui attend le sien, est administrée par un intérimaire, haut fonctionnaire du ministère de l’Agriculture.

Adour Garonne est pilotée par un ingénieur général des Mines, Laurent Bergeot, et le vice-président de la décisive commission Programmes et Finances est un certain Alain Villocel. Mais il faut employer le passé, car Villocel vient de partir vers de nouvelles aventures. Qui était-il jusqu’à ces derniers mois ? Le directeur général de la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG), bastringue public au service du conseil général du Tarn. Cette société d’économie mixte, qui fait abondamment couler l’argent public, est au point de départ du barrage de Sivens. Où le serpent se mord méchamment la queue.

Comment on construit un port en catimini (dans les Yvelines)

Écologistes et bagarreurs des Yvelines, ce texte vous concerne en priorité.

Je n’ai pas encore travaillé sur le sujet, mais je crois qu’il s’agit d’une vaste folie de plus. Vous lirez ci-dessous un article paru dans un journal des Yvelines, Le Journal des deux rives. On s’apprête à bouleverser la Seine à deux pas de Paris, dans les mêmes conditions d’opacité qu’a été lancé le funeste barrage de Sivens, entraînant la mort de Rémi Fraisse. Tout entier tourné vers les le BTP et ses si vertueuses entreprises, il consistera, autant qu’on peut le savoir à ce stade, en une « plateforme multimodale » contenant des transports par l’eau – la Seine -, le rail et la route. À Achères, à six kilomètres de Saint-Germain-en-Laye. La chose s’appelle pompeusement « Port Seine-Métropole Ouest »(ici)

Pour autant que l’on sache, ça renâcle jusque dans le camp des provisoires vainqueurs, ce qui est un comble dans ce genre d’histoires, où tout est ficelé dès les commencements. Est-ce que cela gêne si peu que ce soit les « promoteurs » du port ? Bien sûr que non. Jusqu’au 2 décembre, ils informent la population sous la conduite de l’inénarrable Commission du débat public, ou CNDP (ici), chargée d’imposer « l’acceptabilité sociale » des projets inutiles et nuisibles, comme par exemple les nanotechnologies. Dans ce cas précis, la composition de la commission locale de la CNDP fleure lourdement la provocation. On y trouve l’inévitable ingénieur des Ponts, un ancien d’EDF, un ancien de Péchiney-Alcan, une ancienne préfète du Tarn-et-Garonne (ce département directement concerné par Sivens), et d’autres personnages aussi intéressants que ce « fondateur de l’Avicenn, association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et nanotechnologies ».

Qu’y a-t-il derrière, outre le BTP ? L’État et nos socialos, car il s’agit de trouver des montagnes de granulat qu’on extraira du lit du grand fleuve martyrisé, avant que d’être conduit en péniches quelque part. Où ? Mais sur les chantiers du Grand Paris, ce mégaprojet qui entend dessiner les contours de la région Île-de-France pour les siècles des siècles. Conséquences pour la Seine, l’eau, les sols, le vivant ? On s’en fout. Il faut avancer. En retour, il n’est pas exclu que ces beaux entrepreneurs entassent sur place des déchets. Le conseil général des Yvelines, qui soutient à fond, écrit noir sur blanc que le site «pourrait aussi accueillir des déblais issus des chantiers franciliens.»

En bref, amis de partout et même d’ailleurs, c’est maintenant qu’il faut agir. Je n’ai aucun conseil à donner, mais il n’est pas interdit d’avoir un avis. Voici le mien : on se réunit au plus vite, on crée un collectif, et on se bat. Pour le fleuve, pour la vie, contre le Grand Paris.

———————L’article du Journal des deux rives

Port d’Achères : le débat public va durer 2 mois à partir d’octobre 2014

Le débat public au sujet du «Port Seine-Métropole Ouest» s’ouvrira  dès le 2 octobre 2014. Rappelons que ce port sera situé sur la plaine d’Achères et que ce sera une plate-forme trimodale (fleuve, rail, route) de 100 ha principalement orientée vers le secteur du BTP. Un ouvrage qui impactera le territoire des 2 rives, des communes qui la compose  et bien au delà.

C’est la Commission Nationale du Débat Public qui a décidé d’organiser un grand débat public (2 mois) sur ce projet auquel Ports de Paris est favorable et maître d’ouvrage. Un  projet soutenu par le Conseil général des Yvelines qui le présente comme devant «permettre l’extraction de granulats au bénéfice des travaux du Grand Paris et leur acheminement par voie d’eau. » Et «pourrait aussi accueillir des déblais issus des chantiers franciliens.»

Qu’est-ce qu’une           

plateforme multimodale ?

Une plateforme multimodale accueille sur le même site plusieurs modes de transport. Le projet Port Seine-Métropole est trimodal : il associe le fleuve, le rail et la route.

Cette formule permet de cumuler les avantages : forte capacité de la voie d’eau, faible pollution du fleuve et du rail, flexibilité et proximité de la route. Les activités envisagées sur cette plateforme s’articulent principalement autour du transport de conteneurs maritimes.

Impact, territoire et habitants

La prise en compte des enjeux  environnementaux, économiques et sociaux et des intérêts locaux, régionaux et interrégionaux ainsi que ceux des communes d’Achères, d’Andrésy, de Conflans Sainte-Honorine et de Saint-Germain-en-Laye seront au centre des huit réunions publiques qui ont à leur programme outre la présentation du projet, des débats sur : l’environnement, les travaux, le phasage, l’intermodalité, le développement économique, les aménagements urbains etc. Et puis l’audition publique des acteurs économiques pour finir sur une réunion publique de clôture.

Un précédent local, l’Eco-port des 2 rives

Un tel déroulé de réunions s’est déjà produit pour le Port des deux rives organisé conjointement par les dirigeants de la CA2RS et ceux de Ports de Paris. Concertation il y a eu ainsi qu’une écoute réciproque attentive. Les sujets ont été largement exposés, débattus, confrontés à des critiques  formulées sur les études, les diagnostics, les scénarios environnementaux, les schémas d’aménagement, l’uge du port (déchets, eco-construction etc.).  Une  évaluation socio-économique a été réalisée dont les conclusions ont été sujet à interprétation. On sait aussi que l’enquête publique s’est soldée par un avis défavorable du commissaire enquêteur… dont les dirigeants de la CA2RS n’ont absolument pas tenu compte puisqu’ils maintiennent  ce Port des deux rives dans leurs projets. (Voir vidéo Urbicus)

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             CNDP  Composition de la commission particulière au projet «Port d’Achères»

Michel GAILLARD (président), ancien cadre chez EDF Anne-Marie CHARVET, préfet honoraire, ancienne préfet du Tarn-et-Garonne et de l’Aude – Lucie DEMONDION, diplômée en sciences politiques et en géographie, expériences au sein de cabinet conseil en concertation citoyenne et en collectivités locales – Bruno de TREMIOLLES, ancien cadre de Péchiney-Alcan – Jacques ROUDIER, ingénieur général honoraire des ponts, des eaux  et  forêtsSecrétaire générale : Julie QUENTEL
Secrétaire général adjoint : Philippe BOURLITIO

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Lors des futures réunions de concertation et des ateliers thématiques (s’il y en a),  le monde politique,  associatif et socio-économique ainsi que les médias et les citoyens seront présents.  Assisterons-nous à un «moment» de démocratie participative ? A une «saison» d’échanges et de dialogues ? ou au théâtrale  monologue des «pour» et des «contre» aboutissant à un résultat programmé d’avance ? Il en va autant de la crédibilité de la Commission Nationale du Débat Public que des autres intervenants, politiques compris et que le slogan de la CNDP «Vous donner la parole et la faire entendre» sera appliqué.

Huit réunions publiques sont organisées dans les Yvelines du 2 octobre au 2 décembre

  • Réunion publique d’ouverture – Présentation du projet. 2 oct. 2014, 20H00 – 23H00. A Achères, Salle des fêtes Boris Vian – Place G. Brassens – Avenue Jean Moulin
  • Présentation du projet – Focus sur l’environnement, les travaux, le phasage. 7 oct. 2014, 20H00 – 23H00. A Conflans-Sainte-Honorine, Salle des fêtes – Place Romagné – Avenue Foch
  • Présentation du projet – Focus sur l’intermodalité. 14 oct. 2014, 20H00 – 23H00. A Saint-Germain-en-Laye, Théâtre A.Dumas – Place A. Malraux – Rue Saint-Louis
  • Présentation du projet – Focus sur le développement économique. 6 nov. 2014, 20H00 – 23H00. A Achères, Salle des fêtes Boris Vian – Place G. Brassens – Avenue Jean Moulin
  • Présentation du projet. 12 Nov. 2014, 20H00 – 23H00. A Carrières-sous-Poissy, Espace L. Armand – 142 rue Louis Armand
  • Présentation du projet – Focus sur les aménagements urbains. 18 Nov. 2014, 20H00 – 23H00. A Andrésy, Salle des fêtes Julien Green – 4 boulevard Noël Marc
  • Audition publique des acteurs économiques. 20 NOV. 2014, 20H00 – 23H00. A Poissy, Centre de Diffusion Artistique – 49-53 avenue Blanche de Castille
  • Réunion publique de clôture. 2 DÉC. 2014, 20H00 – 23H00. A Andrésy, Salle des fêtes Julien Green – 4 boulevard Noël Marc

Parallèlement aux réunions publiques (mardi 7 octobre à 20 h à la salle des Fêtes de Conflans Sainte-Honorine), deux rendez-vous sont programmés pour le public et la presse avec inscription obligatoire car le nombre de places est limité :

– une visite de terrain le 11 octobre. Pour mieux comprendre le projet et ses impacts, Ports de Paris, conjointement avec la Commission particulière du débat public PSMO, vous propose de visiter le site du projet PSMO et le port de Limay le samedi 11 octobre après-midi. Voir le programme ci-dessous.

– un atelier de travail le 18 novembre. Un atelier animé par des spécialistes est organisé le 18 novembre à Andrésy, avant la réunion publique relative aux aménagements urbains. Le programme sera disponible très prochainement. Cette séance fera l’objet d’une restitution le soir même lors de la réunion publique pour alimenter les réflexions. Pour participer à cet atelier, merci de remplir le formulaire d’inscription.

Une rencontre ouverte au public, associant des étudiants du territoire de Cergy-Pontoise, est également en préparation pour le 24 novembre. Plus d’informations prochainement

Programme de la visite du site du projet Port Seine–Métropole Ouest samedi 11 octobre suivie d’une visite du port de Limay

La Commission particulière du débat public et Ports de Paris proposent une visite guidée du site du projet Port Seine–Métropole Ouest. Cette visite est ouverte à tous sur inscription préalable avant jeudi 9 octobre à 12h00, dans la limite des places disponibles*.

Au programme, visite de terrain sur la plaine d’Achères en autocar. Plusieurs arrêts sont prévus pour comprendre au mieux les différents aspects du site existant et du projet. Après la visite du site du projet à Achères et un point de vue panoramique depuis l’Hautil, départ vers le port de Limay-Porcheville, le premier port fluvio-maritime d’Ile-de-France. A Limay, découverte d’une plateforme multimodale de 125 hectares gérée par Ports de Paris au cœur de la région mantoise dans un cadre paysagé de qualité. Tout le programme en détails  de la visite du 11 octobre à Limay :

13h30 : Rendez-vous pour le départ de la visite devant la gare du RER A d’Achères-ville

14h00 : Départ de la visite en autocar

14h00-15h30 : Visite du site du projet Port Seine-Métropole Ouest

15h30 : Visite du port de Limay

Vers 17h30 :  Retour à la gare d’Achères Ville

Pour s’inscrire, remplir le formulaire sur : http://psmo.debatpublic.fr/autres-rendez-vous-du-debat

Villes concernées:

Andrésy, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes, Maurecourt, Meulan/Les Mureaux, Orgeval, Triel-sur-Seine, Verneuil/Chapet, Vernouillet, Villennes/Médan, Autres

Derrière Margerie, les morts du pétrole

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 29 octobre 2014

Eh ben non, on ne pleure pas. Total détruit les territoires et les peuples, s’attaque autant qu’il lui est possible aux équilibres climatiques, et aimerait qu’on l’aime, comme tous les salauds de la Terre. Pensée émue pour les Patagons d’Argentine, les Egi du Nigeria et les esclaves de Birmanie.

Louis XVI, lui aussi, était une excellente personne, ce qui ne l’a pas empêché d’avoir des soucis. Les infernales prosternations devant la dépouille de Margerie signifient au moins une chose : ce pays va très mal, qui conduit même les écolos estampillés à quelques trémolos de circonstance. La palme indiscutable à Jean-Vincent Placé, rendant hommage « à un grand capitaine d’industrie français très lucide sur la situation de la planète ». Il y a pourtant une vérité simple : on ne peut pas pleurer tout le monde, car la mort est partout, car il y a trop de candidats. Or Margerie dirigeait une entreprise criminelle, et si ce rappel embête nos petits chéris de l’Élysée et d’ailleurs, c’est tant pis pour leur gueule.

On ne peut ici qu’évoquer deux ou trois points, parmi des centaines d’autres. Ne revenons pas sur la Birmanie et le rapport frelaté de Kouchner – 2003 – contestant le soutien de Total à la junte militaire, explicitement dénoncé par le prix Nobel Aung San Suu Kyi, alors encabanée. Ne parlons pas des enquêtes précises pour corruption dans le cadre de l’exploitation pétrolière au Cameroun. En Libye, en Tanzanie, en Russie. Ni de celles menées sur fond de pétrole et de gaz offshore iranien. Ni du « Pétrole contre nourriture », qui permit d’arroser tant de mafieux et de salauds, quand l’Irak de Saddam Hussein était soumis à embargo. Ni du grand massacre de la Patagonie argentine – en cours – où Total envoie se faire foutre  Indiens mapuche et pumas. Ni du saccage biblique du territoire Egi, au Nigeria.

Qui l’ignore, franchement ? Le pétrole, c’est la guerre, rien d’autre. Et avant cela, l’entubage, les menaces, le chantage, l’extorsion, les équipes hautement spécialisées. Et après cela, quand il le faut, la mort pour ceux qui résistent encore. Si Total a pu acquérir la taille mondiale d’une supermajor pétrolière, c’est parce qu’elle a absorbé en 2000 Elf Aquitaine, et doublé du même coup son chiffre d’affaires. Elf, entreprise hautement barbouzarde, avait été créée en 1967 par un De Gaulle obsédé par la concurrence américaine, notamment en Afrique. Le projet se confondra avec la Françafrique, et comprendra d’innombrables coups fourrés, du Gabon de Bongo au Congo de Sassou Nguesso, passant par le Biafra martyr. Jusqu’à la fin, Elf enverra des armes aux Biafrais, pour la seule raison que le delta du Niger contient de prodigieuses réserves de pétrole.

Le reste, au fond anecdotique, s’appelle « Affaire Elf ». Sous la présidence Le Floch-Prigent – 1989-1993 – , les moteurs de la corruption s’emballent. On ne tape plus seulement dans la caisse pour acheter les satrapes, mais pour se payer putes et champagne, belles chaussures et grandioses maisons. C’est l’époque royale de Dédé la Sardine, Roland Dumas, Alfred Sirven, qui se termine sans qu’aucun des vrais dossiers n’ait été mis au jour.

Pourquoi ? Mais parce que chut. Les initiés – pas si rares que cela – savent parfaitement que Margerie était l’un des visiteurs du soir de Hollande et Valls, qui pleurent d’ailleurs à chaudes larmes leur si cher ami disparu. Au-delà, car il y a un au-delà, la puissance colossale de Total – autour de 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel – interdit toute action contre la crise climatique. Du point de vue de l’histoire humaine, le plus grand crime de Total est là. La plus grande entreprise française gagne ses milliards en déstabilisant le climat pour des milliers d’années.

Alors que la France prépare une nouvelle conférence mondiale sur le climat, en 2015, qui fait bander bureaucrates et charlatans politiques de tout poil, la mort de Margerie remet si besoin les pendules à l’heure. Tous les signaux sont au rouge vif. L’objectif de limiter à deux degrés l’augmentation moyenne des températures n’est plus défendu par personne, pour la raison simple que les émissions de gaz à effet de serre explosent. Notamment à cause de la place démesurée qu’ont tous les Margerie de la planète auprès de nos si grands dirigeants de poche. Non, décidément, Margerie n’était pas plus coupable que Louis XVI. Mais pas moins. Et donc, fuck.

250 000 taulards en pleine liberté

Ce papier a été publié par Charlie Hebdo le 15 octobre 2014

C’est la mode. Après la « ferme des 1000 vaches », le camp d’internement des 250 000 poulets, à seulement 40 kilomètres. L’industriel qui lance la grande opération a le soutien empressé de Ségolène Royal, Le Foll et Jean-Pierre Jouyet. Dégueulis recommandé.

Hum. Il n’y a pas vraiment de mots pour cette nouveauté. Une usine, une construction (in)humaine où s’entasseraient 250 000 poulets, en attendant un million, dix millions, un milliard. Nul ne se souvient de ces mots du grand Isaac Bashevis Singer dans Un jeune homme à la recherche de l’amour, son autobiographie : « Les vrais martyrs innocents, sur cette Terre, ce sont les animaux, particulièrement les herbivores ».

Et c’est bien pourquoi tout recommence, éternellement en pire. La Somme semble devenu le rendez-vous des grands aventuriers de la concentration animale. À Drucat, près d’Abbeville, un industriel du BTP, Michel Ramery, a ouvert ces dernières semaines la fameuse « ferme des 1000 vaches ». Ardemment soutenu par les socialos de la région, le monsieur milliardaire est passé sur le ventre des opposants locaux de Novissen (http://www.novissen.com) et de la Confédération paysanne (1). Et voilà qu’apparaît en pleine lumière un autre capitaine d’industrie.

Pour mieux comprendre le mouvement, il faut se rendre – à contrecœur –  à Doulens, petite ville de la Somme de moins de 7000 habitants. Nous sommes le 7 janvier 2014, et le maire de droite Christian Vlaeminck présente ses vœux à ses électeurs. C’est très chiant, comme on se doute. Vlaeminck : « La mise en valeur de notre patrimoine, après l’église Notre-Dame, est un de nos projets futurs et j’y tiens. » Ou encore l’annonce de « l’installation de la vidéo protection à d’autres endroits de la ville, comme le complexe sportif et culturel ou le cimetière. »

C’est dans ce contexte puissamment français qu’il faut apprécier la proposition faite par le gérant d’Œufs Nord Europe, un certain Pascal Lemaire. Par un nouveau et splendide flash-back, nous voici cette fois en mai 2013 (Le Courrier Picard du 1 juin 2013). Envapant le maire de Doulens Vlaeminck – pas trop dur – Vlaeminck lui vend l’idée d’un élevage de poules d’environ 300 000 bêtes, à raison de 9 par mètre carré. Vlaeminck, les yeux ruisselant d’émotion : « On n’est pas habitué, dans le Doullennais, à un dossier de cette taille mais il devient notre priorité économique ! ». Pardi, l’énormité de 30 emplois promis est en jeu. On ne plaisante pas avec la croissance revenue. Le responsable du dossier chez Lemaire, Sylvain Dumortier, précise qu’il s’agit de « créer un élevage de poules au sol, dit de code 2. C’est-à-dire que les animaux, qui ne sortent pas, ne sont pas en cage mais dans une volière dans laquelle ils évoluent en totale liberté (…) Il y en aura exactement 319 500 réparties dans trois bâtiments de 6 000 m² ».

Ne rions pas trop vite : l’idée de poulets en prison, mais gambadant pourtant en pleine liberté, est au centre même de l’opération. Interrogé par le JDD il y a quelques jours (2), Lemaire n’y va pas avec le dos de la cravache : « Le quotidien des poules, c’est de se lever tranquillement le matin, à la lumière artificielle, malheureusement. Mais il y aura quand même de la lumière naturelle, je tiens à le préciser. Dans ce type d’élevage, il y a un pourcentage de lumière naturelle ».

Où est-on en cet automne 2014 ? Très près du début des travaux. La préfecture attend encore quelques papiers pour donner une autorisation qui ne fait aucun doute, bien que les 30 emplois de mai 2013 soient devenus entre-temps 6. 6 sous-prolos pour garder 250  000 taulards. Question idiote : pourquoi le ministre de l’Agriculture Le Foll laisse-t-il faire ? Ne prêche-t-il pas à chaque occasion en faveur de l’agro-écologie et de l’agriculture paysanne ? Banane ! c’est juste pour rire. Dans la réalité, le projet des 250 000 poulets est soutenu financièrement par la Banque Publique d’Investissement (BPI), ce machin créé en 2012 par un homme injustement oublié, Jean-Marc Ayrault.

Destiné à financer les PME dans les régions, la BPI a eu comme premier président Jean-Pierre Jouyet, aujourd’hui secrétaire général de l’Élysée, et comme vice-présidente Ségolène Royal, désormais en charge de l’Écologie. Eh bien, la BPI a banqué, comme il se doit. Le montage financier de la « ferme des 250 000 poulets » contient une aide de 7 millions d’euros, partagés entre la BPI et trois fonds de pension régionaux. Lemaire est donc une créature publique, soutenu au plus haut niveau politique.

Le plus drôle n’est pas encore là. Non. Lemaire est aussi un acteur de premier plan, dans le département du moins, des poulets bio. Allié depuis 2009 à des marchands et à des producteurs de céréales bio dans le cadre de Cap Bio Nord, il se présentait alors comme le leader de la production « alternative » d’œufs dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Mais les temps changent si vite. En ce mois d’octobre 2014, le propos de Lemaire est tout différent : « On ne peut pas mettre toutes les poules en plein air. C’est la solution pour sortir de la crise et manger français le moins cher possible ».

Moins cher. Le vrai mantra de notre époque déconnante. En 1960, selon les chiffres INSEE, on consacrait 38 % de notre fric à l’alimentation. Et 25 % en 2007. Et probablement 20 % aujourd’hui. De la merde, plein pot, mais si bon marché.

(1) Un vaste rassemblement avec débat et marché paysan contre « l’industrialisation de l’agriculture » est prévu à Amiens le 28 octobre : www.confederationpaysanne.fr/gen_article.php?id=2872

(2) la vidéo est sublime : http://www.lejdd.fr/Economie/Videos/Apres-les-1-000-vaches-la-ferme-des-250-000-poules-692534

————————ENCADRÉ

Milliardaire, indien, accapareur
Malheureux qui ne connaissez pas encore le collectif GRAIN (www.grain.org/fr), il n’est que temps de s’y mettre. GRAIN, né dans les années 80 du siècle passé, rassemble – entre autres – des informations capitales sur les mouvements sociaux paysans, l’affaissement de la diversité génétique et les stratégies des transnationales de l’agriculture. Où l’on voit que les 1000 vaches ou les 250 000 poulets ne sont que la partie émergée d’un iceberg planétaire.
Dans un document impeccable, tout récent, l’association révèle le rôle du milliardaire indien Chinnakannan Sivasankaran. Sur le papier, Silva Group est un géant de l’informatique mondiale, mais c’est aussi l’un des plus grands propriétaires agricoles du monde, avec au moins un million d’hectares achetés sur le continent américain, en Asie, en Afrique. Pour des gens comme Sivasankaran, habitué de la fraude fiscale et des paradis fiscaux, l’avenir est là, dans la possession de terres. Car il est convaincu de l’existence d’un cycle économique durable, et profitable. La croissance démographique et la « croissance » économique – au Sud, surtout – seraient la garantie de prix alimentaires toujours plus hauts. L’industrie s’empare sous nos yeux de ce qui restait de nos illusions.

Miguel Cañete est (presque) un gros bœuf

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 8 octobre 2014

Suspense. Cañete, lobbyiste de l’industrie pétrolière, vat-il diriger la politique climatique de l’Europe ? En tout cas, l’homme de Petrolífera Dúcar est dans les tuyaux. Vive la démocratie en marche !

En première analyse, ce mec est un gros bœuf. Mais le bœuf, malgré l’absence de ses couilles, reste un superbe animal, et l’on voit donc que la comparaison ne tient pas. Miguel Arias Cañete, en effet, n’a à peu près rien pour lui. Né en 1950, chefaillon du pitoyable Parti Populaire (PP) d’Espagne, il a été ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de l’Environnement à deux reprises, et il devrait devenir, sauf refus du Parlement européen, commissaire européen en charge à la fois de l’Énergie et du Climat. Et donc représenter l’Europe dans toutes les négociations internationales autour du vaste dérèglement climatique en cours.

C’est une vaste fête qui se prépare pour les climato-sceptiques et les industriels planqués derrière, car Cañete est un adorateur stipendié du pétrole. Mais l’affaire remonte à fort loin, ainsi que le montre un récapitulatif dingo réalisé par les Amis de la Terre Europe. Dès 1996, Cañete, alors député européen, s’intéresse de très près aux projets concernant les importations de bagnoles. Et comme il a raison ! Discrètement, oubliant même d’en parler dans une déclaration d’intérêts pourtant obligatoire, il est parallèlement l’un des pontes d’Italcar España, qui importe évidemment des tutures.?Rebelote en 2001 : alors qu’il est ministre, Cañete oublie encore – damned – de déclarer ses intérêts dans deux sociétés de jeu et une entreprise agricole. Sa réponse, historique, est qu’il ignorait faire partie de leur conseil d’administration.

En 2002, sa femme – d’affaires, ô combien – passe devant une commission d’enquête espagnole, car elle est soupçonnée d’avoir reçu des informations confidentielles sur l’oreiller. En 2004, passé à l’opposition, Cañete propose ses services de lobbyiste au gouvernement américain, notamment au sujet des OGM. Ce n’est, jurons-le solennellement, qu’un aperçu. On passe sur ses petites phrases dégueulasses, si nombreuses. À propos des Équatoriennes qui viendraient faire des mammographies gratuites en Espagne, quand elles coûtent 9 mois de salaire au pays. À propos des femmes en général : « il est compliqué de tenir un débat avec une femme, car montrer de la supériorité intellectuelle pourrait paraître sexiste ».

Le plus sympa vient après. L’infatigable Cañete a également fondé deux boîtes pétrolières, Petrolífera Dúcar et Petrologis Canarias, ce qui est un poil gênant quand on est censé lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Mais pourquoi s’en faire ? Craignant tout de même les questions, Cañete fourgue ses actions dans ces nobles entreprises il y a quinze jours, y compris celles de sa femme et de son fils. Ses beaufs, deux de ses authentiques beaux-frères, restent aux commandes, et Cañete d’affirmer benoîtement que la déclaration d’intérêts ne porte que sur la famille immédiate, ce qui est assurément exact. Est-il utile d’en rajouter sur des montages fiscaux lointains, ou encore la société écran Havorad BV, basée aux Pays-Bas ?

Où en est-on ? C’est simplement horrible. Au moment où vous lirez ces lignes, un vote du Parlement européen aura – ou non – confirmé Cañete dans son poste. Dans les coulisses politicardes habituelles, on s’amuse comme des petits fous. Le PP espagnol et Cañete ont derrière eux toute la droite européenne. Or notre splendide Moscovici veut lui aussi être intronisé à la Commission, ce qui donne lieu à un deal comme on les aime. Ou les socialos européens se couchent, et en ce cas, Moscovici obtiendra définitivement son poste à l’Économie. Ou elle essaie d’évincer Cañete, et dans ce cas, Moscovici pourra aller se faire foutre.

Dans un contexte aussi plaisant, la crise climatique ne pèse pas davantage qu’un plumet d’oie. Qu’en pense donc notre si chère Ségolène Royal, qui prépare une nouvelle foutaise pour 2015, connue sous le nom de « Sommet climatique mondial de Paris » ? Quelques voix écologistes gueulent, à peu près dans le désert. Une pétition pour lourder le bœuf Cañete est en ligne, qui dépasse les 400 000 signatures (https://secure.avaaz.org/en/canete_climate_12/). On s’en fout ? Ils s’en foutent. Mais bien.