Archives de catégorie : Industrie et propagande

Contre le puçage des moutons (une initiative de PMO)

Vous trouverez ci-dessous un communiqué du groupe grenoblois Pièces et main-d’œuvre (PMO), qui poursuit sa saine critique du « progrès » et de la technique (ici). Bien entendu, je m’associe à ce texte.

Entretien avec Etienne Mabille, éleveur réfractaire au puçage de ses moutons

 Paysans dans la Drôme, Etienne et Irène Mabille ont perdu 8000 € de primes PAC (Politique agricole commune), pour refus de pucer leurs moutons. Menacés d’amendes et de pénalités supplémentaires, ils en appellent au tribunal administratif de Grenoble qui jugera dans quelques mois. Alors que d’autres éleveurs risquent des sanctions similaires pour le même motif, le Collectif 26 organise une transhumance contre le puçage électronique dans la Drôme, du 28 janvier au 1er février 2013 (voir www.piecesetmaindoeuvre.com/…). C’est à cette occasion que nous avons eu cet entretien avec Etienne Mabille.

Nous ne sommes pas éleveurs. Nous ne défendons pas d’intérêts personnels en soutenant les Mabille et la transhumance contre le puçage électronique. Nous défendons tous les éleveurs et tous les individus, citadins ou ruraux, qu’emprisonne déjà le filet numérique (bibliothécaires, enseignants, usagers des transports en commun, bientôt tous les foyers, équipés de compteurs électriques pucés Linky, etc). On sait que la Drôme bio (moutons, miel et lavande) coexiste heureusement avec la Drôme nucléaire (Pierrelatte et le Tricastin), pourvu que les centrales restent hors de vue, en bas, dans la vallée du Rhône. C’est ce qu’on nomme le syndrome NIMBY (Not in my backyard / Pas dans mon jardin). S’agissant du puçage RFID, nous ne cédons pas, quant à nous, au syndrome NOMCAT (Not on my cattle / Pas sur mon troupeau). Nous marcherons aussi pour les hommes.

Faire un bout de chemin avec Etienne n’implique pas que nous soyons d’accord sur tout. Ainsi, nous ne pensons pas que l’accélération technologique fragilise le système. Tant que cette accélération ne rentre pas dans le mur des limites physiques de la Terre, elle le renforce au contraire.

Quant au Progrès, ce progrès qui sert de bâton à la technocratie pour nous ramener à ses raisons, nous en avons la même opinion qu’André Breton : « Il reste entendu que tout progrès scientifique accompli dans le cadre d’une structure sociale défectueuse ne fait que travailler contre l’homme, que contribuer à aggraver sa condition. » (Le Figaro Littéraire, 12 octobre 1946) C’est, évidemment, qu’il ne faut pas confondre progrès (de la condition humaine) et croissance (du Produit intérieur brut).

De tout cela, nous parlerons entre marcheurs durant la transhumance, le soir après la projection du film Mouton 2.0 – La puce à l’oreille organisée à chaque étape :
- lundi 28/01 à 20h30 : mairie de Mornans ;
- mardi 29/01 à 20h30 : salle Coloriage à Crest
- mercredi 30/01 à 20h30 : salle des Fêtes de Montmeyran
- jeudi 31/01 à 20h30 : cinéma le Navire à Valence
- vendredi 1/02 : manifestation dès 9h à Valence.

(Pour lire l’entretien, cliquer sur l’icône ci-dessous.)


Entretien avec Etienne Mabille
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Montebourg dégueule sur la forêt tropicale de Guyane

Désolant, révoltant, criminel, assassin ? Bah, las palabras entonces no sirven, son palabras. À ce stade, en effet, les paroles ne servent à rien, car ce ne sont que des paroles, quand il faudrait des actes. Faisant ce que je peux, si peu, je vous signale que ce pauvre monsieur nommé Arnaud Montebourg fait à nouveau des siennes. Le ridicule ministre du redressement productif vient d’accorder un permis d’exploitation minière à la société française Rexma, spécialisée dans la recherche de l’or. Oui, mes pauvres lecteurs, il s’agit d’exploiter une mine d’or au pays de l’ancien Eldorado, en Guyane française, chez nous. Enfin, d’après ce qu’on dit, car pour ma part, j’ai toujours considéré que nous n’avions rien à faire là-bas. Nos militaires, qui ont transformé la Guyane en base secrète, de manière à permettre les exportations de satellites Ariane, sont d’un avis différent.

Donc, une mine d’or. On sait désormais ce que produit inévitablement l’activité minière, a fortiori aurifère. La destruction directe de la zone concernée, des montagnes de déchets toxiques, éventuellement d’épouvantables pollutions liées à l’usage du cyanure et de métaux lourds dans les bassins de décantation. Qui se souvient de la mort du fleuve Tisza, en Hongrie (ici) ? On ne parle pas là d’un quelconque royaume d’opérette, mais d’une mine située en Roumanie, laquelle appartient, croit-on savoir, à l’Union européenne. Mais évidemment, l’entreprise française Rexma ne pollue pas, elle.

Allez donc jeter un regard sur son site internet (ici), où le storytelling, façon modernisée de traduire le mot orwellien de novlangue, est proprement sublime. Je cite : « Nous avons intégré depuis les débuts de notre activité minière en 1998, les principes du développement durable dans notre démarche industrielle ». La virgule fautive n’est pas de moi, et je la garde donc. Une autre citation : « Nous sommes convaincus que la recherche de l’efficacité économique est compatible avec le respect des hommes et de l’environnement ». Une dernière, qui jette une autre lumière sur le tout : « REXMA intervient également comme prestataire de services pour l’exploitation des alluvions et des saprolites pour le compte de compagnies exploitant des gites primaires ». Mais que voilà de braves gens ! Ne me dites pas que l’exploitation des alluvions n’est pas un noble but.

Précision qui ajoute un peu, un petit peu à l’horreur. Le projet de mine aurifère se situe près du village de Saül, au centre de la forêt amazonienne dont l’histoire récente nous a confié la garde. Un mot sur la Guyane dite française : lagwiyan, ainsi que l’appellent les Guyanais en créole, est le plus grand de « nos » départements : 83 846 km2 au total. Ce n’est rien au regard de la taille du Brésil voisin, mais tout de même, 96 % de cette surface est couverte d’une forêt tropicale, l’une des mieux préservées au monde. Je n’insiste pas sur la biodiversité, qui est miraculeuse : 5 500 espèces végétales parmi lesquelles plus d’un millier d’arbres, 700 espèces d’oiseaux, 177 espèces de mammifères, plus de 500 espèces de poissons dont 45 % sont endémiques, c’est-à-dire présents là et nulle part ailleurs. Ajoutons qu’un parc national, dont le cœur borde d’ailleurs l’éventuelle mine, et si je ne m’abuse six réserves naturelles ont été créés à des fins de protection. Relisez donc calmement : si le cœur du parc national borde le projet d’exploitation, c’est que la mine se situerait sur son territoire, périphérique certes, mais son territoire néanmoins. On se fout donc ouvertement des principes perpétuellement vantés du haut des tribunes. Ce n’est pas étonnant ? Non, cela donne juste envie de tirer dans le tas.

Le parc national, des scientifiques de l’Inra, du Cnrs, des spécialistes de l’orpaillage – la recherche artisanale d’or dans les rivières -, l’association Guyane Nature Environnement, des associations métropolitaines, comme WWF, FNE, la Fondation Hulot, protestent à leur manière, poliment en vérité. J’ajoute au débat une pièce qui, à ma connaissance, n’est pas publique : vous la lirez en bas de mon article. Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), un machin rattaché au ministère de l’Écologie, rassemble notamment de bons scientifiques (ici). Consultatif, très rarement éruptif, le CNPN est censé donner son avis. Eh bien cette fois, bien loin du ton gentillet qui est son habitude, le CNPN gueule. À sa manière, mais d’une façon qui ne laisse planer aucun doute sur l’extraordinaire coup porté à la nature.

Encore deux petits points. Primo, Montebourg, ce crétin, est censé incarner l’aile gauche du parti socialiste au pouvoir, la plus proche du parti mélenchonien. On ne rit pas, on prend des notes. Deuxio, ce gouvernement se croit tout permis. Et s’il se croit tout permis, c’est parce qu’il sait où il met les pieds. Les écologistes officiels et de salon ont commencé par lécher les pieds – restons poli – de Sarkozy en 2007, au moment de la comédie du Grenelle de l’Environnement. Ils continuent, mezza voce, mais tout de même, avec Hollande, comme l’a montré la Conférence environnementale dérisoire de l’automne passé. Je vais vous dire : avec des gens comme Montebourg, il n’est qu’une chose : le prendre au col, et ne plus le lâcher. Mais c’est pour l’heure au dessus des forces débiles du mouvement écologiste. Je ne parle pas de l’ectoplasme des associations serviles. Je parle de nous.

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MOTION DU COMITE PERMANENT DU CONSEIL NATIONAL DE LA PROTECTION DE LA NATURE

Le Comité Permanent du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), réuni le 20 décembre 2012, a pris connaissance de l’arrêté ministériel du 26 octobre 2012, publié au Journal Officiel du 11 décembre 2012, accordant à la société REXMA un permis d’exploitation de mines d’or et substances connexes, dit «Permis Limonade », sur le territoire de la commune de Sau?l en Guyane.

Le Comité permanent du CNPN,

Constate que ce permis est donné en contradiction avec le Schéma Départemental d’Orientation Minière (SDOM), qui en particulier interdit toutes activités minières dans cette zone au regard de sa riche biodiversité ;

S’alarme du fait que l’exploitation minière est située en bordure de la zone coeur du Parc Amazonien de Guyane dans son Aire Optimale d’Adhésion, en amont de la naissance de la « Crique (rivière) Limonade » qui poursuit la majeure partie de son cours en zone coeur du Parc Amazonien de Guyane, entrainant potentiellement et accidentellement des pollutions liées à l’exploitation et des dégradations malheureusement bien connues de la biodiversité, tant aquatique que terrestre ;

Déplore que l’autorisation donnée n’intègre pas, surtout dans le cas présent, le principe de « Solidarité écologique », partie intégrante des « Principes fondamentaux applicables à l’ensemble des Parcs Nationaux » (cf. arrêté ministériel du 23 février 2007) de la loi sur les Parcs Nationaux de 2006 ;

S’étonne que l’autorisation donnée néglige, surtout aussi dans le cas présent, les principes de prévention et/ou de précaution inscrits dans la charte de l’environnement adossée à la constitution française ;

Relève que ce permis d’exploitation est en contradiction avec l’objectif premier fondamental de protection de la zone coeur du Parc Amazonien de Guyane ;

Attire l’attention du gouvernement sur le fait que le principe de cet arrêté est en contradiction avec la responsabilité particulière de la France vis-à-vis de la Guyane et de sa biodiversité mondialement reconnue, et de ses déclarations successives de s’investir, tant au plan national qu’international, pour la conservation et la restauration de la biodiversité ;

S’étonne du caractère non transparent d’une telle décision, alors que le projet de charte du Parc Amazonien de Guyane est en procédure cruciale d’adoption, avec ses conséquences sur la future Zone d’Adhésion, et que la concertation devrait présider à la réforme du Code Minier en cours ;

Compte tenu de ce qui précède, le Comité Permanent du CNPN :

Désapprouve donc très fortement la décision du Ministère du Redressement Productif,
…/…
…/…
Attend de l’Etat la mise en cohérence des politiques publiques et l’exemplarité en matière de conservation
de la biodiversité,

Demande instamment au Gouvernement de revenir sur la décision du Ministère du Redressement Productif,

Le Président du Comité Permanent

Jean-Claude LEFEUVRE

Cette motion a été adoptée à l’unanimité des membres présents du Comité permanent du CNPN, avec le soutien des autres membres suivants du Conseil National de la Protection de la Nature concernés par la Guyane : Philippe BALLON, Bernard DELAY, Francis DURANTON, Pierre-Michel FORGET, Jean-Francis GOSSELIN, Jean-Marie GOURREAU, Gérard LARGIER, Jean-Claude MALAUSA, Jean POIROT, Christian SCHWOEHRER, Christine SOURD, Claude SUZANON,

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Les rennes du Père Noël aux mains des ordures

Ce papier a été publié dans Charlie-Hebdo le 26 décembre 2012

Rien ne va plus pour les rennes du Grand Nord canadien. Le plus grand troupeau du monde a perdu 95 % de ses effectifs, et les Innu regardent mourir leur vieux compagnon. La faute à l’exploitation minière.

C’est difficile à croire, mais le renne n’a pas toujours été l’esclave du Père Noël, bondissant sous le fouet. En Amérique du Nord, il a longtemps peuplé le monde sous le nom de caribou. Pendant le Pléistocène, qui commence, jeunes gens, il y plus de deux millions d’années, on le trouvait jusque dans le Nevada – à côté de San Francisco – et le Tennessee actuels. Ses troupeaux, comme ceux du bison, obscurcissaient l’horizon. Et puis l’homme, ses pièges, ses flingues.

L’animal a replié ses bois vers le Nord et les sols acides, vers l’extrême froid, là où la tuerie est moins industrielle. En Alaska, dans le nord du Labrador et du Québec, il conserve quelques vraies hardes, mais plus pour très longtemps. Un communiqué du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) du Québec vient de tomber, comme un coup de hache (1). Un inventaire aérien confirme que l’immense troupeau de la rivière George est en train de mourir.

Un mot des lieux : la rivière George se jette dans la baie d’Ungava, à hauteur du village inuit de Kangiqsualujjuaq. Deux connards missionnaires lui ont donné le nom de Georges III, roi d’Angleterre et d’Irlande, mais dans la langue inuktitut, on l’appelle Mushuau Shipu, ou rivière sans arbre. Car ce pays entre Labrador et Québec est une immense toundra posée sur le granit, couverte de mousses et de lichens, que les caribous boulottent.

Le troupeau de la rivière George – de la sous-espèce dite toundrique au Québec – était jusque vers 1993 le plus important de la planète, atteignant alors entre 800 000 et 900 000 têtes. Avant de chuter de moitié – à 385 000 – en 2001. Et à 74 000 animaux en 2010. Et à 27 600 à l’été 2012. En vingt ans, la population a diminué de 95 %. Qui dit mieux ? Personne. Mettez-vous une seconde à la place des Inuits, des Innu, des Cris, des Naskapis, même si c’est rigoureusement impossible. Pendant des millénaires, le sort de ces peuples du Grand Nord a dépendu de l’état de santé des caribous, qui tombent comme des mouches. D’où une légère inquiétude existentielle chez ces pauvres arriérés de primitifs.

Pourquoi cet invraisemblable déclin ? Chez les officiels, aussi cons que les nôtres, la cause est entendue. Les caribous seraient trop nombreux et le surpâturage, au cours de leur migration, empêcherait les mousses et lichens de se reconstituer. Le problème existe certainement, mais permet de mettre au second plan le dérèglement climatique, dont les effets sur la végétation sont d’ores et déjà considérables. Surtout, cette thèse simpliste dissimule les responsabilités écrasantes du pouvoir politique.

L’association Survival (2), qui défend les peuples indigènes partout où l’on empêche de vivre, c’est-à-dire partout, a rencontré les principaux intéressés. George Rich, un vieil  Innu du nord-est du Canada : « L’exploitation et l’exploration minières à outrance sont l’une des principales causes de la disparition des caribous. La compagnie Quest Minerals a, par exemple, récemment annoncé qu’elle projetait de construire une route qui traversera le cœur de l’aire de mise bas du caribou et que des hélicoptères et des avions survoleront la zone pour atteindre les sites d’exploration ».

Le « développement », cet autre nom de la destruction, a en effet détruit massivement les pâturages et les routes de migration des caribous toundriques. Les exemples sont si nombreux qu’ils ne laissent place à aucun doute. Citons la compagnie Cap-Ex Ventures, qui exploite le fer dans la région, après avoir construit barrages hydro-électriques et ligne de chemin de fer. Quest Minerals de son côté, la boîte citée par George Rich, est spécialisée dans l’extraction des terres rares, qui pourrait démarrer sur place en 2016.

Les terres rares, rappelons les bonnes choses, sont vitales pour la fabrication des éoliennes, des cellules photovoltaïques, des ordinateurs, des téléphones portables, des bagnoles électriques. Tu l’as dit, y a un problème.

(1) http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/GPQF/Aout2012/16/c7587.html
(2) http://www.survivalfrance.org/

Un complément sur l’Inde (à destination des journalistes de L’Express)

En complément de l’article précédent sur l’Inde vue par le journal L’Express, Stéphane Lhomme – qu’il en soit remercié – m’envoie l’adresse d’une vidéo (ici). On y voit une manifestation d’Indiens au Tamil Nadu, protestant contre un projet de centrale nucléaire de technologie russe (ici). Notez que nous, les Français, savons également y faire. Areva projette de construire 6 réacteurs EPR autour du port de Jaitapur, dans l’État du Maharashtra, sur la côte Ouest (ici). De nombreux affrontements ont eu lieu, des milliers de manifestants ont été arrêtés, au moins un a été tué par les flics. Et la zone prévue pour la construction est hautement sismique. Toutes nouvelles oubliées par L’Express, grand journal n’écoutant que son courage.

L’Orang-outan, le WWF et les Anonymous (une leçon)

Qu’est-ce qui est important ? L’Orang-outan, le Gorille, le Chimpanzé et nous, avons hérité de cinq chromosomes semblables. Pour la raison que notre ancêtre commun les possédait. L’Orang-outan, sans doute moins imbécile, a commencé d’évoluer de son côté, en Asie, il y a environ 12 millions d’années. Loin de notre aventureuse destinée. J’aime énormément les serpents – j’en ai tenu de gros dans les bras, et des petits, venimeux, contre la peau -, les fourmis, les oiseaux, les libellules, les batraciens, les abeilles bien sûr, et des centaines d’autres bestioles de toute taille. Mais j’ai également passé un grand nombre d’heures devant les cages réservées aux orangs-outans du Jardin des Plantes de Paris. Non, inutile de me dire, je sais. Ce sont des taulards. Ils mériteraient qu’on foute le feu à leurs saloperies de cages, j’en suis bien certain. Mais depuis quand ne peut-on considérer, éventuellement aimer des prisonniers ?

J’aime profondément ces bêtes. Leurs gestes de contentement, leurs lubies, leur apparente mélancolie, la grâce de leurs membres s’ouvrant comme des fleurs, les liens noués entre les jeunes et les autres, le cuir de leur paume, leur cheveu roux, et fou. Et je repose la question : qu’est-ce qui est important ? Pour moi, un monde où ne pourraient plus vivre des orangs-outans libres serait une Géhenne pour tous. Je viens de lire un article inouï sur la dévastation de lieux jadis à l’abri de la folie économique (ici). À Bornéo, tronçonneuses et bulldozers détruisent une forêt tropicale si belle à mes yeux qu’écrivant ces mots ordinaires, j’en ai soudain comme un tremblement. Des barbares qui nous ressemblent tant arrachent des arbres et plantent à leur place des palmiers à huile qui se transformeront en nécrocarburant ou en obésité sans frontières, sous la forme de centaines de plats cuisinés industriels.

Je ne cherche pas de qualificatif. Selon moi, les organisateurs de ce massacre relèvent d’un procès de Nuremberg qui n’aura pas lieu. Il y a cinq ans, j’ai écrit un livre (La faim, la bagnole, le blé et nous) pour dénoncer le crime des biocarburants. J’avoue, un peu honteux désormais, que j’espérais un sursaut. Dieu sait que j’ai alerté, directement, la galaxie écologiste et altermondialiste. Rien. La plupart de ces messieurs-dames se vautraient alors dans les salons sarkozystes, pour y fêter leur Grenelle de l’Environnement. À Bornéo, mais aussi dans une partie croissante de l’Asie du sud-est, la forêt disparaît au profit de cette vérole appelée palmier à huile. Les plantations ne durent que quelques années, car au-delà, elles ne donnent plus assez de fruits. C’est l’abandon, suivi d’un autre massacre un peu plus loin. Bientôt, si ce n’est déjà fait ici ou là, la splendeur des forêts n’existera plus que dans les films. Pour les orangs-outans et tant d’autres merveilles, la fin de ces territoires signifie bien entendu la mort. Il resterait moins de 60 000 de ces primates en liberté restreinte.

L’Indonésie – qui occupe cette partie de Bornéo qu’on nomme Kalimantan – est le plus grand producteur d’huile de palme au monde, et la surface plantée de palmiers y a été multipliée par 27 en une vingtaine d’années. On parle d’augmenter la production d’encore 60 % d’ici 2020. Le soja dans le bassin amazonien, pour nourrir notre malheureux bétail. L’huile de palme des forêts pluviales d’Asie, pour nourrir nos bagnoles. Ce n’est pas une honte, c’est un crime collectif, et il est majeur. Dans les deux cas, une association se prétendant écologiste joue le rôle évident de fourrier. Et c’est le WWF, qui continue d’incarner la protection, alors qu’elle accompagne sans état d’âme la destruction accélérée du monde. En Amérique latine, le WWF a lancé une table-ronde sur le soja responsable en compagnie de Monsanto et Cargill. J’ai déjà tant écrit sur ce sujet que je n’insiste pas. C’est immonde (ici et ici). En Indonésie, idem. Le WWF, qui y trouve un intérêt financier, promeut une soi-disant Table ronde pour une huile de palme durable (ici) avec les responsables industriels du désastre. Il s’agit bien entendu d’une vulgaire caution, qui couvre par exemple l’usage massif du paraquat, l’un des pesticides les plus dangereux au monde, interdit bien sûr en France (ici). Vous avez bien lu : le WWF soutient des gens qui utilisent du paraquat dans les plantations. Les paysans qui triment au milieu des vapeurs méphitiques ne viendront jamais cracher leurs poumons dans les beaux bureaux du WWF-France, carrefour de Longchamp, Paris. Et je le regrette bien.

Or donc, l’huile de palme tue les orangs-outans, et le WWF fait semblant. Tout le monde n’a pas envie d’être gentil avec la marque au Panda. Je souhaite même ardemment que cette mystification soit de plus en plus combattue ouvertement. Et certains ne m’ont pas attendu. Ainsi, les hackers abrités sous le beau nom d’Anonymous (ici) ont-ils mené une action lucide contre le WWF d’Indonésie (ici). Vous trouverez ci-dessous les détails. À mes yeux, le WWF a choisi son camp, et ce n’est évidemment pas le mien.

Le site officiel de l’ONG WWF Indonésie piraté par les Anonymous

25 septembre 2012 – 1 commentaire

wwf_indonesia_logo Publié par UnderNews Actu

Ce n’est pas le premier piratage qui touche l’ONG de protection de la Nature. WWF avait vu son compte Twitter piraté et utilisé pour diffuser de la publicité puis son site des Philippines victime d’une intrusion en 2011. Cette fois, c’est le site Indonésien qui en a fait les frais, action revendiquée par les Anonymous. Explications.

Des Anonymous reprochent à l’organisation mondiale de protection de l’environnement de s’être accoquinée avec Monsanto et les créateurs d’OGM. Le site Internet indonésien du WWF (wwf.or.id) a été visité. Le pirate qui se déclare faire parti du collectif Anonymous et revendique une intrusion sur le serveur. Bilan : des bases de données diffusées sur la Toile.

L’hacktiviste, qui participe à l’opération « Stop Green mafia« , explique que l’association écologiste se serait rapprochée de Monsanto, Syngenta, Cargill, et d’autres sociétés en 2005 lors d’une table ronde sur le soja transgénique (RTRS) et la culture d’huile de palme.

Anonymous reproche à la WWF de ne pas avoir agi contre l’utilisation d’un pesticide basé sur le glyphosate. Un produit qui provoque cancer et altérations génétiques. « A Bornéo 13.920 hectares de la forêt vierge ont été détruits », soulignent Anonymous. « Seuls 80 hectares de la forêt ont été préservés de la destruction. Moins de 10 orangs-outans y vivent, aujourd’hui« . Le WWF certifie que les cultures de palmiers (destinés à la production d’huile)  ont été réalisées de manière efficace, en prenant compte du reboisement.

« WWF, comment pouvez-vous conclure que détruire les forêts, les animaux et la nature, est écologiquement durable ? Votre masque d’écologiste ne peut pas cacher la dévastation des cultures et des êtres vivants par Monsanto, Wilmar International et les autres grandes entreprises de l’agro-industrie génétique« .

L’Anonymous a diffusé adresses, logins, mots de passe et données privées internes à la WWF Indonésie.

Mais ce n’est pas fini. Il n’y a qu’à voir le Twitter @OpGreenRights pour s’en rendre compte. Le site World Wild Life subit de très lourdes attaques DDoS et se retrouve hors ligne depuis quelques jours consécutifs.

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