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Europacity, la reine des bouses (une si belle idée Auchan)

Cet article a été publié dans Charlie-Hebdo du 10 octobre 2012

À Gonesse, riante cité coincée entre les aéroports de Roissy et du Bourget, Auchan veut créer un lieu enchanté, avec 500 boutiques, une piste de ski, un parc nautique, un golf, une gare. Avec deux fois plus de visites qu’à Eurodisney.

Tâchons de rester calme, et commençons par une idée de balade pour les heureux habitants de la région parisienne. Jusqu’au 27 octobre, rendez-vous à l’exposition « EuropaCity 2012 Alliage(s) et Territoire(s) ». On y verra jusqu’où peut aller le génie urbain, surtout quand il a pour alliés Auchan et ses hypermarchés. Soit Gonesse, une ville de la banlieue nord-est de Paris – près de 30 000 habitants -, enterrée par le monde officiel, coincée entre l’aéroport du Bourget et celui de Roissy. Regardons de plus près deux cités de la ville, Les Marronniers – réfugiés d’Irak et de Turquie – et la Fauconnière, peuplée de Noirs et d’Arabes. Un pont les sépare, que tout le monde appelle la passerelle des embrouilles. Baston compris et pire si affinités.

Le maire, installé depuis 1995, est socialo. Jean-Pierre Blazy est redevenu député en 2012, après une éclipse de cinq ans qui lui a visiblement rongé les sangs. Incapable, il n’est certes pas le seul, de régler si peu que ce soit les problèmes de sa banlieue, il s’est laissé embobiner d’une manière stupéfiante par des commerciaux endimanchés d’Immochan, filiale immobilière d’Auchan. Ce groupe pèse plus de 44 milliards d’euros de chiffre d’affaires et ne sait plus quoi faire de la thune que les pauvres viennent claquer chez lui.

D’où l’idée des cerveaux de la boîte, imaginée en 2008, et fourguée dans la foulée à un Blazy tout ébahi – hypothèse charitable – par sa beauté et sa profondeur. Premier mouvement : récupérer au bas mot, dans le triangle qu’on appelle la Patte d’oie, 700 hectares d’une terre encore cultivée, et dont la qualité du sol est d’exception. Place ensuite à la table à dessin. En deux coups de cuiller à pot, Blazy et Auchan se mettent d’accord sur le projet Europacity. En résumé, la chose deviendrait un paradis commercial de 500 boutiques – 170 au Forum des Halles -, comprenant une dizaine d’hôtels, un vaste golf, un parc aquatique, un musée de l’Europe, un cirque permanent, une piste de ski artificielle, sans compter la station d’un métro automatique droit venu de Paris, ainsi qu’une gare au milieu des champs actuels. Le tout bâti sur un promontoire d’où l’on pourra admirer, si l’on a envie de se pendre, le Sacré-Cœur et la Défense.

Entre 25 et 40 millions de visites sont attendus chaque année, contre 15 actuellement chez Eurodisney, ce pauvre garçon. Dans un premier temps, l’œuvre coûterait 1,7 milliard d’euros. Où en est-on ? Une bataille au couteau oppose en ce moment même quatre cabinets d’architectes, qui doivent être départagés avant la fin de l’année. Quatre formes sublimes sont en compétition : un carré, un ovale, un triangle et un serpentin. La langue de belle-mère a été inexplicablement oubliée.

C’est un projet de gauche, ne pas oublier. Soutenu par tout le PS régional, et par Patrick Braouezec, ancien ponte du PC passé chez Mélenchon, qui a remis un Label Grand Paris à Blazy et à Europacity. C’est bien mérité, car comme le dit Auchan dans son incomparable propagande (ici), « EuropaCity tisse les usages – culture, loisirs, hôtels, séminaires, évènements, shopping – pour une expérience unique, un parcours immersif, ludique et pédagogique. Articulé autour du thème « de l’art de vivre à l’européenne », de ses cultures, de ses valeurs, de son ouverture au monde, EuropaCity constitue un lieu exceptionnel, un trait d’union humain, totalement innovant, généreux et durable ».

Aussi incroyable que cela semble, les opposants existent. Rassemblés dans un vaste collectif (ici), ces ennemis du progrès pointent quelques menus problèmes qu’on ne peut tous évoquer. Concurrent direct de centres commerciaux voisins – O’Parinor (Aulnay), My Place (Sarcelles) ou Aéroville (en construction) -, Europacity ne pourra s’imposer que contre eux. Les infrastructures géantes de transport prévues pousseront toujours plus à l’urbanisation de cette zone agricole. La terre, parlons-en une seconde : l’Île-de-France ne produit que 1,6 % de ce qu’elle mange. Demain, 0% ?

En ces temps de bulle de l’immobilier commercial, de crise et de chômage de masse, le risque de fiasco est plutôt évident. Et un éventuel succès signifierait « toujours plus de démesure, plus de luxe, toujours plus de clients » dans un « prétendu “lieu de vie” (avec des activités de loisirs et de culture bas de gamme) ». C’est la merde.

Les Verts, le WWF et le greenwashing (sur le cas Loiselet)

Je me tais quelques jours, confiant dans la capacité des Terriens à se passer de moi. Je vous laisse avec une petite nouvelle qui rassure sur l’état des associations écologistes officielles. Jeudi 27 et vendredi 28 septembre a eu lieu à Paris un colloque du WWF, intitulé « Quelle relance écologique de l’économie européenne » (ici). On dira ce qu’on voudra, ces gens connaissent la langue française et pratiquent avec délice la figure rhétorique connue sous le nom d’oxymore. Qui est l’affirmation, sous la forme de deux termes, d’une chose pratiquement impossible. L’exemple le plus souvent cité est celui de Corneille, dans Le Cid : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles ». Le WWF entend donc prôner une relance économique qui serait aussi écologique. Avec Total, Monsanto, et leurs magnifiques doublures ? Possible.

On me dit – je n’ai pas vérifié personnellement – qu’était présent le sieur Éric Loiselet, responsable du Comité d’orientation politique (COP) chez Europe-Écologie Les Verts (EELV). Ce machin est censé définir les orientations générales du parti dit écologiste. Il joue ainsi un rôle éminent dans le positionnement du mouvement sur des questions comme la Conférence environnementale ou le traité européen. Or Le Canard Enchaîné nous apprend que ce Loiselet est aussi le grand dirigeant adulé de la région Champagne-Ardenne. Ayant regardé de plus près, je puis vous dire que Loiselet est conseiller régional (ici) et qu’il a, bien entendu, été candidat aux élections législatives.

Un détail : Loiselet est un gracieux cumulard, mais lui est à la fois payé par l’impôt public, et par le privé. Il est également directeur conseil associé d’une grosse boîte américaine de lobbying, Burston-Marteller (ici), dont je retiens, parmi les très nombreux clients industriels, ces quelques noms : Philip Morris, Monsanto, Total, ainsi que la junte militaire argentine. Oui, Burston-Marteller a défendu les intérêts des fascistes qui s’étaient emparé du pouvoir après 1976, torturant et assassinant chemin faisant des milliers d’opposants. Pas grave. Il est vrai que le WWF-Argentine a longtemps été dirigé par un homme de la junte, le fasciste Martinez de Hoz. Il est vrai que le WWF a créé une crapuleuse table-ronde sur le soja soutenable (ici) – encore un bel oxymoron – qui profite à Monsanto, membre de la supercherie, et à tous les salopards du Paraguay, de l’Argentine et du Brésil qui ont planté du soja transgénique sur des dizaines de millions d’hectares, en lieu et place de la forêt ou du cerrado, une sublime savane de là-bas.

Dans ces conditions, je n’ai pas même le goût de vérifier la présence au colloque du WWF de ce Loiselet. Il y avait sa place, toute sa place.

Je n’ai pas le temps, mais quand même (l’étude Séralini sur les OGM)

Ce long texte est la faute exclusive de Sancho, lecteur de Planète sans visa, qui m’a poussé dans mes retranchements. Il avait bien raison. Tu avais bien raison. C’est long, mais cet article contient des informations que vous ne trouverez pas ailleurs, notamment à propos de deux personnages, Gérard Pascal et Catherine Geslain-Lanéelle. C’est de l’aguichage ? Il n’y a pas d’autre mot.

Je pense que vous êtes au courant. Gilles-Éric Séralini est l’auteur principal d’une étude sur les OGM. Publiée dans la revue réputée Food and Chemical Toxicology, qui a accueilli des recherches de Monsanto sur le même sujet, elle annonce une sorte d’Apocalypse. Des rats ont été divisés en trois groupes. Le premier soumis à un régime à base de maïs OGM NK 603, le deuxième à ce même maïs OGM traité au Roundup, herbicide bien connu, et le troisième à un maïs non OGM, mais traité au Roundup (ici). Je n’entre pas dans le détail des résultats, qui sont, comme vous savez, accablants pour les OGM.

Je n’y entre pas, car je suis bien incapable, aujourd’hui comme demain, de juger l’étude Séralini. Je connais cet homme, je sais son honnêteté foncière, sa vaillance, sa valeur scientifique. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas tout. En 2005 – sept ans, comme le temps passe, hein ? -, j’ai mené avec lui un long entretien dans le magazine Terre Sauvage, auquel je collaborais alors. En voici un extrait : « (Séralini) Nous n’avons plus, pour ainsi dire, d’observatoire global, ni de l’homme ni de la nature, ce qui a de nombreuses et fâcheuses conséquences. N’oublions jamais que ce sont les physiciens à l’origine de la bombe A qui ont développé à la fois  la biologie moléculaire et l’informatique. Physiciens et mathématiciens ont en quelque sorte dit aux biologistes : vous devez saisir le code génétique des humains. Et en le comparant explicitement au code informatique ». « (Moi) À vous suivre donc, les OGM seraient le fruit d’une certaine vision, discutable, de la science. Mais au fait, à quand remontent vos premiers contacts avec les OGM ? ».

« (Séralini) Dès mes années d’étude, j’ai travaillé sur des OGM de laboratoire. J’ai pratiqué la manipulation, le clonage, le séquençage des gènes. Quant aux OGM qui allaient devenir commerciaux, ceux dont on parle tant, je les ai découverts en 1991, quand j’ai été nommé professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen. J’étais au courant des essais d’OGM en plein champ, et comme je devais faire un enseignement sur le sujet, j’ai lu les rapports de la Commission du génie biomoléculaire de l’époque – de 86 et 96 – et surtout le premier bilan qu’avaient écrit Axel Kahn et ses collègues. Les fabricants d’OGM assuraient qu’ils allaient permettre une réduction de l’usage des pesticides, dont je savais le rôle dans les dérèglements hormonaux et les cancers. J’étais donc non seulement favorable, mais enthousiaste devant ces nouvelles perspectives. J’ai pris les dossiers en mains et là, la stupéfaction m’a… ». « (Moi) …saisi ? ». « (Séralini) …Atterré ! Car je me suis rendu compte que la principale stratégie des industriels était de “fabriquer” des plantes capables d’absorber des pesticides sans en mourir. Alors qu’on prétendait réduire ces produits ! Et du reste, dix ans après le lancement des OGM commerciaux, les trois quarts des plantes transgéniques ne sont que cela. Seconde stratégie, tout aussi curieuse : la création de plantes OGM qui sécrètent leur propre insecticide. Lequel est, je le rappelle, aussi un pesticide ».

Revenons au présent. Je ne sais donc pas la valeur scientifique du travail de Séralini. On le saura fatalement, un jour ou l’autre. En attendant, le spectacle des réactions m’amène à m’interroger, car cette soudaine montée au créneau de tant de scientifiques pour disqualifier à ce stade le travail du professeur rappelle inévitablement des souvenirs. Qui s’inscrivent dans les stratégies désormais connues de l’industrie pour sauvegarder ses intérêts. L’exemple le plus abouti est celui des cigarettiers américains, car depuis la date de 1998, le Master Settlement Agreement – un accord à l’américaine clôturant un immense procès contre les industriels de la clope – a peu à peu rendu publics des millions de documents internes à Marlboro and co.  Le résultat est ahurissant, même si je ne suis pas tout à fait né de la dernière pluie. L’historien des sciences Robert Proctor en a tiré un livre de 750 pages, Golden Holocaust, que j’ai commandé aux Amériques, que j’ai reçu, que je n’ai pas encore lu. La quatrième de couverture fait peur.

Je vous ai signalé déjà, par ailleurs, un excellent article de l’excellent Stéphane Foucart, qui rapporte la parution du livre et ses a-côtés (ici). Sachez, si vous ne le savez, que des pontes de la science française ont servi les intérêts mortels de la clope. Des pontes. Et que le centre de la stratégie des cigarettiers consistait à gagner du temps en finançant des études parallèles, inutiles, confuses autant que contradictoires, avec pour seul but de créer du doute. Est-ce que le même scénario se reproduit autour de ce que la science officielle appelle déjà « l’affaire Séralini » ? Je rappelle qu’on l’accuse désormais de mensonge, de biais évidents, de choix plus que contestables de la souche de rats ayant servi à l’expérience, etc, etc. Ce qui est proprement incroyable, c’est que nul n’a pu, en un temps si bref, examiner l’étude pilonnée. Personne. Est-ce que cela a empêché des flopées de scientifiques bardés de diplômes de déblatérer à la télé ou à la radio ? Non. A-t-on vu, fût-ce de loin, pareille mobilisation lorsque des études payées par Monsanto ont prétendu que les OGM ne posaient aucun problème de santé publique ? Non.

Attention, ce qui suit est une interrogation, et elle n’est pas formelle. Je n’accuse personne. Je ne sais rien. Et même le pire criminel reste innocent tant qu’on n’a pas démontré sa culpabilité. Or donc, je n’accuse pas Gérard Pascal et Catherine Geslain-Lanéelle. Mais comme je connais – un peu – les deux, je me sens tenu de vous confier quelques éléments en ma possession. Gérard Pascal a longtemps été un homme-clé de notre système de surveillance alimentaire. Il a ainsi été le président, entre 1998 et 2002, du conseil scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), aujourd’hui dissoute dans l’Anses. Je vous mets à la fin de l’article un CV du monsieur, qui date de 2007. C’est instructif. En tout cas, Gérard Pascal, arborant ses titres comme autant de médailles, s’est autorisé une sortie terrible contre Séralini : « Le protocole d’étude de M. Séralini présente des lacunes rédhibitoires (Le Monde du 20 septembre 2012) ». Ce n’est pas une critique, c’est du tir au gros.

L’étude ayant été validée par des pairs, et publiée par une revue de haute réputation, à comité de lecture précisément, il me paraît difficile de croire, au plan de la simple logique, qu’elle soit à ce point ridicule. Par ailleurs, et je me répète, nul ne pouvait dire le 20 septembre, quelques heures après publication, ce que pouvait valoir une étude ayant mobilisé de bons scientifiques pendant deux ans. So what ? Quand j’ai écrit Pesticides, révélations sur un scandale français (paru chez Fayard en 2007) avec mon ami François Veillerette – la bise à tous les trois -,  j’ai eu l’occasion d’égratigner Pascal. Page 226 de l’édition générale, nous constations, François et moi, que Gérard Pascal avait été le conseiller d’une agence de com’ et de lobbying, Entropy Conseil, laquelle a par exemple mené des campagnes de promotion en faveur de l’industrie des pesticides. Hum. Lorsque j’ai écrit Bidoche (paru aux éditions LLL en 2009), j’ai retrouvé sur mon chemin Gérard Pascal. Extrait du livre :

« La société créée par Serge Michels à son départ de Que Choisir, Entropy, reste à bien des égards une entreprise fascinante. Outre son fondateur, dont on apprend au passage qu’il a participé aux travaux du Conseil supérieur d’hygiène de France, du Conseil national de l’alimentation, de l’Inra, de la Commission européenne et du Codex Alimentarius, les scientifiques d’Entropy sont vraiment fameux. Il s’agit, dans l’ordre d’apparition à l’écran d’ordinateur, de Gérard Pascal, Philippe Verger, Claude Fischler, Serge Hercberg, Jeanne Brugère-Picoux, Adam Drewnovski. Regardons un peu mieux le cas Gérard Pascal, personnage clé de la sécurité alimentaire en France. On ne peut détailler un curriculum aussi prestigieux que le sien, mais même en élaguant, on demeure surpris par l’étendue et la durée des responsabilités qu’il a occupées. Il fut – et parfois reste – président du conseil scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), membre de la Commission du génie biomoléculaire, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), au CNRS puis à l’Inra, expert pour l’évaluation des projets de recherche à la direction générale « Recherche » de l’Union européenne, président du comité scientifique directeur de l’Union européenne. Il a reçu en 1993, comme Mme Bellisle en 2007, le prix de la recherche de l’IFN. Et il est donc en relation commerciale avec Protéines, agence au service de l’industrie ».

Si vous êtes encore là – sait-on jamais -, vous me direz peut-être : et l’IFN, c’est quoi ? Comme je veille à mes intérêts – et plutôt à mon temps -, je me permets respectueusement de renvoyer à mon livre. Encore un bout : « Que peut-on ajouter sur les experts d’Entropy ? Trois fois rien. Ils sont (presque) tous membres de l’IFN, eux aussi. Serge Michels fait partie du grand institut indépendant, ainsi que Serge Hercberg, Claude Fischler, Gérard Pascal – membre du conseil d’administration –, et même Adam Drewnovski. Comme le monde est petit ! Ce n’est certes pas un crime, juste une considération géographique. Tous les points de l’univers semblent parfois se rejoindre. Même l’agence Protéines, ès qualités, fait partie de l’IFN. C’est ainsi. Appelons cela une bizarrerie de la nature ».

Quant à madame Catherine Geslain-Lanéelle, sachez qu’elle est la patronne de l’EFSA, acronyme anglais pour Autorité européenne de la sécurité des aliments. Elle a annoncé ces derniers jours que son agence analyserait l’étude Séralini. Oui, mais avec les mêmes experts que ceux qui avaient donné le feu vert au maïs OGM si gravement mis en cause par ce même Séralini, qui a aussitôt déclaré : « Pas question que ceux qui ont autorisé le NK 603 réalisent la contre-expertise de nos données. Il y aurait un conflit d’intérêt avec leur autorité et leur carrière ».

Au passage, je signale que l’EFSA a été gravement mise en cause pour des conflits d’intérêt, jusques et y compris dans son panel de scientifiques qui suivent le dossier OGM. Cela donne le tournis, mais j’y ajoute volontiers ma touche personnelle. Dans Pesticides, cité plus haut, nous avions, François et moi, évoqué le cas Geslain-Lanéelle, réputée de gauche, mais oui, faudrait pas croire. Un premier extrait, qui concerne la gestion de l’épouvantable dossier Gaucho, du nom d’un pesticide dévastant ruchers et abeilles : « Le juge Ripoll, qui a ouvert une instruction à Paris à la suite d’une plainte d’un syndicat d’apiculteurs, perquisitionne avec éclat au siège de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), une administration majeure qui dépend du ministère de l’Agriculture et dirigée alors par Catherine Geslain-Lanéelle. Il réclame communication du dossier d’autorisation de mise sur le marché du Gaucho. Inouï : Geslain-Lanéelle, pourtant haut fonctionnaire, en théorie au service de la République, refuse avec hauteur. Ripoll est si furieux qu’il l’oblige à rester dans une pièce sous contrôle. On frôle la garde à vue ! Finalement, la directrice peut appeler le ministre de l’Agriculture, Jean Glavany, et seulement lui. Sans céder pour autant. La justice n’obtiendra pas gain de cause. Le ministère est une forteresse qui n’est pas près d’être investie ».

Oh oh ! Deuxième extrait : « On pourrait presque achever là ce chapitre, mais on serait trop loin du compte. Il faudrait pour cela oublier le plus grave, le plus sombre du secret entourant le Gaucho et le Régent. Sous Guillou et Geslain-Lanéelle, la gestion du dossier a amplement démontré que l’administration française soutenait les intérêts industriels contre ceux de la santé publique. Mais l’arrivée de Thierry Klinger aggrave encore les choses : elle coïncide avec des méthodes faites de franche intimidation ». Un troisième, pour la route :

« Catherine Geslain-Lanéelle a failli rater une très belle promotion. Nommée à la tête de la Direction régionale de l’agriculture et de la forêt (DRAF) en Île-de-France après son passage à la DGAL, elle guignait sans trop le cacher un poste à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Jacques Chirac en personne, sans doute inspiré par des ennemis plus proches, a tenté de l’en empêcher. Mais le vieux chef n’a plus la main depuis des lustres, et en février 2006 Geslain-Lanéelle a été nommée directrice exécutive de l’EFSA, à Bruxelles. Comment vous priver de ses premières paroles ? Les voici : « J’entre en fonction à l’EFSA à un moment opportun. En effet, sur la base de l’énorme travail d’ores et déjà fourni, je m’engage à faire de l’EFSA une référence européenne en matière d’évaluation des risques concernant la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux au niveau tant européen qu’international. Les gestionnaires des risques en Europe doivent pouvoir se fier à des avis scientifiques indépendants et transparents pour élaborer des politiques et des mesures de sécurité alimentaire. » Seul un impudent personnage oserait poser la question suivante : Mme Geslain Lanéelle aurait-elle été nommée si elle avait choisi de coopérer avec la justice de son pays au moment de la perquisition du juge Ripoll ? ».

Voici ma contribution. Dans tous les cas, elle peut aider, ce me semble, à réfléchir.

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Curriculum Vitae de Gérard Pascal, arrêté en 2007

I – ETUDES ET FORMATION GENERALE

1. Etudes
1964    –    Ingénieur de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon, spécialité « Biochimie », avec les félicitations du Jury
1964    –    Certificat de Zoologie Appliquée (C4) (Université de Lyon)
1968    –    DEA de Nutrition (Université de Paris VI)
2. Stages de longue durée
Septembre 64 – Août 65    :    CEA-CEN-Saclay – Service des Molécules marquées
Novembre 65 – Février 66    :    (Ingénieur stagiaire, puis Scientifique du contingent
Juin 66 – Avril 67    :    puis  Agent  Contractuel  Scientifique  INRA  mis  à disposition)
Mars – Mai 66    :    Centre de Recherches du Service de Santé des Armées :
Hôpital Percy, Division de Radiobiologie (Scientifique du
contingent)
Avril 67 – Juillet 76    :    Centre de Recherches sur la Nutrition du CNRS : ACS,    Assistant, puis Chargé de Recherches INRA mis à disposition (à plein         temps, puis à mi-temps)
II – ACTIVITÉS DE RECHERCHE
1. Carrière à l’INRA
Juin 1965    :    Agent Contractuel Scientifique
Décembre 1967    :    Assistant de Recherche
Juillet 1970    :    Chargé de Recherches
Janvier 1980    :    Maître de Recherches
Mai 1986    :    Directeur de Recherches, 1ère classe
Mai 1999    :    Directeur de Recherches, classe exceptionnelle
Janvier 2004    :    Directeur de Recherches honoraire
2. Responsabilités à l’INRA
Avril 1983    Directeur Adjoint du Laboratoire des Sciences de la Consommation
Juillet 1984    Chargé des fonctions de Chef du Département des Sciences de la
Consommation
Juil. 1984 / Sept 1989    Directeur du Laboratoire des Sciences de la Consommation (24
agents dont 15 scientifiques et ingénieurs)
Juil. 1985 / Oct. 1989    Chef du Département des Sciences de la Consommation (105
agents dont 65 scientifiques et ingénieurs)
Oct. 1989 / Déc. 1992    Chef du Département de Nutrition, Alimentation, Sécurité
Nov. 1996 / Déc. 1997    Alimentaire (280 agents dont 145 scientifiques et ingénieurs)
Janv. 1993 / Déc. 99    Directeur du CNERNA – CNRS
Déc. 1997/ Déc.03     Directeur Scientifique pour la Nutrition Humaine et la Sécurité des
Aliments à l’INRA
III – ACTIVITÉS D’ENSEIGNEMENT
–    Professeur Consultant de Nutrition en 2ème année à l’ENSIA (Massy) de 1982 à 2005
–    Interventions régulières dans divers DEA et DESS
–    DEA National de Toxicologie : co-responsable de l’option toxicologie alimentaire de 1991 à 1999
–    Participations à des jurys de thèse : de 5 à 10 participations par an jusqu’en 2000.
IV – ACTIVITÉS DANS LES COMMISSIONS SCIENTIFIQUES
– Au niveau national :
–    Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France :
.    Membre consultant, puis membre de 1978 à 2000
.    Président du groupe de travail « Additifs alimentaires » et expert toxicologue du groupe « Matériaux au contact » de 1983 à 1988,
.    Président de la Section de l’Alimentation de Novembre 1988 à Novembre 1992
–    Commission d’Étude des produits Destinés à une Alimentation Particulière (CEDAP) : membre de 1980 à 1992
–    Conseil National de l’Alimentation : représentant du PDG de l’INRA de 1986 à Juin 1989, puis membre de droit jusqu’en 1999
–    Commission du Génie Biomoléculaire : membre depuis 1986
–    Commission de Technologie Alimentaire : membre de droit depuis sa création en Juillet 1989 jusqu’en 2000
–    Commission Interministérielle et Interprofessionnelle de l’Alimentation Animale : membre de droit depuis 1993 jusqu’en 2000
–    Président du Conseil Scientifique de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) de 1999 à 2002. Membre du Conseil d’administration de 2002 à 2005.
– Au niveau international :
–    Comité Scientifique de l’Alimentation Humaine de la CEE : membre de 1986 à 1997. Président de septembre 1992 à septembre 1997.
–    Multi-Disciplinary Scientific Committee of the E.U. (centré essentiellement sur le problème de l’ESB) de juillet 1996 à octobre 1997.
–    Comité Scientifique Directeur de l’Union Européenne : membre depuis Juillet 1997 et Président de novembre 1997 à avril 2003.
–   Membre du groupe de travail « Expérimentation animale pour l’évaluation de la sécurité des OGM du Panel OGM » de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) depuis septembre 2004.
–    Consultation FAO/OMS sur les Biotechnologies et la Sécurité Alimentaire (Rome 1996) ; Expert invité.
–    Co-Président du Workshop de l’OCDE sur l’Evaluation Toxicologique et Nutritionnelle des Nouveaux Aliments- OGM (Aussois 1997).
–    Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, participation comme expert aux discussions sur la Nutrition Humaine et la Sécurité Alimentaire (1993, 1994, 1997 et 1998).
–    Expert en Sécurité Alimentaire de l’OMS depuis 1993.
–    Membre du Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JECFA) depuis 1995.
V – DISTINCTIONS
–    Médaille de bronze du Service de l’Hygiène et des Maladies Contagieuses de l’Académie Nationale de Médecine (1978)
–    Chevalier du Mérite Agricole (1987)
–    Lauréat de l’Académie Nationale de Médecine : Prix du Centre de Recherches Cliniques et Biologiques sur la Nutrition de l’Homme (1990)
–    Lauréat de l’Académie des Sciences : Prix du Docteur et de Madame Henri LABBE (1990)
–    Lauréat de l’Institut Français pour la Nutrition : Prix de Recherche de Nutrition (1993)
–    Médaille d’Or du Comité de l’Agro-Industrie de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale (1995)
–    Membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France (1996)
–    Officier du Mérite Agricole (1997)
–    Médaille CHEVREUL de l’Association Française pour l’Etude des Corps Gras (1999)
–    Chevalier dans l’ordre National du Mérite (2000)
–    Prix de Nutrition de l’Institut Benjamin Delessert (2002)
–    Élu membre de l’Académie des Technologies (2002)
–    Grand Prix des Industries Alimentaires de l’Académie des Sciences (2002)
–    Commandeur du Mérite Agricole (2004).
–    Prix de la Recherche en Nutrition de l’Association Ajinomoto (2006)
–    Médaille d’argent du Comité mixte FAO/OMS d’expert des additifs alimentaires (JECFA) (2006)

La CGT aime tant le nucléaire (et le gaz de schiste)

Je rappelle, à toutes fins utiles, que Bernard Thibault est non seulement le secrétaire général de la CGT, mais aussi membre – longtemps très influent – du parti communiste depuis 1987. À ce titre, il fait également partie du Front de Gauche de M.Mélenchon. Lequel ne manquera pas de nous faire savoir ce que tout cela signifie. Mon point de vue est simple : l’imaginaire social de la gauche française est en fait le même que celui de la droite. De la croissance, des objets inutiles, des bagnoles pour aller perdre sa vie au boulot, des cancers made in France (ici).

Je crois qu’il faut retenir comme un emblème de cette gauche absurde, totalement dépassée par les événements la phrase de Thibault que vous trouverez ci-dessous : « [La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim] ne sera acceptable que si elle est socialement gérable ». Je rappelle, à toutes fins utiles, que la grande centrale ouvrière de M.Thibault – la CGT, donc – a siégé ès qualités au Comité permanent amiante (CPA), lobby créé par l’industrie pour tenter de fourguer encore quelques années de plus son produit massivement cancérigène. Grâce à quoi l’amiante n’a été interdit en France qu’en 1997. Au moins 3 000 personnes meurent chaque année d’avoir été exposées à cette fibre. Des dizaines de milliers vivent avec des plaques pleurales, des asbestoses, des cancers broncho-pulmonaires, etc. Jamais personne n’a seulement osé mettre en accusation la CGT pour avoir donné la main à un patronat criminel. Pourquoi se gênerait-elle, dites-moi, avec le nucléaire ou le gaz de schiste ?

Il y a une distance définitive entre le mouvement écologiste tel que je le défends et des organisations syndicales simplement incapables de défendre la vie de leurs mandants. Et la nôtre. Ne parlons pas des non-humains.

Thibault : « Ne pas fermer la porte » au gaz de schiste

Créé le 16-09-2012 à 11h03 – Mis à jour à 11h03

Le secrétaire général de la CGT met en garde le gouvernement contre des choix liés à des « coalitions » entre les partis de la majorité.

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. (CHARLES PLATIAU / POOL / AFP)

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. (CHARLES PLATIAU / POOL / AFP)

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, estime qu’il ne faut « pas fermer la porte » aux recherches sur le gaz de schiste et met en garde le gouvernement contre des choix liés à des « coalitions » entre les partis de la majorité, en allusion aux écologistes, dans une interview au « Journal de Dimanche ».

« Nous ne devons pas fermer la porte aux recherches dans le domaine de l’énergie, y compris pour les gaz de schiste. Investissons au moins pour explorer. S’il s’avère, à partir de recherches incontestables, pour des raisons environnementales ou de sécurité, qu’il n’est pas souhaitable d’extraire ces gaz, cela ne me pose pas de problème », affirme le numéro un de la CGT.

« Une problématique politique »

Mais, selon lui, « renoncer à l’exploration est un peu inquiétant. Nous allons finir, alors que notre pays a de véritables atouts énergétiques, par être de plus en plus dépendants dans ce domaine ».

« Chacun a conscience qu’on est là dans une problématique politique qui met en jeu les relations entre partis formant la majorité présidentielle », estime Bernard Thibault, en allusion à EELV.

« Il ne faudrait donc pas que la solution apportée à certains problèmes soit seulement le résultat de coalitions plus politiques qu’efficaces pour l’avenir du pays », dit-il.

« Une annonce précipité »

« Tous les éléments d’appréciation doivent être mis sur la table et présentés aux Français avant de faire des choix uniquement idéologiques », prévient-il.

Bernard Thibault redit aussi son « regret » d’une « annonce précipitée » de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim fin 2016.

« Cette fermeture ne sera acceptable que si elle est socialement gérable ». Selon lui, « on parle un peu trop aisément de reconversion professionnelle » mais « des personnes exerçant des métiers depuis des décennies ne peuvent pas forcément se reconvertir dans une activité alternative ».

Le président François Hollande a annoncé vendredi la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) fin 2016 et le rejet de permis d’exploration de gaz de schiste.

Et une con-fait-rance environnementale, une !

La bouffonnerie est reine. Rions donc comme à Carnaval. Pleurons de même, puisque, de toute façon, notre impuissance est totale. Pour ce qui me concerne, je regarde avec stupéfaction la pantomime qui se prépare. Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Je résume pour les sourds et mal-entendants : M.Hollande réunit vendredi 14 et samedi 15 septembre, au palais d’Iéna de Paris, une Conférence environnementale. Sur le modèle, mais en parodie, du Grenelle de l’Environnement voulu par Sarkozy en septembre 2007. Je vous glisse sous forme de PDF deux documents que l’on a le droit de juger hilarants. Un sur le déroulement (organisation des débats.pdf), l’autre qui donne la liste des participants (invités.pdf).

Mon premier commentaire sera évident : le simple fait que se tienne pareil conclave marque une défaite du mouvement écologiste. En effet, le cadre imposé par les socialistes est digne de l’émission télévisée des années 70 qui s’appelait Chefs-d’œuvre en péril. On y considérait la France des villages et l’affreuse atteinte du temps sur les nobles monuments légués par l’Histoire. Il s’agissait de dépenser quelques picaillons pour sauvegarder un clocher ou l’aile d’un château. Ma foi, cela ne mangeait pas de pain. Refaire le coup près de cinquante ans plus tard n’est pas seulement ridicule : il s’agit d’une insulte jetée au visage des centaines de millions – qui seront bientôt des milliards – de victimes de la crise écologique planétaire.

Hollande and co, qui se moquent tant de l’écologie qu’ils ne savent pas ce que c’est, prétendent donc, avec l’aval des écologistes officiels qui participent, incarner une vision nationale des écosystèmes. C’est baroque, inutile de s’appesantir, mais comme il faut entrer dans les détails, allons-y. La question de l’énergie ? Les pauvres âmes qui nous gouvernent ne pensent qu’à une chose : gagner un point de croissance pour éviter d’être jetés au prochain scrutin. Le dérèglement climatique ? Plus tard, un jour, peut-être. Je sais que Hollande a vu à plusieurs reprises Christophe de Margerie, patron de Total, par l’entremise de Jean-Pierre Jouyet, cousin de ce dernier et patron de la Caisse des dépôts et consignations (ici).

C’est on ne peut plus normal compte tenu de leurs rôles respectifs, mais que se sont-ils dit ? Selon ce que j’ai glané – je ne suis pas certain -, ils ont abordé la question des gaz et pétrole de schiste. Côté cour, Hollande et ses amis refusent toute exploitation en France, où la technique de fracturation hydraulique est interdite par une loi votée par la gauche et la droite l’an passé. Côté jardin, les mêmes misent sur un retournement de l’opinion, qui sur fond d’augmentation continue du prix du gaz domestique, pourrait accepter des forages en France. À la condition, par exemple, que les pétroliers bidouillent une technique présentée comme différente de la fracturation hydraulique. En façade, donc, intransigeance gouvernementale face aux gaz de schiste. Et en privé, encouragements donnés à Total pour malaxer l’opinion publique. L’affaire Bezat montre que nous sommes face à un plan concerté. En deux mots, Jean-Michel Bezat, journaliste au Monde, y publie le 26 juillet un reportage réalisé aux États-Unis – 700 000 puits en activité, des régions entières transformées en Lune aride – sur les gaz de schiste. Surprise relative – Bezat est un grand admirateur de l’industrie -, ce reportage est très favorable au point de vue des pétroliers. Et puis plus rien.

Et puis on apprend que le voyage de Bezat a été payé par Total (ici). On, mais pas les lecteurs du si déontologique quotidien du soir, qui n’ont évidemment pas le droit de pénétrer dans l’arrière-boutique. En résumé : Total prépare le terrain, en accord avec Hollande, pour qui l’exploitation des gaz de schiste en France serait une bénédiction électorale. Et une violation grossière de la loi Énergie de juillet 2005, qui prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France à l’horizon 2050. Mais que représente la loi au regard d’une possible réélection ?

Revenons à la Conférence qui commence demain. Si j’ai abordé en commençant le dossier des gaz de schiste, c’est parce qu’il est emblématique. Comme l’est le nucléaire, défendu sans état d’âme par ce gouvernement, ainsi que par le précédent. Reportez-vous plus haut au déroulement des festivités. La table-ronde numéro 1 s’appelle : « Préparer le débat national sur la transition énergétique ». On devrait mettre au centre de toute discussion la crise climatique et les extrêmes dangers d’une industrie sans contrôle, le nucléaire. Or non. On va comme à l’habitude blablater, de façon à « définir les enjeux du débat national », puis « définir les grandes règles du débat national ». En 2012, après tant de centaines de rapports, tant d’alertes et de mises en garde, d’engagements passés – le référendum sur le nucléaire promis par Mitterrand en janvier 1981 -, nous en sommes encore au point mort.

Et nous le resterons, je vous en fiche mon billet. Deux ministres en exercice participent à cette table-ronde truquée : Delphine Batho, ministre de l’écologie, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Les deux sont en faveur du nucléaire. Le second clairement en faveur de l’exploitation des gaz de schiste. Et de même madame Batho, qui, en hypocrite accomplie, fait semblant de croire que le dossier ne bouge pas. La fracturation hydraulique n’est-elle pas interdite par la loi ? À côté des deux ministres, une « facilitatrice » du nom de Laurence Tubiana. J’ai écrit sur elle en 2008, si cela vous intéresse : c’est ici.

Ceux qui acceptent de siéger dans ces conditions sont des dupes ou des manipulateurs. Peut-être les deux. Il n’y a pas de débat sur l’énergie, car les décisions ont déjà été prises. Ce que le pouvoir veut, c’est une caution. Il l’aura. Les écologistes officiels qui ont servi la soupe à Sarkozy il y a cinq ans peuvent bien aujourd’hui feindre qu’on ne les y reprendra plus. Si, on les y reprendra, aussi longtemps que les structures dégénérées qu’ils conduisent existeront. Voulez-vous qu’on parle des autres tables-rondes ? Bon, soit. L’intitulé de la deuxième est saisissant. La biodiversité s’effondre partout, mais, cocorico, on va s’atteler à la mise en œuvre de « la stratégie nationale pour la biodiversité » de manière à « favoriser la prise de conscience citoyenne ». C’est tellement con que ce n’est même plus drôle. On trouve ceci sur le site de notre ministère de l’Agriculture : « Grâce à l’Outre-mer, avec 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France dispose du deuxième espace maritime mondial, après celui des USA. Dans l’Océan Indien, les zones sous juridiction française s’étalent sur une surface huit fois plus grande que celle de la métropole. Cet immense espace maritime, réparti dans tous les océans, dote la France d’une grande richesse en matière de biodiversité marine, ce qui constitue à la fois un atout et une responsabilité. »

Formidable, hein ? Alors que l’Europe, pour une fois inspirée, souhaite interdire progressivement le chalutage profond, notre France vertueuse s’y oppose. S’y oppose, à nouveau pour de sordides intérêts politiciens. Or le chalutage profond est une catastrophe écologique planétaire (ici). Autre menu exemple : le nickel est en train de tuer à jamais des espèces endémiques de Nouvelle-Calédonie, venues en droite ligne du  Gondwana, supercontinent créé il y a 600 millions d’années et dont la Nouvelle-Calédonie est l’un des ultimes morceaux, à la dérive depuis bien avant l’arrivée des hommes sur terre. Non, bien sûr que non, on ne parlera pas de biodiversité. Et pas même chez nous, dans notre vieille France où l’agriculture industrielle est reine. Le Foll, ministre de l’Agriculture, a dealé depuis des semaines avec la FNSEA, puissance dominante, au point de ne pas même inviter à la Conférence de demain la Confédération paysanne, pourtant proche de la gauche. Au point d’aller visiter le 3 septembre les industriels français des biocarburants, fiers défenseurs d’une filière criminelle (ici). Je dois bien reconnaître que ces gens me dégoûtent.

Le reste ? Quel reste ? Table-ronde 3 : « Prévenir les risques sanitaires environnementaux ». Ministre présente : Geneviève Fioraso, militante déchaînée du nucléaire, des nanotechnologies, de la biologie de synthèse (ici). Les deux dernières tables-rondes, chiantes comme la mort dès leur énoncé, devraient causer fiscalité et gouvernance. Tout cela est à chialer. Mais comme je n’écoute que mon grand cœur, je n’entends pas vous quitter sans positiver un peu. Attention ! ce qui suit est à prendre au premier degré, malgré ce qui précède. Un certain nombre d’écologistes officiels, qui se rendront demain au palais d’Iéna, gardent ma sympathie. Notamment ceux du tout nouveau Rassemblement pour la planète (ici), comme André Cicolella, Nadine Lauverjat, Franck Laval ou François Veillerette. Ils vont tenter d’arracher quelques mesures dans le domaine de la santé, et même si je crois qu’ils se trompent sur le fond, ils ont mon estime et mon affection. Ceux-là du moins pensent à l’avenir.