Archives de catégorie : Industrie et propagande

C’est tellement beau que c’est trop con (l’amiante au Québec)

Publié le 30 juin 2012 à 11h02 | Mis à jour le 30 juin 2012 à 17h23

Mine Jeffrey: le Québec va «financer le cancer»

Le Québec va «financer le cancer» et il prépare un «scénario à la Gaspésia»...

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Charles Côté
La Presse

Le Québec va «financer le cancer» et il prépare un «scénario à la Gaspésia» avec son prêt de 58 millions à la société Balcorp en vue de la réouverture de la mine d’amiante Jeffrey, a affirmé la Société pour vaincre la pollution (SVP) suite à l’annonce de Québec vendredi.

«Cette industrie est morte, c’est un fait reconnu, dit Anne-Marie Saint-Cerny, de la SVP. C’est un scénario à la Gaspésia qui se prépare. On ne reverra pas cet argent.»

La Gaspésia est une usine de papier dont la relance avortée a englouti des centaines de millions de fonds publics.

«Ceux qui vont faire les frais de cette décision sont les travailleurs de cette région qui ont besoin de se replacer dans une industrie plus viable, et les malades et les morts de l’amiante au Québec, en Inde et ailleurs», affirme Mme Saint-Cerny.

Balcorp est une société appartenant à Baljit Chadha, qui compte approvisionner des usines d’amiante-ciment en Inde avec la mine Jeffrey.

Lors d’un cocktail de financement organisé en août 2009 à sa résidence de Westmount, M. Chadha a pu compter sur la présence du premier ministre Jean Charest, qu’il connaît depuis plusieurs années, a révélé l’an dernier La Presse Canadienne. Cet événement, dont les billets se détaillaient entre 250$ et 500$, a permis de recueillir un total de 19 000$.

Selon Daniel Green, également de la SVP, le fait que la relance de la mine Jeffrey passe par une exploitation souterraine d’un nouveau filon fait augmenter les risques.

«On parle d’une opération minière souterraine où le risque d’exposition sera plus élevé que dans une mine à ciel ouvert, dit-il. Est-ce que le gouvernement est fier de son geste? Alors pourquoi l’annoncer un vendredi à 16h avant un long week-end? Il va subventionner des cancers.»

Le Parti québécois (PQ) a refusé de commenter l’annonce vendredi. Un porte-parole du parti, Réjean Hébert, candidat dans Saint-François, se limitait à des entrevues aux médias locaux, a affirmé Shirley Bishop, directrice des relations médias au PQ.

Greenpeace a également critiqué l’annonce de vendredi.

«L’amiante tue plus de 100 000 personnes par année dans le monde, a affirmé Catherine Vézina, de Greenpeace. Il est scandaleux et honteux que Québec encourage cette industrie. Le reste du monde attend mieux des Québécois.

«Ces 58 millions devraient être investis dans un développement qui est soutenable à long terme pour les communautés et qui ne menace pas la santé mondiale», dit-elle.

Le Centre international de recherche sur le cancer a réaffirmé récemment que l’amiante est cancérigène sous toutes ses formes. L’Organisation mondiale de la santé estime que la meilleure solution est de cesser de l’utiliser.

Pierre Cunéo, dir’cab de Delphine Batho (et grand ami de l’oligarchie)

Le terrain est glissant, et je vais donc tenter de bien me tenir aux murs. Comme vous savez sans doute, Madame Nicole Bricq a été remplacée au ministère de l’Écologie par madame Delphine Batho, parachutée par Ségolène Royal dans sa propre circonscription législative des Deux-Sèvres, en 2007. Madame Royal avait en effet décidé de ne pas se représenter, et Delphine Batho devint alors députée. Avant d’être, ce printemps, sous-ministre de la Justice, puis ministre de l’Écologie, à la place donc de madame Bricq.

Une simple rumeur, il est vrai insistante, car elle est entre autres colportée par Europe-Écologie-Les Verts, prétend que madame Bricq aurait été virée pour cause de Shell. Elle aurait contrarié les intérêts de la transnationale en suspendant l’autorisation de forages pétroliers au large de la Guyane. Je ne dispose d’aucune information exclusive, mais ceux qui croient cette histoire non plus. En attendant mieux, je n’y crois guère. Madame Bricq grande écologiste, je n’y crois pas du tout. Je parierai que la vérité se trouve ailleurs. Ce qui ne veut certes pas dire que l’industrie du pétrole n’a pas joué un rôle dans cet embrouillamini.

Passons au sujet du jour. Madame Batho, bien que jeune – elle est née en 1973 -, est une redoutable politicienne. Ce qui est d’ailleurs son droit. Si je m’autorise ce qualificatif de « redoutable », c’est parce qu’elle vient d’une marmite dont le maître-queux s’appelle Julien Dray. Elle a été, à l’âge de 17 ans, présidente de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), puis responsable de SOS-Racisme, deux associations créées en fait par Dray pour le compte de son si cher François Mitterrand. Je sais assez de choses sur les mœurs de ces structures pour être assuré que madame Batho connaît la chanson. Beaucoup de chansons même.

Et voilà que j’apprends qu’elle vient de choisir Pierre Cunéo  comme directeur de cabinet. Inutile de vous dire que je n’ai jamais rencontré cette personne, mais cela n’empêche pas d’en dire quelques mots. Né en janvier 1975, il a donc 37 ans, et comme il a fait l’ENA et Sciences Po, comme il est Inspecteur des Finances, on se l’arrache. J’ai entendu dire qu’il avait reçu des propositions venant de différents cabinets ministériels. Il a choisi l’Écologie. Ma foi. Après avoir travaillé pour l’Insee, puis le ministère de la Défense, il embauche à la SNCF en 2008, au poste de directeur de la Stratégie ferroviaire et de la Régulation. La suite est à la hauteur : directeur de cabinet du patron de la SNCF, Guillaume Pepy, il est nommé en 2010 directeur du RER C.

Ne pas oublier l’année 2007, celle où Sarkozy est élu. On ne souhaite pas trop s’en souvenir chez M.Hollande, mais son ami de toujours, Jean-Pierre Jouyet, avait accepté sans broncher un poste de secrétaire d’État aux Affaires européennes dans le premier gouvernement Fillon. Pierre Cunéo était alors devenu le directeur-adjoint de cabinet de Jouyet, et même, d’après ce que je crois avoir compris, son ami. Fort bien. Je vous conseille d’écouter un petit reportage réalisé par Hervé Kempf en janvier dernier, au moment où sortent de table les membres du grand club d’influence appelé Le Siècle (ici). Je crois pouvoir dire que c’est instructif.

Poursuivons. Cunéo, haut fonctionnaire pouvant servir, selon les cas, la droite ou la gauche, est ami de Jean-Pierre Jouyet, lequel peut servir, de même, tout « le cercle de la raison » cher à Alain Minc. Jouyet est un habitué du club du Siècle, où se retrouvent discrètement banquiers, « grands journalistes », politiciens, patrons. Mais il a un autre talent, certes mineur, mais épatant tout de même : Jouyet est président du conseil de surveillance de l’Institut Aspen France. Et – quelle surprise ! quelle heureuse surprise ! -, Pierre Cunéo est le président du directoire de ce même Institut. On est vraiment très content pour eux. Pour nous, un peu moins.

Avant de vous livrer un élément important sur Aspen France, laissez-moi préciser les conditions de naissance de ce charmant machin. Aspen est une station de ski du Colorado, qui attire depuis bien longtemps les oligarchies américaines. Notez, et c’est vrai, qu’on peut être oligarque et mélomane, oligarque et amoureux de la peinture, de la littérature, des arts en général. Tel fut bien le cas de  Walter Paepcke, le fondateur en 1950 du Aspen Institute of Humanistic Studies, qui deviendrait l’Institut Aspen. Je n’ai ni le temps, ni vraiment le goût d’aller beaucoup plus avant. Cet Institut, qui n’a rien de secret, je le précise d’emblée, a mené depuis 60 ans une permanente campagne d’influence en faveur des transnationales et de l’American Way of Life. Avec l’aide de pontes démocrates et républicains, et très probablement de services officiels, éventuellement secrets. Je note par exemple que madame Paepcke était la sœur du considérable personnage que fut Paul Henry Nitze. Ce type a joué un rôle essentiel dans la définition de la politique américaine au début de la Guerre Froide, quand la menace de guerre nucléaire tétanisait le monde. Compte tenu de sa place, il n’y a aucun doute qu’il avait la confiance d’organismes civils comme la CIA, ou militaires comme la DIA. Peut-être davantage.

Vous me direz qu’on s’en fout, étant entendu qu’on parle là du frère de madame Paepcke. C’est juste. Mais Paepcke étant mort en 1960, sa veuve s’est ensuite appuyé sur son frère Paul Henry pour continuer l’œuvre. Et le frangin aura beaucoup donné pour ce qui ressemble furieusement à une entreprise d’influence planétaire. Financé par des fondations comme Rockefeller, Ford ou encore Carnegie, comptant à son bureau des anciennes ministres comme Madeleine Albright ou Condoleezza Rice, l’Institut organise des séminaires, des conférences et raouts, forme des petites élites proches de leurs vues dans quantité de pays du Sud. Oui, ça peut toujours servir.

Il existe plusieurs sections nationales de l’Institut Aspen, dont une, en Inde, que je vous recommande. Dans ce pays qu’on peut dire martyrisé par les choix politiques en faveur des transnationales, l’Institut Aspen local regroupe la fine fleur de l’oligarchie (ici). Sans le cacher le moins du monde – et pourquoi le ferait-il ? il en est fier ! -, Aspen présente comme partenaire-clé The Confederation of Indian Industry, qui regroupe les plus grands patrons de l’Inde. Ceux qui sont en train de tuer ce pays. Ceux qui le vendent. Ceux qui laissent crever les 650 000 villages de l’Inde réelle.

Et la France ? Oui, n’oublions pas la France. MM.Jouyet et Cunéo sont donc les responsables de l’Institut Aspen France. Et M.Cunéo s’apprête à jouer un rôle important au ministère de l’Écologie. C’est très bien. C’est d’autant mieux qu’Aspen France, jadis présidé par l’ancien Premier ministre Raymond Barre, a des vues concernant notre avenir commun. Dont « la compréhension de la mondialisation, des contraintes et des opportunités qui en résultent », comme l’indique son site internet, et « l’aggiornamento du modèle économique, politique et social français ». Oh, oh ! voyez-vous cela. L’aggiornamento. Ces gens, qui sont délicats, n’osent pas dire qu’ils veulent abattre les restes de l’édifice construit après 1944, celui du Conseil National de la Résistance. Ils n’écriront pas, les malins, qu’ils veulent ouvrir davantage tous les secteurs encore épargnés par les prédateurs. Voyons, ne sont-ils pas des humanistes ? Une idée de leur ton, à propos de l’Afrique, tiré d’un colloque de 2008 financé par la fondation Mérieux, c’est-à-dire l’industrie pharmaceutique : « La première [des opportunités] est que, dans la mondialisation, l’Afrique dispose d’avantages compétitifs considérables : l’espace – avec un continent quasi vide ; les hommes, avec un immense réservoir de main d’œuvre ; enfin les matières premières, dont l’Afrique dispose en quantité — c’est un avantage compétitif et c’est un avantage géostratégique majeur ».

Je suis sûr que cet accès de franchise vous fera plaisir. Et de même, d’apprendre qui fait partie du Conseil de surveillance en 2012. On trouve dans ce merveilleux aréopage des gens comme l’ancien patron des cimenteries Lafarge, le directeur général de Saint Gobain, ci-devant champion de l’amiante, le président d’Oddo Corporate Finance, banque d’investissement et de gestion des capitaux, le gérant d’Interfinexa, conseil en fusion et acquisition d’entreprises, le PDG du laboratoire BioMérieux, le PDG de GDF-Suez – eau, gaz, électricité, nucléaire -, le directeur général d’Oliver Wyman France, entreprise mondiale de conseil aux entreprises, etc, etc.

Cerise ultime sur ce gâteau un poil indigeste : parmi les partenaires d’Aspen France, outre une bonne partie des entreprises citées plus haut, on retrouve Total. Notre bonne vieille transnationale à nous. Celle des gaz et pétroles de schiste. Celle de Christophe de Margerie, son patron, qui est aussi le cousin par alliance de Jean-Pierre Jouyet, qui lui a fait rencontrer dans la tranquillité François Hollande. Total, rappelons-le, c’est la plus grosse boîte française, avec un chiffre d’affaires atteignant 180 milliards d’euros en 2008. Comme tout s’arrange au mieux ! Comme on se sent bien en famille ! Cunéo dirige Aspen, défenseur intransigeant de l’industrie transnationale, et fait tourner la petite boutique avec une aide désintéressée de Total. Le même Cunéo, devenu directeur de cabinet de la ministre de l’Écologie, aura chaque jour le nez sur des affaires en relation avec Total. Le premier qui parle de conflit d’intérêt est un homme mort.

L’Appel de Heidelberg, Valtat, Rothmans, Rupert et le WWF

Je viens de lire le sensationnel article de Stéphane Foucart dans Le Monde, que vous trouverez en copie ci-dessous. Il se suffit, d’un certain côté. Mais je souhaite y ajouter ma pierre. Un, le cabinet Valtat, dont on parle, a joué un rôle clé dans la désinformation organisé à propos de l’amiante. En créant notamment un Comité permanent amiante (CPA), à partir de 1982 je crois, chargé de faire avaler la fable de « l’usage contrôlé de l’amiante ». Par ce crime social organisé, les patrons de l’amiante en France ont gagné dix ans avant l’interdiction de ce maudit minéral. Pas si mal. Et le pire est que le CPA réunissait patrons et syndicats « convaincus » par quelque mystérieuse manière de siéger à la table du diable. La CGT et la CFDT notamment ont AVALISÉ cette pure saloperie. Qui fera jamais le bilan de cette infamie ?

Autre ajout personnel. Vous verrez dans le papier de Foucart le rôle qu’ont joué les cigarettiers dans la si vaste combinazione de l’Appel de Heidelberg, à laquelle ont participé même des gens comme le sociologue Pierre Bourdieu. Eh bien, l’un de ces cigarettiers s’appelle Rothmans. Et le créateur de cette transnationale du tabac n’est autre qu’Anton Rupert, l’homme qui a fondé le WWF International. Oui. Comme je le raconte en détail dans mon livre Qui a tué l’écologie ?, Rupert, qui était né en 1916, a été un fervent soutien du régime raciste d’Afrique du Sud. Il a même été membre d’une abominable société secrète, le Broederbond, ou Ligue des Frères. Blancs, cela va sans dire. Parallèlement, Rupert devenait milliardaire grâce à la clope, devenant l’une des grandes fortunes sud-africaines. Savez-vous ? Il a même été quelque temps patron de Canal + ! Ohé, les Guignols !

Rupert, mort en 2006, a donc lancé le WWF International et créé pour cela le club des 1001 pour financer la structure. Un club international plus que discret de donateurs, parmi lesquels l’ancien dictateur du Zaïre Mobutu ou l’homme des bombardements massifs sur le Vietnam, Robert McNamara. Sans oublier, chez nous, l’ancien député du Front National Charles de Chambrun, mort en 2010. Toute cette histoire est dégueulasse. En tout cas, Rupert, l’apartheid, le WWF et donc Rothmans.

L’article de Foucart montre que pendant que Rupert faisait joujou avec le WWF, les sbires de sa boîte sabotaient les efforts pour tenter de sauver les équilibres de la planète. Si vous trouvez une morale à cette putain d’histoire, n’hésitez pas à me prévenir.

Voici l’article du Monde

L’appel d’Heidelberg, une initiative fumeuse

LE MONDE | 16.06.2012 à 20h45 • Mis à jour le 16.06.2012 à 20h45
Par Stéphane Foucart

Par son ampleur, par le nombre et le prestige des personnalités enrôlées à leur insu, par l’effet qu’elle a eu dans la structuration du débat public, c’est sans doute l’une des plus brillantes opérations de communication jamais menées. Qu’on en juge : des dizaines de Prix Nobel de toutes disciplines (Hans Bethe, Linus Pauling, Ilya Prigogine, Jean-Marie Lehn, Pierre-Gilles de Gennes, Elie Wiesel, etc.) aux côtés de centaines de scientifiques de premier plan, de médecins, d’intellectuels ou d’écrivains (Pierre Bourdieu, Hervé Le Bras, Marc Fumaroli, Eugène Ionesco, etc.) signant dans un même élan un appel solennel « aux chefs d’Etat et de gouvernement ».

Le 1er juin 1992, ce texte-massue est rendu public à la veille de l’ouverture du Sommet de la Terre à Rio (Brésil). C’est l’appel d’Heidelberg. Sitôt rendu public, il fait couler des tombereaux d’encre : il est présenté comme une grave mise en garde des « savants », enjoignant les dirigeants réunis à Rio à la plus grande méfiance face aux défenseurs de l’environnement animés par une « idéologie irrationnelle qui s’oppose au développement scientifique et industriel ».

« PSEUDO-SCIENCES »

La présentation et la médiatisation du texte – bien plus que son contenu stricto sensu – ont à l’évidence pour objectif de ramener les préoccupations environnementales et les sciences de l’environnement, qui émergent à Rio, à des « pseudo-sciences ». « Des scientifiques s’inquiètent du tout-écologie », titre Le Figaro. « Rio contre Heidelberg », ajoute Le Monde. « Rio : faut-il brûler les écologistes ? », s’interroge Libération à sa « une ». Initiative spontanée de la communauté scientifique ? L’appel d’Heidelberg est en réalité le résultat d’une campagne habilement orchestrée par un cabinet de lobbying parisien lié de près aux industriels de l’amiante et du tabac…

Le premier indice est un mémo confidentiel de Philip Morris, daté du 23 mars 1993 et rendu public dans le cadre d’une action en justice contre le cigarettier. La note interne présente l’appel d’Heidelberg, se félicitant qu’il « a maintenant été adopté par plus de 2 500 scientifiques, économistes et intellectuels, dont 70 Prix Nobel ».

A L’ORIGINE, L’INDUSTRIE DE L’AMIANTE

A quoi tient l’existence de cette « coalition internationale de scientifiques basée à Paris » ? Le mémo de Philip Morris l’explique sans ambages : elle « a son origine dans l’industrie de l’amiante, mais elle est devenue un large mouvement indépendant en un peu moins d’un an ». « Nous sommes engagés aux côtés de cette coalition à travers la National Manufacturers Association française [Groupement des fournisseurs communautaires de cigarettes], mais nous restons discrets parce que des membres de la coalition s’inquiètent qu’on puisse faire un lien avec le tabac, ajoute la note de Philip Morris. Notre stratégie est de continuer à la soutenir discrètement et de l’aider à grandir, en taille et en crédibilité. »
Pourquoi soutenir l’appel d’Heidelberg ? Comment ? « Un nouvel organisme, le Centre international pour une écologie scientifique [ICSE, pour International Center for a Scientific Ecology], a été fondé, à Paris, comme une continuité de l’appel d’Heidelberg, pour fournir aux gouvernements du monde entier des opinions sur ce qui constitue une science environnementale solide, à propos de certains problèmes », explique la note. « Certains problèmes », mais surtout ceux qui concernent les industriels du tabac et de l’amiante…

L’ICSE est domicilié avenue de Messine, à Paris, dans les locaux d’un cabinet de conseil aux entreprises, Communications économiques et sociales (CES), et n’en est qu’une émanation. Or c’est précisément CES qui organise et supervise, en France, le lobbying des industriels de l’amiante entre 1982 et 1996. Un lobbying qui permettra de retarder à 1997 l’interdiction de la fibre cancérigène, qui devrait causer, selon l’Inserm, environ 100 000 morts prématurées entre 1995 et 2025…

MINIMISER LES RISQUES

Pour promouvoir une « écologie scientifique », l’ICSE, cette « continuité » de l’appel d’Heidelberg, organise des conférences. La première se tient le 10 mai 1993, à Paris. Le thème est celui des risques réels associés à la présence de cancérogènes à faible dose dans l’environnement : pesticides, fibres d’amiante, fumée ambiante de tabac… Mais les intervenants sont soigneusement choisis pour minimiser le plus possible ces risques. L’examen de documents internes de l’industrie du tabac – déclassifiés par la justice américaine depuis le début des années 2000 – montre que plus de la moitié des douze scientifiques intervenant ont des liens financiers avec l’industrie cigarettière américaine, soit à titre de consultant, soit par le biais de crédits de recherche. Les autres sont liés à d’autres secteurs… Quant au seul Français présent, c’est le toxicologue Etienne Fournier, membre de l’Académie nationale de médecine et… du Comité permanent amiante – un groupe informel désormais célèbre, mis sur pied par CES pour appuyer le lobbying en faveur de la fibre minérale.

L’inféodation des conférences de l’ICSE à l’industrie va bien au-delà du choix des intervenants. Un courrier confidentiel du 10 juin 1993, adressé par un cadre de Rothmans International à sa représentante en France, montre que les responsables de l’industrie cigarettière américaine ont eu accès à la version provisoire de la déclaration de consensus prise à l’issue de la conférence de l’ICSE à Paris. « La semaine dernière, Sophie Valtat, de l’ICSE, m’a envoyé la version provisoire du consensus, écrit ce cadre de Rothmans. Cela convient pour la plus grande part. Cependant, la deuxième phrase pourrait conduire à condamner l’ICSE pour dogmatisme… » Rothmans suggère ensuite un changement de formulation de la phrase contestée.

« PAR DÉONTOLOGIE, JE L’AI REFUSÉ »

Le lien avec l’appel d’Heidelberg apparaît en toutes lettres dans les plaquettes de présentation de l’ICSE : « Notre but est de répondre à la requête de nombreux signataires de l’appel d’Heidelberg, dans l’objectif d’étendre son impact à l’examen de questions réelles, auxquelles est confrontée la communauté scientifique. » Le programme de la conférence de Paris est, de plus, annoncé comme ayant été préparé par « le docteur Michel Salomon, coordinateur de l’appel d’Heidelberg ». Comme le rapporte à l’époque la presse française, c’est en effet Michel Salomon, médecin et journaliste, éditeur de la revue Projections, qui réunit, en avril 1992 à Heidelberg (Allemagne), le petit noyau des premiers signataires de l’appel… Comment, avec les nombreuses et prestigieuses cautions du célèbre appel, pouvait-on suspecter l’ICSE d’organiser des fausses conférences scientifiques sous la tutelle des industries du tabac et de l’amiante ?

Pourtant, dès avant la publication de l’appel, de premiers soupçons se font jour. « Avant mon départ pour Rio, un certain Marcel Valtat est venu me voir au journal pour me proposer l’exclusivité de l’appel d’Heidelberg », raconte le journaliste Roger Cans, alors chargé de l’environnement au Monde. Patron et fondateur de CES, Marcel Valtat est alors connu pour ses liens avec les industriels de la pharmacie et de l’amiante. « J’ai lu le texte et j’ai tout de suite soupçonné qu’il y avait des intérêts économiques derrière, poursuit Roger Cans. Par déontologie, je l’ai refusé. Je savais que, si Le Monde le publiait en exclusivité, on penserait qu’il en épousait le point de vue. C’est Le Figaro qui a finalement eu le « scoop »… » Bien sûr, l’écrasante majorité des signataires ignore tout de l’origine du texte et des motivations de ses commanditaires.

Jean-Pierre Hulot, ancien collaborateur de Marcel Valtat (décédé en 1993) et actuel PDG de CES, confirme au Monde que « l’appel d’Heidelberg est bien parti de CES ». « Michel Salomon travaillait en free-lance pour nous », ajoute M. Hulot, qui a été mis en examen en janvier 2012 pour son rôle au sein du Comité permanent amiante. Cependant, M. Hulot assure que le texte n’a pas été commandé par une ou plusieurs entreprises, et qu’il était une « initiative bénévole née après des discussions tenues avec des membres de l’Académie des sciences ». Quant à l’ICSE, poursuit-il, « cela partait d’une volonté de diversifier l’activité de CES et d’organiser des congrès scientifiques ». Des congrès dont les documents sont relus et amendés par les cigarettiers ? « Je ne suivais pas cela personnellement, je ne suis pas au courant », répond M. Hulot.

Stéphane Foucart

Planète sans visa l’avait bien dit (sur l’Espagne en ruines)

Cette fois, je ne saurais nier. Oui, ce qui suit est de l’autopromotion. Selon la vieille logique que chacun connaît, si je ne dis pas du bien de moi, qui le fera ? Alain Lipietz, peut-être ? Le fait est, amis de Planète sans visa, que j’ai écrit ici, il y a deux ans, et trois, et quatre, ce qu’il fallait penser du « miracle économique » espagnol. Les banques devraient m’embaucher, elles gagneraient de l’argent.

Plus sérieux : pourquoi personne ne parle ? On va encore nous servir la sauce idéologique selon laquelle les banques voraces seraient coupables. Mais merde, à la fin ! Il est dans la nature de ces entreprises de chercher à faire du blé quel que soient les coûts humain et écologique de leurs opérations. Le problème est ailleurs. Pourquoi cette horrible complicité des classes politiques européennes ? Pourquoi cette affolante propension des peuples à se gaver de biens matériels inutiles, dispendieux, destructeurs de tout ? Les socialos français – ils ne sont pas les seuls – ont ENCENSÉ la politique criminelle de leurs copains espagnols du PSOE. Ils ont applaudi la destruction accélérée du littoral ibérique. Ibérique, car le Portugal est lui aussi concerné. Ayrault, notre Premier ministre, veut à toute force un second aéroport à Nantes, sa ville, au moment où des dizaines d’aéroports espagnols, financés par l’impôt, sombrent dans l’insolvabilité et la ruine.

Je vous en prie ! Assez de jérémiades ! Assez d’explications qui jamais ne rendent compte de rien. Le monde doit changer de base, je crois que cela a déjà été écrit.

Ci-dessous, pour ceux qui veulent voir, de leurs propres yeux éblouis, deux articles anciens de Planète sans visa, et même un troisième. 2010, 2009, 2008 : qui dit mieux ?

Espagne, castagnettes et dominos

Après la Grèce, l’Espagne ? Je n’ai pas le temps, hélas, de rechercher quelques perles égrenées par nos économistes-en-chef, nos politiques princiers, de droite et de gauche bien sûr. Il y a une poignée d’années, l’Espagne était LE modèle que nos élites proposaient à une France jugée malade, en tout cas assoupie. Son taux de croissance faisait chavirer le cœur de tous les abrutis qui croient penser, quand ils ne font que braire. Le problème est que tout reposait sur un château de cartes, un lointain château en Espagne que personne ne possèderait un jour.

La politique criminelle des élites espagnoles tient en peu de mots : corruption de masse, destruction de la nature, délire immobilier. On a détruit là-bas ce qui restait de rivage après la stupéfiante flambée franquiste des années soixante du siècle passé. Et construit, souvent au bord de l’eau, mais aussi dans d’improbables banlieues, des milliers de programmes immobiliers qui jamais ne trouveront acquéreurs. Jamais. Certains sont achevés, mais sans aucune adduction. D’autres sont commencés, et se trouvent à divers stades. Mais le cochon de client s’est évaporé. Il s’agissait d’une chaîne de Ponzi, la même pyramide que celle qui a conduit l’escroc Madoff en taule. Tant que les gogos achètent et que d’autres gogos se lancent à leur suite, tout marche à la perfection. Mais dès que le doute s’installe, c’est l’effondrement.

Cela fait longtemps que j’ennuie mon entourage en répétant que l’Espagne est d’une fragilité de verre. On conspue aujourd’hui les gouvernements grecs dans les rues d’Athènes. Il n’est pas exclu que l’on fasse pire demain avec ceux du Parti populaire (PP) espagnol et du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Car ils ont mené la même politique et créé les conditions du chaos. Je vous, je nous le demande : qui paiera pour ces appartements morts-nés ? Qui paiera le prix de la corruption et de la dévastation écologique ? N’oubliez pas que des banques ont massivement prêté aux margoulins pour faire leurs galipettes monétaires. Je vous l’annonce, pour le cas où vous ne le sauriez pas : celles de France sont plombées par le désastre immobilier espagnol. Pas toutes, non, et pas à la même échelle. Mais si mes informations sont bonnes, on peut s’attendre à des surprises. Et elles seront mauvaises.

Tiens, je vous remets pour le même prix un article de Planète sans visa, qui n’a, après tout, qu’un an. Il renvoie à un article qui en a deux.

Zapatero, Zapatera, socialauds d’Espagne et d’ailleurs

Je souhaite ardemment que personne ne vienne prendre leur défense, ici tout au moins. Car ailleurs, je sais combien ils sont choyés, aimés, cajolés. Madame Ségolène Royal – dite la Zapatera – ne s’est-elle pas excusée il y a quelques jours, au nom de nous tous, auprès de son si cher ami José Luis Rodríguez Zapatero, Premier ministre espagnol en titre ? Ne lui a-t-elle pas demandé de pardonner des propos prêtés à notre Sarkozy national ? Si.

Or que font donc les socialistes espagnols ? Ils détruisent avec frénésie ce qui reste de ce pays de légende. En janvier 2008, avant donc l’annonce de la crise économique que vous savez, j’ai écrit (ici) sur quoi reposait le soi-disant miracle espagnol, avec ces taux de croissance admirés d’un bout à l’autre de notre Europe si malade. Tenez, je me cite : « Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ? ».

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Pourquoi ce rappel ? Mais parce que les socialistes au pouvoir à Madrid s’attaquent aujourd’hui au grand joyau ornithologique de la péninsule, l’Estrémadure. Je connais ce lieu, qui est rude au regard et au corps. Froide l’hiver, brûlante l’été, la région abrite une sorte de savane arborée méditerranéenne, la dehesa. Comme un compromis entre la nature et l’homme, immémorial, sur fond de chênes verts, d’oliviers sauvages, de genêts, d’arbousiers et de troupeaux. C’est aussi le pays des oiseaux. Des grandes outardes. Des vautours fauves, moines, percnoptères. Des grues. Des oies. Des canards. L’Éstrémadure est si pauvre que les bureaucrates madrilènes l’ont laissée en paix, tout occupés qu’ils étaient à ronger les côtes sublimes du pays.

Fini. Le gouvernement vient de décider une série de mesures scélérates au dernier degré. La plus extravagante est peut-être le cadeau fait à une transnationale étasunienne, Florida Power and Light (ici), qui pourra construire deux usines solaires cette année à Casas de Hito, en Estrémadure. 600 millions d’euros d’investissement – on ne sait rien d’autres arrangements éventuels, qui peuvent se produire néanmoins – et 100 emplois à la clé. 100 emplois en échange d’un paradis des oiseaux. En 2007, on a dénombré à Casas de Hito 11 325 grues. Et sept espèces d’oies, et 140 000 canards hivernant à trois kilomètres, sur le lac de barrage de Sierra Brava. Je dois vous avouer que je n’ai pas regardé de près les dangers que feront peser sur les oiseaux sauvages ces installations. Et vous renvoie à une pétition des naturalistes espagnols de SEO (ici). Ils sont déprimés. Moi aussi.

D’autres projets simplement criminels menacent l’Estrémadure. Une raffinerie de pétrole à Tierra de Barros, des centrales électriques, des parcs éoliens lancés dans des conditions douteuses de légalité, et qui sont apparemment dangereux pour des oiseaux comme les vautours. Lesquels sont magnifiques, à la différence de ceux qui traînent dans les bureaux des promoteurs d’Ibérie comme de France.

Je vois bien que naît sous nos yeux encore ébahis un capitalisme vert censé nous clouer le bec. Si vous avez le moindre doute, jetez un œil ici, je crois que nous nous comprendrons. Eh bien ? Au risque flagrant de me répéter, il n’est pas question de considérer ces gens-là, qui incluent évidemment nos socialistes comme de vagues cousins un (long) temps égarés. Ce sont des adversaires. Ce sont des ennemis. Et je vous jure que je les exècre. Zapatero, Zapatera, toutes ces camarillas, tous ces sbires, tous ces fifres et sous-fifres, tous ces petits marquis, ces Dray, Mélenchon, Royal, Hollande, Fabius, Weber, Bartolone, Aubry, Rebsamen, Le Guen, Hamon, Delanoé, Désir, Bloche, ad nauseam. J’ai pris le parti des oiseaux et du vol libre au-dessus des cimes, celui des migrations, celui de Nils Holgersson, celui de la beauté. J’ai pris le parti du soleil, de la lune, de la pluie et des arbres. Et ce n’est pas le leur.

La Stampa sauve l’honneur de la presse française (le cas Schmidheiny)

Grand merci à Marie, fidélissime lectrice de Planète sans visa. Elle envoie le lien suivant, vers le quotidien italien La Stampa. L’article ci-dessous évoque la personne détestable de Stephan Schmidheiny, dont j’ai eu l’occasion de parler plus d’une fois ici, et notamment et . En deux mots, ce copieux salaud, héritier de l’empire Eternit – l’amiante – a été condamné en février 2012 à 16 ans de taule par le tribunal italien de Turin. Il a été jugé coupable de la mort de plusieurs milliers de prolos travaillant dans ses usines et alentour. Mais bien avant cela,  Schmidheiny avait refait sa vie en Amérique latine, devenant, par la grâce de chirurgiens esthétiques d’aujourd’hui – les agences de com’ – un « philanthrope écolo». Cet invraisemblable Janus a été l’un des principaux organisateurs du Sommet de la terre de Rio, en 1992. Il sera présent à coup sûr dans les coulisses – au moins- de celui de 2012, qui s’ouvre dans quelques jours. N’est-il pas président d’honneur du World Business Council for Sustainable Development, ou WBCSD ?

L’article de La Stampa rappelle qu’une pétition, que j’ai relayée, réclame que Schmidheiny soit déclaré persona non grata à Rio. Rêvons. Et il précise : « Compare al fianco di Clinton nel ruolo di consigliere, va all’Onu e in Vaticano (…) In Europa stringe la mano a tutti i potenti, fra cui non manca l’allora commissario europeo Romano Prodi ». Ce qui veut dire que celui que le magazine Forbes présente comme le Bill Gates suisse « apparaît aux côtés de Clinton dans le rôle de conseiller, va à l’Onu comme au Vatican, serre la main de tous les puissants, parmi lesquels celui qui était encore Commissaire européen, Romano Prodi ».

Quand vous verrez – bientôt – les images de Rio 2012, pensez à ce type et au système qui le protège. Pensez aux morts. Pensez à Brice Lalonde, organisateur officiel de la conférence, qui laisse une place de choix à Schmidheiny. Ainsi va le monde réel, et pas autrement. À ma connaissance, aucune association écologiste officielle française n’a seulement évoqué le nom de Schmidheiny. Certaines, il est vrai, lèchent directement le cul de gens comme lui. Et les autres ont opportunément la mémoire qui flanche.

Cronache

04/06/2012 – il caso

Ambiente, appello contro Mr. Eternit « Non deve partecipare al vertice »

ALBERTO GAINO

«Ci rivolgiamo alle Nazioni Unite, alle autorità internazionali, ai capi di stato e di governo, alla presidente del Brasile Dilma Rousseff, affinché dichiarino Stephan Schmidheiny “persona non gradita” alla Conferenza di “Rio + 20”, organizzata dall’Onu sullo sviluppo sostenibile in programma a Rio dal 20 al 22 giugno».

Rimbalza nella Rete l’appello di Abrea, l’associazione brasiliana degli esposti all’amianto, vittime anche dell’Eternit locale, sino al 1998 controllata da Schmidheiny. In Italia la petizione è stata sottoscritta dall’Associazione dei familiari delle vittime di Casale Monferrato, da numerose altre, da sindacati e scienziati come l’epidemiologo Benedetto Terracini. Stupisce che si debba ricordare niente meno che alle Nazioni Unite: «Schmidheiny è stato condannato per aver causato un disastro ambientale, e per questo dovrebbe essergli vietata la partecipazione a questa importante riunione che preparerà un piano e discuterà di come proteggere il futuro della Terra».

La singolarità della situazione corrisponde alla singolarità della figura del sessantacinquenne Stephan Schmidheiny, perfetto per il ruolo di Giano bifronte del nostro tempo. Così lo descrivono gli autori dell’appello al segretario Onu Ban Ki-moon: «Schmidheiny è uno dei fondatori del World Business Council for Sustainable Development. E’ pure un benefattore, il filantropo che ha creato la Fondazione Avina per sostenere progetti ambientali e sociali in America Latina».

«Ma è anche l’ex proprietario dell’Eternit, la multinazionale produttrice di amianto-cemento e il 13 febbraio scorso il Tribunale di Torino (Italia) l’ha condannato a 16 anni di carcere per aver provocato – ripetono quelli dell’Abrea per mettere bene in chiaro l’informazione apparsa approssimativa nella Rete, vedi Wikipedia – un disastro ambientale doloso permanente e per omissione volontaria di cautele antinfortunistiche. Se fossero state attuate, tali misure avrebbero potuto proteggere le vite dei lavoratori e della popolazione locale dai ben noti rischi di morte derivanti dall’esposizione all’amianto. Minerale cancerogeno e, secondo l’Organizzazione mondiale della sanità, responsabile della morte di oltre 107 mila persone l’anno».

Apparentemente quest’uomo, che la rivista americana Forbes ha definito il Bill Gates svizzero, ha vissuto due esistenze. A 25 anni eredita una delle due galline dalle uova d’oro che hanno immensamente arricchito la sua famiglia: l’Eternit. Al fratello Thomas, invece, va il colosso del cemento, l’Holcim. Stephan fa sostenere ad agiografi e avvocati di aver cercato di innovare con forti investimenti e nuove tecnologie la tradizionale produzione di manufatti Eternit contenendone la pericolosità. Ma nel 1972, quando il controllo azionario della multinazionale passa dai belgi a lui, non mette assolutamente al bando la crocidolite (l’amianto blu, il più pericoloso) che negli stabilimenti italiani di Casale Monferrato e Bagnoli continuerà ad essere utilizzata sino alla chiusura, quasi quindici anni dopo. Il 1992 è l’anno della svolta: in Italia si mette finalmente al bando l’amianto, e a Rio, per il primo «Vertice della Terra» sull’ambiente da salvare, Stephan Schmidheiny si presenta come l’«eroe» dello sviluppo sostenibile.

Ha raccolto decine di grandi industriali dietro le sue convinzioni, lo si conosce come il produttore degli Swatch e uno dei grandi soci del colosso bancario Ubs. L’Eternit è un mondo a parte, «svaporato» o quasi nei progetti di riforestazione, di sostegno alle culture, di filantropia terzomondista. Gli assegnano grappoli di lauree ad honorem come guru dell’ambiente, compare al fianco di Clinton nel ruolo di consigliere, va all’Onu e in Vaticano a sostenere le ottime ragioni della green economy. In Europa stringe la mano a tutti i potenti, fra cui non manca l’allora commissario europeo Romano Prodi.

Finché non gli piomba in testa la tegola del processo torinese, attesa e temuta a tal punto che da un decennio aveva fatto spiare il magistrato Raffaele Guariniello e speso milioni nella strategia della greenwashing. Fernanda Giannesi, piccolo eppure irriducibile ispettore del lavoro brasiliano, gliel’ha rovesciata addosso per attribuirgli una particolare abilità nella disinformazione e nell’ambiguità. Tuttora Schmidheiny preferisce versare «liberalità» alle vittime Eternit (in cambio però del ritiro delle querele) anziché i risarcimenti decisi dai giudici.

Ci-dessous, une traduction proposée par Flore. Merci à elle.

Schmidheiny, condamné à 16 années de prison pour les milliers de victimes, sera présent à Rio.
ALBERTO GAINO

«Nous nous adressons aux Nations Unies, aux autorités internationales, aux chefs d’état et de gouvernement, à la présidente du Brésil Dilma Rousseff, pour que Stephan Schmidheiny soit déclaré “persona non grata” à la Conférence de “Rio + 20”, organisée par l’Onu, sur le thème développement durable, programmée à Rio du 20 au 22 Juin».

L’appel de l’ABREA, l’association brésilienne des personnes exposées à l’amiante, également victimes de l’Eternit local, administrée par Schmidheiny jusqu’en 1998, se propage sur le Net. En Italie la pétition a été signée par l’Association des familles de victimes de Casale Monferrato, et par beaucoup d’autres, par des syndicats, par des scientifiques comme l’épidémiologiste Benedetto Terracini. Étonnant qu’il faille rappeler à rien moins que les Nations Unies ceci : «Schmidheiny a été condamné pour avoir causé un désastre environnemental, et pour ça il devrait lui être interdit de participer à cette importante réunion où il s’agit de discuter et de préparer un plan sur comment protéger le futur de la Terre».

La singularité de la situation correspond à la singularité du personnage même de Stephan Schmidheiny , âgé de 65 ans, parfait dans le rôle d’une personne ambiguë typique de notre époque. Les auteurs de l’appel lancé au secrétaire de l’Onu Ban Ki-moon le décrivent ainsi : «Schmidheiny est l’un des fondateurs du World Business Council for Sustainable Development. Également un bienfaiteur, le philanthrope qui a crée la Fondation Avina pour soutenir des projets environnementalistes et sociaux en Amérique Latine».

«Mais il est aussi l’ex propriétaire d’Eternit, la multinationale productrice d’amiante-ciment et le 13 février dernier le Tribunal de Turin (Italie) l’a condamné à 16 ans de prison pour avoir provoqué – ceux de l’ABREA le répètent pour que les choses soient bien claires car l’information apparaît approximative sur le Net, voyez Wikipedia – un désastre environnemental criminel et permanent par omission volontaire de mesures de précaution contre les accidents. Si elles avaient été prises, de telles mesures auraient pu protéger la vie des travailleurs et des populations locales des risques de mort, bien connus, liés à l’exposition à l’amiante. Minéral cancérogène, selon l’Oms, responsable de la mort de plus de 107 000 personnes par an ».

Apparemment, cet homme, que la revue américaine Forbes définit comme le Bill Gates suisse, a vécu deux existences. A 25 ans, il a hérité de l’une des deux poules aux oeufs d’or qui ont immensément enrichi sa famille : l’Eternit. Tandis que son frère Thomas a reçu le colosse du ciment, l’Holcim. Stephan fait plaider à ses biographes et à ses avocats d’avoir cherché à innover avec de gros investissements et de nouvelles technologies la production traditionnelle de l’usine Eternit pour en limiter la dangerosité.

Mais en 1972, quand le contrôle des actions de la multinationale passe des belges à lui, il ne mets pas au ban la crocidolite (l’amiante bleu, le plus dangereux) qui dans les établissements italiens de Casale Monferrato et de Bagnoli continueront à être utilisés jusqu’à la fermeture, quasiment 15 ans après. 1992 est l’année du virage : en Italie c’est le bannissement de l’amiante, et à Rio pour le premier « Sommet de la Terre» sur la sauvegarde de l’environnement, Stephan Schmidheiny se présente comme le «héros» du développement durable.

Il a rassemblé des dizaines de grands industriels derrière ses convictions, là il se distingue comme le producteur des Swatch et l’un des plus grands actionnaires du géant bancaire Ubs. L’Eternit est un monde à part, «évaporé» ou quasi, dans des projets de reforestation, de soutien à la culture, de philanthropie tiers-mondiste. On lui attribue tout un tas de diplômes ad honorem comme gourou de l’environnement, il brille aux cotés de Clinton dans le rôle de conseiller, va à l’Onu et au Vatican défendre les excellentes raisons d’une économie verte. En Europe, il serre la main de tous les puissants, parmi les quels ne manque pas le président de la commission européenne de l’époque Romano Prodi.

Tant que la tuile du procès de Turin ne lui plombe pas la tête, il attend et il a peur à tel point qu’il avait fait espionner le magistrat Raffaele Guariniello et qu’il a dépensé des millions pour sa stratégie de greenwashing. Fernanda Giannesi, petite mais irréductible inspectrice du travail brésilienne lui a attribué une particulière habileté dans la désinformation et aussi dans l’ambiguïté.

Schmidheiny préfère toujours verser des «libéralités» (dons) aux victimes d’Eternit ( en échange toutefois du retrait des plaintes) au lieu des réparations décidées par la justice.