Archives de catégorie : Industrie et propagande

En attendant le black-out, tous à la bougie !

Le temps passe si vite que l’on a oublié l’hiver. Il y a une dizaine de jours, la France claquait des dents et battait des records de consommation électrique chaque soir ou presque. On attendait de vastes coupures dans les régions les plus fragiles, comme Paca ou la Bretagne. Moi, j’en ai profité pour écrire deux papiers dans Charlie-Hebdo la semaine passée, que je vous mets ci-dessous, en complément des billets précédents de Planète sans visa. Hum, on nous aurait donc mené en bateau ? Pas possible. Pas possible, n’est-ce pas ?

Les papiers de Charlie :

Notre France va-t-elle connaître un krach électrique ? À l’heure où Charlie boucle, ce n’est pas encore gagné. Mais avec un peu de chance, un vaste black-out peut bloquer d’un clic des milliers d’ascenseurs et des millions de rasoirs électriques. Merci qui ? EDF, qui promet la lumière aux benêts depuis l’après-guerre. Merci quoi ? Le chauffage électrique.

Comme c’est bien organisé ! En 1971, EDF invente le chauffage électrique. Pile poil au bon moment, car à la fin de 1973, profitant de la maladie du Pompidou et du quadruplement du prix du pétrole, les ingénieurs des Mines et leurs complices du gouvernement lancent la construction de nombreuses centrales nucléaires. Seulement, soyons pas cons, il faut penser à la suite. Produire de l’électricité, c’est bien, mais la vendre, c’est mieux. Citation de Marcel Boiteux (1), alors directeur général d’EDF, en 1973 : « Tout client nouveau qui opte pour le chauffage électrique nous amène à augmenter d’autant notre programme nucléaire ».

Boiteux, t’es chic comme tout. Le chauffage électrique a donc servi de cheval de Troie pour imposer le nucléaire à une société qui n’en voulait pas. Dans la foulée, des armées de margoulins se lancent à l’assaut. Pour les fabricants de convecteurs, les installateurs, les bureaux d’études pour logements neufs, les vendeurs de laine de verre et de placoplâtre, c’est Noël tous les matins. Une industrie de l’arnaque se met en place.

Comme on peut s’en douter, personne ne vérifie rien. Le chauffage électrique ne peut chauffer que des pièces bien isolées. Or tel n’est pas le cas des millions de logements, souvent sociaux, qui vont être royalement équipés au fil des décennies. Selon EDF même, dans sa communication interne, 50 % des logements chauffés ne respectent pas, en 1999, la réglementation d’isolation de 1977. Et les deux tiers celle de 1982. Un triomphe (2). Les proprios installent deux merdouilles avec résistance électrique, et laissent le locataire se démerder avec les factures. Les promoteurs de maisons neuves préfèrent installer quelques appareils plutôt que de payer un chauffage central, bien plus cher au départ. Les sociétés HLM, qui n’ont rien à refuser à EDF et à l’État, balancent du tout électrique dans des immeubles en carton-pâte et obligent ainsi les prolos à jongler avec l’addition.

Un exemple parmi 500 000 autres : la cité des Grands Pêchers, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). En 1997, Bertrand et Nils Tavernier viennent y tourner « De l’autre côté du périph’ », et réveillent une putain de colère. L’hiver, les gueux grelottent et sortent jusqu’à un demi-smic pour payer une électricité qui se barre par les fenêtres et les portes. Les responsables HLM dénoncent l’attitude d’EDF, soutenue au plus haut niveau de l’État (3).

Face aux gueulantes, EDF sort une arme de destruction massive nommée publicité : la propagande Vivrélec déferle à partir de 1996 sur la France. Cela donne, dans le texte : « Vous voulez faire construire ou acheter un logement neuf, et vous réfléchissez à son mode de chauffage. Aujourd’hui, avec les nouveaux appareils, le chauffage électrique vous offre de nombreuses possibilités pour un très grand confort ». Ou bien : « Pratique et esthétique, le radiateur sèche-serviettes ». Ou encore : « Satisfaction sur toute la ligne », ce qui est, précisons-le, un jeu de mots.

Le chauffage électrique repart du bon pied. Selon les derniers chiffres officiels connus, 31 % des logements individuels et collectifs sont chauffés à l’électricité, et surtout, 80 % des logements neufs, en 2009 étaient livrés avec. Voici venue l’heure de la leçon de choses. En France, 80 % de l’électricité est nucléaire. Notons ensemble l’intelligence de ce mode de production. Un, faire garder par des hommes en armes des mines d’uranium, au Niger par exemple. Deux, enrichir le minerai et larguer les déchets où c’est possible, loin des yeux. Trois, bâtir 58 réacteurs nucléaires, en priant le bon dieu des atomes qu’aucun n’explosera jamais. Quatre, aligner de vastes réseaux de lignes à très haute et à haute tension, si bonnes pour la santé des riverains.

Compter 100 000 Km en tout. Enfin, servir bien chaud à domicile ce qui reste dans la hotte du père Noël. Comme vous le saurez en lisant l’encadré que Charlie a caché ailleurs sur cette page, il ne reste pas bézef. Est-ce au moins bon pour le climat, comme le jure EDF sur la tête de sa mère ? Benjamin Dessus, l’un des meilleurs connaisseurs du dossier électricité, rappelle que « l’Ademe et RTE (Réseau de Transport d’Électricité) ont montré que tout kWh électrique supplémentaire consacré au chauffage d’ici 2020 contiendrait 500 grammes de CO2, contre 300 pour le fioul et 200 pour le gaz ». C’est technique, très. Mais l’Ademe et RTE sont des autorités officielles. Le chauffage électrique est bien une merde.

(1) Le Point, le 30 juillet 1973

(2) In Sujets ou citoyens, par Marc Jedlizcka et Didier Lenoir (Cler)

(3) Libération, 6 décembre 1997

(4) www.terraeco.net/La-France-du-tout-electrique-est,7051.html

Un deuxième papier

Le plus con de tous les chauffages du monde

Tout le monde le sait : la France ne cesse de battre ses records historiques de consommation d’électricité. Plus de 100 000 mégawatts (MW) chaque soir, à l’heure où s’allume le chauffage électrique. Autour de 19 heures, il faut mobiliser une puissance électrique colossale. Sauf qu’on ne l’a pas en magasin : il faut en acheter 7 à 8 % à l’étranger, surtout en Allemagne. Bien souvent en provenance du charbon.

Le nucléaire qui devait nous sauver de la bougie est un bon connard de l’énergie, qui produit sans lever la tête de son établi. Comme on ne sait pas stocker l’électricité, il faut la vendre quand elle sort du tuyau. À prix cassé tout au long de l’année. Mais quand l’hiver arrive, changement de programme. Le chauffage électrique est si foldingue qu’EDF n’arrive plus à suivre.

Il y a encore plus distrayant. L’électricité nucléaire – 80 % de celle made in France – est une gagneuse. Entre l’uranium que l’on extrait de la mine et celui, enrichi, qu’on enfourne dans les centrales, on perd 14 % de l’énergie de départ. Rien qu’un début, car la conversion de la chaleur en électricité n’est que de 33 %. Tout le reste, soit 67 %, disparaît dans les systèmes de refroidissement des centrales. Fini ? Pas encore. Les pertes en ligne, le long des pylônes, ou autour des convecteurs à domicile, parachèvent le miracle. Au total, l’énergie utile n’est que de 25 % de celle de départ.

Quand tu chauffes à l’électricité nucléaire, tu perds les trois quarts en route. Question efficacité, nos bons amis de la nucléocratie ont réinventé la cheminée sans insert. Retour au Moyen Âge, avec une bougie dans le cul.

Petite nouvelle en passant du lobby de la bidoche

En complément à l’article précédent consacré à mes si chers animaux, ce papier trouvé sur le site du quotidien La Voix du Nord (ici). Pour bien comprendre la chose, sachez que le Comité d’information des viandes (CIV) est le lobby industriel le plus en pointe dès que l’on parle de bidoche en France. J’ai traité à ma manière et la chose et son directeur – Louis Orenga – dans mon livre justement appelé Bidoche. Ces gens-là n’éprouvent aucune gêne à venir faire leur propagande, avec distribution de colifichets à la clé, dans les écoles. Et nous sommes assez faibles, assez sots, pour les laisser faire. Mais cela ne durera qu’un temps, j’en suis absurdement certain.

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Bien dans son assiette, bien dans ses baskets !

 

dimanche 19.02.2012, 05:14 – La Voix du Nord

 Les élèves de CM2 de l'école Sainte-Bernadette ont reçu la visite de deux animateurs du centre d'information des viandes. Les élèves de CM2 de l’école Sainte-Bernadette ont reçu la visite de deux animateurs du centre d’information des viandes.

| LANDAS |

Les CM2 de l’école Sainte-Bernadette se sont mis à l’heure écologique et nous ont fait parvenir le fruit de leur réflexion.

« Une association nommée CIV, centre d’information des viandes, est venue à l’école Sainte-Bernadette nous informer sur l’alimentation. Au départ, nous avons revu les sept groupes alimentaires (glucides, sucres lents…) ainsi que leur rôle sur notre organisme. Nous avons compris la nécessité de manger équilibré et de ne pas grignoter entre les repas… et gare au sucre ! Ensuite, nous avons composé, tout en jouant, des menus équilibrés. Puis nous avons abordé l’origine des produits que nous avons dans nos assiettes ainsi que la pollution qui peut en découler (transport, engrais…). Il vaut mieux acheter des produits locaux et de saison plutôt que ceux importés ! Maintenant, nous comprenons pourquoi il faut adopter une attitude d’éco-citoyens pour l’environnement et pour nous. »

Les biocarburants, la morale et l’élection présidentielle

Que notre monde soit au bout de sa route, l’affaire des biocarburants en apporte une preuve dont je me serais bien passé. Je ne veux surtout pas dire que nos sociétés vont disparaître rapidement. Leur temps et leurs soubresauts se moquent bien de l’échelle qui est la nôtre. Mais elles sont entrées dans un processus de dislocation qui ne peut désormais s’arrêter. En plus de tout le reste, que vous connaissez comme moi, qu’il s’agisse de la crise écologique ou des impasses de « l’économie » officielle, il y a ce que nous appelons communément la morale.

Aucun groupe humain ne se maintient longtemps sans un ciment invisible, omniprésent pourtant, qui permet d’accepter l’obligation sociale. Qui donne aux existences un minimum de sens cohérent, de manière que la vie de chaque jour, le reflet dans le miroir, l’adresse aux enfants demeurent acceptables ou mieux encore désirables. Or tout se dissout. Les voleurs d’en haut s’emplissent les poches, légalement ou non, et profitent du butin, tandis que les Apaches, d’ici ou d’ailleurs, partent aux galères pour avoir vendu du shit ou dérobé un téléphone portable. Mais pour en revenir à la question du jour, les biocarburants éclipsent tout.

Je rappelle l’excellent principe : dans un monde toujours plus dévasté par la faim, des hommes bien nourris – beaucoup au Nord, certains au Sud – ont imaginé la transformation de plantes alimentaires en carburant automobile. Que cela soit un crime complet, et même un assassinat, qui pourrait donc le contester, et avec quels arguments ? Il est possible, il est même probable – mais nullement démontrable – que des centaines de milliers d’hommes ont été achevés sur l’autel de cette nouvelle industrie. Je me refuse à évoquer des données précises, car nous sombrerions alors dans la statistique, dans cet habituel voyeurisme des gavés que nous sommes. La faim. Celle qui tenaille pour de vrai, pendant des semaines et des années. Qui rend fou quand il devient impossible de donner quelque chose au mioche qui réclame. Allons nous plaindre après cela de la cuisson de notre steak quotidien.

Je sais cela, et dans le détail, car j’ai publié en septembre 2007, à l’époque du si lamentable Grenelle de l’Environnement, un livre dont je suis fier : La faim, la bagnole, le blé et nous, Une dénonciation des biocarburants (Fayard). Je crois y avoir révélé l’essentiel. Soit la constitution d’un lobby jusqu’au cœur de l’État, piloté par l’agriculture industrielle, en panne de débouchés pour ses si goûteux produits. Soit la grossière manipulation de l’opinion, à qui l’on a vendu cette idée ridicule que les biocarburants seraient bons pour le climat, quand ils aggravent le dérèglement en cours. Soit la destruction accélérée de milieux naturels prodigieux – par exemple les forêts pluviales d’Indonésie – afin de les remplacer par des plantations, comme des palmiers à huile, matière première des biocarburants. Ou la vente de millions d’hectares d’un tenant dans le bassin du Congo, pour y planter jatropha, manioc ou Dieu sait quoi, aux mêmes fins en tout cas. Soit l’annonce de famines terriblement aggravées par la concurrence entre des terres à vocation agricole et des terres sacrifiées à cette putain de bagnole.

Voilà que la Cour des Comptes française s’en mêle. Longtemps après une poignée de grands scientifiques, qui ont tordu le cou aux légendes commerciales et industrielles au sujet des biocarburants. Et bien loin derrière les institutions, souvent ultralibérales pourtant, comme la FAO, l’OCDE, le FMI, etc. qui toutes se sont attaquées aux mythologies associées au monstre. Il n’empêche : notre Cour des Comptes, donc. Et que dit-elle (ici) ? Un, nos conseillers si bien rémunérés ne savent que ce qu’ils lisent, et ils lisent apparemment peu. Ainsi ne peuvent-ils prendre en compte le désastre écologique global, humain, moral que représente cette invention du diable. Ils se contentent, avec la prudence qui est consubstantielle à leur confortable état, de noter : « Si, en France, le bilan coût / avantages des biocarburants du point de vue de leur effet sur l’environnement donne lieu à certaines critiques, la contestation qui environne cette question dans les autres pays du monde est beaucoup plus forte et va croissant ». Ajoutons que leur (nov)langue est à faire peur, mais c’est une autre histoire.

Se préoccupant avant toute chose de pognon, la Cour note avec une tranquille désapprobation (ici) que les exonérations fiscales en faveur des biocarburants ont coûté 3 milliards d’euros au budget commun entre 2005 et 2010. Au seul profit du lobby de l’agriculture industrielle. Rappelez-vous, si vous l’avez oublié, que le président en titre du « syndicat » agricole FNSEA, Xavier Beulin, est le patron de Sofiproteol, holding pesant plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010, et dont le cœur de métier est la prolifération des biocarburants.

Moi, lorsque j’ai publié mon livre – je l’ai déjà écrit ici, mais je me dois de le marteler -, j’ai alerté tous les responsables de l’écologie en France. Quand je dis tous, j’exagère bien sûr. Mais pour les autres, il y avait tout de même mon livre. J’ai alerté, comme on dit, et suggéré quantité d’actions concrètes, auxquelles j’aurais volontiers participé au premier rang. Elles n’étaient pas toutes légales, non pas. Mais il me semble que face à une offensive planétaire du crime organisé, il faut accepter de risquer. Ses biens et sa liberté, pour commencer. Ne croyez pas que je verse avec facilité dans la grandiloquence. J’exprime ce que je pense. Et si même je devais reculer en telle ou telle circonstance, cela ne déconsidérerait que ma personne. Ni ma cause, ni les moyens proposés.

Une conclusion ? Les mouvements écologistes officiels et tous ces braillards de gauche ou d’extrême-gauche qui donnent des leçons à l’univers et prétendent incarner le bien, toutes ces excellentes personnes acceptent sans seulement moufter l’une des agressions les plus totales contre la vie et la morale élémentaire qu’on puisse imaginer. Et quand la barbarie montrera le bout de son groin, quel que soit ce groin, les mêmes, avant de s’enfuir, trouveront encore le moyen de justifier leur lâcheté et leur petitesse. Ils auront encore raison, car telle est la définition qu’ils se sont octroyé : toujours retomber sur ses pattes. Mais moi, je les exècre.

PS : Allez donc voter, je crois que j’ai autre chose à faire.

Le lac Poyang et l’élection présidentielle française

Rajout le 26 janvier, suite à un petit mot de mon ami Hacène. Il me reproche d’évoquer un avenir pulvérulent pour le lac Poyang, constatant à juste titre qu’il pleut encore 1 000 mm d’eau sur la région chaque année. Je ne change rien, et il le comprendra je pense, car j’ai déjà évoqué la grande distance – incommensurable – qui existe entre notre temps si chichement compté et celui des écosystèmes. Mon propos était une image.

Un événement domine tous les autres, qui réduit nos débats picrocholins à leur triste condition : l’état du lac Poyang, situé dans la province de Jiangxi (Chine). Avant de vous en dire plus, et je suis navré de devoir enfoncer ce clou empoisonné : l’élection présidentielle française, Son Excellence Jean-Luc Mélenchon comprise, est un comice agricole franchouillard, où les prétendants se filent des torgnoles pour rire, tout en arborant leur air avantageux et leurs plumes dans le derrière. J’ai honte. Je ne devrais pas, car tous ces candidats me sont bien peu, mais j’ai honte pourtant.

La France, dans ma mémoire profonde, est un pays de révoltés. Je ne dresserai pas la liste de toutes ses barricades, qui m’ont tant fait rêver. Je dois rappeler tout de même qu’il fut un moment de l’histoire où notre pays se pensait universel. Où il trouvait les mots – et les actes – pour parler bien au-delà de ses pauvres frontières géographiques et mentales. Tel n’est plus le cas. Gavé, perdu dans sa goinfrerie perpétuelle, il se contente de radoter. Sarkozy est un Rastignac de troisième division, Hollande un Mitterrand de pacotille, Mélenchon un Robespierre de banlieue. Ce n’est même pas drôle.

Le lac Poyang, donc. Allons à l’essentiel : il est crucial, il est vital pour les hommes et les animaux. Nous parlons d’un géant de 160 kilomètres de long et de 16 de large en moyenne. Soit le plus grand lac d’eau douce de ce pays d’1 milliard 400 millions d’habitants. Je ne sais pas, et je ne crois pas d’ailleurs qu’on sache bien, en Chine, combien d’humains sont abreuvés par ses eaux. Disons beaucoup, et je suis certain de ne pas me tromper. Disons des millions, et je suis bien sûr de ne pas exagérer. La province du Jiangxi, peu connue, se trouve au sud-ouest de Shanghai, et compte environ 45 millions d’habitants. Pour les oiseaux migrateurs, les chiffres sont raisonnablement plus précis : l’hiver, 500 000 d’entre eux et de 52 espèces différentes se gorgent de nourriture et de graisse sur ses rives et son imposante surface. Dont la merveilleuse et si menacée grue de Sibérie. Regardez ci-dessous cette beauté.

 Grus leucogeranus

Le Poyang abrite également 140 espèces de poissons et supporte la vie de 600 autres espèces animales (ici, en anglais). Que se passe-t-il là-bas ? Une catastrophe dont aucun mot humain ne peut s’approcher. Au printemps 2011, une sécheresse historique a frappé la région, asséchant 90 % de la superficie du lac. 90 % d’un lac de 160 kilomètres de long, je le rappelle. Je dois être en veine de photographies : regardez celles-ci, piquées à un site officiel chinois. Elles datent du 28 mai 2011 pour la première, et du 27 juin 2010 pour la seconde (ici), bien entendu prises au même endroit. Le lac est simplement devenu une prairie, avant peut-être de se changer en désert pulvérulent.

En haut : le 28 mai 2011, un photographe marche sur le lit exposé du lac Poyang à Jiujiang. En bas : le 27 juin 2010, le lac Poyang au même endroit.

Cela, c’était donc au printemps dernier. Et maintenant, c’est pire. Jamais le lac n’avait été aussi désespérément sec un mois de janvier. Les pêcheurs n’ont pas eu à sortir leurs barques, car l’eau n’y est plus (voir le reportage photo). La sécheresse n’est pas la seule explication, de loin. Le barrage des Trois-Gorges, l’insupportable barrage des Trois-Gorges (ici) joue un rôle-clé dans cette tragédie. Or ce barrage, c’est nous aussi. Car Alstom, l’entreprise franchouille dont Chevènement s’est fait le héraut a vendu aux canailles de la bureaucratie chinoise 12 des 26 turbines géantes des Trois-Gorges. Avis aux crapules de gauche et de droite qui défendent le travail « français ».

Pourquoi les Trois-Gorges sont-ils en cause ? Mais parce que le lac Poyang se situe à l’aval du lac de barrage, long de centaines de kilomètres ! Tout l’équilibre de ce qui fut un grandiose écosystème est rompu. À jamais, du moins à vue humaine. Une considérable partie des eaux est désormais retenue, au lieu d’irriguer les terres, et d’alimenter nappes et lacs. Même la Chine officielle s’en émeut, c’est dire ! Jetez un regard à cet article estampillé par Pékin, mais en langue française (ici), et notamment à ces mots terribles : « Le projet du barrage des Trois-Gorges n’a pas pris la mesure complète de son impact sur l’environnement durant sa phase de conception, a admis un fonctionnaire hier. Il a ajouté que cet impact pourrait néanmoins être minimisé par des rejets d’eau du réservoir appropriés dans le fleuve Yangtsé. Le plus grand projet hydroélectrique du monde a contribué à la diminution du niveau d’eau dans le lac Dongting du Hunan et dans le lac Poyang du Jiangxi, a déclaré Wang Jingquan, inspecteur adjoint du Bureau de prévention des inondations et de la sécheresse affilié au Comité des ressources hydrauliques du Yangtsé ».

Autrement dit, les communistes au pouvoir reconnaissent à demi-mots, mais vingt ans après les courageux qui osèrent l’écrire au risque de leur liberté et même de leur vie, que les Trois-Gorges sont un crime de masse. Je ne les déteste pas, je les hais. Je sais que dans une société (faussement) pacifiée comme la nôtre, il ne fait pas bon assumer un tel sentiment. C’est barbare. Pis, c’est vulgaire. Mais moi, pour être franc, je m’en fous. Je n’aurai pas vécu pour faire plaisir au monde des bien-nés et des bien-élevés.

Et je continue. La situation est si grave que, sans état d’âme apparent, les divines autorités de la province de Jianxi envisagent désormais…un barrage pour que le lac Poyang ne verse plus ce qui lui reste d’eau dans le Yangtsé, le fleuve martyrisé par les Trois-Gorges. Un barrage contre le barrage ! Nous sommes bel et bien dans le monde des Shadoks (ici, en anglais). Au total, si l’on en croit la presse officielle du régime, 243 lacs d’une surface de plus d’un kilomètre carré chaque ont disparu en Chine depuis cinquante ans (ici, en français).

Je vous le dis bien calmement : la Chine est en train de vivre un krach écologique au regard duquel nos angoisses ne pèsent rien. La crise financière dont tant de gens discutent chaque matin chez nous n’est absolument rien en face du grand désastre planétaire dont nous sommes coresponsables, au premier plan. Je vois, comme vous j’espère, que pas un candidat à notre funeste élection présidentielle ne s’intéresse si peu que ce soit à ce qui commande pourtant notre avenir commun. Autant dire que je les envoie tous au diable, du premier – de la première – au dernier – à la dernière. Je ne sais plus bien qui a dit cette phrase limpide, que je fais mienne : « Si le mensonge règne sur le monde, qu’au moins cela ne soit pas par moi ». Et en effet, au moins cela.

Michelin se fout du monde et de l’Inde (suite sans fin)

Je vous parlais hier d’un article du Parisien et d’un reportage de France 3 consacrés à la construction de cette maudite usine Michelin en Inde. Eh bien, ce n’est pas terminé. Ce matin, au journal de 7 heures de France-Inter, il y avait un reportage à Clermont-Ferrand sur le même sujet. Le quotidien 20 Minutes publié de même un (bon) article (ici) et un journal local a également porté la voix des Intouchables du Tamil Nadu (ici).

Ce n’est pas un triomphe, non pas, et je ne peux hélas vous faire part des rebuffades subies auprès d’autres journaux, très connus. Néanmoins, mettez-vous à la place des villageois de Thervoy Kandigai. Lorsqu’ils sauront, bientôt, que des inconnus d’un autre monde les soutiennent, que pensez-vous qu’ils éprouveront ? J’en profite pour dire un mot à ceux qui tenaient et tiennent la pétition pour chose négligeable. Ils ont raison, mais surtout tort. Car si la pétition n’est rien, elle peut servir de levier de vitesse, permettant d’accélérer le mouvement. C’est exactement ce qui s’est passé. On appelait cela jadis de la dialectique, cet art antique de casser des briques.

Au fait, faisons les comptes. La pétition se décompose en trois parties, qui au total a réuni au moins 35 000 signatures. Celle que vous avez lue ici. Celle proposée par Cyberacteurs (ici) et surtout celle portée à bout de bras par Sylvain Harmat, responsable à Hambourg de la belle association allemande Rettet den Regenwald e.V.  (Sauvons la forêt, en français). Je tiens à chaleureusement remercier Sylvain, qui a mis tout son savoir-faire dans cette histoire, avant de mettre en ligne et en français une pétition qui a recueilli près de 30 000 signatures en quelques jours (ici). Ça c’est l’Europe, la vraie !

Je vous remercie tous, sincèrement, intensément, de votre engagement.