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Des questions sur les gaz de schistes

Pour signer :  http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci

Une bataille essentielle est en cours, qui se révélera peut-être historique. Nous verrons. Il s’agit bien sûr de la grande mobilisation contre l’exploitation de gaz et de pétrole de schistes, qui permettrait à la vaste machine industrielle de repartir à l’assaut du monde. Ce combat est français, européen, planétaire bien entendu. De son issue dépend une part que je crois considérable de notre sort commun. Je ne trahis aucun secret en écrivant que j’ai joué et continue de jouer un rôle important dans cette terrible affaire.

Dès cet été, j’ai alerté, comme le dirait Higelin, « les pingouins de ma galaxie », dont fait partie José Bové. Dès le 6 octobre, j’ai révélé dans Charlie-Hebdo que Jean-Louis Borloo avait signé le 1er mars, sans avertir quiconque, des permis d’exploration sur des surfaces gigantesques, incluant le Larzac. À propos de Charlie, et c’est en effet de la pub, je dois vous dire que j’y écris depuis un an, quasiment toutes les semaines, et sans l’ombre d’un souci. Je sais ce que nombre d’entre vous pensent de Philippe Val, et je crois que vous pouvez imaginer combien je suis éloigné de lui. C’est une litote, oui. En tout cas, Charlie  mérite d’être lu, si vous voulez mon avis. D’ailleurs, il s’y trouve cette semaine un article sur les gaz de schistes, que j’ai bien entendu signé. Et faites ce que bon vous semble.

Quoi d’autre ? Des questions, de multiples questions, que j’adresse à tous les militants de ce front pour le moment exemplaire. Pardonnez si je ne développe pas, car je n’ai simplement pas le temps. Voici, dans le désordre de ma pensée.

1/ Pourquoi madame Kosciusko-Morizet ne publie-t-elle pas la liste complète de tous les permis d’exploration accordés depuis le début ? Comme l’a montré Mediapart, au moins un permis d’exploration de gaz de schistes a été donné dès 2006, sur deux sites des Pyrénées, et au moins une fracturation hydraulique a eu lieu. Que l’on dise tout, une fois pour toutes !

2/ Par quelle audace oligarchique a-t-on osé confier la soi-disant mission d’expertise sur les gaz de schistes à ceux-là même qui ont lancé ce délirant programme, c’est-à-dire au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) ? Certes,  le  Conseil général de l’environnement et du développement durable (nouveau nom des Ponts et Chaussées) est associé, mais le pouvoir penche, dans ce dossier du moins, du côté des ingénieurs des Mines, ces « Mineurs » qui décident depuis deux siècles, hors tout contrôle démocratique, de la politique énergétique de la France.  La création d’Elf, et donc, pour partie, de Total, c’est eux. Le programme électronucléaire, de même. Ils entendent recommencer ce qu’ils ont déjà si souvent fait.

3/ L’État français est-il à ce point en ruines qu’il ne puisse obtenir des industriels la liste exhaustive – exhaustive – des innombrables produits chimiques de la pire espèce utilisés dans la fracturation hydraulique ? N’oublions pas, je vous en prie, que la société Toreador, dont l’un des vice-présidents, Julien Balkany, est le demi-frère de l’ami intime de Sarkozy, Patrick Balkany, s’apprêtait à forer en région parisienne. Sans notre refus massif, immédiat, ce serait chose faite. Et des molécules cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens seraient en ce moment dans notre sous-sol.

4/ Quel deal politico-commercial a-t-il été conclu entre notre gouvernement et les sociétés américaines ? Il va de soi que Hess, dirigé par d’anciens ministres de Bush, et qui a monté l’opération parisienne en compagnie de Toreador, a obtenu des garanties au plus haut niveau. Tout simplement pour la raison qu’elle a accepté de mettre 200 millions de dollars sur la table, pour le seul Bassin parisien. Ouvrez les dossiers ! Pas de négociation secrète ! La vérité, et rien d’autre !

5/ La ministre de l’écologie osera-t-elle participer au sabotage ultime des négociations internationales sur le climat ? La question est très grave, évidemment. La propagande politicienne – celle de droite comme celle de gauche sous Jospin – n’aura cessé de vanter notre complexe électronucléaire, censé garantir des émissions de gaz à effet de serre moindres que dans d’autres pays du Nord. La France – et nous tous – est engagée par la loi sur l’énergie de juillet 2005, qui commande de diviser par quatre nos émissions. Faut-il réellement préciser que cet engagement est national ? L’extraction chez nous de gaz et de pétrole ferait exploser notre contribution au dérèglement climatique, sans l’ombre d’un seul doute. Et serait, au passage, une violation grossière de la légalité républicaine. Enfin, il va de soi qu’un tel signal, au centre de l’Union européenne, ruinerait définitivement toute chance d’accord mondial. Au nom de quoi oserait-on encore se présenter devant les Indiens et les Chinois ? Attention, lecteurs de Planète sans visa, nous sommes proches d’un crime écologique majeur.

6/ Last but not least, aura-t-on enfin droit à un authentique débat public sur l’énergie ? C’est la clé. Ce débat nous a été volé à chaque fois depuis l’après-guerre. Au moment de la création d’EDF. Au moment de la création d’Elf. Au moment de la construction des centrales nucléaires. Il nous a été volé pour la raison que la question énergétique est entre les mains d’une oligarchie de 500 ingénieurs des Mines en activité. Pas plus. Serons-nous, cette fois, assez forts pour imposer une réelle discussion ? Sans une nouvelle définition de nos besoins, qui passe par de fortes contraintes imposées à tous les process industriels, suivie d’une diminution drastique de la consommation par habitant, et d’un développement sans précédent des énergies renouvelables, il n’y a aucun avenir possible. Et au fond, tout un chacun le sait bien. Méfiez-vous ! Méfions-nous tous ! Ce gouvernement aux abois va probablement tenter d’organiser une énième consultation bidon, par exemple dans le cadre de la désastreuse Commission nationale du débat public, qui s’est illustrée à propos des nanotechnologies. Ne tombons pas dans ce piège, qui serait une offense supplémentaire à notre intelligence collective. Il faut un débat. De la démocratie. Il faut que nous prenions la parole, et peut-être bien des places, des places de villes, comme ailleurs.

Cette fois, l’affaire est trop sérieuse pour être confiée à nos représentants habituels. Les représentants, c’est nous. On y va !

La supercherie de madame Kosciusko-Morizet (sur les gaz de schistes)

Vous lisez comme moi les journaux, ou vous écoutez sans doute les radios. Sentant monter une vraie grande colère nationale contre les gaz de schistes, madame Kosciusko-Morizet (ici) tente d’éteindre l’incendie, qui la menace directement. Car bien sûr, comment justifier une telle horreur quand on se prétend écologiste et qu’on entend – elle l’a dit et répété – devenir un jour présidente de la République ? C’est ce que j’appellerais une mission impossible.

La plupart des écologistes de cour et de salon adôôôrent madame Kosciusko-Morizet. Ils la trouvent belle, ils se trouvent beaux de la trouver belle. Ils rient avec elle sur les photos, vantent ses supposées qualités et ses soi-disant compétences. Fort bien. J’ai l’honneur de ne pas faire partie du club et de penser sans détour que madame Kosciusko-Morizet, secrétaire générale adjointe de l’UMP – vous imaginez ce que cela veut dire ? – est une politicienne ordinaire. Point barre.

Le moratoire, c’est du vent

Sur l’affaire des gaz de schistes, je n’ai hélas pas le temps de développer, mais je le ferai dès que possible. Il faut oser parler d’une supercherie. D’abord parce que le moratoire évoqué par madame Kosciusko-Morizet ne peut venir d’une parole, fût-elle ministérielle. Il faut une décision, écrite. Ce n’est pas le cas pour l’heure, et les propos de madame Kosciusko-Morizet ne sont donc, en tout cas pour le moment, que du vent. De l’air brassé sous le nez de journalistes complaisants. Mais il y a bien pire. Car madame Kosciusko-Morizet a également annoncé la création d’une mission d’expertise. Elle est bonne, elle est excellente, on nous a déjà fait le coup 1 000 fois.

Dans ce pays perclus qu’est la France, à qui diable peut-on confier pareille expertise ? Mais à des experts, pardi ! Seulement, ce travail technique hautement spécialisé est un monopole, tout simplement. Qui appartient à deux corps d’ingénieurs d’État, ceux que Pierre Bourdieu appelait fort justement la « noblesse d’État ». J’ai nommé le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), créé avant la Révolution française, et qu’on a longtemps appelé le Corps des Mines ; et puis le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), l’ancien corps des Ponts et Chaussées.

Derrière le programme électronucléaire

Pour aller très vite, ces deux corps trustent un nombre de postes de pouvoir ahurissant. Dans les ministères clés comme dans l’industrie. Le premier  a lié son histoire, depuis la guerre, avec le nucléaire, dont la bombe, et le pétrole. Ce sont les Mineurs qui ont arraché la décision de bâtir notre parc électronucléaire. C’est l’un d’entre eux, Pierre Guillaumat, qui a été le premier patron d’Elf-Aquitaine. À mon sens, ce corps pourrait bien être le pouvoir le plus considérable de notre pauvre République. Le corps des Ponts et Chaussées, de son côté, est derrière une infinité de destructions, dont le réseau routier et autoroutier, les ponts et rocades, les châteaux d’eau, les ronds-points.

Je vous le dis très calmement : ces gens tiennent le manche, mus, soutenus par un sentiment de toute-puissance lié à leur histoire pluricentenaire. Ils ont résisté aux guerres comme aux révolutions. Les ministres et les régimes passent, eux restent. Bien entendu, l’écologie n’a jamais été au programme de leurs écoles, entièrement au service de la technique et du pouvoir. Mais pour en revenir à notre sujet, quand un ministre crée une mission d’expertise, elle est fatalement confiée à ces braves serviteurs de l’intérêt commun. Madame Kosciusko-Morizet n’a pas dérogé à cette règle et sa mission sur les gaz de schistes est entre les mains du CGIET et du CGEDD. Or, le premier, bien plus encore que le second, est à la fois juge et partie. Car je vous en fais la confidence ici, et vous demande de la répéter partout où vous le pourrez : le moteur de cette folie globale appelée « gaz de schistes », en France du moins, c’est le corps des Mines, c’est le CGIET. On demande à ceux qui ont promu cette nouvelle aventure de nous expliquer les problèmes qu’elle poserait éventuellement. Au secours !

Croyez-vous que ce pauvre Borloo, signataire en mars 2010 des autorisations d’exploration, connaissait quoi que ce soit au sujet ? Évidemment, non. Mais les ingénieurs des Mines, oui. J’ai le pressentiment qu’ils veulent rééditer leur exploit du début des années 70, quand ils ont obtenu du régime pompidolien de l’époque le droit de semer partout des centrales nucléaires, ce qui a leur donné un surcroît de puissance sans égale. S’ils obtiennent satisfaction avec le gaz de schistes, ils offrent du même coup au pouvoir actuel un semblant d’indépendance énergétique, ce qui les rend intouchables pour longtemps.

On se doute bien que ces grands ingénieurs ont d’autres soucis en tête que le dérèglement climatique, non ? J’ajoute qu’une réforme passé inaperçue a créé en région les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (les Dreal), qui ont englouti la maigrelette administration de l’Écologie (les Diren) ainsi que les directions de l’Équipement. Dans ces nouvelles structures, ingénieurs des Mines et ingénieurs des Ponts et Chaussées font la loi, comme il se doit. Ce sont ces Dreal qui auront à gérer les dossiers concrets d’exploration des gaz de schistes.

Chez Total, Vallourec, Suez, et dans les ministères

À ceux qui pourraient croire que je fantasme, je conseille vivement de lire et de se renseigner. J’ai à peine commencé mon propre travail de mise à jour que je tombe déjà sur cette évidence : les ingénieurs des Mines sont partout dans ce dossier pourri. À la tête de Total et de Suez, bien sûr. Mais aussi chez Vallourec, qui produit les tubes destinés à l’exploitation du gaz. Et bien évidemment au ministère de l’énergie de ce cher monsieur Besson. Et bien évidemment au ministère de l’Écologie de cette chère madame Kosciusko-Morizet.

En résumé, nous avons affaire à un coup de force oligarchique. Je ne suis pas en train de parler d’un complot. Je suis aux antipodes de ces fumeuses visions. Ces gens ne se montrent pas sur la place publique, certes. Mais c’est de notre faute, et de notre faute seulement. Tout est à portée de main, et de critique : une infime minorité de puissants entend passer en force sur la question décisive de l’énergie. Comme en 1974 à propos du nucléaire. Cette fois-là, nous avons été battus à plate couture. Mais aujourd’hui, sur fond de crise climatique, nous n’avons plus le choix. Il faut gagner ce combat. Et donc, surtout, avant tout, ne pas se laisser manipuler par des personnages comme madame Kosciusko-Morizet ou MM. Borloo et Sarkozy.

En attendant des échéances qui se rapprochent à toute vitesse, on peut évidemment signer la pétition, et la faire tourner (http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci/). Ce n’est, toujours et encore, qu’un début.

PS : mon ami, mon cher ami François Veillerette, vice-président du Conseil régional de Picardie, a obtenu un vote remarquable que je vous laisse découvrir. François, des bises pour vous trois !

COMMUNIQUE DE PRESSE
Le 4 février 2011

Gaz et pétrole de schiste : Le Conseil régional de Picardie décide d’interdire par tous les moyens l’exploitation sur son territoire

Lors de la session de ce matin 4 février, le Conseil régional de Picardie a voté à l’unanimité une délibération engageant la région à s’opposer par tous les moyens à l’exploitation des gaz et des pétroles de schiste sur le territoire. Porté par François Veillerette, vice président chargé de la santé et Christophe Porquier, vice président énergie-climat, ce vote confirme la position ferme et nette du Conseil régional à ce sujet.

C’est sans consultation avec les collectivités locales et encore moins avec la population que l’Etat par l’intermédiaire de son ministre de l’environnement de l’époque, Jean-Louis Borloo a accordé un permis d’exploration à la société Toréador Energy France SCS dans la région de Château-Thierry (Aisne). Ce permis délimite une surface de 779 km2 dans laquelle sont programmés 6 forages.

Ce type d’exploitation engendre de lourdes conséquences pour l’environnement et la santé publique. La technique utilisée pour extraire les gaz, ou, comme c’est le cas en Picardie, du pétrole de schiste, consiste à fracturer la roche à l’aide de millions de litres d’eau (il faut environ 20 000 m3 d’eau pour un seul puit) additionnés à un mélange de produits chimiques particulièrement toxiques.

Mercredi 2 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’environnement, a annoncé la création d’une mission chargée « d’évaluer les enjeux, et d’abord les enjeux environnementaux » de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes. En attendant le rapport de la mission en juin prochain, aucune autorisation de travaux ne sera donnée.

Ce réveil tardif de l’Etat confirme la nécessité qu’une réelle concertation publique soit menée.

C’est pourquoi, en  plus de sa décision d’interdire l’exploitation des gaz  et pétroles de schistes, la Région exige un moratoire sur la prospection de ces gaz et demande l’organisation d’un débat public et la réalisation d’études d’impact. Par ce biais, la région compte garantir la protection de la population et de l’environnement et lui apporter l’information nécessaire et faire valoir ainsi le principe constitutionnel de précaution.

François Veillerette
Vice-président chargé de l’agriculture, alimentation, santé

Les grandes manoeuvres commencent (Total et les gaz de schistes)

Je me permets de piquer en totalité un article publié ce 1er février dans Le journal du développement durable (ici), que je vous conseille de lire avec attention, car il annonce le début de la grande bataille de l’information. Attention, je n’accuse pas le site en question de propagande, mais Total, oui. J’ai pu constater dans des documents internes de notre groupe pétrolier son avidité pour le sous-sol français. Je vous mets ici un extrait en anglais – je n’ai pas le temps de traduire -, qui montre combien le territoire au-dessus de Montélimar lui paraît prometteur. J’en extrais deux phrases. La première : « Total believes that it has identified a high potential shale gas play in SE France ». Ainsi donc, et déjà, ils ont identifié un « fort potentiel ». Mais où ? Mais comment ? La seconde, dédiée à monsieur Sarkozy : « The fiscal terms in France are amongst the most attractive in the entire world, with a total tax take of ~35% ».

(1) DOC TOTAL

Montelimar Permit

Total is planning to farm?out up to 50% interest in their 100% operated South East Basin, Montelimar Permit acreage in the south east of France.

 Success and development

The proximity of major gas infrastructure that has access to the French & European gas
Markets (gas pipeline traverses northeast part of the permit), will enable rapid development
& easy monetization of a successful gas shale project. Natural gas demand in France is
currently ~45 Bcm/year (4.3 bcfd).  The majority of French domestic supply is imported; a low cost onshore domestic gas source with attractive fiscal terms would be very competitive. The fiscal terms in France are amongst the most attractive in the entire world, with a total tax take of ~35%.

 Technical Summary

The exploration for unconventional plays & particularly shale gas plays in Europe has progressed rapidly following the success of shale gas plays in North America. Total believes that it has identified a high potential shale gas play in SE France;  the Liassic Shale Gas Play in the South East Basin. Total determines that the Gas Shale resource could be up to IGIP of 85 TCF. The South East Basin Liassic shale gas play is directly comparable to the Posidonia, Liassic shale play of SW Germany & also has strong similarities to the North American Fayetteville & Woodford Shale Gas Plays.

(2) Et maintenant, lisez avec des yeux dessillés l’article emprunté donc, volens nolens, au Journal du développement durable, sous la signature de Pierre Magnetto. À croire les communiquants de Total, il ne faudrait surtout pas se presser. À les suivre, eux seuls auraient droit d’avancer, en cachette. Mais, messeigneurs, c’est raté.

Gaz de schistes : Total se donne cinq ans pour décider

Le groupe pétrolier français titulaire du permis de recherche de Montélimar se dit surpris par la soudaineté de la polémique suscitée par la recherche de gaz de schistes. Confiant dans la technique de la fracturation hydraulique il prévoit de rentrer dans un processus d’information publique et de rapprochement du terrain

« C’est dommage de susciter une inquiétude très forte alors qu’il n’y a pas encore de réponses à apporter aux questions posées ». Chez Total, on se dit surpris par la soudaineté de la polémique qui s’est propagée ces dernières semaines dans les régions concernées par les permis d’exploration de gaz de schistes délivrés en mars 2010 par le ministère de l’environnement. Il est vrai qu’à l’époque le groupe pétrolier avait rendu l’information publique mais l’info était plutôt passée inaperçue. Total est le titulaire exclusif du permis de Montélimar dans la Drôme, portant sur une zone de 4 300 km2 dont il vient de demander l’extension vers le Nord. Le pétrolier indique que jusqu’à fin novembre début décembre, moment où la contestation a commencé à prendre corps, il n’a guère avancé sur ce dossier en raison du retrait de son partenaire américain Devon, le groupe étant à la recherche de nouveaux associés.

Cinq années d’exploration et d’études

Pour l’heure, les dirigeants temporisent : « nous sommes encore très en amont de l’exploitation. Si le gaz est présent de manière trop diffuse ce ne sera pas exploitable ». L’exploration va se dérouler en trois temps. La première phase qui devrait se terminer vers la fin de l’année est celle des « études géosciences ». Elles permettront de  » voir si ces éléments confirment le potentiel ». La phase 2 sera celle de la validation technique, elle consistera notamment à partir de 2 à 3 forages conventionnels aux profondeurs voulues, environ 2 500 mètres, de confirmer les premières données. Viendra ensuite le temps de la validation économique. Il s’agira cette fois de vérifier le niveau d’exploitabilité du gisement en effectuant des forages horizontaux et en utilisant la technique de la fracturation hydraulique.
Ce n’est qu’au terme de ce processus qui devrait durer jusqu’en 2015, la durée du permis de recherche étant de 5 ans, que la décision d’exploiter ou pas pourra être prise. Entre temps, le groupe pétrolier affirme qu’il aura conduit les études sur l’impact environnemental, celles concernant l’origine de l’eau utilisée pour la fracturation, sa récupération et son traitement. Il assure aussi que des études toxicologiques seront menées concernant les additifs utilisés pour éviter les frottements qui atténuent la puissance de l’eau sous haute pression lors de la fracturation.

Les énigmes de Gasland

Restent cependant les images du documentaire Gasland dont on reconnaît chez Total le caractère choc. Pour autant, les ingénieurs et techniciens s’interrogent sur l’origine des contaminations de la nappe phréatique. « On creuse trop profondément pour qu’il y ait des remontées jusqu’aux aquifères qui sont relativement proches de la surface » expliquent-ils en insistant sur le caractère horizontal et non pas vertical de la fracturation. Pour eux le problème ne se situe pas dans la technique elle-même, utilisée disent-ils depuis une dizaine d’années y compris « sur certains gisements conventionnels présentant des problèmes de perméabilité ». Ce serait plutôt dans la gestion des poches de rétention servant à stocker l’eau récupérée après la fracturation pour être traitée que pourrait se situer l’explication.
Mais la contestation à laquelle sont confrontés les titulaires des permis de recherche porte aussi sur l’absence d’information et de concertation sur le terrain. La compagnie assure qu’un processus de concertation est prévu. Il sera conduit sur le modèle de celui mené à Lacq, dans les Pyrénées Atlantique, où elle finit d’exploiter un gisement de gaz naturel tout en ayant mis en œuvre un pilote de stockage de CO2. Sa démarche consiste à rencontrer les administrations, les institutions, les élus concernés, puis de se rapprocher du terrain y compris en participant à des débats publics. Les protestations ont conduit le groupe « à activer un peu les choses » confie-t-on à la direction, les premiers rendez-vous étant prévu pour la semaine prochaine.

 1er février 2011, Pierre Magnetto

Je reprends ici la parole. Si vous avez envie de donner votre avis à ceux de Total qui suivent le dossier de Montélimar, voici en prime :

Contact Details to Dispatch the signed CA
Attention Mr. Bruno Gruson
SCR/AN: Business Development? Northern Europe
Total SA (15E54)
2 Place Jean Millier,
La De?fense 6,
92400 Courbevoie, France
Tel : +33 1 4744 4181
Email : bruno.gruson@total.com

Alternative contact :
Attention  Mr. Fabrice Chevalier
SCR/AN: Business Development? Northern Europe
Total SA (15E03)
2 Place Jean Millier,
La De?fense 6,
92400 Courbevoie, France
Tel : +33 1 4744 4554
Email : fabrice.chevalier@total.com

 La bataille qui commence sera longue et pleine d’embûches. Elle va demander beaucoup d’énergie et de sang-froid. Mais pour commencer, et sans vouloir commander quiconque, il me semble que tout le monde doit se trouver sur le pont.

 

Faut-il renoncer à la viande ? (un chat paru dans Le Monde)

Cela tombe excellemment bien, car j’ai de moins en moins de temps. Je vous mets ci-dessous le texte d’un chat – une discussion avec les internautes – organisé par le journal Le Monde, vendredi passé. Voilà comment ça se passe. Un journaliste vous appelle à l’heure prévue, au téléphone, et vous lit des questions d’internautes. Vous, vous causez dans l’appareil, en essayant de ne pas parler trop vite, car il y a quelqu’un, qui est d’ailleurs quelqu’une, qui tape à la vitesse du son vos réponses. Au bout d’une heure, c’est fini, et tant mieux, car vous avez envie de boire une bière. Le journaliste prépare pendant deux ou trois heures la discussion, qui est ensuite mise en ligne. Comme dans la version qui suit.

L’intégralité du débat avec Fabrice Nicolino, auteur de Bidoche, vendredi 28 janvier 2011

Auteur de « Bidoche », Fabrice Nicolino prépare actuellement un livre sur l’état du mouvement écologiste en France, à paraître en mars 2011 (éditions LLL).

François François : Qu’est-ce qui a changé depuis la sortie de votre livre « Bidoche », il y a un an ?
Fabrice Nicolino : Depuis, j’ai été frappé par le fait que les questions que je me posais dans le livre arrivaient au bon moment. Juste après, en décembre 2009, il y a eu le sommet sur le climat à Copenhague et on a vu à ce moment-là apparaitre un début d’opposition organisée à la surconsommation de viande, notamment au travers des déclarations de l’ancien Beatle Paul Mc Cartney et aussi au travers d’une déclaration symbolique de grève de la consommation de viande, lancée par une dizaine de personnalités françaises, dont les écologistes Jean-Paul Besset et Yves Cochet.

L’industrie de la viande a pris très au sérieux cette affaire. Il y a des documents internes que j’ai pu lire des industriels de la viande qui mettent en garde la profession. Ils semblent inquiets et certains estiment que ça pourrait être une menace plus grande que la crise de la vache folle il y a 20 ans.

DDE : Que pensez-vous du livre de Jonathan Safran Foer – Faut-il manger des animaux ? – N’est-il pas un peu extrême et trop « américain » dans sa pensée, ce qui rend ses arguments faciles à contrer par le lobby de la viande français ?

J’ai juste commencé à le lire, il est donc difficile d’en parler. La seule chose évidente c’est que c’est en effet un livre américain qui parle de l’Amérique, où les conditions de l’élevage sont un peu différentes de celles qu’on connait en Europe.

Lyly : La situation européenne diffère beaucoup de la situation américaine, donc ne devrait-on pas parler de ce qui cloche chez nous ? Agriculture intensive, utilisation de pesticides, etc

La différence entre les systèmes américains et européen est un différence de degré et non pas de nature. Je crois que le système industriel de la viande est largement un système planétaire. Même s’il n’existe pas en France des porcheries aussi géantes que dans certains Etats américains où peuvent être réunis plusieurs dizaines de milliers de porcs.

Ce qu’il faut retenir c’est que c’est un seule et même système. La région Bretagne en France est un lieu de très haute concentration de l’élevage industriel avec des centaines de « fermes » où sont traités – et mal traités – des millions d’animaux d’élevage, notamment les poulets et les porcs mais aussi à un degré moindre les bovins.

Jack : Concernant le bien-être animal, la France fait-elle figure de frein, notamment contre les réformes au niveau européen ?

Oui. La France freine des quatre fers. Pour résumer il y a une alliance historique en France qui date de l’après-guerre entre l’Etat, le ministère de l’agriculture, l’INRA, la grande industrie, des laboratoires et des scientifiques qui appartiennent, ou pas, à l’INRA. Il existe en France un modèle industriel de l’agriculture qui pour des raisons de rentabilités évidentes refuse de prendre en compte la question essentielle du bien-être animal, qu’on peut aussi formuler par la souffrance animale.

Il y a des scientifiques en France réputés qui travaillent directement avec l’industrie de la viande et qui par leurs travaux, souvent financés par l’industrie elle-même tentent de nier tous les problèmes liés à la souffrance des animaux.

Par exemple, la question symbolique du foie gras. C’est une institution dite gastronomique en France. On a pas le droit d’y toucher et il faut savoir que la France représente à elle plus de 90 % des exportations de foie gras. L’Union Européenne et ses experts, qui travaillent sur la question du bien-être animal ont établi à de nombreuses reprises l’extrême souffrance des canards et des oies chez lesquels on fabrique un foie malade qu’on appelle donc le foie gras.

Guest : On entend souvent qu’il est possible de se passer de viande. Pourtant, les alternatives semblent plutôt contraignantes au quotidien. Cela implique notamment d’avoir un régime alimentaire différent des autres et donc souvent très limité. Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas végétarien. Je mange très peu de viande néanmoins. Ce que je sais c’est que manger nettement moins de viande est meilleur pour la santé humaine et ce que j’ai constaté au cours de mon travail c’est que les végétariens se portent très bien. Tous ceux avec qui j’ai pu parler disent qu’il est relativement facile de se passer de viande et de maintenir une excellente santé physique.

Don Diègue : Pour un homme ayant une activité sédentaire (bureau), y a-t-il une quantité de viande hebdomadaire recommandée par les nutritionnistes ?

Non. C’est un sujet très polémique car les industriels de la viande ont intérêt – et ont des moyens pour ça – à nous faire consommer beaucoup de viande. Dans le même temps il existe un très grand nombre d’études, parues dans les plus grandes revues scientifiques sur la planète, qui démontrent qu’en Occident, l’Europe en tête mais également dans un nombre croissant de pays émergents, le niveau de consommation de viande entraîne des problèmes de santé publique très graves. Il y a des peuves scientifiques qui montrent des liens entre une forte consommation de viande rouge et des maladies lourdes telles que les maladies cardio-vasculaires, certaines formes de cancers, l’obésité, le diabète…

Il y a l’étude du professeur Colin Campbell, considéré comme l’un des plus grands nutritionnistes vivants. Il a mené un étude sur un quart de siècle appelée l’étude chinoise, en relation donc avec les autorités chinoises. Il a comparé l’alimentation dans un canton chinois et aux Etats-Unis. Son résultat, c’est que les Chinois mangent essentiellement une nourriture végétale avec très peu de viande et les Américains au contraire beaucoup de produits carnés. Chez les chinois on trouve un certain nombre de maladies associées à la pauvreté (la tuberculose, des maladies respiratoires…) mais ils sont très largement à l’abri des maladies qu’on trouve chez les Américains. L’explication centrale serait le taux de cholestérol qui serait relié directement à la consommation de viande.

Ebene : N’y a t-il pas « quelque chose » de symbolique dans la viande ? Dès que l’on commence à en parler (même sans parler de végétarisme), le débat se ferme… C’est le mot réduction (qui passe pas mal pour le Co2) ou le mot viande ?

C’est vrai mais c’est parce que c’est aussi un débat anthropologique. Il plonge ses racines au plus profond de l’histoire humaine. Il faut comprendre qu’il y a un conpagnonnage entre l’homme et les animaux domestiques qui date de 10 000 ans. L’animal domestique a longtemps été divinisé. Des animaux comme la vache ont été considérés comme des dieux. C’est très profond.

L’animal avait un rôle éminent et puis il y a eu une rupture mentale et historique très importante au 17e siècle. C’est une date arbitraire mais à cette époque en France il y a eu un phénomène très important : le fameux discours de la méthode de Descartes. Descartes y parle des animaux et, pour la première fois à ma connaissance, un intellectuel écrit que les animaux sont des machines. Des machines très complexes mais des machines quand même. Descartes n’est évidemment pas responsable de tout ce qui a suivi mais c’est vrai que la vision mécanique des animaux les prive d’une âme. Il est fondateur d’une nouvelle vision des animaux qui elle va nous conduire à l’élevage industriel et d’une certaine façon, à la barbarie dans nos relations avec les animaux.

Henry delf : Les défenseurs des animaux français ne sont-ils pas condamnés à entendre des écolos et politiques français qu’ils ne sont pas des bons défenseurs des humains ? Que pensez-vous de leurs arguments selon lesquels on devrait renoncer à l’exploitation des animaux, comme on a mis fin à l’esclavagisme, au sexisme…

Je pense que l’élevage industriel et cette barbarie organisée contre les animaux ont des effets sur la psyché des humains. C’est faire sauter des digues dans les esprits des hommes. Exercer de la barbarie sur des animaux, c’est préparer le terrain à la barbarie contre les humains. Le parallèle avec l’esclavagisme ou le sexisme me paraît raisonnable. Au fond, quand on connait l’Histoire, on voit la façon dont les hommes ont nié le caratère d’homme aux esclaves. On se souvient des polémiques, lors de la conquête par les Espagnols de l’Amérique centrale, sur le fait de savoir si les Indiens avaient une âme. Cette polémique a éclatée car, si les Indiens étaient dotés d’une âme, alors on ne pouvait pas les surexploiter jusqu’à la mort comme ça a été le cas dans l’actuel Pérou avec les mines d’argent et les Incas. La même question a été posée aux hommes, en tant que genre, dans leur relation avec les femmes. En France, on a contesté le droit des femmes à voter jusqu’en 1946. C’est la même chose sous des formes différentes. Changer les animaux en machine c’est permettre de les traiter comme de la marchandise.

2514 : Si on suite votre raisonnement sur la barbarie, peut-on en conclure que les urbains sont définitivement plus évolués que les agriculteurs, tortionnaires d’animaux ?

Pour suivre ce raisonnement je dirais l’inverse. Nous déléguons l’élevage industriel et l’abattage des animaux à des gens dont nous ne voulons rien savoir. C’est vraiment « cachez ces abattoirs que nous ne saurions voir ». J’y vois la marque d’une hypocrisie sans nom qui m’indigne. Je pense qu’il faudrait au moins que tous les consommateurs de viande sachent la vérité sur l’élevage et l’abattage des animaux.

Robin : Pour vous, est-ce le fait de tuer et de manger les animaux qui est barbare, ou bien seulement l’élevage industriel ?

C’est une question ouverte qui est très importante mais sans réponse définitive. Je dirais que l’élevage industriel est globalement une barbarie et je suis pour sa disparition pure et simple. Maintenant la question de savoir si le fait de manger de la viande s’apparente à la barbarie, c’est devenu pour moi une question dont j’ignore la réponse.

G Said : La critique de la viande a-t-elle le moindre relais parmi les politiques français ? Droite et gauche sont-ils différents ? Trouvez vous aussi que les écolos continuent de ne pas aller sur ce terrain, pourtant intéressant, et snobent les défenseurs des animaux ?

Oui, la classe politique française en général récuse toute interrogation sur le sort des animaux. Droite et gauche confondus. Même dans les milieux de l’écologie politique tels qu’Europe Ecologie, à quelques exceptions près, personne ne s’intéresse à ces questions. D’abord par indifférence mais aussi par peur qu’on accuse ceux qui prendraient la défense des animaux de se désintéresser du sort des humains. Alors que les deux questions sont intimement liées.

Il y a quelques personnalités au Parlement, à droite comme à gauche, Yves Cochet par exemple, mais c’est rarissime. Il y a surtout des lobbies, tels que l’ « association des amis du cochon ». Qui cachent en fait une défense de l’élevage industriel. Ce qui domine c’est le soutien à l’élevage industriel sous toutes ses formes.

Sébastien : Le SNIV, le syndicat de l’industrie de la viande, a diffusé une lettre ouverte suite à la couverture des Inrocks sur le livre de Jonathan Safran Foer. Le SNIV en appelle au président Sarkozy pour venir défendre le modèle alimentaire français. Est-ce vraiment un modèle à suivre ?

C’est du pipeau. C’est une blague. C’est une pure propagande commerciale et industrielle. Il faut faire croire qu’il existe un modèle français raisonnable, gastronomique, pour maintenir les parts de marché de l’industrie française de la viande. C’est de la publicité.

En cuisine, il y a de plus en plus de chefs qui se tournent vers la viande biologique, qui certe coûte cher mais dont le cahier des charges impose un certain nombre de règles meilleures pour les animaux : des considérations de durée de la vie, l’espace accordé à l’animal, son alimentation, la possibilité d’être en extérieur et non pas enfermé dans des lieux sans lumière.

Tuer des animaux pour les manger c’est une choses, les maltraiter pendant la durée de leur vie sur terre c’en est une autre. De plus en plus de chefs donc se tournent vers ça mais aussi vers les plantes et l’alimentation végétale. C ‘est un phénomène de fond et non pas conjoncturel à mon avis.

Robin : Avec l’augmentation de pouvoir d’achat des Chinois et autres, le problème de l’élevage industriel risque de s’aggraver, non ? Ils veulent manger plus de viande. Mais pourquoi ?

C’est aussi une question très importante car le modèle alimentaire occidental et donc français basé sur une forte consommation de viande n’est pas un modèle généralisable. C’est impossible pour des raisons physiques et objectives.

Produire de la viande, sur le plan énergétique, c’est une folie. Pourquoi ? Parce que pour obtenir une calorie animale, il faut utiliser entre 7 et 9 calories végétales (le boeuf est celui qui nécessite le plus de calories – avec 9, le porc 7, le poulet descendant à 3 calories, selon un scientifique de l’Inra, ndlr) . L’animal est un très mauvais transformateur d’énergie. Il faut des quantité phénoménales de végétaux pour nourrir les animaux qui vont ensuite nous nourrir. En Europe et en France donc, 60 % des surfaces agricoles sont déjà utilisées pour les animaux. Soit sous la forme de paturage soit sous la forme de céréales pour les alimenter.

Les terres agricoles dans le monde sont limitées. On ne peut pas espérer augmenter massivement leur surface. Or dans un pays comme la Chine, sur fond d’hyper-croissance, il existe entre 150 et 200 millions de personnes qui disposent d’un pouvoir d’achat leur permettant de consommer de la viande. Quand on va aujourd’hui en Chine, et qu’on est invité à déjeuner par exemple dans une famille de la classe moyenne urbaine, il y asur la table, fatalement, entre 5 et 10 plats de viande car c’est un signe extérieur de richesse. Un signe de distinction sociale et c’est un mouvement qui semble irrépressible.

Seulement cela pose un problème insoluble. Personne ne sait où on pourra trouver les céréales qui permettraient de nourrir le bétail, chinois notamment. Pour cela, il faut importer des millions et des millions de tonnes de céréales qui font défaut au marché mondial actuel pour nourrir les humains.

Il y a de fait et de plus en plus une concurrence tragique entre l’obligation de nourrir les humains et l’envie de nourrir les animaux pour permettre à la fraction riche de l’humanité de consommer de la viande. On devra peut-être choisir entre nourrir les hommes ou les animaux.

Encore sur la grande affaire française (pétrole et gaz de schistes)

Désolé, mais je ne peux reprendre tout à chaque fois. Il faut suivre. Le gaz et le pétrole de schistes déferlent en France de manière stupéfiante et si nous ne nous levons pas tous au plus vite, laissons tomber. Je suis sérieux. Laissons tomber, cela sera plus honnête. Pour ce qui concerne le pétrole de schistes, les choses se précisent. Julien Balkany, demi-frère de Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret et proche de notre président, est vice-directeur d’une compagnie pétrolière américaine, Toreador Resources (www.toreador.net), qui vient de déménager son siège de Dallas (Texas) à Paris. Il est question d’extraire d’ici cinq ans environ 4 millions de tonnes de pétrole du Bassin Parisien. Pour commencer et par année. Des estimations sérieuses affirment que la région parisienne contiendrait au total 120 années de production annuelle de pétrole d’un pays comme le Koweit.

Or, Toreador et Balkany ont signé un énorme contrat avec la société pétrolière américaine Hess, qui met 200 millions d’euros sur la table, dans un premier temps. Les deux tourtereaux espèrent faire main basse sur le pétrole de la région parisienne, et gagner ainsi la confiance de toute l’Europe, et au-delà. Pactole assuré. Oui, mais qui est la société Hess (www.hess.com) ?L’affaire devient passionnante, car Hess, c’est Bush. Toute l’ère Bush, père comme fils, se résume et se retrouve dans le staff de direction de l’entreprise. On y trouve ainsi Nicholas Brady, qui fut ministre de l’Économie de George Bush de 1988 à 1993. Un brave garçon qui a passé 33 ans dans des postes de responsabilité de l’industrie bancaire. Edith Holiday a occupé le poste stratégique d’assistante du même George senior – toutes les liaisons avec le cabinet du plouc et les agences fédérales passaient par elle – entre 1990 et 1993. Samuel Bodman a été ministre de l’Énergie du fils W de 2005 à 2009, belle saison dans l’enfer (pétrolier) irakien.

Le tout s’explique par des liens vieux de cinquante ans au moins entre la famille Bush et l’industrie pétrolière du Texas. Comme le disait il n’y a pas si longtemps Barbara Bush – la vieille du vieux et la vieille du fils -, George W. était « presque comme un membre de la famille » Stamps Farish, fondatrice en 1917 de ce qui deviendrait le géant Exxon (Courrier International du 24 octobre 2002). Une grande affaire américaine devient une grande affaire française. De très nombreux lecteurs de Planète sans visa, depuis août 2007, ont demandé ici ce qu’il était possible de faire. Eh bien, cette occasion ne se présentera pas de sitôt : il faut se battre. Il faut bloquer tous les sites d’exploration en France, en prenant les risques que cela implique. Il va de soi que je m’engage personnellement. Encore heureux.

(1) http://phx.corporate-ir.net/phoenix.zhtml?c=101801&p=irol-govBoard