Archives de catégorie : Industrie et propagande

Monique Lang et Anne Hidalgo (paso doble)

C’est le hasard. Je rouvre sans y penser le très remarquable livre intitulé Histoire secrète du patronat (sous la direction de Benoît Collombat et David Servenay, La Découverte, 720 pages, 25 euros). Vraiment, si vous avez de l’argent, a fortiori  si vous conservez des illusions, lisez ! Et faites lire. Il y a de cela treize années, j’ai vu comme bien d’autres – nous étions en 1997 – un papier du Canard Enchaîné concernant l’emploi accordé par la Lyonnaise des Eaux à l’épouse de Jack Lang. Vous situez le monsieur ? Un grand rebelle, qui a abandonné Blois parce que les électeurs le boudaient, et qui, n’ayant pas obtenu l’investiture socialiste à Paris – ce Delanoé, quelle crapule ! -, a dans son immense bonté accepté une circonscription législative acquise de toute éternité à la gauche, Boulogne.

J’espère vivement que les trajets entre Le Marais – Paris – et le Pas-de-Calais sont tout de même moins fatigants que les allers simples de son ami Jacques Mellick entre Paris et Lille en 1993 (ici). Je vous confirme au passage que Wikipédia sait être une excellente fille avec les excellents citoyens comme Lang (ici). Nulle trace de sa campagne acharnée contre Delanoé. Nulle trace de son amitié incandescente avec Mellick, le roi de la conduite à 300 à l’heure. Nulle trace bien sûr de la faveur faite à son épouse Monique.

Ce n’est pas seulement étrange. C’est directement stupéfiant. Si vous tapez sur Google : « monique lang » lyonnaise des eaux, il n’y a que 20 occurrences. Je n’ai aucune preuve, et n’en cherche d’ailleurs pas, mais je ne serais pas étonné d’apprendre un jour que les Excellences de ce monde ont trouvé le moyen d’agir sur ces moteurs de recherche. Quoi qu’il en soit, voici un extrait du livre cité en préambule, en sa page 582 :

« Fin 1992, alors que se profilait un désastre pour le Parti socialiste aux législatives de mars 1993, une de ses filiales [ de la Lyonnaise] a embauché Monique Lang, épouse de Jack Lang, jusque-là chargée de mission au cabinet de son époux, ministre de l’Education nationale de 1992 à 1993. La filiale en question, la Compagnie auxiliaire de services et de participations (Caspar), lui a versé de janvier 1993 à 1994 un salaire de 25 000 F nets par mois (3 800 €). Interrogée en 1997 par le Canard enchaîné qui avait révélé l’affaire, Monique Lang avait admis n’avoir « jamais avoir mis les pieds au siège de la Caspar » et ne pas avoir de traces écrites de ses prestations. Elle mettait en avant un travail de mise en relations, de prises de contact…».

Dans le même genre, pour faire penser. Un coup de chapeau à l’ami Marc Laimé, dont je retrouve un article – oublié, je le confesse – publié en mars 2005 dans Le Monde Diplomatique (ici). Il y revient, entre autres, sur les excellentes relations nouées entre l’ancienne Compagnie Générale des Eaux (CGE), devenue Veolia, et ceux que l’on appelle les socialistes, sans doute par sens de l’humour. Je le cite : « Ainsi Mme Anne Hidalgo était la numéro 2 de la direction des ressources humaines de la Générale des eaux de 1995 à 1997, avant de devenir en 2001 première adjointe au maire de Paris, M. Bertrand Delanoë. Ex-responsable du Parti socialiste (PS) de la région de Lille, membre du cabinet de Mme Martine Aubry, M. François Colin deviendra responsable des affaires sociales de Vivendi Universal (VU), ex-Générale des eaux, de 1998 à 2003. Le porte-parole pour l’économie et les entreprises de l’état-major de campagne de M. Lionel Jospin en 2002, M. Eric Besson, député PS de la Drôme, dirigeait, quant à lui, la Fondation Vivendi, de 1998 à 2002. Ancien conseiller technique de Charles Hernu au ministère de la défense, M. Jean-François Dubos deviendra secrétaire général de Vivendi Universal en 1997 ».

Vous savez quoi ? Je crois que je n’ai pas davantage de goût pour ces gens que pour les autres. Mais je ne veux décourager personne d’accomplir un si noble travail civique que le dépôt d’un bulletin dans une urne.

Borloo, Marc Le Fur et les amis du cochon

Ben mon cochon ! Toute la farce du Grenelle de l’Environnement, toute la rouerie de Jean-Louis Borloo se résument dans l’historiette qui suit. Officiellement, on le sait, Borloo est un écologiste convaincu, qui a engagé la France sur la voie d’une « révolution », d’un « New Deal » qui mettrait enfin au premier plan les intérêts de la planète. On appelle cela de la communication. Borloo est un as. Cela, au moins cela, nul ne peut le discuter sérieusement. Apparemment, les portes de Matignon lui seraient refermées sur les doigts. Ouille ! Mais je vous reparlerai d’une hypothèse qui cadre fort bien avec les personnalités connues de notre président adoré et de notre si bon ministre de l’Écologie. Elle porte, comme c’est étrange, sur l’élection présidentielle de 2012. En attendant, méfiez-vous des faux-semblants, et surtout de ceux qui parlent d’une grande colère et d’un vif dépit de Borloo. Cela pourrait fort bien relever d’une nouvelle mise en scène. Encore une fois, j’y reviendrai.

Mais ce dont je veux vous entretenir est seulement drôle. Irrésistible. Hier au soir, mardi 9 novembre 2010, Borloo a reçu une poignée d’amis politiques. Ceux des centristes et des « radicaux » qui, pourtant membres de l’UMP, jouent la carte Borloo. Il leur a raconté je ne sais quoi sur l’avenir glorieux à lui promis, et donc à eux. Le grand fun est ailleurs. Dans ce quarteron des favoris, un certain Marc Le Fur, député des Côtes d’Armor. Surnommé le « député du cochon », Le Fur est membre du « Club des amis du cochon » à l’Assemblée nationale, où il se bat comme un beau diable pour que vive une certaine Bretagne. Il a donné en janvier 2007 un entretien retentissant au magazine hélas méconnu Porc magazine, dans lequel il déclare : « Les producteurs de porc sont de véritables chevaux de course entravés dans leur envie d’entreprendre et leur volonté d’être compétitifs ».

Au début de l’été 2010, Le Fur a placé un amendement dans la Loi de modernisation agricole, pour relever le seuil des porcheries industrielles nécessitant des études d’impact de 450 porcs à 2 000. Peut-on être plus aimable avec l’agriculture industrielle ? Et peut-on être plus proche de l’écologiste Jean-Louis Borloo ? Allez, passez muscade.

Les gaz de schistes annoncent-ils une révolution ?

Je vous ai parlé il y a quelques semaines des gaz de schistes. Plutôt, j’ai reproduit un article que j’avais écrit pour Charlie-Hebdo (voir ici). Si j’ai mis un point d’interrogation au titre du papier d’aujourd’hui, c’est bien entendu par précaution. N’étant nullement devin, ni ne souhaitant faire semblant, je ne suis pas certain de ce que j’écris. Mais de très nombreux éléments convergent vers un constat : la découverte de gisements – réels ou potentiels – de gaz de schistes un peu partout paraît devoir changer la donne énergétique mondiale.

D’ores et déjà, les États-Unis sont en train de se libérer à grande vitesse des importations massives de gaz naturel en provenance de pays instables ou même hostiles. Certains disent que ces « gaz non conventionnels » piégés dans des couches géologiques argileuses représentent au moins quatre fois les réserves de gaz jusqu’ici connues. Et c’est pourquoi des permis d’exploration sont accordés partout où ils sont demandés. En France, comme je l’ai écrit ici, Total, GDF Suez et des compagnies américaines ont déjà reçu une autorisation signée Jean-Louis Borloo. La zone la plus prometteuse se situerait en Ardèche, mais il en est bien d’autres.

Ce qui commence est assurément une bagarre mondiale d’une ampleur inédite, car elle touche et touchera au cœur de nos modes de vie. Déjà, les pétroliers affinent une propagande que l’on nous servira ad nauseam. Le gaz contribuerait nettement moins que le charbon à l’effet de serre. Ce qui est vrai, mais n’a en réalité aucun sens. Car les tenants de l’économie réelle n’ont qu’un seul but et l’auront jusqu’au bout : continuer. Continuer à produire des merdes que l’on entasse avant de les jeter. Et pour cela ajouter au pétrole, au charbon, au gaz conventionnel, au nucléaire, tout ce qu’ils trouveront à mettre dans leurs foutues machines. Aucune réduction des émissions de gaz à effet de serre ne serait alors seulement tentée. Avec les gaz de schistes, nous allons droit à un emballement de la si vaste et si complexe machine climatique. Les ordres de grandeur font que plus rien n’aura d’importance. Si vous relâchons les milliers de milliards de mètres cubes de gaz de schistes contenus sous terre, la crise climatique deviendra probablement sans issue humaine. Il n’y a aucun compromis possible avec les criminels qui préparent cette nouvelle « révolution énergétique ». Ou nous arrêterons le développement des gaz de schistes – et la tâche est herculéenne-, ou nous subirons tous une défaite historique aux conséquences incalculables. Il faut d’ores et déjà s’y mettre. Pas demain. Maintenant. Car les pétroliers arpentent déjà notre terre. Nos terres. Notre terre.

Je vous mets ci-dessous, en anglais pardonnez-moi, un article ébouriffant du plus grand quotidien économique de la planète, The Financial Times (FT). Je n’ai pas le temps de le traduire, mais il n’est guère difficile. Bien que n’évoquant qu’à l’extrême marge les problèmes écologiques posés par les gaz de schistes, il est passionnant de la première à la dernière ligne. Voilà ce que voient les maîtres du monde : la possibilité pour l’Occident de reprendre la main face à la Russie et aux pays du Sud producteurs de gaz et même de pétrole. Le titre dit tout « Les gaz de schistes changeront le monde » (ici).

Shale Gas Will Change The World

Everybody’s favourite moment in The Graduate is when the film’s hero is cornered by one of his parents’ friends. The older man’s advice to Benjamin Braddock consists of just one word – « plastics ». Something similar keeps happening to me at international conferences. I will be minding my own business, when a delegate will get up with a gleam in his eye and announce portentously – « shale gas! »

This conference chatter is a reflection of growing excitement in the US and Europe at the idea that we may have discovered a large part of the answer to one of the most vexatious problems in foreign and economic policy – energy security.

For decades, American politicians have vowed to pursue « energy independence » and to free the US from reliance on foreign supplies. Yet the reality was that America was facing a future of growing dependence on oil and gas from a variety of unstable, unfriendly and autocratic countries. Meanwhile, the European Union has become increasingly paranoid about its reliance on natural gas supplies from Russia – particularly given the Russian propensity to exert pressure on its neighbour, Ukraine, by cutting off gas supplies. Just to add to the frustrations for the US and Europe, one of the very few alternative suppliers of natural gas is Iran.

It has long been known that the US is sitting on potentially huge supplies of unconventional shale gas. But until recently, these reserves were very hard to exploit. Now, however, technological breakthroughs mean that many of the economic and technical concerns about exploiting shale gas reserves are being dealt with. Over the past three years, American production has soared. This year, the US overtook Russia to become the world’s biggest gas producer for the first time in a decade.

The result is that the shipping terminals that the US built to receive liquid natural gas from overseas are now lying virtually empty. The rise of shale gas, which can be used to produce electricity, reduces dependence on domestically produced, but dirty, coal. If cars powered by electricity or gas improve, shale gas would also reduce reliance on Middle Eastern oil.

Both the EU and China are excited by the idea that they too may soon enjoy a shale gas bonanza. Chinese foreign policy has increasingly been driven by the need to secure energy supplies. But China looks as if it may have its own shale gas reserves, and has signed an agreement with the US to look into exploiting them.

The excitement in Europe is even more pronounced. Just as North Sea oil and gas supplies are running down, the British are hoping that they may discover exploitable supplies of shale gas in Wales and north-west England. The Poles, who have their own special reasons to fear energy dependence on Russia, also think they have exploitable reserves. Radek Sikorski, the Polish foreign minister, recently visited Houston to talk to the big US energy companies about shale gas.

Even if European reserves are not as promising as some hope, the EU still stands to benefit indirectly from American shale gas. Supplies of liquid natural gas from Africa and the Gulf, which might have gone to the US, are now being redirected to Europe – reducing the Union’s dependence on Russian gas.

The geopolitical effects of all this may be already being felt. In recent months, western officials have noticed a distinctly more friendly tone in their dealings with Russia. The Russians have signed a new nuclear arms reduction treaty with the US, accepted the idea of tougher sanctions on Iran and responded to the air crash on Russian soil that killed the Polish president and his entourage with unexpected openness and sensitivity.

Some western officials attribute this change in tone in the Kremlin to the US altering its position on missile defence; others credit the growing influence of President Dmitry Medvedev. But some think that Russia is already adapting its foreign policy in response to the sharp fall in the price of gas and the shift on world energy markets.

Of course, there are shale gas sceptics. Some veterans of the energy industry point out that there have been false dawns before – miraculous new sources of energy that disappointed in the end. It is true enough that most miracle cures fail – in energy, as in most other walks of life. But it is also true that predictions in the 1970s that the world was « running out » of fuel were disproved by a combination of technological advances and new discoveries – precisely the combination offered by shale gas.

Some environmentalists are also less than delighted by the shale gas revolution. There are concerns about environmental dangers posed to groundwater by the chemicals that are used to extract the shale gas – and such fears will only be heightened by the oil spill off the coast of Louisiana.

In the short term, increased use of gas will make it much easier for the US and Europe to cut emissions of carbon dioxide, because gas is much less polluting than coal. On the other hand, shale gas is still a fossil fuel and produces greenhouse gases. For those environmentalists who dream of a future powered by windmills and solar panels, the dash for gas is a distinctly mixed blessing.

Of course, shale gas cannot be a complete answer to the west’s energy security problems – far less to climate change. But in a world that is not short of bad tidings at the moment, shale gas is a welcome piece of genuinely good news.

Copyright 2010, Financial Times

Du gaz à tous les étages /GAZAREM LOU LARZAC

Bon. Soyons franc et direct, j’ai été absent. Et comme je viens juste de rentrer, je n’ai pas eu le temps encore d’écrire un mot. C’est pour cette raison que je vous inflige l’article qui suit, paru dans le numéro 955 (6 octobre) de l’hebdo Charlie-Hebdo, sous ma signature (quand même). Vous faites ce que vous voulez, mais le sujet concerne tout le monde. À titre personnel, je suis décidé à aller  fort loin dans l’opposition à l’extraction de gaz de schistes en France et en Europe. Mais je n’ai rien dit.

Un nouveau Larzac ? Et pourquoi pas ? Joyeux habitants de Montélimar, de Montpellier, de l’Ardèche, des Cévennes et des Causses, l’affaire du « gaz non conventionnel » pourrait bien vous intéresser. Présentons d’abord Halliburton , qui est « the expert in shale gas production », parce que « no one has more shale experience — and success—than Halliburton (1) ». Avant de vous parler du gaz lui-même, un mot sur Halliburton, dirigé par Dick Cheney de 1995 à 2000, avant qu’il ne devienne le vice-président de ce cher ange appelé W.Bush. Halliburton – BTP, industrie pétrolière – n’aura pas tout perdu en Irak, où elle est passée en une seule année de guerre du rang de 19ème fournisseur de l’armée américaine à celui de numéro 1. Avec menus scandales à la clé. Mais ne nous égarons pas.

Le « shale gas » dont Halliburton est l’expert, c’est un gaz naturel dont on s’est foutu pendant un siècle, parce qu’on en trouvait alors partout. Comme on commence à être à court, les gentils pétroliers ont redécouvert cette merveille, cachée dans l’argile et les schistes d’immenses bassins sédimentaires. En résumé, il y en a (presque) partout. Aux Etats-Unis, le « shale gas » représente déjà entre 12 % et 20 % de la production totale de gaz. Personne ne sait exactement, ce qui donne une idée de la rapidité du phénomène. Certains connaisseurs estiment qu’on pourrait atteindre 30 %, voire 50 % de en 2020. Or les Etats-Unis sont quand même le deuxième producteur de gaz dans le monde après la Russie. C’est une révolution.

Elle atteint notre cher vieux pays avec une discrétion de violette. Le 1er mars 2010, le ministère de l’Écologie de notre bon monsieur Borloo a accordé sans la moindre publicité des permis d’exploration à toutes sortes d’amis de la nature : notamment Total, GDF-Suez et la compagnie américaine Schuepbach Energy. Total a le droit de fouiner sur un immense territoire entre Montélimar et le nord de Montpellier. Les deux autres se partagent un permis en Ardèche et un autre – dit de Nant – qui couvre plus de 4 000 km2 entre Saint-Affrique et Le Vigan, en passant par le…Larzac.Or sauf erreur, ce plateau est habité. José Bové est comme qui dirait sur le pied de guerre : « Je reviens d’Allemagne, raconte-t-il à Charlie, où j’ai rencontré un géologue qui m’a expliqué la technique d’extraction de ces gaz. Il faut forer de très grandes galeries et utiliser des quantités phénoménales d’eau à très haute pression pour fracturer la roche. J’ai réfléchi à la question, et dans ma région, je ne vois que deux sources d’eau possibles. Soit on fait un barrage sur la Dourbie et l’on noie le village de Saint-Jean du Bruel. Soit on privatise la source du Durzon, ce qui priverait d’eau la moitié du Larzac ».

Présenté comme cela, le projet paraît tout de suite plus sympathique. Mais il faut y ajouter deux ou trois bricoles. Un, la technique appelée « fracturation hydraulique » a été mise au point par Halliburton, qui  a donc grand intérêt au développement des forages partout dans le monde. Deux, l’eau pressurisée est surchargée de produits chimiques et toxiques, ce qui facilite le travail, mais pollue en grand les nappes phréatiques. Un film américain tout récent, Gasland (2) rapporte des situations foldingues. Les forages chargent l’eau en produits cancérogènes comme le benzène, rendent malades hommes et animaux, et dans certains cas, transforment l’eau elle-même en produit…inflammable.

Environmental Protection Agency (EPA) – une vaste agence fédérale américaine – avait estimé en 2004 qu’il n’y avait aucun problème, mais c’était au temps de Cheney et de la toute-puissance d’Halliburton. L’agence vient de lancer une étude de fond, et d’ores et déjà, une ville du Wyoming, Pavillion, apparaît sinistrée (3). Ses habitants ne doivent plus boire l’eau du robinet, polluée au benzène, au 2-Butoxyéthanol et à d’autres toxiques liés à une exploitation voisine de « shale gas ».Autre conséquence certaine : l’extraction, puis la combustion de milliards de m3 de gaz fossiles, bourrés de CO2, ne peuvent qu’aggraver un peu plus la crise climatique.  Borloo l’écolo, qui  a signé les permis, attend sûrement d’être à Matignon pour lancer un plan de lutte. « C’est la fuite en avant, reprend José Bové. Au lieu de lutter contre le gaspillage énergétique et de diminuer la demande, les grands pétroliers veulent encore augmenter l’offre ». D’accord, mais ils ne seraient quand même pas assez cons pour priver le Larzac d’eau, si ? « Mais ils sont très cons, termine Bové. Qui avait eu l’idée de construire un McDo à Millau ? ».

(1)     www.halliburton.com/ps/default.aspx?navid=1413&pageid=2867

(2)     http://gaslandthemovie.com

Mais que sont nos rivières devenues ?

Je lis un article sur le site américain de la revue National Geographic (ici), qui décrit calmement l’état réel des fleuves et rivières du monde. Il me demeure étrange que de telles informations ne fracassent pas le poste, les micros, toutes les connexions de ce monde soi-disant informé en temps réel. Désolé d’avoir, une fois encore, à  hurler dans le vide sidéral sans aucune chance de changer quoi que ce soit. Cette fois, il s’agit d’une étude parue dans la revue scientifique Nature, dont le titre est : Global threats to human water security and river biodiversity. Soit : Menaces globales sur la sécurité des ressources en eau et la biodiversité des rivières. Il doit y avoir meilleure traduction.

Dans un éditorial de la revue (ici), Natasha Gilbert livre son sentiment, argumenté, sur l’étude. Si je cite ce texte, c’est que je n’ai pas eu accès à l’étude elle-même, qui est fort logiquement payante. J’espère que vous m’en excuserez. En tout cas, Gilbert rassemble quelques leçons du désastre en cours et note dès la première phrase : « Presque 80 % de la population du monde fait face à de graves menaces concernant l’approvisionnement en eau ou la biodiversité ». J’ai par ailleurs lu quelques présentations de l’étude sur des sites américains, et voici ce que je peux en dire. Les chercheurs ont défini 23 paramètres de stress hydrique, parmi lesquels la pollution, les barrages, l’agriculture, la disparition des zones humides et ils ont ensuite modélisé le tout sous la forme de cartes.

Des cartes pour montrer le niveau des ressources disponibles. Des cartes pour signifier l’état de la biodiversité. La superposition des deux montre les zones les plus globalement menacées. Je me contenterai de pointer quelques faits. Sans surprise, il n’existe presque plus de rivières vivantes, pleinement vivantes. On en trouve essentiellement au centre de l’Amazonie, dans le nord du continent américain, dans le nord de la Russie. Parce qu’il n’y a pas d’hommes, je crois qu’il vaut mieux regarder les choses en face. Autre information marquante, parmi tant d’autres : la carte concernant la biodiversité est accablante pour l’Europe et les États-Unis. Je l’ai sous les yeux, et c’est bien le moins que je puisse écrire : accablante. L’essentiel de nos territoires riches est dans l’orangé ou le rouge, c’est-à-dire le pire. La France fait évidemment partie du lot.

La plupart des habitants de ce pays ne comprennent pas ce que l’industrialisation du monde a fait disparaître. Une rivière serait une rivière. Mais qui se souvient par exemple de ce qu’était le Rhin il y a seulement 200 ans, à l’époque où Cassini le cartographiait ? Si vous avez la chance de mettre la main sur l’une de ces cartes magnifiques, regardez donc cette tignasse ! Le Rhin était un chevelu immensément étiré, dont les radicelles pénétraient au fond de gigantesques forêts alluviales. Le fleuve étendait ses crues bienfaisantes sur des kilomètres, de part et d’autre de ses rives naturelles. Et combien de bras morts ? Combien de refuges ? Combien de nurseries ? La richesse biologique d’un être vivant de cette taille défie bien entendu toute description. C’est cela que nous avons perdu. Le béton et le pauvre savoir des ingénieurs ont réussi à faire croire qu’un cours d’eau n’est jamais qu’un tuyau dans lequel coule un fluide. Et nous l’avons cru, imbéciles que nous étions.

Je reviens une seconde à l’étude de Nature. On peut télécharger les cartes de ce travail sur ce site suisse, si le cœur vous en dit. Que puis-je ajouter ? Le changement, s’il survient, ne pourra passer d’abord par la voie politique. La seule chose sérieuse à tenter, c’est de détruire les valeurs culturelles et morales qui ont permis de fonder un monde absurde, capable de faire disparaître une à une les seules richesses authentiques dont nous disposons. Est-il besoin d’une preuve ? Le Mondial de la bagnole commence. Et personne n’ose dire que cet engin est un crime contre l’homme et la nature. Combien d’écolos – oui, c’est péjoratif – se contentent de demander des crédits pour cette merde de voiture électrique ?

PS : on peut trouver les cartes de Cassini ici : http://cassini.seies.net/fr_ne.htm Ensuite, cliquer dans le carré qui vous intéresse.