Archives de catégorie : Industrie et propagande

Foutage de gueule (Grenelle encore)

Excusez, je reprends la plume une seconde ce 11 septembre, après avoir déjà écrit mon papier du jour. Mais voici ce que je trouve, et dont je vous laisse juge. Le Grenelle de l’environnement est une foire. Je le savais. Mais je n’imaginais pas cela, dont je vous livre un extrait :

« La TFL, la fédération des entreprises de Transport et Logistique de France, a présenté dans un communiqué du 6 septembre, ses neuf propositions dans le cadre du Grenelle de l’Environnement. La TFL souhaite qu’une agence indépendante puisse  »élaborer un éco-comparateur transport-CO2 et que soit indiqué sur les étiquettes l’impact environnemental du transport et son coût en CO2 ». La TLF propose un plan 2009-2015 de développement des biocarburants en cohérence avec l’objectif européen 2020 sur les biocarburants sur les transports routiers: l’objectif est de réduire de 10 % les émissions de CO2 du transport par augmentation de l’usage des biocarburants, assortie d’une fiscalité incitative réservée à la distribution privée (1) »

Donc, l’industrie des bagnoles et des camions milite pour le développement des biocarburants, une infamie que je dénonce sur le site https://fabrice-nicolino.com/biocarburants/index.php

Autrement dit, si ces gens l’emportent, et comment pourraient-ils perdre ? la jachère, refuge en France de la petite faune ordinaire qui nous plaît tant à nous, les couillons, disparaîtra à la vitesse d’un feu de brousse. On tâchera de demander des comptes à ceux qui accepteraient d’entériner une telle saloperie.

(1) www.actu-environnement.com

Borloo, roi des bulles

Borloo. La moquerie serait aisée. Le ministre de l’Écologie a en effet, il n’y a pas si longtemps, été un des avocats d’affaires les mieux payés au monde. Selon un classement, excusez du peu, réalisé par le magazine américain Forbes. Puis, ne l’oublions pas trop vite, il a été l’avocat d’un certain Bernard Tapie, dont la personnalité défie tout commentaire, fût-il extrémiste. Et son ami. Dans un monde aussi beau, aussi noble que celui des tribunaux du commerce, de la liquidation des entreprises et de leurs employés, on respire l’air des cimes, sûr. Borloo, de ce point de vue-là, fut un alpiniste des sommets du monde.

Mais passons. On le dit sympathique et rigolard. Et pourquoi ne le serait-il pas ? On dit son attachement pour la ville de Valenciennes, dont il fut le maire dès 1989, et l’on vante un bilan social et culturel bien meilleur que dans d’autres villes. Je suis certain que c’est vrai. On rappelle qu’il a fait partie de cette bande, autour de Lalonde, qui fonda Génération Écologie. Là, je tique davantage, car j’ai vu de près, en son temps, ce que fut cette entreprise. Et je vous en parlerai à l’occasion. Restons-en là pour l’heure. Borloo n’est pas si vache, quoique. Borloo n’est pas si bon, mais.

Et continuons. Il vient de donner au Figaro Magazine (1) un entretien qu’il me serait (assez) aisé de décrypter de la première à la dernière ligne. Mais le faut-il vraiment ? Borloo a été envoyé en mission commando au ministère de l’Écologie par Sarkozy, qui avait un trou à boucher après le départ précipité d’Alain Juppé le preux.

Borloo n’a strictement rien à voir ni à faire avec la crise écologique. Grave ? Même pas. Il pourrait, au fond, avoir décidé de tout miser là-dessus. Matignon, pour commencer. L’Élysée en 2012, ou 2017, ou 2022. Mais tel n’est pas le cas. Ce ministère l’emmerde prodigieusement, car en homme (relativement) intelligent, il a compris qu’au bout du compte, il n’avait aucun moyen d’utiliser le poste pour obtenir mieux encore. Et donc, je puis vous le dire en confidence, il enrage.

Bon. Dans son entretien au Fig’ mag, dirigé par un certain Mougeotte, de TF1, Borloo clame sur des pages son ignorance. ll n’est pas le seul, il est en plein concours. Mais il tient la corde, assurément. Et passées les envolées réthoriques qui ne mangent pas de pain – « La situation est grave. Tout se dégrade. Nous dilapidons le capital de la planète, quel que soit l’angle sous lequel on envisage le problème. Certaines choses sont peut-être déjà irréversibles, mais nous pouvons encore inverser la tendance » -, Borloo sèche.

C’est pitoyable. Dans une pièce ordinaire, on se pousserait du coude, et l’on hurlerait de rire. Car il sèche bel et bien. La planète se fracasse, mais je tiens la barre de mon petit poste ministériel, mais n’oublions pas mon avenir propre, qui pèse tout de même plus lourd. Je n’ai qu’une vie, les amis ! Or donc, annonce Borloo – et il le répète dans une déclaration à l’AFP -, nous allons vers un accord global au Grenelle de l’environnement. Oui, si, applaudissez tout de suite, comme à la télé, nous allons vers un accord global.

Merde alors, avec qui ? Et sur quoi ? Eh bien, à croire notre histrion, sur les OGM et sur la réduction des pesticides. Je sais depuis des semaines, de même que les initiés point trop éloignés de la scène, que le dossier des OGM est le grand machin du Sarkozy’s circus. On va faire une loi – j’ai cru un temps que, plus intelligents, ils pensaient organiser un référendum -, et donc gagner du temps. Et donc entourlouper le monde. Ma naïveté est parfois sans bornes : je pensais que dans un pays démocratique, on respectait l’opinion, même quand elle se trompe (éventuellement). L’opinion est contre les OGM, mais le vrai pouvoir est pour. Et donc, habillage. Borloo est une splendide costumière.

Quant aux pesticides, je trouve accablant ce qui se prépare. L’industrie, que j’ai le malheur de connaître de près pour cause de livre (Pesticides, révélations sur un scandale français), a compris depuis un moment qu’il fallait changer de présentation. Eh oui, 60 ans d’empoisonnement dans l’impunité ont fini par lasser. Incroyable, non ?

Et elle a anticipé, car elle sait, à notre différence, et travaillé sur des produits actifs à des doses bien plus réduites que ceux qui sont sur le marché. Autrement dit, lecteurs, l’industrie des pesticides est déjà D’ACCORD pour réduire les volumes à épandre. Mais elle demeure, mais nous demeurons tous incapables de décrire et d’apprécier l’empoisonnement universel dans lequel nous sommes plongés. Je veux dire que tout peut changer et changera, à la condition essentielle que rien ne change.

Et où est le procès ? Qui paiera pour le chlordécone aux Antilles ? Qui paiera pour le paraquat ? Qui paiera pour les nappes, les rivières, les sols pollués pour des décennies ? Pour les paysans malades ? Qui assumera la responsabilité des cancers ? Des maladies neurologiques ? De la stérilité ? Qui dira la justice ? Le Grenelle de l’environnement ? J’ai les lèvres gercées, je passe mon tour.

Allons, restons calme et poli. M. Borloo, roi des bulles, du champagne et des petits fours, nous attend pour nous serrer la main. Ah ! Jean-Louis, tu n’aurais pas changé de cravate, par hasard ?

(1) http://www.lefigaro.fr/

Un Grenelle (Bis repetita)

J’ai écrit ici, il y a deux jours, un article consacré au Grenelle de l’environnement, ce rendez-vous prévu fin octobre, à Paris. Il réunira les services de l’État, dont notre grand héros à tous Nicolas Sarkozy, la plupart des associations de défense de la nature, et les amis de toujours que sont le Medef, la FNSEA, ainsi que quelques autres lobbies solidement installés, comme il se doit, dans les coulisses.

Bon, il s’agit d’un rendez-vous présenté partout ou presque comme historique. Certains pensent ou affirment que la France en sortira meilleure, dotée d’une stratégie, appuyée sur des mesures fortes et cohérentes, susceptibles d’inverser le courant. D’affronter, en somme, la crise écologique gravissime dans laquelle nous sommes plongés.

Je ne reviens pas sur les arguments qui me font regarder cela avec tristesse. En revanche, je peux vous dire que les premières réactions à mon précédent article m’étonnent grandement. Car j’en ai reçu. Venant de responsables de la protection de la nature. Qui siègent dans des instances, comme on dit. Bien entendu, cela n’est pas représentatif. Mais instructif, oui.

Voici donc quelques extraits. De ce responsable de France Nature Environnement, que je connais bien : « Nous venons de lire ton coup de gueule sur ton site, sur le « Grenelle ». Une fois de plus, on est sur la même longueur d’onde. Sarko est un génie de l’embrouille et de la manipulation (…)
Notre réponse n’est pas faite en commentaire sur ton site, car nous ne voulons pas aggraver les choses. C’est là que ton commentaire pose problème: si la dislocation du mouvement associatif n’a pas été planifié par Sarko dans le cadre du Grenelle, c’est en tout cas le résultat le plus probable. Pour nous, la principale action dans ce cadre, c’est justrement d’essayer de recoller les morceaux. D’où le fait que ce message que nous t’adressons, pour marquer notre accord sur le fond, doit rester aussi entre nous ».

Si ce texte est signé « nous », c’est que ce responsable le cosigne avec une autre personne.

Autre réaction de cadres de terrain, très actifs, très connus, et reconnus. La lettre exprime un point de vue collectif : « J’ai jeté un coup de d’oeil à ton site : simple et clair. Ce qui m’a permis de lire rapidement ton analyse du Grenelle de l’environnement. Je t’avoue, que depuis ce rendez-vous pris, ça cause ! Ici dans notre trou, on regarde cette mascarade de très loin et avec le mauvais pressentiment qu’il n’en sortira rien de bon ni pour l’environnement, ni pour les assoc ».

Troisième réaction, qui figure en commentaire d’ailleurs : « Au départ, il y a tromperie sur l’étiquette. Le ” Grenelle” de 1968 avait été le résultat d’une grande bagarre. Après plusieurs semaines de grève
générale, l ‘Etat et les employeurs avaient été contraints de lâcher prise… (mon maigre salaire de jeune salarié avait doublé !). Il est évident que sans ce rapport de forces préalable il n’y aurait eu aucun résultat, pas même de négociations. Alors pourquoi avoir utilisé le même terme, ” Grenelle”, sinon pour faire illusion, puisqu’il n’y a pas eu de ” grande bagarre” en matière de protection de la nature et que l’on assiste seulement à des escarmouches isolées (type OGM, ortolans, vraie-fausse candidature de Nicolas) ? Parler aujourd’hui de ” Grenelle de l’environnement “, comme si le rapport de forces nous était favorable, est donc une mascarade ».

Enfin, une naturaliste connue, ô combien, d’un bout à l’autre de la France, m’adresse un petit mot privé pour me dire qu’elle s’apprête à quitter ses importantes fonctions dans le mouvement associatif. Le Grenelle aura été la goutte d’eau de trop.

Rien de cela ne peut se prétendre représentatif, je me répète. Mais je ne pensais pas, je vous le jure, exprimer un point de vue aussi répandu. Ainsi donc, il y a une marge, des marges. Et la discussion doit s’ouvrir. Enfin !

Qui veut produire des millions ? (de bagnoles)

L’histoire est superbe. M. Christian Streiff est un héros de la France. Ce capitaine d’industrie hors pair a commencé sa carrière de patron à Saint-Gobain, fleuron de notre patrimoine. Il y aura tout fait, ou presque, passant du secteur canalisations à celui de la fonderie, de la fibre de verre aux céramiques et aux plastiques. En 2005, au moment de son départ, il est directeur général délégué de cette multinationale. Encore bravo.

Mais, mais un détail est caché dans le paysage. Plus qu’aucune autre entreprise française, Saint-Gobain, c’est l’amiante. « La compagnie Saint-Gobain a occupé un rôle leader sur le marché français et même au-delà, grâce à ses filiales, aux Etats-Unis et au Brésil en particulier, où elle avait acquis des mines d’amiante (1) ». Jusqu’à l’interdiction définitive du matériau en France, en 1997, après des dizaines d’années de désinformation, le groupe a fabriqué et vendu des milliers de tonnes d’objets contenant ce minéral cancérigène. Chez nous, pas besoin de dessin : les ouvriers – car ce crime est social – tombent comme des mouches. Et continueront.

Peut-être vaut-il la peine, aussi, d’aller voir ailleurs. Pour le seul premier trimestre de l’année 2005 – notre excellent Streiff est alors encore en poste -, 6 000 litiges liés à l’usage de l’amiante par Saint-Gobain ont été enregistrés aux États-Unis (2). À cette date, le « stock de litiges », comme disent mes amis boursiers, atteignait 102 000. Je simplifie : 102 000 personnes avaient déposé plainte aux États-Unis contre Saint-Gobain. À cause de l’amiante. Merci qui ?

En 2006, reprenons le cours de la vie exemplaire de M.Streiff, notre homme est nommé membre du Comité exécutif d’EADS et Président exécutif d’Airbus. Vous savez, les gros navions, dont l’A380, qui sera fatalement une « bombe climatique », pour reprendre l’expression de Jean-Marc Jancovici.

Enfin, en février 2007, M.Streiff remplace Jean-Martin Folz à la tête de PSA-Peugeot Citroën. Pendant quelques mois, ce qui est bien normal, l’ami Christian réfléchit à la manière de vendre plus de voitures dans un monde qui rencontre pourtant quelques autres problèmes. Il y a deux jours, eurêka. PSA se fixe, à l’horizon 2010, trois objectifs majeurs. Un d’un, faire passer les ventes de ouatures à 4 millions d’unités par an, soit 700 000 de plus qu’en 2006. Marchés visés : la Russie, l’Amérique du sud, la Chine. Et de deux, atteindre une rentabilité sur chiffre d’affaires comprise entre 5,5 % et 6 %. Et de trois, devenir le numéro 1 de la voiture « propre ». Je mets des guillemets, car bien entendu, personne ne sait ce qu’est une voiture « propre ». Celles qu’on passe au kärcher, peut-être ?

N’empêche. M. Streiff est un modèle sarkozien comme on n’aurait osé inventer. Ainsi que dirait madame Lagarde – elle l’a fait le 10 juillet 2007, devant l’Assemblée nationale -, « assez pensé ! », désormais. Il faut avancer, foncer, défoncer. Les peuples, les pays et leurs territoires, le climat, et créer au passage des embouteillages jusqu’au fond de la forêt amazonienne, dans la moindre bourgade chinoise, au milieu de la taïga. M. Streiff, chantre du développement durable. Je suggère de créer une nouvelle expression plus hip, plus peps, plus entraînante : le développement éternel. Comme la mort du même genre.

(1) www.senat.fr/rap/r05-037-1/r05-037-15.html

(2) www.boursier.com/vals/FR

Une France provinciale (à propos de Suez et GDF)

Franchement, il y a de l’abus. J’écoute les commentaires sur la fusion enfin réalisée entre Suez et GDF. L’impunité sociale des gens de pouvoir est telle qu’elle autorise les plus évidentes grossièretés. Ainsi, les patrons français des deux entreprises annoncent-ils à l’antenne, en compères qui se tutoient, que l’opération n’aura aucun effet négatif sur l’emploi du futur géant.

Quels amuseurs ! Comme si cela avait la moindre importance ! Comme s’ils pouvaient garantir quoi que ce soit à propos d’un processus lourd, qui prendra des mois, et qui se règlera comme les autres, de manière à satisfaire actionnaires et boursicoteurs ! Je rappelle que notre vaillant président de la République, celui qui parle vrai et n’a peur de rien, avait promis et juré que GDF ne serait pas privatisé et que la part de l’État dans le capital ne descendrait pas sous la barre des 70 %. Ah, charmant bonhomme !

Mais cela, c’est les autres. Eux. Et nous, amis lecteurs, qui acceptons tout avec une si désarmante facilité ? Je lis le lundi 3 septembre dans le quotidien Libération deux articles qui ont la singularité de se faire face, en pages 14 et 15. C’est merveilleux. Une démonstration parfaite des limites de la presse actuelle, fût-elle de gauche bien sûr. Page 14, le chercheur belge François Gemenne annonce : « Le changement climatique pourrait faire doubler le nombre de migrants ». C’est-à-dire que le nombre de réfugiés, essentiellement écologiques, passerait de 100 à 200 millions d’humains. Vous avez envie d’être réfugié ?

Page 15, un papier sur la fusion GDF-Suez. Le même jour, Le Monde parle, autour du même sujet, de « dénouement heureux » et de « fusion stratégique ». Je plains les journalistes spécialisés dans l’économie, qui voient toute la réalité au travers d’un prisme si déformant qu’il affirme constamment le faux. Je les plains. Personne ne s’avise de rappeler quelques fortes évidences. Par exemple, un groupe comme GDF a-t-il le moindre intérêt à voir diminuer la consommation de cette matière première géniale autant que malfaisante appelée gaz naturel ?

Non, certes. GDF a tout au contraire besoin que les sociétés humaines continuent de cramer du gaz. Et donc d’aggraver une crise climatique qui bouleverse la vie sur terre. Tant pis pour les futurs vagabonds du climat. Où sont donc les journalistes qui vous parlent de cela ? Et combien de pages de pub en quadrichromie sont-elles destinées aux journaux libres de notre pays libre, pour annoncer le bel événement de la fusion GDF-Suez ?

Suez, justement. Apparemment, le pôle Environnement de Suez devrait être filialisé. Et nos commentateurs, forts de leur indécrottable provincialisme, oublient de nous parler de ce qui se cache derrière ce mot attrape-tout, ailleurs qu’en France, surtout ailleurs. Environnement, que de crimes commis en ton nom…

Je vais à l’essentiel. Suez est (encore) l’un des géants mondiaux de l’eau. Question stupide : l’entreprise a-t-elle intérêt à ce que l’eau, les eaux, toutes les eaux du monde ne soient pas polluées ? Bien sûr que non. Son chiffres d’affaires dépend en partie du niveau de contamination des eaux dites brutes, qui rapporteront d’autant plus qu’elles devront être traitées. Ainsi, sans même recourir à la polémique, je puis dire que Suez a besoin de nappes et de rivières ressemblant à des égouts.

Autre question imbécile : Suez militera-t-elle un jour pour que l’eau devienne un bien inaliénable de l’humanité (et des autres êtres vivants) ? Cela m’étonnerait légèrement. Alors qu’un mouvement mondial se dessine, au Sud, pour retirer l’eau du marché – au fait, vous en avez entendu parler ? -, Suez bagarre comme elle peut pour la privatisation généralisée.

J’ai quelques lumières sur le sujet, que je vous livre aussitôt. En Bolivie, Suez s’est fait lourder en 2005, il n’y a pas d’autre mot, par le gouvernement. En 2000, les pauvres de La Paz et El Alto avaient commencé un combat au couteau – symbolique – contre la privatisation de l’eau. On leur imposait une augmentation des tarifs de 300 %, portant la note de l’eau à 20 % du revenu familial moyen. « Propriétaire » de l’eau là-bas ? Aguas del Illimani, c’est-à-dire Suez. Une manifestation de 500 000 personnes a eu lieu à La Paz contre notre noble entreprise. Vous le saviez ?

En Argentine, même chose ou presque. Aguas Argentinas – Suez, bien sûr – a dû quitter le pays début 2006, à la suite d’une renationalisaton de l’eau décidée par le président Nestor Kirchner. Sachez qu’en 2002, dans ce pays dévasté par la crise économique, Suez, sûre de sa force, exigeait une augmentation massive des tarifs. Refusé. Le gouvernement argentin, considérant que 42 % des habitants de La Matanza – un immense quartier pauvre de Buenos Aires, où s’entassent 1,2 million de personnes – n’avaient pas d’eau potable, a préféré se passer des services de Suez.

Voilà. C’est l’heure de la fusion, et des effusions nationales. La France est grande, qui se dote d’un géant de l’énergie. La France est sotte, et ses « observateurs » regardent le doigt plutôt que de regarder la lune. Dormez en paix, braves gens, Suez-GDF veille sur votre avenir. Moi, je suis du genre insomniaque.