Archives de catégorie : Industrie et propagande

L’industrie du mensonge

(Bretagne Vivante 9)

Je ne devrais pas vous le dire, car je vis de ce métier, mais le journalisme se porte honteusement mal. Honteusement. Ce n’est certes pas la première fois dans son histoire, vous le savez tous, mais les temps présents sont réellement calamiteux.

Pour le dire (trop) vite, nous sommes passés des Ordonnances de 1944 – l’euphorie de la Libération créait une presse enfin délivrée de ses liens avec l’industrie – au culte permanent de la marchandise. Des secteurs essentiels appartiennent déjà aux philanthropes Lagardère et Dassault, fabricants d’armes, ou à Bouygues, roi du béton. À quelques exceptions, l’acte d’achat volontaire du lecteur est devenu second. Ce qui prime, c’est la vente d’espaces qui devraient pourtant être réservés à l’information. Bienvenue dans le monde de la bagnole, du pétrole et de ses dérivés, des lessives, du plastique, des objets inutiles et coûteux, place au gaspillage sans limite.

La pub n’est-elle pas l’industrie du mensonge ? Et le moins qu’on puisse écrire, c’est qu’elle n’est pas l’amie de la nature. Arrêtons-nous sur deux exemples. Le premier, à l’heure où je vous écris, donne lieu à un procès. D’un côté l’industrie des pesticides, ou plutôt son faux-nez, l’Union des Industriels de la Protection des Plantes (UIPP). De l’autre des associations qui lui reprochent d’avoir lancé en février une campagne de publicité géante dans la presse, qui devrait durer six mois. À main droite un système, des millions d’euros, une presse toujours plus dépendante de la publicité. De l’autre, nous. Nous, qui savons bien quel poison infernal est caché dans la chimie de synthèse. Nous, tous réunis : combien de divisions ?

Le second exemple vous a peut-être échappé. Greenpeace a révélé, s’appuyant sur le travail d’un laboratoire néerlandais, que la presque totalité des grands parfums contiennent des produits inquiétants. Notamment des esters de phtalate et des muscs de synthèse. Ces molécules s’attaquent tantôt à l’ADN, tantôt aux spermatozoïdes ou à notre système hormonal.

Et ? Nos journaux, écrits ou télévisés, auraient dû consacrer gros titres et copieux dossiers à cette incroyable dégradation de nos conditions de vie. Au lieu de quoi, (presque) rien. Je ne vous ferai pas l’injure de vous proposer une conclusion, tant elle est évidente. À quand la révolte ?

Les patrons s’engagent

C’est peut-être le livre le plus drôle de la rentrée. Sans doute, même, car lorsque des grands patrons parlent d’écologie, le fou rire est pratiquement garanti. Dans l’ouvrage qui vient de paraître au Cherche Midi (1), 21 patrons expliquent leur conception du développement durable, qui est comme on s’en doute singulière. Question à Thierry Desmarest, P-DG de TotalFinaElf :  » Dans votre entreprise, le concept de développement durable est-il avant tout synonyme de protection de l’environnement ? « .Réponse d’icelui :  » Ce serait restrictif « . C’est beau, mais ça devient magnifique avec Francis Mer, ci-devant patron d’Arcelor, et aujourd’hui ministre de l’Economie.

Rappelons, pour mieux goûter encore le propos, qu’Arcelor est un fabricant d’aciers destinés surtout à la bagnole, aux emballages, à l’électroménager. En Europe, trois boîtes de boisson en acier sur dix viennent des hauts-fourneaux d’Arcelor. Or donc, un temple du gaspillage et du non-sens écologique. A la question :  » Qu’est-ce que le développement durable ? « , après quelques phrases convenues, Mer lâche le morceau.  » J’insiste, fait-il, au moins autant sur le mot développement que sur le mot durable.  »

Tout est de la même veine. Jean-Marc Espalioux, qui dirige Accor – 3700 hôtels dans 90 pays – s’interroge gravement sur les risques que le tourisme de masse fait courir à l’écologie et conclut ainsi une belle tirade sur les efforts de son entreprise :  » Ailleurs, c’est le nettoyage des plages qui sera privilégié. Les initiatives locales sont nombreuses et encouragées « .

On ne sait finalement à qui décerner la palme, car tous sont épatants, excellents comme à leur habitude. A Maurice Lévy, peut-être ? Le patron de Publicis – près de 21 000 salariés dans le monde entier – aura plus contribué que beaucoup à la dévastation de la France et du monde. L’industrie du mensonge qu’est la publicité commande, au moins en partie, aux journaux les plus réputés, diffuse des envies folles jusqu’au fin fond de la planète, développe durablement frustration, rancoeur et rancune chez des milliards d’humains.

Y a-t-il oeuvre plus noble ? Non, on peut le garantir. La preuve par Lévy, qui est, soit dit en passant, un philosophe.  » En réfléchissant un peu, assure-t-il, je suis tenté de dire que le développement durable est un triptyque composé de trois valeurs : éthique, connaissance et responsabilité.  » Bien, on y voit déjà plus clair. Méditons pour finir ce profond aphorisme du même :  » Rêver d’un monde meilleur, c’est la plus belle chose que l’on ait à faire, ne serait-ce que pour mieux s’évader de la réalité « .

(1) Développement durable, 21 patrons s’engagent, par Pierre Delaporte et Teddy Follenfant. Le Cherche Midi, 170 pages, 17 euros
Cette chronique a paru en septembre 2002 dans le numéro 715 de Politis

La Chine au bord du collapsus

juillet 2002 (Politis)

Tout va pour le mieux en Chine, où la croissance atteint encore 7% par an. La bagnole individuelle triomphe, Shanghaï passera bientôt devant Hong-Kong, et l’Occident y vend centrales nucléaires et bonnes céréales. Mais le krach écologique menace pourtant : le désert est aux portes de Pékin, les villes manquent d’eau, la crise agricole semble sans issue.

Longbaoshan, un village de 700 habitants situé à 70 km au nord-ouest de Pékin, est désormais célèbre dans toute la Chine. Une dune de sable s’en approche à la vitesse fulgurante de 8 à 9 mètres par an, et n’en est plus qu’à une soixantaine de mètres. L’avancée du désert et les tempêtes de sable sont devenus des sujets de conversation obsédants, jusque dans la presse officielle.
Pour cause : chaque printemps, Pékin devient jaune, rouge, orange, au point parfois que la circulation s’arrête et que les piétons ne peuvent plus avancer que masqués. Ce smog surchargé de particules vient tout droit de Mongolie intérieure, et il fait trembler les bureaucrates, qui en arrivent à craindre pour les Jeux Olympiques, prévus en 2008.

Que se passe-t-il ? On le sait parfaitement : la déforestation massive, le surpâturage, la surexploitation des sols et un usage devenu fou de l’eau changent la Chine en un grand pays malade. 2,7 millions de km2 – cinq fois la France ! – sont d’ores et déjà désertiques, dont 1,74 million seraient d’origine humaine, et au moins 3 500 km2 de plus le deviennent chaque année. Lester Brown, l’ancien président du WorldWatch Institute, était sur place fin mai, et ses conclusions sont rafraîchissantes en diable. Selon lui, si l’on ne trouve pas le moyen de lutter contre les tempêtes de sable, des dizaines de millions de Chinois pourraient, à terme, devenir des réfugiés écologiques.

Si cela doit se produire, ils ne seronts pas seuls. L’absurde, le démentiel chantier du barrage des Trois Gorges, sur le fleuve Yangtsé (centre) doit chasser, selon des chiffres officiels sans doute sous-évalués, 1,1 million de villageois et créer d’ici 2009 un lac de retenue de…600 km de long. On épuiserait le lecteur à détailler la folie écologique de cette aventure hors-normes. Deux mots, tout de même : les autorités chinoises admettent que 4,4 milliards de mètres cubes d’eaux usées, 6,68 millions de tonnes d’ordures ménagères et près de 10 millions de tonnes de déchets industriels sont déversés chaque année dans le Yangtsé, à l’amont du projet de barrage.

Dans ces conditions, l’accumulation de sédiments largement toxiques, à l’arrière de la digue géante, ne pourra que transformer la retenue d’eau en un cloaque. Le poids de l’eau contre l’ouvrage pose un autre problème redoutable. Cet hiver, une centaine d’experts chinois et taïwanais réunis sur le site des Trois Gorges ont conclu leurs travaux en affirmant que la masse de l’eau pourrait provoquer des séismes allant jusqu’à 5,5 sur l’échelle de Richter.

Mais Pékin s’en moque. Mais Shanghaï la miraculeuse, qui est en train, avec ses centaines de gratte-ciel, d’éclipser Hong-Kong, a trop besoin d’électricté pour allumer ses paillettes. Un nouveau barrage vient d’être lancé dans le sud-ouest du pays, sur la rivière Hongshui, qui sera, triomphe l’agence de presse officielle Chine nouvelle,  » le plus grand de Chine et d’Asie après le projet des Trois Gorges du Yangtsé « . Plus de trois milliards de dollars d’investissement, et un nouveau saccage géant.
Ce n’est que trop clair : la Chine est en train de sacrifier aux mirages du développement la presque totalité de ses grands cours d’eau.

En vain ou presque, car les besoins sont désormais démentiels. Sur les 640 plus grandes villes chinoises, 300 connaissent des pénuries d’eau, dont 100 très graves. Pékin n’y échappe pas et le gouvernement a été obligé en catastrophe d’annoncer 3 milliards de dollars d’investissement pour tenter de trouver une solution. L’un des deux grands réservoirs qui alimente la ville en eau potable est fermé pour cause de pollution depuis…1997, et les nappes phréatiques sont surexploitées au point que les quartiers de l’est se sont enfoncés, par un phénomène de dépression, de 70 cm en quarante ans. Ce ne sont pas des écolos millénaristes qui rapportent de vagues rumeurs, mais la presse locale elle-même : l’an dernier, la revue Zuojia Wenzhai faisait même état d’un projet de déménagement de Pékin vers des cieux plus cléments !

Et l’on pourrait, et l’on devrait tout passer en revue. La pollution de l’air ? Elle est hors-contrôle. Les villes chinoises, empuanties par la combustion de charbon et la circulation automobile, sont parmi les plus gravement atteintes dans le monde. A Shanghaï, entre 65% et 100% des enfants – ! -, selon les quartiers, ont des niveaux de plomb dans le sang supérieurs aux normes américaines. Et malgré les proclamations des autorités, la situation ne peut que se détériorer. Il y a environ 1,7 millions de voitures individuelles à Pékin, mais la ville prévoit qu’elles seront au moins 3 millions en 2008. Au niveau national, c’est encore plus incroyable : le nombre d’automobiles devrait être, d’ici 2020, de 13 à 22 fois ce qu’il était en 1998. Oh, ça va être beau !

D’ailleurs, ça l’est déjà. La ville industrielle de Lanzhou, dans le nord-ouest de la Chine, a carrément décidé l’an passé d’ouvrir une échancrure dans l’une des montagnes qui l’entourent. Vous avez bien lu : on va percer un vaste trou au sommet d’une montagne pour y faire passer un peu d’air. C’est, affirme la municipalité, le seul moyen de soulager les 2,5 millions d’habitants, dont beaucoup ne se déplacent plus qu’avec un masque. Commentaire d’un responsable local :  » Lanzhou, c’est comme une pièce dans laquelle on fume et qui n’a ni portes ni fenêtres.  »

Une telle soif de consommation, on s’en doute, n’est guère favorable à la nature sauvage. En Chine même, des espèces emblématiques comme le panda ou le dauphin de rivière vivent leurs dernières saisons, du moins en liberté. Le tigre, l’ours, utilisés et martyrisés par la pharmacopée chinoise, ne valent guère mieux, et même les serpents – 43, sur les 209 recensés – sont menacés. Mais les besoins chinois sont tels que toute l’Asie, et notamment ses dernières forêts tropicales, sont dévastées pour satisfaire ce que nos libéraux appellent un  » marché émergent « .

Pékin a multiplié ses importations de bois provenant de Papouasie Nouvelle-Guinée par 12 en seulement 6 ans. Profitant de liens anciens avec le Surinam, la Chine s’apprête même à tailler sur ce territoire américain, en y envoyant paraît-il ses bagnards, l’une des plus belles forêts primaires du globe. L’extraordinaire croissance chinoise, redescendue – 7% tout de même en 2001 – après voir dépassé les 10% annuels, n’est évidemment ni durable ni souhaitable.

Elle nous est simplement nécessaire pour qu’Areva – notre nouveau monstre national – puisse continuer à vendre sur place ses centrales nucléaires, pour qu’Alstom installe davantage de turbines géantes, comme celles des Trois Gorges, pour que Renault-Nissan et PSA poursuivent leur belle expansion, pour que nos productions agricoles, dopées par les pesticides et les subventions, inondent le prodigieux marché chinois. Arrêtons-nous sur ce dernier point. A l’automne 1995, le si peu regretté Philippe Vasseur, alors ministre de l’Agriculture, déclarait sans rire à la radio :  » La Chine va devenir le premier importateur mondial de céréales. Il faut être sur place, il faut y être, c’est notre chance !  »

Le comble, c’est qu’il avait raison, au moins sur un point : la Chine va bien devenir le plus grand importateur de céréales, probablement même de l’histoire humaine. Les raisons en sont multiples. D’abord, l’irrigation, qui est l’une des clés de la productivité agricole, ne pourra jamais suivre le rythme actuel. Tant les cours d’eau que les nappes – par ailleurs, on l’a vu, très pollués -, sont désormais surexploités. Les surfaces globales ensuite, déjà fort réduites en Chine, diminuent à grande vitesse, à cause de l’érosion – 37% des sols sont touchés – et de l’explosion des infrastructures – villes, routes, industries -, qui dévorent sans relâche les meilleures terres. Près de 620 000 hectares, selon des chiffres officiels, ont disparu en 2001.

Mais par un paradoxe réellement saisissant, le pire n’est peut-être pas là. L’augmentation du niveau de vie moyen, impressionnante depuis vingt ans, risque de déstabiliser à terme, et dans des proportions géantes, le marché mondial des céréales, clé évident de notre avenir commun. Comment ? Lester Brown, qui fut agronome, a tenté en 1995 dans un livre très dérangeant, Who will feed China ? (Qui nourrira la Chine ?) de montrer ce que pourrait donner, sur fond de croissance, le changement de régime alimentaire des Chinois. Fatalement, ils mangent et mangeront toujours plus de viande et d’oeufs, boiront davantage de bière, etc.

Or, ils sont 1,3 milliard et sont chaque année 13 millions de plus. Et, rappelle Brown,  » produire  » une tonne de poulet coûte deux tonnes de céréales, et quatre pour le même poids de porc. Le résultat de tout cela à l’horizon 2030 ? La Chine sera obligée d’importer entre 200 et 369 millions de tonnes de céréales chaque année. Bien plus, en toute hypothèse, que ne pourra en offrir le marché mondial. La Chine sera-t-elle le premier pays à connaître un collapsus écologique, qui en entraînerait fatalement d’autres ? C’est désormais ce qu’on est en droit de craindre, et qu’il faudrait éviter à tout prix. A tout prix. Mais comment arrêter une telle mécanique ?

La banque des escrocs et des criminels associés

Publié dans le numéro 669 de Politis, le 4 octobre 2001

La croisade de l’Amérique contre l’argent sale ne doit pas faire oublier qu’elle est, en ce domaine, un spécialiste mondial, comme le démontre la fantastique aventure de la BCCI. Au programme de cette banque engloutie en 1991, terrorisme planétaire, trafic de drogue et soutien aux pires dictatures. Mais c’était, bien entendu, au service de la liberté

M. Bush fils – W – fait les gros yeux : tremblez terroristes, et gare à l’argent sale ! Mais on n’est pas obligé d’apprécier les bluettes et de tout prendre au pied de la lettre. L’histoire que nous allons vous raconter est autrement passionnante.

En 1967, le cheikh Zayed bin sultan al-Nahyan, émir d’Abu-Dhabi, rencontre un banquier pakistanais qui va devenir son ami, son partenaire : Agha Hasan Abedi. Ce dernier n’est pas qu’un froid financier : on rapporte qu’il savait, à l’occasion, fournir aux proches de l’émir de jeunes vierges très attentionnées (1). En 1972 en tout cas, Zayed et Abedi créent une banque clairement  » islamique « , qui vise officiellement à mobiliser l’argent des pétromonarchies au service du développement des pays musulmans.

La Bank of Credit and Commerce International (BCCI) est-elle d’emblée une arnaque ? Probablement pas. Car l’affaire est avant tout politique, et américaine. Les actionnaires du départ sont certes Arabes pour la plupart – outre Zayed, on trouve parmi eux Khalid bin Mahfuz, le propriétaire de la banque personnelle du roi Fahd d’Arabie saoudite -, mais bien plus curieusement, l’influente Bank of America, américaine comme son nom l’indique, souscrit elle aussi au capital, pour 2,54 millions de dollars. Le trait d’union s’appelle peut-être Kamal Adham. Milliardaire, ce Saoudien est un actionnaire minoritaire de la BCCI, mais c’est aussi un homme-clé du régime de Riyad, qui a fondé les services secrets de son pays, en très étroite association avec la CIA. Simplifions : Adham est l’homme des Américains, en tout cas de la CIA.

Que vient faire cette dernière dans cette banque islamique ? On va le voir. Les premières années sont modestes et il faut attendre 1976 pour que les premières succursales soient ouvertes en Europe et en Afrique. En Amérique, c’est un temps plus compliqué, car la Bank of America s’est retirée en 1978. Or le marché américain est stratégique, et la BCCI va réussir un coup de maître extraordinaire en embauchant un certain Clark M. Clifford.

Qui est-il ? Une légende vivante. Né en 1906, il sera pendant plus de soixante l’an l’un des plus puissants hommes d’influence aux Etats-Unis. Appartient-il lui-même à la CIA ? Probablement : c’est lui en tout cas qui rédige, à la sortie de la Seconde guerre mondiale, certains des textes juridiques fondateurs de l’agence de renseignements. Conseiller proche du président Truman jusqu’au début des années cinquante, il conserve l’oreille de Kennedy dix ans plus tard, et devient même en 1968 le très puissant secrétaire d’Etat à la défense de Lyndon B. Johnson, en pleine guerre du Vietnam.

C’est cet homme-là, qui sait tout des secrets de l’Amérique, qui devient le digne employé de la BCCI aux Etats-Unis, lui permettant d’acheter, clandestinement et illégalement, des établissements bancaires américains. Dont la First General Bankshare, qu’il dirigera lui-même. Etonnant, non ? Cette fois, la combine est réellement lancée. Arrivée au faîte de sa puissance, la BCCI emploiera 14 000 salariés, totalisera des dizaines de milliards de dollars de dépôts, comptera 400 bureaux et 40 filiales dans 73 pays. A la fin des années 80, la BCCI est la septième banque privée du monde !

Les pauvres du Pakistan et d’Egypte, des Philippines ou d’Indonésie, du moins ceux qui travaillent dans les Emirats du Golfe, ont massivement confié leurs économies à cet établissement qui respecte si bien le Coran. Ils ont tort. Les riches aussi ont déposé leur argent, mais ceux-là ont raison. Au fil des années, on voit apparaître des clients réellement surprenants. Le cartel de la drogue de Medellin ainsi, a choisi la BCCI pour blanchir ses bénéfices par dizaines de millions de dollars. Manuel Noriega de même : ce chef d’Etat du Panama, agent de la CIA et trafiquant de cocaïne, aura jusqu’à neuf comptes à son nom. Tout à côté, Jean-Claude Duvalier, l’ami des tontons macoutes de Haïti, profitera d’une bienveillance identique.

Mais la BCCI ne connaît aucune frontière : en Asie, Ferdinand Marcos, maître des Philippines, est un client fidèle. De fameux marchands d’armes, comme le Saoudien Adnan Kashoggi, y font valser les milliards. Côté terrorisme, cela n’est pas mal non plus : Abou Nidal, le Ben Laden des années 80, a compte ouvert, tout comme d’ailleurs ses ennemis du Mossad, ainsi que l’OLP et Saddam Hussein, la Libye, etc.

C’est une pétaudière, mais du genre organisé. Et en large partie, par les services américains, dont elle est un instrument de pouvoir et de renseignement peut-être sans égal. Car la BCCI servira à monter, sur le plan financier, les coups les plus tordus de l’oncle Sam. Elle sera au centre du ravitaillement des moudjahidins afghans pendant la guerre contre l’Union soviétique, permettra d’encaisser les prix des livraisons d’armes clandestines américaines à l’Iran et d’envoyer une partie des mêmes sommes aux contras antisandinistes du Nicaragua.

Il n’est pas sans intérêt de le rappeler : M. Bush père est l’un des personnages-clés de ces différents épisodes, connus sous le nom global d’Iran-Contragate. L’Amérique aura bien mérité de cet homme, directeur de la CIA en 1976, puis vice-président des Etats-Unis, enfin président. Et grand moraliste, comme son fils. Hélas : après vingt années de si beaux efforts, la BCCI sombre, en 1991, dans une invraisemblable banqueroute. La banque, où s’enchevêtraient tant d’intérêts occultes, privés ou publics, avait fini par être incontrôlable, même par les Américains, et des clans démesurément gourmands, notamment autour d’Abedi, y pratiquaient des pillages colossaux.

Deux grains de sable – le douanier américain Robert Mazur, puis le District Attorney de New York Robert M. Morgenthau – déclenchent par leurs enquêtes, de proche en proche, une catastrophe financière mondiale. Combien d’argent a disparu dans la tourmente ? On ne le saura jamais : certains parlent de plusieurs dizaines de milliards de dollars. On ne connaît pas – on a le droit d’avoir des idées – les bénéficiaires de ce hold-up d’anthologie, mais on connaît les perdants.

En vrac, mais la liste est interminable : la Sécurité sociale du Togo et les chemins de fer du Zimbabwe – ruinés tous deux -, 130 000 petits épargnants britanniques – en grande partie d’origine pakistanaise -, les fonctionnaires du Cameroun, dont la paie ne peut plus être assurée, ceux du Congo dit Brazzaville. Devant les succursales de dizaines de pays du Sud, au lendemain de la fermeture définitive de la BCCI, le 7 juillet 1991, des dizaines de milliers de modestes clients pleurent et trépignent devant des agences barricadées.

Définitive ? Eh non, pas pour tout le:monde. Rebaptisée par ses propres employés, qui ont perdu leurs fonds de retraite au passage, The Bank of Crooks and Criminals Incorporated – la banque des escrocs et criminels associés -, la BCCI continue à fonctionner après sa fermeture officielle. Qui le dit, qui le prouve ? Un personnage hors du commun, coauteur avec le journaliste Denis Robert (voir ci-dessous son interview) d’un livre renversant, Révélation$.

Ernest Backes est un ancien cadre supérieur d’un établissement financier luxembourgeois, Clearstream, d’une puissance colossale. Or il découvre que les hommes de la BCCI au Luxembourg – le Grand Duché est l’un des centres de l’affaire – ont loué, après la fermeture judiciaire de la banque tout un étage de l’hôtel Intercontinental de la capitale. De là, ils continuent de donner des ordres de virement, comme si de rien n’était, grâce à Clearstream. Le 8 aôut 1991, par exemple, plus d’un mois après la banqueroute,100 millions de francs d’actifs sont soustraits de comptes normalement sous séquestre, et envoyés sur un compte des plus mystérieux, dit non publié, attribué à la Banque générale du Luxembourg sous l’intitulé 32506 BGLCLIEN.

Bien entendu, personne ne paiera jamais pour le scandale de la BCCI, professionnellement étouffé au Pakistan, dans les émirats, mais aussi en Angleterre et aux Etats-Unis, qui auraient eu tant à craindre d’un véritable coup de projecteur. L’argent sale ? Il fait tellement de bien à l’économie mondialisée et aux services secrets qui assurent sa défense aux quatre coins de la planète ! Avez-vous noté ? Dans les premiers jours qui ont suivi les attentats du 11 septembre, on se bousculait presque pour dénoncer les barbares qui avaient spéculé à la baisse – ah, ce délit d’initié terroriste ! – sur les valeurs de l’assurance, du transport aérien ou de la banque.
Et puis, soudain, plus rien. Les bourses du monde entier ont envoyé aux enquêteurs – qui l’ont parfaitement enregistré – un message sans ambiguïté. Il n’est pas possible, parce qu’il n’est pas souhaitable, de chercher les organisateurs de ces juteuses opérations. Et pourtant, comme l’explique et le démontre Révélation$, le livre de Robert et Backes, c’est faisable, et même facile. Mais pas dans ce monde-ci.

(1) Voir le livre très informé de Philippe Madelin, L’or des dictatures, Fayard, 1993

« Si on retire du circuit l’argent du crime, l’économie mondiale s’effondre »

Le journaliste Denis Robert, coauteur du livre Révélation$, a découvert ce qu’il appelle le  » centre névralgique des finances parallèles « , un établissement de clearing luxembourgeois. Il explique ici les liens entre l’économie officielle et l’argent noir

Il faut lire et même se jeter sur le livre de Denis Robert et Ernest Backes, Révélation$ (Les Arènes, 450 pages, 138 francs). Le premier est journaliste et romancier, et il est devenu l’un des plus acharnés pourfendeurs de la corruption. Le second est un Luxembourgeois, ancien cadre supérieur d’un des plus gros organismes financiers de la planète, le très peu connu Clearstream. Créé en 1970 sous le nom de Cedel, Clearstream est une chambre de compensation qui permet à deux clients – individus, entreprises, banques – d’échanger en toute confiance, et à toute vitesse, fonds et valeurs. Dans le monde entier s’il vous plaît : dans les tuyaux d’un tel monstre, des milliers de milliards de dollars circulent chaque année. C’est la cible parfaite de la taxe Tobin !

Or, expliquent les deux dans leur ouvrage fracassant, un système parfaitement opaque a été caché à l’intérieur de Clearstream, sous la forme de comptes non publiés, attribués même, parfois, à des clients occultes. Clearstream serait devenu, de la sorte, la plus grande lessiveuse de l’argent sale dans le monde. Imparable ? Tout au contraire : les transactions passent dans des tuyaux qu’il serait finalement simple, techniquement, de surveiller. Et il y a encore mieux : la trace du moindre des transferts est conservée sur des microfiches, réalisées en double exemplaire et conservées scrupuleusement. Révélélation$ montre que les Etats, s’ils en avaient la volonté politique, pourraient enfin s’attaquer à l’argent noir. Avis à la coalition antiterroriste.

Politis : Existe-t-il selon vous des liens entre l’affaire de la BCCI et celle de Clearsream, qui est au centre de votre livre Révélation$ ?

Denis Robert : Mais bien entendu ! Nous avons démontré, avec Ernest Backes, que la Cedel, – l’ancien nom de Clearstream -, a permis à la BCCI, qui disposait d’un compte chez elle, d’opérer un mois après sa fermeture légale un véritable détournement de fonds. Et l’on retrouve aujourd’hui les mêmes acteurs que dans l’histoire de la BCCI, car les blanchisseurs d’aujourd’hui, et parmi eux les terroristes, vont évidemment aux systèmes les plus performants en matière d’opacité. Or, Clearstream est probablement un champion du monde en matière d’opacité. On est là au coeur du capitalisme, là où se nouent à la fois spéculation et mondialisation.

Politis : A vous lire, et à vous suivre, Clearstream est le scandale du siècle. Pour le moins !

D.R : Je le crois, parce que j’ai mis le doigt sur le centre névralgique des finances parallèles. Quand je publie les listes de compte, le nom de filiales de banques françaises à Vanuatu ou aux îles Caïman, je brise une sorte d’omerta. Personne ne m’attaque sur le fond du livre. En revanche, on me fait des procès sur des points de forme qui visent à m’intimider et à me faire payer des frais d’avocat. J’attends de vrais procès !
Car j’ai les preuves de ce que j’avance dans mon livre, et notamment la preuve du blanchiment systématique. N’oublions pas que les huit principaux responsables de Clearstream, l’une des plus importantes multinationales de la finance, ont purement et simplement sauté à la suite de la publication de Révélation$. Croyez-moi, faire sauter André Lussi, le patron de Cleartream, qui voit passer chaque année cinquante mille milliards d’euros par an sur ses comptes, c’est plus difficile que de faire sauter Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la Banque de France !

Politis : Un tel travail, qui a duré deux ans, n’est sûrement pas simple à mener. Avez-vous été menacé ?

D.R : J’ai été menacé, oui, et j’ai été suivi à plusieurs reprises, mais surtout des témoins importants ont fait l’objet de graves pressions. Depuis la sortie du livre, c’est le rouleau compresseur : 25 avocats, qui ont travaillé 24 heures sur 24 pendant un mois, ont cherché des parades et en ont d’ailleurs trouvé plein.

Politis : Revenons-en au livre. Contrairement à ce que beaucoup pensent, vous affirmez que toutes les transactions laissent des traces et que donc, si une volonté politique existait réellement, on pourrait savoir qui fait quoi ?

D.R : Exactement. Techniquement, des opérateurs de Cleartream scannent les transactions sur des microfiches. Entre 30 et 50 microfiches chaque jour, et sur chacune, 500 pages de format A 4. Il y a deux jeux, l’un caché dans un coffre pour 15 ans, et l’autre qui sert au service Opérations en cas de litige. Les jeux que je me suis procuré proviennent d’un insider, un homme de l’intérieur de la structure. De même, je me suis procuré une liste de comptes d’avril 2000, qui sont tous les comptes ouverts chez Clearstream, dont certains ne sont pas publiés et qui sont à la base de ce système opaque.

Politis : Pourquoi ces informations n’ont-elles jamais percé ?

D.R : Mais beaucoup de journalistes financiers sont purement et simplement à leur solde ! Tous ces types que j’ai cotoyés et parfois filmés au cours de mon enquête, ne posent jamais de questions. Pour eux, le clearing serait un outil de gestion technique, parfaitement neutre, alors qu’il s’agit d’un formidable appareil politique.

Politis : Comme l’était la BCCI ?

D.R : Evidemment. Où est passé l’argent de la banqueroute, les 50 à 100 milliards de dollars qui se sont évaporés ? Si on allait chercher dans les microfiches de 1991, qui dorment au siège de Clearstream, sans doute le saurait-on. Quand on parle avec certains responsables de grandes banques en privé, certains n’hésitent pas à dire : si on retire du circuit l’argent du crime, l’économie mondiale s’effondre.

On avance et puis on voit

Ce que révèle la vache folle, c’est le dérèglement généralisé de sociétés qui produisent du poison aussi facilement qu’une table ou une chaise. Voici pourquoi le principe de précaution ne réglera rien sur le fond.

Le principe de précaution, comme si souvent les grands principes, demeure une farce. On voit ainsi ces derniers jours – difficile de ne pas penser à une pure et simple diversion – un M.Chirac l’agiter comme un grigri, un joker, exactement comme si cela pouvait lui servir de sauf-conduit. Question impunité, cet homme semble s’y connaître.

On peut comprendre son inquiétude : ministre de l’Agriculture et du développement rural sous Pompidou – il y a un siècle environ -, il fut le chantre absolu de l’industrialisation des campagnes. Aucun politique encore en poste n’a, plus que lui, la responsabilité de ce qu’est devenue la France paysanne : un vaste dépotoir à pesticides, où poussent des herbes folles et des animaux malades, ou inversement.

Mais à quoi bon s’apesantir ? Le vrai mal est tout de même ailleurs :  en règle très générale, tout se passe comme si l’économie et ses nombreux agents avaient le droit permanent d’expérimenter sur la société les produits et trouvailles qui servent leurs intérêts. L’amiante, ce doux matériau qui tuera sous peu 10 000 prolos chaque année – nettement plus que les accidents de la route -, aura été utilisé en France pendant un siècle, avant son interdiction en 1996. Dès 1906 pourtant, un inspecteur du travail de Caen s’était rendu compte de ses épouvantables dangers : dans une usine de Condé-sur-Noireau, spécialisée dans le textile amiante, l’asbestose avait tué 50 ouvrières et ouvriers en cinq ans. Et ce n’est pas le principe de précaution qui a arrêté le massacre : c’est le scandale, comme pour les farines animales. Et la trouille des maxiprocès, la seule arme véritablement efficace contre ceux qui préfèrent l’argent à la vie. Voir le cas des marchands de tabac.

En vérité, sans un sursaut social qu’on a pour l’heure du mal à imaginer, le vrai principe de précaution restera longtemps un slogan pour les bateleurs et les faiseurs. A l’évidence, c’est dans la lutte contre l’effet de serre qu’il serait aujourd’hui le plus utile. M.Chirac – tiens donc, encore lui ? – sera à La Haye le 20 novembre, pour la conférence sur le réchauffement climatique et devrait y annoncer que la France  » prendra ses responsabilités « . Des bulles de savon, comme il aime tant en faire : la gravité du problème, constamment réévaluée par les scientifiques depuis douze ans, commanderait des mesures drastiques, entre autres dans le domaine de la bagnole et des transports.

Voit-on bien le président, dont l’année 2002 est une sorte de bout du monde, mettre en cause le mythe de la croissance, cette cause nationale qui réunit si bien la droite et la gauche ?
Allons. Il n’oubliera certainement pas de rappeler au passage que grâce à l’atome, la France émet beaucoup moins de gaz à effet de serre que d’autres. En oubliant opportunément que l’ensemble du système électronucléaire repose sur l’exact opposé du principe de précaution. Quand les nucléocrates arrachèrent en 1973-1974 à un Pompidou moribond le droit de bâtir leur empire de la peur, ils étaient, ni plus ni moins, des expérimenteurs sauvages. Le nucléaire civil, à cette échelle, était une grande première mondiale, et c’est sans doute cela qui les grisait.

On ne serait pas étonné d’apprendre plus tard, quelque jour lointain, qu’on a échappé plus d’une fois, dans ces folles années, à une vraie grande catastrophe. Au reste, est-il raisonnable – et même rationnel – de penser que jamais un gros bug ne se produira dans les installations françaises ? Rappelons la règle du jeu, dûment validée à Tchernobyl : en cas de coup dur, c’est une région entière qui disparaît pour l’homme, et pour longtemps. La France sans le Cotentin et la Normandie, sans vallée ni châteaux de la Loire, peut-être sans Alsace-Lorraine. Y songent-ils ?

Mais non. Ils sont bien trop contents de suivre le grand adage napoléonien, ce véritable étendard de l’époque :  » On avance, et puis on voit « . Pour ça, on voit, on voit de plus en plus. Et même incomparablement dans le secteur de la chimie, qui concentre bien des drames à venir. Le chercheur André Cicolella, ce citoyen exemplaire qui se bat contre les éthers de glycol depuis 16 ans, et qui dut affronter, souvent seul, de puissantes coalitions, vient enfin d’obtenir de la Commission de sécurité des consommateurs – strictement consultative – un avis recommandant l’interdiction de ces bombes tératogènes et cancérogènes dans les produits de consommation. Combien de siècles, à ce rythme-là, faudra-t-il pour les interdire sur les lieux de travail, où environ un million de personnes y sont exposées ?

Et la dioxine, qui tue en France chaque année, selon une estimation officielle du Comité de prévention et de précaution, entre 1800 et 5200 personnes ? Un lobby industriel particulièrement efficace, présent jusque dans l’inattaquable Académie des Sciences, est parvenu en quelques années seulement à doter la France d’un fort juteux parc de plusieurs centaines d’incinérateurs géants d’ordures ménagères. C’est la principale source des dioxines.

Quant aux pesticides, il faudrait un livre, des livres, de véritables bottins pour évoquer toutes les tragédies, surtout au Sud, dont ils sont les coupables. On soupçonne leur responsabilité dans une infinité de maladies et toubles graves : cancers, dysfonctionnements hormonaux et de la reproduction, diminution stupéfiante du nombre moyen de spermatozoïdes dans l’éjaculat, etc. Même les chiffres officiels ne parviennent plus à masquer qu’il se passe quelque chose de très, très troublant. Car de 1975 à 1995, selon le secrétariat d’Etat à la Santé, les cancers ont augmenté en France de 21% chez les hommes et de 17% chez les femmes. Crotte : on croyait que les pollutions, grâce aux efforts de MM.Chirac et Mitterrand notamment, n’avaient cessé de diminuer depuis trente ans.

Il doit y avoir un truc. Et en effet : le principe de précaution n’est pas bien loin d’être objectivement inapplicable. Voici pourquoi : jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, la chimie restait confinée à quelques utilisations industrielles. Savez-vous bien qu’on ne distribuait pas alors de sacs plastique par milliards ? Entre 1940 et 1982, la production mondiale de substances synthétiques a été multipliée par…350. En 1992, les glorieux Etats-Unis ont sorti de leurs usines 220 millions de tonnes de produits chimiques carbonés, soit 800 kilos par personne. Au total, 100 000 produits chimiques différents sont actuellement en vente et 1000 nouveaux viennent les rejoindre chaque année. Une fraction négligeable – 100, 200 peut-être – est testée avant la mise sur le marché, et seulement pour une partie de leurs effets possibles.

Le pire, aussi vertigineux que cela paraisse, n’est pas là : personne, aucune institution humaine n’est seulement capable d’imaginer quelles interractions provoquent ces masses colossales. Entre elles, avec l’environnement, in fine avec nous. A la fière devise de l’empereur rappelée un peu plus haut, on préférera celle de Garcia Lorca : » El optimismo es propio de las almas que tienen una sola dimension « . L’optimisme appartient aux âmes qui n’ont qu’une dimension.
Publié dans le numéro 625 de Politis, novembre 2000