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Comment bidonner le débat sur l’énergie ?

Cet article a été publié dans Charlie-Hebdo du 21 novembre 2012

Avant de vous laisser avec ce papier, un commentaire s’impose : vous ne trouverez la plupart des informations qu’il contient nulle part ailleurs. C’est un fait. Qui me fait réfléchir à cette rude question : qu’est donc une information utile ? Et par voie de conséquence : à quoi sert de déterrer des faits ? Notez que ce ne sont que des questions, pas des conclusions. Voici l’article :

Carton plein pour Delphine Batho, ministre de l’écologie. Pour organiser un débat sur l’énergie, elle prend quatre partisans du nucléaire et du pétrole, plus une anguille politicienne. Chapeau bas.

Vous ne connaissez pas Laurence Tubiana ? C’est un tort, les gars et les filles. Les socialos, à peine au pouvoir, avaient promis une grande discussion publique sur ce que les gens sérieux appellent la « transition énergétique ». C’est-à-dire le passage d’une économie menée par le charbon, le pétrole, le gaz et le nucléaire à une autre, encore dans les limbes, où domineraient les renouvelables, à commencer par le solaire et l’éolien. On appelle cela le « débat sur l’énergie ».

Ce que les socialos avaient oublié de dire, c’est que l’arnaque était au programme. Résumons : la ministre de l’Écologie, Delphine Batho, annonce le 10 novembre la composition d’un comité de pilotage comprenant cinq « personnalités ». Citons Anne Lauvergeon, ancienne patronne d’Areva, militante du nucléaire. Puis Pascal Colombani, ancien administrateur du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), militant du nucléaire. Enfin Bruno Rebelle, ancien de Greenpeace et remarquable anguille.

Rebelle a fait la campagne de Royal en 2007, puis tenté de torpiller en 2008 la candidature Voynet l’écolo à Montreuil, où il a figuré sur la liste municipale de Brard, ancien stalinien, tout en animant un microcourant interne au PS. Il faut suivre. Après avoir tenté de couler Voynet, il rejoint Europe Écologie (EELV) en juillet 2009, juste après le triomphe des écolos aux élections européennes. Un pur hasard, sûr. Mais début 2012, alors que se profile la victoire de Hollande, il retourne au PS. Quelle énergie, hein ?

Bon, et les deux autres ? Voyons le cas Tubiana.  C’est un monument du « développement durable », oxymoron bien connu. Madame Tubiana est de tous les comités Théodule, en France comme ailleurs, et elle est férocement de gauche, puisqu’elle a été conseillère de Jospin quand celui-ci était Premier ministre en 1997. Parmi tant d’autres breloques, elle est directrice de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales), sorte de gros think tank associé à Sciences Po. Racontons à ce propos une belle histoire, qui se passe le 19 octobre 2007 à Paris.

Ce jour-là, l’Iddri invite pour une conférence celui qu’on appelle au Brésil le « roi du soja », Blairo Borges Maggi en personne. Sa boîte, Grupo André Maggi, est le plus grand producteur de soja dans le monde. Or quelques semaines auparavant, le journal Le Monde a mis en cause Maggi dans la déforestation massive de l’Amazonie, et l’heure a sonné d’une grande opération de « communication ». Grâce à l’Iddri. Précisons que le soja, transgénique en l’occurrence, était inconnu au Brésil vers 1970, et qu’il y occupe aujourd’hui des dizaines de millions d’hectares. Au détriment de la forêt ? Et des Indiens, et des petits paysans ? Devine. C’est ce philanthrope que madame Tubiana invite à faire sa pub à Paris, le 19 octobre 2007, sous les applaudissements de l’Iddri. Titre de la conférence :  « Production agricole, commerce et environnement, le cas de l’État du Mato Grosso ».

À ce stade, posons cette horrible question : qu’est donc l’Iddri ? Qui paie les raouts, les conférences, les billets d’avion ? Madame Tubiana elle-même ? Peut-être, ou pas. On trouve dans le collège des fondateurs les entreprises suivantes : EDF, EpE, GDF Suez, Lafarge, Saint-Gobain, Veolia Environnement. Et dans EpE, d’excellents garçons comme Bayer, BASF, Vinci, EADS, et même Total. Madame Tubiana est bien entourée, et peut noblement piloter le débat sur l’énergie, pas ? Reste le cinquième personnage du comité Batho. Lauvergeon, Colombani, Rebelle, Tubiana : qui est le dernier ? Eh bien, il se nomme Jean Jouzel, et il est climatologue.

Est-ce tout ? Non. Il siège au conseil d’administration de l’Iddri, en compagnie de Total – le pétrole -, EDF – le nucléaire – et GDF Suez – le gaz. Pour ne rien vous cacher, il est même président de l’Iddri que dirige madame Tubiana. Est-ce tout ? Non. Il a fait toute sa carrière scientifique au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Cette fois, on y est, le compte est bon.

Brennilis, une centrale nucléaire pour l’éternité

Ce texte a été publié le 7 novembre 2012 dans Charlie-Hebdo

Ce devait être la vitrine du démantèlement des centrales nucléaires. C’est devenu une gabegie. Un foutoir dont les travaux ont commencé en 1985. Dernier gag : EDF ne sait plus où mettre les déchets, et ne peut donc plus démonter le réacteur.

Ils vont finir par avoir la médaille. Dernier exploit en date de la nucléocratie méritante : Brennilis, une centrale nucléaire dont le démantèlement a commencé en 1985. Le bled d’à côté – 450 habitants – se trouve dans les Monts d’Arrée, au cœur de la Bretagne. Sur la carte postale, on peut voir une petite rivière – l’Elez -, deux affluents – le Roudoudour et le Roudouhir -, un marais – le Yeun Elez -, et le lac de Saint-Michel. Le tout fut très beau jusqu’en 1962, car c’est alors que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) y commence la construction d’une centrale 100% française.

Brennilis est une modeste gagneuse : entre 1967 et 1985, elle produit 6,235 TWh (milliards de kWh), à comparer aux 10 TWh crachés chaque année par une centrale comme la bonne vieille Fessenheim. Après dix-huit ans de déambulateur et de pas de sénateur, on arrête tout en 1985, car les meilleures expériences ont une fin. Il ne reste plus qu’à démanteler, ce qui ne saurait être que plaisanterie pour nos grandioses atomistes associés. Seulement, ça merdoie. La commission Peon, qui a lancé tout notre programme électronucléaire, avait prévu un coût de démantèlement de 19,4 millions d’euros. La cour des Comptes, dans un rapport de 2005, l’établissait à 480 millions, soit la bagatelle de 25 fois plus. Et c’est loin d’être fini.

De 1985 à ces derniers jours, sans jamais se presser, nos excellents amis déchargent le combustible, vidangent les circuits, décontaminent et démontent les bâtiments. Sauf le réacteur, que l’on confine en attendant les beaux jours. Pendant des années, ces messieurs de l’atome promettent un « retour à l’herbe » en lieu et place de la centrale. Comme par un coup de baguette magique, il ne restera rien de cette si belle aventure. Le préfet du Finistère – entre 1992 et 1996 – Christian Frémont déclare en 1995 : « EDF, le CEA, les grandes entreprises et l’ensemble des intervenants ont déclaré leur intention de faire de cette opération une vitrine. Il faudra y veiller ». Tu parles, Charles ! Frémont quitte son poste et vole vers des postes plus prestigieux : il sera directeur de cabinet de Borloo au ministère de l’Écologie, puis directeur de cabinet de Sarkozy entre 2008 et sa si malheureuse défaite de 2012.

Brennilis, pendant ce temps, rouille sur pied. Et fuit. Une étude de la Crii-Rad établit en 2007 que la centrale, qui n’a plus l’autorisation d’émettre quelque rejet radioactif que ce soit, continue à le faire. Il y a du tritium dans l’air et en certains points, des concentrations de 3 000 becquerels par kilo de césium 137, alors qu’on ne devrait pas en trouver plus de 50. Cette même année 2007, on apprend que le réacteur, une fois démantelé, ira croupir dans l’Ain (au Bugey), où doit l’accueillir une usine construite par EDF, au doux nom d’Iceda (Installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés).

Quand ? Mañana por la mañana, demain ou un autre jour. En 2007 toujours, le Conseil d’État annule un décret autorisant le démantèlement total pour « insuffisance d’information de la population ». Pour une vitrine, ça la fiche bien. Commentaire inspiré de Bertrand Dubuis, responsable EDF de Brennilis, dans la foulée (Le Télégramme, 10 octobre 2007) : « Nous préparons actuellement un nouveau dossier. Nous le déposerons au mois de juin prochain en espérant pouvoir reprendre le chantier mi-2009 et réaliser le démantèlement total à l’horizon 2020 ».

Mais le mieux était encore à venir, et Charlie vous remercie d’avoir attendu si longtemps. Le 22 octobre 2012, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) envoie balader EDF, proprio de Brennilis, et lui refuse de procéder à un démantèlement complet. Tout est une fois de plus bloqué, et pour des années. La farce est particulièrement goûteuse, car l’explication l’est. Brennilis ne peut être démantelée, car ses déchets doivent aller dans l’Ain. Or, crotte de bique, le tribunal administratif de Lyon a annulé le permis de construire de l’usine Iceda, mettant tout le projet à terre.

Résumons pour les malentendants : le réacteur de Brennilis devait être envoyé dans l’Ain, et stocké dans une usine EDF spécialement conçue. Mais l’usine étant dans le lac, Brennilis est contrainte de conserver son réacteur jusqu’à des jours meilleurs, qui risquent de se compter en décennies. La nouvelle promesse des nucléocrates : la fin du démantèlement en 2025. On les croit sur parole.

Un reportage d’Hervé Kempf (sur Notre-Dame-des-Landes)

Je vous invite à découvrir le beau travail que le journaliste Hervé Kempf consacre à la grande bagarre de Notre-Dame-des-Landes. Hervé travaille au Monde, mais il signe d’autres papiers sur le site qu’il a créé, Reporterre. Un mot personnel : je connais Hervé depuis le numéro 1 du défunt journal Reporterre, en 1988. Je ne sais pourquoi il m’avait demandé un feuillet ou deux sur le chant des oiseaux. Je lui avais en tout cas remis un bien mauvais articulet. Pour le reste, je crois pouvoir dire, avec joie, qu’il est un ami.

J’espère que vous êtes bien arrivés à Notre-Dame-des-Landes, ce lieu dont parleront plus tard les petits-enfants de ce monde.

Pour lire le texte d’Hervé Kempf : http://www.reporterre.net/spip.php?article3490

Les bons tuyaux du Figaro (sur Notre-Dame-des-Landes)

Le journalisme policier existe-t-il ? C’est à se demander. L’affaire du vigile blessé par des jeunes, tout près de Notre-Dame-des-Landes, a été copieusement exploitée. Par les promoteurs de l’aéroport dont je vous rebats les oreilles, et cela fait du monde. Mais d’où venait donc l’information de départ, sur laquelle le flan médiatique s’est étalé ? Eh bien de l’exemplaire quotidien appelé Le Figaro. Sous la plume du grand reporter Christophe Cornevin, et sous la forme affriolante, comme vous le verrez plus bas, d’une INFO LE FIGARO, qui marque, dans le jargon de la profession, une exclusivité.

Le Figaro disposant d’une formidable information, il en a fait un scoop. Faut vivre. Passons au commentaire. Le chapeau, c’est-à-dire cette sorte de résumé du papier, en gras, dit que la victime « a été grièvement brûlée aux mains et aux bras ».  Quelle horreur, hein ? Grièvement signifie gravement. Une brûlure grave, a fortiori sur des parties importantes du corps, se conclut souvent par une greffe de peau. On imagine l’homme ainsi atteint sur un lit de souffrance, à l’hôpital. Non ?

Or l’article ne reprend aucunement l’affirmation selon laquelle le vigile aurait été brûlé. Vous lirez comme moi, et à deux reprises, « blessé ». Il y a donc eu montage. L’homme n’est pas brûlé, mais l’émotion a depuis belle lurette tout emporté. Donc, blessé. Gravement ? En ce cas, on imagine des soins intensifs, une perfusion, des blouses blanches, un bulletin de santé. Mais non, les amis, le blessé grave se retrouve avec une Incapacité temporaire totale (ITT) de travail de cinq jours. Cinq. Que vienne le temps où tous les blessés graves de la Terre recevront une ITT de cinq jours seulement !

Continuons. Qui donne l’information ? Mystère. Qui la commente ? Un sous-préfet. Que raconte pour sa part le vigile ? Confirme-t-il le récit donné par le journaliste, qui visiblement n’a pas interrogé la victime supposée, fût-ce au téléphone ? Non. Où cela se passe-t-il ? Près de Notre-Dame-des-Landes, bien entendu, car tout l’édifice repose sur une association géographique entre le lieu de l’agression supposée et la présence dans le bocage de la Bande à Bonnot. Mais où ? Je vous conseille de bien lire, car voici ce qui est écrit : « sur une zone de délaissement où située à proximité de l’endroit où devrait s’installer le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes ».

Est-ce seulement du français ? Non. Tout le reste n’est qu’accusations sans preuve contre le mouvement en cours dans le bocage nantais. Je me permets de poser cette autre question : mais qui est donc Christophe Cornevin, grand reporter au Figaro ? Vous trouverez, après le texte sur l’agression du vigile, un article signé Daniel Schneidermann, en date du 17 novembre 2008. C’est instructif.  Je précise pour ceux qui ne suivent pas l’actualité que l’accusation contre ceux de Tarnac, et notamment Julien Coupat et Yldune Lévy, est tombée à l’eau à force de manipulations et de montages policiers et judiciaires. Oui, lisez cet article de 2008, et je ne doute pas que vous m’en direz des nouvelles.

ET À PART CELA, N’OUBLIEZ PAS LE GRAND RENDEZ-VOUS DE NOTRE-DAME-DES-LANDES, LE SAMEDI 17 NOVEMBRE ! QUANTITÉ DE COLLECTIFS ONT ÉTÉ CRÉÉS, ÇA PROMET !

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1/LE PAPIER DU FIGARO QUI A LANCÉ TOUTE L’AFFAIRE

       Notre-Dame des Landes : un vigile blessé dans la nuit

       Par Christophe Cornevin Mis à jour

INFO LE FIGARO – La victime, prise à partie par une vingtaine d’inconnus dans        la nuit de lundi à mardi, a été grièvement brûlée aux mains et aux bras. Sa voiture a été   incendiée.

Un vigile a été grièvement blessé dans la nuit de lundi à mardi alors que ce dernier surveillait un ancien squat évacué par décision de la justice sur la commune de Fay de Bretagne (Loire-Atlantique), sur une zone de délaissement où située à proximité de l’endroit où devrait s’installer le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Vers 3 h 30, l’agent de gardiennage a été pris pour cible par une vingtaine d’inconnus cagoulés et armés de gourdins alors qu’il était posté, au volant de sa voiture, devant une maison récemment évacuée. Les agresseurs ont aspergé son véhicule de produit inflammable. «Ils ont discuté pour savoir s’ils le laissaient dedans avant de finalement le sortir et le rouer de coups», a précisé Michaël Doré, sous-préfet de la région Pays de la Loire. Le vigile est parvenu à s’enfuir, pieds nus, tandis que les inconnus ont incendié son véhicule.

La victime a été blessée aux mains et aux avant-bras et a été admise aux urgences du centre hospitalier de Nantes où elle s’est vue délivrer 5 jours d’ITT.

Les agresseurs ont pris la fuite avant l’arrivée du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig). L’enquête a été confiée à la Compagnie de Chateaubriand.

750 hectares à bitumer

Le projet de transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes est au cœur de vives polémiques et de violentes manifestations.

Environ 500 personnes selon la police, 3.000 à 3.500 selon les organisateurs, se sont encore rassemblées samedi dernier à Rennes contre ce projet porté par le premier ministre Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, réclamant le maintien des terres agricoles et dénonçant le bétonnage et un «projet obsolète».

Le projet va couvrir «1.650 hectares, avec une surface à bitumer de 750 hectares dans un premier temps», a assuré un organisateur. Situé à 30 km au nord de Nantes, le projet a été confié au groupe Vinci, qui chiffre son coût à 560 millions d’euros.

Gendarmes blessés en novembre

«En lançant les opérations d’expulsion des occupants de la zone, de destruction de leurs habitats et de leurs biens, Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et actuel premier ministre, a choisi de mettre la force publique au service d’intérêts privés», avait fait valoir samedi Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de Gauche, dans un communiqué.

Dès le 7 novembre dernier, six gendarmes ont été blessés sur le site dans des heurts avec des opposants au projet, selon un bilan de la préfecture de Loire-Atlantique. Les forces de l’ordre, qui intervenaient pour libérer une route des barricades qui y avaient été érigées, ont été attaquées par une «quarantaine d’assaillants particulièrement résolus». Ils utilisaient «des bouteilles incendiaires, des frondes et des projectiles métalliques».

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                    2/ Le papier de Daniel Schneidermann dans Libération du 17 novembre 2008

Fabrication d’épouvantails, mode d’emploi

Par SCHNEIDERMANN Daniel

Stupeur et consternation ! Les terroristes «d’ultragauche» accusés par la ministre de l’Intérieur d’avoir saboté des caténaires de TGV, vivaient paisiblement à Tarnac, petit village de Corrèze. Ils y tenaient même l’épicerie-bar. Les habitants du village expriment tout le bien qu’ils pensaient de leurs commerçants uniques. Qu’à cela ne tienne. Les journaux télévisés unanimes brodent sur la clandestinité du groupe, «qui avait balancé ordinateurs et téléphones portables». Une épicerie, peut-être, mais «une épicerie tapie dans l’ombre», précisa fort sérieusement un journaliste de France 2.

Le journalisme policier est un art difficile. Il ne s’agit pas seulement de recueillir les confidences des enquêteurs, et de tenter tant bien que mal de séparer infos et intox. Il faut encore leur donner la forme d’un roman conforme à ce qu’attendent, selon les cas, les lecteurs, la hiérarchie du journal, ou le ministère. D’où la fabrication ultrarapide «d’épicerie tapie dans l’ombre», d’un «commando» composé d’un «cerveau» et de «lieutenants» réfugiés dans un «QG» ou de «nihilistes potentiellement très violents».

Fabrication, ou résurrection ? Aux plus âgés d’entre nous (disons, les quadragénaires bien avancés) les journaux télévisés de la semaine dernière auront au moins rappelé leur jeunesse. Aux «prêcheurs barbus des caves», aux «gangs ethniques des banlieues», a en effet succédé une autre catégorie de «méchants», bien oubliée, «la mouvance anarcho-autonome». Et resurgissent pêle-mêle les fantômes des glorieux prédécesseurs de MAM, Michel Poniatowski (ministre de Giscard), ou même Raymond Marcellin, titulaire du poste sous Pompidou.

Dans ce concours de fabrication d’épouvantails, notre confrère du Figaro, Christophe Cornevin, se classe hors catégorie. Les ultraépiciers de Tarnac, aux yeux du Figaro, étaient «en totale rupture de ban avec la société», «embarqués dans un mode de vie altermondialiste, vivotant pour certains du négoce de produits agricoles, fuyant le regard des rares riverains qui les entouraient, ces apprentis terroristes de la gauche ultra présentaient un profil bien particulier. Agés de 25 à35 ans pour le plus âgé, ces nihilistes considérés comme «potentiellement très violents» étaient articulés autour d’un petit «noyau dur» d’activistes déjà fichés pour divers actes de violences et de dégradation. A priori, aucun d’entre eux ne travaillait. «Cela ne correspondait pas à leur philosophie», lâche un enquêteur. Les femmes de la bande, quant à elles, sont plus volontiers dépeintes sous les traits de « filles de bonne famille issues de la bourgeoisie de province ». Un profil somme toute guère étonnant au regard de la jeune fille chic en Burberry qui répondait au nom de Joëlle Aubron à l’époque d’Action Directe».

Paresse, lâcheté, violence, trahison de sa classe d’origine : tous ces traits de caractères individuellement, sont inquiétants. Regroupés, ils composent un tableau terrifiant. Le lendemain, le titre d’un article du même journaliste nous apprend que «l’ADN est au cœur de l’enquête». Mais au cœur de l’article… rien sur les preuves ADN.

A croire d’ailleurs que la fabrication d’épouvantails médiatiques est une spécialité en soi. Une recherche au sujet de Christophe Cornevin dans le moteur Google, donne une idée de l’ampleur des compétences du confrère. «Une dizaine de lascars sont affalés sur les bancs de la salle des pas perdus de la 23e chambre correctionnelle, écrit le journaliste. Agés de 17 à 22 ans, ils sont dans leur écrasante majorité originaires d’Afrique noire» (7 septembre 2007, article intitulé «L’essor des gangs africains dominés par le vol et la violence»). «Les barbus s’activent derrière les barreaux», titre leFigaro en septembre. Détails : «Ces religieux clandestins se sont radicalisés en surfant sur Internet, confie un haut responsable de l’AP. Ils distillent des fragments de sourates pouvant faire référence à la violence et reprennent un discours moyenâgeux pour convertir leurs compagnons de cellule.»

Mais lorsque la tendance des épouvantails vire au modèle «trader fou», notre artisan sait aussi se reconvertir, comme dans cette description balzacienne des objets saisis lors d’une perquisition chez l’ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel : «Sur une table placée aux abords de l’impressionnant écran plat qui trône dans la pièce principale, ils ont notamment trouvé deux téléphones portables, un livre de réglementation bancaire, un numéro de la revue Investir intitulé «Comment s’enrichir en 2008», une canette entamée, une boîte de cigares Monte-Cristo et un exemplaire du Coran comprenant une version arabe et sa traduction en français.»

Ça ferait rire, si ça ne faisait pas peur. Ça ferait peur, si ça ne faisait pas rire.

Kempf et Superno sur Notre-Dame-des-Landes

Je ne le dirai jamais assez : la bagarre de Notre-Dame-des-Landes est essentielle pour tout écologiste qui se respecte. Je n’ai pas le temps d’y insister, et vous donne donc à lire deux textes qui ne sont pas de moi. D’abord une chronique d’Hervé Kempf, parue dans son journal, Le Monde. Ensuite un billet du blogueur lorrain Superno. Je les salue tous les deux.

Une cause nationale

Hervé Kempf – 21 octobre 2012

Le lourd silence de Cécile Duflot, de José Bové, de Daniel Cohn-Bendit, de Nicolas Hulot et de tant d’autres sommités, le désintérêt des médias, la passivité d’Europe Ecologie Les Verts, le « courage fuyons » des élus PS informés des enjeux écologiques, l’apathie de la grande majorité des associations environnementales, le désir si manifeste de tout ce joli monde de tourner la page n’y font rien : ce qui s’est déroulé cette semaine et se poursuit ces jours-ci autour de Notre Dame des Landes, en Loire-Atlantique, est vital, crucial, essentiel. Si ceux pour qui les mots « crise écologique » veulent dire quelque chose perdent cette bataille, si cet aéroport se faisait, le mouvement écologique en serait aussi durablement affaibli qu’il l’avait été, en 1977, par les événements de Creys-Malville.

On s’étonne que ne soit pas comprise l’importance de ce bras de fer. Mais peut-être faut-il, de nouveau, en expliquer les enjeux. Il s’agit, donc, d’un projet d’aéroport qui occuperait près de 2000 hectares de terres au nord de Nantes. Vieux d’une quarantaine d’années, il a ressurgi au début des années 2000. La résistance tenace, non violente, assise sur des expertises solides, de paysans, d’élus, d’écologistes, de citadins, d’habitants anciens et nouveaux, a retardé le projet. Elle a permis de voir que se cristallisent ici toutes les problématiques qui forment le complexe écologique de ce début du XXIe siècle. Ce n’est pas Trifouilly-les-Oies, c’est une cause nationale.

Alors que le Programme des nations unies pour l’environnement vient d’annoncer que les zones humides, essentielles à la biodiversité et à la régulation des écosystèmes, ont perdu dans le monde la moitié de leur superficie depuis un siècle, on s’apprête en France à détruire un site dont 98 % des terres sont des zones humides. Alors que semaine après semaine, les climatologues publient des études montrant la gravité du changement climatique, on s’apprête en France à construire un aéroport qui stimulera le trafic aérien, important émetteur de gaz à effet de serre. Alors que l’artificialisation des sols et la disparition des paysans sont officiellement déplorées, on la planifie ici, ce qui la justifiera ailleurs. Alors que le pouvoir du capital et les partenariats public-privés sont partout dénoncées, on donne les clés du projet à la multinationale Vinci.
Il y a des moments où il faut savoir dire non. Il est temps que se fassent entendre ces « Non ».

Source : Cet article est paru dans Le Monde daté du 21 octobre 2012. On peut le trouver ici : http://www.reporterre.net//spip.php?article3367

Superno (ici)

 

Assourdissant silence médiatique sur la guerre civile contre l’écologie à l’Ayraultport de Notre-Dame-des-Landes

[La démocratie et l’écologie selon Jean-Marc Ayrault. Cette photo a été prise ces dernières heures à Notre-Dame-des-Landes. Je n’en connais pas l’auteur, mais s’il se fait connaître je le créditerai et le remercierai.]

Ce qui se passe en ce moment même à Notre-Dame-des-Landes est un scandale véritable. Et le deuxième scandale, c’est que tout le monde s’en fout !

La télé, les grands médias, n’en parlent quasiment pas. Un entrefilet sur France Info, un bandeau de quelques secondes sur Itélé, point barre. Ah si, un petit article dans “Le Monde”, un autre sur rue 89. Mais rien dans les JT nationaux.

Sur Internet, c’est à peine mieux. Il faut dire que depuis que Hollandréou et sa clique ont pris le pouvoir, la plupart des blogueurs “de gauche” sont de plus en plus mal à l’aise, le cul entre deux chaises, et se ridiculisent à défendre des gens et des trucs indéfendables (genre le TSCG et le prix Nobel à l’UE). Et puis il faut bien dire qu’il y a des sujets autrement plus importants . Ah, si c’était Sarkozy qui s’était amusé à faire la même chose, c’eût été la révolution !

Je ne suis même pas sûr que chacun d’entre vous connaisse les détails du projet de Notre-Dame-des-Landes, et sache ce qui se passe là-bas, maintenant.

Je vais donc essayer de vous le résumer.

Tout d’abord, il y a déjà un aéroport à Nantes, l’aéroport de Nantes Atlantique (anciennement Château-Bougon), à quelques kilomètres au sud-ouest de la ville. Un bel aéroport, d’ailleurs. En place depuis des dizaines d’années. 3 200 000 passagers par an. Et capable d’en accueillir bien plus, puisque lorsque le volcan islandais a fait des siennes, ce sont 20 000 passagers par jour qui y sont passés dans des conditions correctes. On peut donc supposer que son seuil de saturation est au delà de 7 millions de passagers par an.

Il a même obtenu en 2011 le prix européen du meilleur aéroport décerné par l’ERA (European Region Airlines Association). C’est dire s’il est pourri et bon à jeter.

Au passage, il y a au total 14 aéroports dans l’ouest de la France. Cela pourrait sembler suffisant…

Seulement voilà. Aéroport ancien et opérationnel, ça veut dire possibilité de bétonnage supplémentaire limité. Pas bon pour la “croissance”. Et pas bon pour le bétonneur Vinci, société multinationale bien connue pour sa rapacité et son influence sur les politicards, et qui cogère l’aéroport de Nantes Atlantique.

Le maire de Nantes depuis plus de 20 ans s’appelait jusqu’en juin dernier Jean-Marc Ayrault. Un notable régional médiocre, un roublard de la politique comme on en connaît hélas tant. Or, quand un élu le reste trop longtemps, chacun sait qu’il a une fâcheuse tendance à se monarchiser ou se dictateuriser, on ne connaît que trop bien le problème en Lorraine avec Metz et Nancy.

Toujours partant pour faire parler de lui ou pour laisser une trace dans l’histoire régionale, le maire écoute forcément d’une oreille attentive les margoulins cupides qui se pressent autour de lui.

Ayrault, comme Hollande et tous les “socialistes” archaïques, en est resté aux 30 glorieuses, au béton, au nucléaire, et à la sacro-sainte “croissance” qui s’est évanouie mais pour laquelle ils sont prêts à tout sacrifier dans l’espoir de son retour, un peu comme un amoureux éconduit qui ne comprend pas que c’est foutu, elle ne reviendra jamais. En particulier, ils ne semblent jamais avoir entendu parler de Peak Oil ou de réchauffement climatique.

Complètement plongés dans la politique, avec une vision rétrécie qui ne dépasse jamais l’horizon de la prochaine élection, ils n’ont pas vu le temps passer, le monde changer. Oh, ils ont bien entendu parler d’écologie, mais ils n’y ont rien compris. Des conseillers en comm leur ont dit d’en parler ? OK on en parle. Mettez-moi un ou deux ministres écolo, fermez moi une vieille centrale nucléaire, une bagnole hybride pour le président, Montebourg qui se promène en voiture électrique, et voilà, ça fait la rue Michel. Pour le reste ? Ben on change rien, c’est croissance, nucléaire, béton et bagnole.

Il est d’ailleurs assez symptomatique de voir sur Twitter des arguments en faveur de l’Ayraultport qui soient défendus par Théo Aubin, le cheffaillon régional des “jeunes de la droite populaire” ! (Au passage, visez l’oxymore ! Jeunes sur leur carte d’identité, et déjà tellement vieux cons dans leur tête !). Ça ne vous interpelle pas ?

Le projet de Notre-Dame-des-Landes est ancien. On avait même failli réussir à le justifier pour faire atterrir… le Concorde ! C’est dire le niveau et la clairvoyance de nos dirigeants. Qui n’a pas évolué depuis 40 ans.

Mais un jour, j’imagine que quelqu’un de désintéressé à dû souffler à l’oreille de Ayrault qu’un deuxième aéroport à Nantes ce serait bien pour la croissance, pour le rayonnement régional, pour celui du maire, aussi, hein, hé hé…

Et l’aéroport actuel ? Comme le vieux chien dont on veut se débarrasser, on l’accuse de la rage. Ah ? Euh… Oh… Il est vieux et tombe en ruines… Avec la croissance du trafic, il sera bientôt saturé… Et puis il est… dangereux !

Comme on l’a vu, cet aéroport est loin de la saturation. Et personne ne l’a jamais trouvé dangereux, ni les pilotes, ni la Direction Générale de l’Aviation Civile. Et s’il doit tomber en ruines, c’est que plus un investissement n’y est fait en raison du nouveau projet.

Souvent, dans les projets régionaux, les clans s’affrontent et cela peut donner des catastrophes aberrantes. Tout près de chez moi, il y a l’exemple magnifique de l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine et de la gare de Cheminot. Après une guerre Metz-Nancy, l’aéroport a été construit, pour ne froisser personne, à exacte distance entre les deux. Sauf qu’il est perdu dans le trou du cul du monde et qu’il faut faire 25m pour y aller. D’ailleurs il y a très peu de trafic, et c’est un gouffre à pognon qui fermera tôt ou tard. Ensuite, il fallait construire une gare TGV. Là encore, deux clans se sont battus. Les uns voulaient cette gare à Cheminot, près de l’aéroport, d’autres à Vandières. C’est la première solution qui a été retenue. Merveilleux. Sauf que cette gare, qui se trouve aussi dans le trou du cul du monde, n’est reliée à rien. Même pas à l’aéroport, distant de quelques km seulement, et encore moins au réseau TER. Du coup, il est à nouveau question de construire une nouvelle gare à Vandières. Bref. Et on confie l’avenir de nos enfants à cette engeance…

Ayrault n’a pas eu ce problème à Nantes. Dès qu’il s’agit de “croissance ou de béton”, l’UMP est toujours d’accord. Comme le PCF. Et les barons du Grand Ouest, comme Fillon et Raffarin, ont soutenu ce projet ridicule et scandaleux. Pour être honnête, il y a un peu d’opposition. Le Parti de Gauche, par exemple (au passage on notera encore une fois que le “Front de Gauche” est un attelage très étrange…). EELV, bien sûr, dont on reparlera. Le Modem, aussi. Ségolène Royal. Et Philippe de Villiers (qui lui n’est pas contre l’aéroport, mais le trouve trop loin de la Vendée, et voudrait donc… construire un nouveau pont sur la Loire… Du béton, des bagnoles, on n’en sort pas). Mais tous ces gens-là ne pèsent pas grand-chose face au Front du Béton.

Le nouveau projet d’aéroport se situe au nord-ouest de Nantes, plus loin, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Tant mieux, c’est toujours autant d’autoroutes et de béton à construire. La surface totale du terrain à saccager est de 1650 hectares. Monstrueux ! Cette ZAD (“Zone à Aménagement Différé”, que les opposants ont rebaptisée “Zone à Défendre”) se trouve dans un secteur rural et fragile. Inutile de préciser que l’eau du secteur a du souci à se faire. Au moment où l’agriculture bio peine à décoller car elle ne trouve pas de terrains pour l’accueillir, inutile de préciser qu’on est en présence d’une ineptie sans nom.

C’est un projet principalement privé, mené par Vinci, qui en obtiendra la concession pour 55 ans ! Le coût du projet, sous-estimé à un peu plus de 500 millions d’euros (la moitié d’argent public), serait en fait au total (comprenant donc les autoroutes) de 4 milliards d’euros.

Mais rien n’arrêtera les bétonneurs et leurs complices politiciens. Les gouvernements passent, et le projet se poursuit. On habille bien entendu l’ignominie avec les habits du droit (enquête d’utilité publique…). Le Grenelle de l’environnement Sarkozyste en 2007 aurait dû enterrer le projet définitivement, mais non, il se poursuit. Il faut dire qu’on a mis le paquet dans le greenwashing et l’intoxication médiatique. À écouter ces andouilles, ce site sera un merveilleux paradis écologique. Non polluant, autosuffisant en énergie. Labellisé “Haute Qualité Environnementale”. Pour un peu, ils nous feraient croire que seuls des avions à pédales ou à élastique vont s’y poser.

Voilà pour ce rapide résumé. Passons maintenant à l’actualité.

Depuis quelques années, et malgré la quasi-unanimité des politiciens du Front des Bétonneurs, la résistance s’est organisée sur place. Des riverains. Des écolos. Une association, l’ACIPA, compte désormais 3000 membres. Et même des citoyens engagés venus de loin : Notre-Dame-des-Landes est devenu un symbole de la résistance à l’absurdité. Des séminaires y ont eu lieu, réunissant décroissants, écolos, et “Vraie Gauche”. Force est de constater que la situation a comme un arrière-goût de Larzac, 40 ans après.

Tiens, le Larzac. Voilà qui doit faire mal au cul à quelques “socialistes” qui dans leur jeunesse y sont venus affûter leurs dents de lait contre le pouvoir de droite de l’époque. Mais comme les notaires de Jacques Brel, ils sont désormais passés dans l’autre camp..

Des propriétaires qui ont eu la malchance de se trouver sur la zone ont été sommés de déguerpir. Nombreux sont ceux qui refusent de vendre leur maison à Vinci. Et des maisons expulsées sont squattées par des opposants. La résistance s’est concentrée dans la ferme maraîchère du sabot où les derniers irréductibles se sont installés.

Et c’est dans ce contexte que les bétonneurs ont commencé à passer à l’action. Hier, ils ont envoyé 1200 flics (CRS, gendarmes mobiles, BAC…) déloger les empêcheurs de bétonner en rond. Mille deux cents ! Plus que l’effectif total de l’armée Luxembourgeoise ! Milice au service de Vinci. Des scènes de guerre civile dans le bocage nantais (cf photo d’illustration). Des robocops qui gazent les manifestants pacifiques, et selon certains témoignages, tirent au flash ball. C’est ça, la “gauche” ?

Les flics ont reculé hier soir le temps de la nuit, mais sont revenus ce matin. Et à l’heure où j’écris ces lignes les affrontements se poursuivent. Dans le silence télévisuel.

L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est un projet pharaonique et anachronique. C’est le triste résultat de raisonnements faits par des cerveaux malades de gens drogués depuis leur enfance par l’idée de “croissance”. Ces gens-là sont persuadés que le trafic aérien va poursuivre une croissance exponentielle, alors que dès qu’on regarde la situation sans œillères, on voit clairement que le secteur aérien sera l’un des premiers touchés par la crise de l’énergie et l’effondrement économique qui va s’ensuivre (et qui a déjà commencé).

[ça donne envie, hein ?]

Et puis ce qui est saturé, ce sont les plages et les stations balnéaires de la région, prises d’assaut en été. Même si le trafic aérien était multiplié par 3, où mettrait-on ces touristes ? On bétonnerait 3 fois plus Saint Jean de Monts ? On mettrait des mezzanines sur les plages ? C’est ridicule.

Comme le dit si bien Paul Ariès pour illustrer l’absurdité du concept de “croissance”, le problème n’est pas de faire grossir le gâteau, le problème c’est de changer la recette. Et dans cette recette, le kérosène, le béton est les avions n’ont pas leur place.

La croissance infinie n’existe pas, inutile de courir après. Il ne faut pas chercher toujours plus de croissance, il faut réfléchir aux moyens de vivre mieux sans croissance et les mettre en place. Respecter la planète au lieu de l’exploiter jusqu’à en faire un désert inhabitable et surchauffé. Si on écoute les croissancistes, on va creuser des puits de gaz de schiste dans tous les jardins, saloper toutes les nappes phréatiques pour repousser l’inéluctable de quelques années.
Ces “socialistes” n’ont rien compris à l’écologie. Pire, ils ne comprennent plus rien à rien. Notre-Dame-des-Landes juste après le TSCG, personne ne peut avaler ça. Quoi qu’ils en disent, ils veulent poursuivre et amplifier le nucléaire. Ils veulent faire baisser le prix de l’essence, et le nouveau “bonus/malus écologique” confirme le choix du “tout-diesel” cancérigène. Des aveugles, des incompétents, des irresponsables. Je n’ai pour ces gens que mépris. D’ailleurs, quand on voit qu’ils veulent pénaliser de 130 000 euros les impudents qui ont osé dire non au TSCG, quand on voit la procédure “démocratique” (similaire à celle utilisée par les communistes dans Tintin au Pays des Soviets) qui va se terminer ce soir par la nomination d’Harlem Désir au poste de premier secrétaire, on se dit que rien ne va plus dans ce parti.

Notre-Dame-des-Landes est encore plus symbolique depuis que son promoteur, Ayrault, est devenu premier ministre. Bon, il est en train de se planter, les Valls ou Touraine guignent déjà sa place en coulisses. Et pendant que les CRS gazent les résistants du “Sabot”, Môôssieur Ayrault part 4 jours en Asie du Sud-Est. Même pas de couilles !

Dans ces œuvres de malfaisance, le P”S” est toujours épaulé par les “écolos” d’EELV. Ils ont toujours deux ministres, des députés, des sénateurs, des voitures de fonction, du travail pour des dizaines de collaborateurs. Pour garder ce train de vie confortable, ils sont contraints de tout avaler. Ils n’ont rien dit pour le TSCG, rien pour le nucléaire, rien pour le diesel… Ils ne diront plus rien pour rien.

À Notre-Dame-des-Landes, ils n’ont jamais été à la pointe du combat, adoptant tout juste une opposition de principe. On se souvient d’un passage éclair d’Eva Joly, du seau d’épluchures jeté sur Nicolas Hulot. Mais depuis qu’ils sont au pouvoir, c’est pire.

Pour certains, c’est manifestement un supplice de se voir ainsi écartelé entre des convictions et la soupe. Le président d’EELV, Pascal Durant, s’est tout de même fendu d’un article sans ambiguïté. Les élus locaux ont aussi mis leur grain de sel. Et Yannick Jadot a trouvé sur Twitter le temps de condamner le projet et le déploiement de militaires.

Mais Cécile Duflot, d’ordinaire très prolixe sur Twitter, est totalement muette de saisissement sur le sujet. Idem pour son collègue Pascal Canfin. Extinction de voix totale. Et pendant qu’on prépare le bétonnage à Notre-Dame-des-Landes, la députée européenne EELV de la région Est, Sandrine Bélier, continue comme si de rien n’était à parler de biodiversité. Ce très grand écart est ridicule. Ces “écolos” ne sont même pas fichus de se rendre compte qu’ils cautionnent ces saloperies, qu’ils doivent quitter ce gouvernement où ils n’auraient d’ailleurs jamais dû entrer.

Le Canard Enchaîné nous apprenait cette semaine que l’élue EELV parisienne mise en examen pour un blanchiment d’argent présumé était aussi actionnaire d’une site internet de “sex shop bio”, et qu’elle vendait entre autres joyeusetés un “lubrifiant anal à l’extrait naturel d’écorce de goyave”. J’espère qu’elle en a mis quelques hectolitres de côté à l’attention de ses collègues ministres, parce qu’il y a là un marché de grande ampleur à la croissance prometteuse.

Terminons en remerciant les lanceurs d’alerte, des gens bien connus sur ce blog, et sur lesquels on peut compter :

Fabrice Nicolino, qui qualifie Jean-Marc Ayrault de “pauvre imbécile”. C’est inexact : il n’est pas pauvre du tout !

Corinne Morel Darleux, du Parti de Gauche, qui une fois de plus sauve l’honneur des politiques. Son billet sur Vinci.

Hervé Kempf et son site “reporterre.net”, auteur d’un article au titre ironique : la transition écologique a commencé

Si ce silence médiatique se poursuit, les opposants ne tiendront pas longtemps. Hollandréou a lâchement cédé aux “geonpis”, parce qu’ils ont été capables d’organiser un battage médiatique de grande ampleur. Avis aux vrais blogueurs de Gauche. Nous devons lui faire comprendre que ce projet est une folie et que comme Mitterrand en 1981 qui avait mis fin au délire au Larzac et à Plogoff, il se grandirait en reconnaissant cette colossale erreur.


Plus d’infos sur le sujet :L’association ACIPA, à suivre notamment sur son Twitter @ACIPA_NDL ou encore ici
https://zad.nadir.org/spip.php?article353
http://leflochingtonpost.wordpress.com/2012/10/16/occupation-militaire-a-notre-dame-des-landes/
http://lutteaeroportnddl.wordpress.com/
http://www.zebigweb.com/_NDDL.html
http://www.gauche-anticapitaliste.org/content/notre-dame-des-landes-quon-leur-envoie-la-troupe