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MM.Chávez, Ceresole, Mélenchon, Paranagua (et Mme Morel-Darleux)

Donc, l’élection présidentielle du Venezuela. Si je parle ici, sur Planète sans visa, de cet événement lointain, c’est que, du point de vue de l’écologie, qui est le mien, il y a beaucoup à dire. Nombre d’altermondialistes d’Occident – parfois se disant écologistes – voient dans la personne de Chávez, réélu il y a quelques jours avec 54 % des voix, un exemple. Et chez nous, M.Mélenchon en rajoute chaque jour ou presque. Je dois avouer une raison plus personnelle. J’ai assez bien connu, jadis, ces terres des Amériques situées au sud du Río Grande. J’ai vu de près ce que le castrisme et ses avatars donnaient sur place. J’ai cotoyé des guerilleros devenus présidents. J’ai compris sans grande difficulté comment le stalinisme né en Union soviétique avait pu empoisonner les avants-gardes armées nées dans les années 60 et 70 du siècle passé. Et avec quels désastreux effets. Si j’écris cela, ce n’est évidemment pas pour en faire un argument d’autorité. Cela ne me désigne aucunement comme plus lucide. Mais ces souvenirs si vifs expliquent en partie pourquoi je parle à nouveau de ce Chávez.

Où l’on voit madame Morel-Darleux visiter le village Potemkine

Bon. Commençons. Par la politique, mais je parlerai aussi d’écologie à la fin. Je déteste les militaires qui font de la politique tout en restant des militaires. Il est vrai que je n’aime guère les militaires, mais certains deviennent des démocrates. Pas Chávez. Il me semble simplement hallucinant que des responsables du Parti de Gauche mélenchonien, se réclamant de l’écologie pourtant, ne voient pas l’évidence. En la circonstance, je vise explicitement madame Corinne Morel-Darleux, en charge de l’écologie chez M.Mélenchon. Elle s’est rendue au Venezuela début octobre, et en rend compte sur son blog (ici). Cela lui sera difficile à lire, je pense, mais son récit relève du tragicomique accompli. Elle n’a évidemment rien vu – qui lui aurait montré les envers du vaste village Potemkine ? -, mais enfin, il fallait qu’elle l’écrive. Vous jugerez, si vous en avez le temps. De la même manière que tant de dupes, d’imbéciles et de salauds – pour ma part, je crois madame Morel-Darleux une dupe – allaient à Moscou entre 1930 et 1953 vanter les exceptionnelles réussites de Staline, elle raconte le vide complet, tout en se gaussant, il faut le faire en cette occurrence, du traitement infligé au pays par la presse française.

Dans un papier du Monde, justement, interrogée par une journaliste lui demandant quoi penser d’un rapport critique sur le pouvoir de Chávez signé Human Rights Watch (ici), elle répond ne pas en avoir eu connaissance. Ce n’est pas grave, notez bien, mais en revanche son commentaire l’est : « Ce que je sais, c’est ce que j’ai vu. Il y a des domaines où l’expertise concrète est aussi intéressante ». Comme Fabrice del Dongo à Waterloo, elle n’a évidemment rien entendu qui permette de comprendre quoi que ce soit. Mais elle croit le contraire, et l’affirme avec une audace qui me fait penser qu’elle ne sait rien d’Ante Ciliga, du grand Panaït Istrati et de sa métaphore des œufs cassés, de mon si cher Victor Serge, de l’André Gide de Retour de l’U.R.S.S., de David Rousset, premier utilisateur en France du mot Goulag. Je n’insiste pas davantage, car la barque me paraît pleine.

Où l’on découvre que le grand Chávez est l’ami indéfectible d’un nazi argentin bien connu

La politique, toujours, à moins que cela ne soit la morale. Une chose est difficilement contestable : Chávez défend et pratique une conception autoritaire et verticaliste de la politique. Tout remonte à lui, et tout redescend de lui. Bien sûr, c’est du caudillisme, une forme politique bien connue dans l’Amérique dite latine. Mais Chávez y a ajouté sa patte personnelle, car cet homme a été en partie formé à la politique par un fasciste argentin, négationniste de la Shoah, ami des militaires putschistes et assassins de 1976 : Norberto Ceresole (ici). Ceresole avait défini un programme qui ressemble étrangement à celui du Venezuela chaviste, qui repose sur le triptyque : Caudillo, ejército, pueblo (ici, en espagnol), c’est-à-dire le Chef, l’armée, le peuple. Je ne donne pas les détails ici, sauf sur un point essentiel, fourni par Chávez lui-même. M.Mélenchon, dont je parlerai plus loin, et tous les aficionados de chez nous du chavisme refusent évidemment de s’expliquer sur un sujet pareil, qui les entraînerait en plein marécage. Mais Chávez a quant à lui mangé le morceau, en direct, à la télé. Sachez que le caudillo impose à toutes les chaînes hertziennes, le dimanche à 11 heures, de diffuser Aló Presidente, une émission où il parle sans être jamais interrompu, jusqu’à huit heures d’affilée.

Or le 21 mai 2006, au milieu du show Aló Presidente, Chávez déclare bel et bien à propos de Ceresole, mort trois ans avant : « Yo nunca olvido a aquel argentino a quien satanizaron, fue un gran amigo, ¿saben?, un intelectual de respeto ». Ce qui veut dire : « Je n’ai jamais oublié cet Argentin diabolisé, qui fut un grand ami, vous savez ? Un intellectuel respectable. ». Le texte de l’émission avait été effacé des archives de la présidence vénézuélienne la dernière fois que je l’ai cherché (j’ai une copie, que vous trouverez ici), il y a plusieurs mois, mais on me dit qu’elle est de nouveau disponible. Je n’ai pas l’envie de vérifier. Comme chez le défunt maréchal Staline, comme dans le 1984 de ce si cher George, ce qui ne plaît plus n’a jamais existé. Chávez avait pourtant pour grand ami, sans conteste, un nazi. Ses amis français pourraient se demander pourquoi, et rapprocher ce fait de l’amitié débordante du même pour quelques unes des plus belles crapules d’aujourd’hui, comme le Biélorusse Loukachenko – embastilleur du célèbre professeur Bandajevsky – ou l’Iranien Mahmoud Ahmadinejad, lequel a salué la réélection de Hugo Chávez comme étant celle d’un « frère ». Loukachenko aime bien Hitler, comme il l’a déclaré en 1995 au quotidien allemand Handelsblatt. Et Ahmadinejad déteste jusqu’à la haine les Juifs.

Où l’on lit une tribune de MM.Mélenchon et Ramonet, où l’on fait connaissance avec la diffamation la plus haineuse

La politique encore. M.Mélenchon a cosigné avec Ignacio Ramonet, dans Le Monde du 4 octobre une tribune intitulée Hugo Chavez, un homme diffamé. Vous la trouverez en intégralité à la fin de cet interminable article d’aujourd’hui. Je la trouve pour ma part digne de L’Humanité des temps anciens, et sous ma plume, certes, ce n’est pas un compliment. Les procédés utilisés, pour moi qui connais cette chanson, ne sont pas décents. Mais qui a  prétendu que ces deux-là connaissent le sens de cet adjectif ? Restons mesuré : le texte ne contient que des généralités, idéologisées jusqu’à la racine. Et relance, pour la milliardième fois, l’antienne de deux camps séparés par une barricade, les bons et les méchants. Leur « socialisme » contre l’Empire du Mal américain, version exactement symétrique de la vision du monde promue par Reagan en 1980. Je ne souhaite pas insister sur ce qui est pour moi une évidence : cette non-pensée, qui a tant servi, à gauche, les intérêts des stalinismes, est l’adversaire définitif de l’écologie telle que je la conçois. Et n’a rien à voir avec la défense réelle des peuples, consubstantielle à cette même écologie-là. Contrairement à eux, nous les écologistes sincères, défendons les peuples, tous les peuples, contre tous leurs oppresseurs. Et non seulement les hommes, mais les autres peuples du monde vivant.

La politique enfin. M.Mélenchon se fâche avec plaisir, on le sait. Je veux dire un mot de son ignoble attaque contre le journaliste du Monde Paulo A. Paranagua. Je précise que je connais pas ce dernier, que je ne l’ai jamais rencontré, que je ne sais rien de lui. Bref. Quand M.Mélenchon rentre en août d’une tournée qui l’a mené au Venezuela et à Cuba, il trouve la belle énergie d’écrire sur son blog (ici) : « Quelques giclées de fiel médiatique m’en sont revenues qui m’ont bien amusé par leur bestiale et routinière méchanceté. Laissons cela. Je m’en amuserai publiquement le moment venu. On ne peut prendre au sérieux la prose qui a donné le « la » sur ce thème, celle de l’ancien tueur repenti, l’homme qui erre dans les cocktails d’ambassades pour gémir « la révolution cubaine m’a volé ma jeunesse ». C’est cet olibrius, méprisé par toute la gauche latino, qui est aujourd’hui le grand chef de l’Amérique latine au journal « Le Monde » : Paolo Paranagua ».

Rions avant de pleurer : il ne s’agit pas de Paolo – un prénom italien certes utilisé en Argentine -, mais de Paulo. Pour le reste, c’est crapuleux. Mélenchon balance, accusant un homme d’être un tueur repenti. Un tueur, imaginez-vous bien ? La diffamation, je le rappelle pour ceux qui l’ont oublié, est une atteinte à l’honneur d’une personne. Le reste est aussi lamentable, mais tout de même moins grave. Une telle infamie, dans un pays qui se respecterait davantage, mobiliserait largement contre le chef du Front de Gauche. Mais rien. Aussi, pourquoi se gêner ? Dès le 30 septembre 2010, Mélenchon s’était attaqué avec la plus grande bassesse au même journaliste : « C’est le retour attristant à la tradition de l’ancien criminel de droit commun argentin, Paulo Paranagua, que l’amicale des anciens de la ligue communiste révolutionnaire au Monde avait fait embaucher. Son passé de voyou dans la branche dure de « l’ejercito revolutionario del pueblo » (ERP) attendrissait les révolutionnaires germano-pratins, nonobstant les crimes et provocations de cette soi-disant armée du peuple ! Repeint en « journaliste » spécialisé sur l’Amérique latine, ce type n’était plus salué par aucun militant de gauche et dans les cocktails mondains même les droites locales latinos le tenaient en dérision du fait de sa stature de renégat et de l’intensité de son larbinage pro-américain. ». Avant de commenter, notons que M.Mélenchon a décidément des problèmes avec la langue castillane, car évidemment, revolutionario s’écrit revolucionario et d’ailleurs ejercito ejército.

Je constate, par plaisant euphémisme, que ce n’est pas l »essentiel. Le texte de M.Mélenchon, outre qu’il est une agression presque incroyable, relève des plus parfaites calomnies chères à l’époque stalinienne. Aucun fait, aucune date, aucun lieu, mais des imputations d’une extrême saleté. Je le répète, je ne connais pas M.Paranagua, que je salue au passage néanmoins. Car si je ne le connais pas, j’ai eu l’occasion naguère de rencontrer, loin de la France,  des membres de cette ERP tant vomie par M.Mélenchon. Et, ma foi, ce qu’il écrit n’a pas de sens. L’ERP a été la branche armée d’un parti d’extrême-gauche, le Partido Revolucionario de los Trabajadores (PRT), fondé en 1965, qui devint membre de la Quatrième Internationale – celle d’Alain Krivine et de la Ligue communiste révolutionnaire – et le resta jusqu’en 1973. Par la suite, ce mouvement fit partie d’un regroupement de la gauche révolutionnaire latina, appelée Junta Coordinadora Revolucionaria, qui rassemblait, au temps des dictatures militaires, outre le PRT-ERP,  le MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria) du Chili, l’ELN de Bolivie et le MLN-Tupamaros d’Uruguay.

Cela vous paraît fastidieux, je le crains, mais il s’agit d’histoire. D’une histoire que M.Mélenchon ignore, ou qu’il méprise. Il est vrai qu’à cette même époque, il était le petit chef, à Besançon, de la secte OCI, qui ne rechignait jamais contre des violences à l’encontre des militants issus de mai 68. Je le confesse, j’ai pris des coups de bâton sur la tête, donnés par des sbires de l’OCI, que je n’ai jamais tenue, même quand j’étais pourtant couillon, pour une organisation de gauche. En mai 68, du reste, l’OCI avait refusé de participer aux barricades, pour quelque obscure raison que M.Mélenchon doit bien connaître. Bref, l’Argentine. Si M. Paranagua a bien été membre du PRT, ce n’est nullement un déshonneur. Ce fut un engagement extrême, qui connut son lot d’affreuses conneries et d’incroyables irresponsabilités – pour ce que j’en sais -, et qui finalement incarna un modèle militariste, verticaliste, autoritaire de la vie, qui n’est pas si éloigné de ce que Chávez réalisa au Venezuela. C’est un paradoxe, et il est plaisant.

Au-delà, l’aventure tragique du PRT-ERP est indissociable de ces années où une génération politique croyait pouvoir bâtir une société différente par les armes. L’erreur était complète, mais il faut savoir que les militaires argentins, après le coup d’État de 1976 ont enlevé, torturé et finalement assassiné 5 000 membres environ de ce PRT-ERP auquel, selon M.Mélenchon, Paulo A.Paranagua aurait appartenu. Je ne crois pas inutile de rappeler ce contexte d’extrême violence sociale et politique, qui commença en Argentine à la fin des années 60.

Où l’on constate, non sans surprise, qu’un nazi est préférable à un guerillero argentin 

Résumons. En 2010, puis à l’été 2012, M.Mélenchon accuse sans aucun élément concret M.Paranagua d’être un tueur repenti et un voyou. Cela ne lui suffit pas, car le 6 octobre sur son blog (ici), en réponse au journal Le Monde, qui a défendu son journaliste de mièvre façon, il note : « Paulo Paranagua a été membre d’une organisation dont les méthodes de combat incluaient le meurtre d’agent de police et de gardien de banque. Est-ce faux ? Si c’est faux pourquoi Gilles Paris ne le dit-il pas ? Il ne le dit pas parce que c’est vrai et qu’il le sait. Monsieur Paulo Paranagua a été emprisonné pour cela au régime de droit commun. Est-ce faux ? Si c’est faux pourquoi Gilles Paris ne le dit-il pas ? Cette seule situation, sans que j’ai besoin d’en ajouter davantage dans les détails dont je dispose, suffit à pouvoir caractériser, dans l’esprit de polémique qu’il a lui-même créé, de « terroriste repenti ». Car c’est une chose d’être un guérillero qui affronte des militaires et la police politique et une autre de s’engager dans des actions du type de celles qu’a mené le groupe dont a été membre monsieur Paulo Paranagua ».

Est-ce encore plus dégoûtant ? Oui. Paranagua aurait été au régime de droit commun. Cet épouvantable roublard de M.Mélenchon ne donne aucune date, aucune précision. En quelle année ? Sous la dictature, dans les bouillonnantes années qui l’ont précédée ? Dans les deux cas, cela ne veut rien dire. Le statut de politique, qui était évidemment celui d’un militant armé – quel qu’il soit – n’avait aucune raison d’être accordé à un adversaire résolu. Si l’on dressait la liste des militants politiques envoyés au cachot sous des motifs de droit commun, on pourrait sans doute relier la Terre à la Lune. Voyez le cas de l’Affiche Rouge et des FTP-MOI de 1942. Ajoutons que M.Mélenchon susurre, à l’aide d’une sinistre allusion, qu’il y a pire encore, grâce à ces « détails dont [il dispose] », mais sans évidemment s’exposer à la moindre réponse. M.Mélenchon, qui est pourtant fêté par ses adorateurs comme un fin bretteur, s’entortille lui-même dans la toile qu’il a tissée. M.Paranagua est un voyou, mais son organisation est politique et s’attaque aux banques pour se financer, ce qu’ont fait la plupart des mouvements révolutionnaires de l’époque moderne. Joseph Staline, si longtemps cher au cœur des amis communistes de M.Mélenchon, n’était-il pas un braqueur de banques ? Si. Et n’arrive-t-il pas, au cours de ce genre d’attaques, que des policiers et des employés de banque soient blessés ou tués ? Si. Relisez avec moi : « Paulo Paranagua a été membre d’une organisation dont les méthodes de combat incluaient le meurtre d’agent de police et de gardien de banque ». M.Mélenchon est un roué, je le savais déjà. Cette phrase assassine ne signifie rien d’autre que, lorsqu’on exproprie une banque, il peut y avoir des victimes. Et donc, il ne faut pas les toucher ? Mais qui aurait financé ces révolutions que M.Mélenchon prétend tant aimer ? Et je n’insiste pas sur l’usage du mot terroriste, accolé comme on le sait à tous les résistants de la Terre.

Bon, stop, j’en suis bien d’accord, du moins pour ce qui concerne la politique à l’ancienne dont M.Mélenchon est l’un des pires représentants. Encore deux bricoles. Un, vous avez lu plus haut que le président du Parti de Gauche a signé une tribune affirmant sans rire que Chávez était le chef d’État le plus diffamé au monde. À bien suivre le mouvement, M.Mélenchon a quant à lui le droit, car il a tous les droits, de diffamer avec la plus extrême violence M.Paranagua. Mais Il faudrait quand même se prosterner devant ce haut représentant du peuple, qui a obtenu le vote de 6 % des électeurs inscrits à la dernière élection présidentielle française. Oh, ce sera une autre fois, pour ce qui me concerne. Terminons par l’Argentine. Comme je crois l’avoir démontré, Chávez considère comme un grand ami un nazi argentin. Et cela ne gêne pas M.Mélenchon. En revanche, ce dernier est révulsé par le fait qu’un homme a pu prendre les armes contre un gouvernement péroniste corrompu jusqu’à la moelle – de 1973 à 1976 -, puis une junte militaire fasciste, entre 1976 et 1983. Réfléchissez donc avec moi : Ceresole le nazi d’un côté; M. Paranagua le guerillero de l’autre. M.Mélenchon est un grand moraliste.

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Où l’on revient – fatalitas ! – aux idéaux de madame Morel-Darleux

De l’air ! Passons donc à l’écologie. Je ne parlerai pas, car j’ai abusé de votre patience, de cette boliburguesía – la bourgeoisie bolivarienne – qui se développe à toute allure sous le règne de Chávez. Sur fond de corruption massive liée à la manne pétrolière, un agressif capitalisme de rente flambe en ce moment du côté de Caracas. De grosses fortunes, point trop éloignées du pouvoir en place, se forment, qui sont candidates au pouvoir quand le valeureux militaire sera défait, mis à la retraite, ou bien mort. On en reparlera, croyez-moi. Ce pays est un château de cartes soutenu par une bizarrerie géologique ordinaire : il est gorgé de pétrole. Quand gronde l’immense crise écologique qui menace de tout emporter, quand déferle d’un bout à l’autre de la planète le dérèglement climatique, est-il acceptable de gaspiller le pétrole de cette façon ?

L’essence vaut au Venezuela 0,017 euro le litre. La gabegie énergétique y est reine. Rien n’est fait pour seulement ralentir cette course à l’abîme voulue par Chávez. Ce militaire ne sait rien, évidemment, de l’écologie, mais tout de la manipulation de masse. En 2009, à la conférence mondiale sur le climat, à Copenhague, il déclarait du haut de la tribune : « Eh bien, monsieur le président, le changement climatique est, sans doute, le problème environnemental le plus dévastateur de ce siècle : des inondations, des sécheresses, des orages violents, des ouragans, le dégel, la montée du niveau moyen de la mer, l’acidification des océans et des vagues de chaleur, tout cela accentue l’impact des crises globales qui nous frappent ». Et puis, au retour à Caracas, il relançait les fructueux contrats pétroliers à destination de cet Empire américain si constamment décrié, permettant que l’on vende dans les rues de l’essence à 0,017 euro le litre. Toute la vérité vraie de Chávez tient dans ce raccourci. Enfin, un mot des centaines de milliards de barils de pétrole cachés dans les sables du bassin de l’Orénoque, fleuve vénézuélien. Exploiter ce pétrole extra-lourd serait une vraie catastrophe de plus – il n’en manque pas – pour le combat contre le dérèglement du climat. Et bien entendu, sur Terre, une pollution inévitable de l’un des plus beaux écosystèmes du globe. Mais de cela,  Chávez se contrefout, et il a toujours refusé de discuter de l’avenir de ces fabuleux gisements. Tout indique qu’il est prêt à les exploiter.

Pardi ! Le pétrole, c’est du pouvoir concentré. Il lui permet de financer son vieux copain Castro, de briller de tous les feux de ses médailles sur la scène internationale, d’acheter la paix des pauvres chez lui, in fine d’acheter en masse personnes et consciences. Le bilan du pétrole vénézuélien, lorsque, fatalement, il sera fait, dira tout. Mais M.Mélenchon ne sera bien entendu plus là pour commenter. Pour mieux me faire comprendre, un Chávez écologiste aurait mobilisé l’argent du pétrole pour réaliser le premier tournant authentique d’une société vers une formation sociale soutenable du point de vue écologique. Il aurait lancé un programme géant en faveur des énergies renouvelables – solaire et vent -, doté de milliards d’euros apportés par la rente pétrolière. Au lieu de faire bâiller son peuple au cours des oraisons interminables d’Aló Presidente, il aurait lancé d’innombrables programmes télévisés, pédagogiques, permettant de mobiliser autour des véritables enjeux de notre époque. Il aurait sanctuarisé, dans sa fameuse Constitution bolivarienne, l’Amazonie vénézuélienne, en expliquant pourquoi. Il aurait fait de l’agro-écologie le moteur premier d’une reconquête d’un Venezuela saoulé par les telenovelas de guimauve et les publicités géantes pour le mode de vie américain et les grosses bagnoles modernes. Etc ? Bien sûr, etc, ad libitum.

Quand je vois donc une madame Morel-Darleux, qui se pense écologiste, et qui croit l’être, répondre benoîtement, après quelques jours passés sur place : « « Ce que je sais, c’est ce que j’ai vu. Il y a des domaines où l’expertise concrète est aussi intéressante »,  je me dis que la lutte pour la libération de l’esprit, par l’écologie, ne fait que commencer. Je vous salue tous.

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La tribune de MM.Mélenchon et Ramonet dans Le Monde du 4 octobre 2012

Hugo Chavez est sans doute le chef d’Etat le plus diffamé du monde. À l’approche de l’élection présidentielle au Venezuela, le 7 octobre, ces diffamations redoublent d’ignominie. Tant à Caracas qu’en France. Elles témoignent du désespoir des adversaires de la révolution bolivarienne devant la perspective (que les sondages semblent confirmer) d’une nouvelle victoire électorale de Chavez. Un dirigeant politique doit être jugé sur ses actes, et non sur les rumeurs colportées contre lui. Les candidats font des promesses pour se faire élire ; rares sont ceux qui, une fois élus, les tiennent. Dès le début, la promesse électorale de Chavez a été claire : travailler au profit de ceux, majoritaires dans son pays, qui vivaient dans la pauvreté. Et il a tenu parole.

C’est le moment de rappeler ce qui est vraiment en jeu dans cette élection au moment où le peuple vénézuélien va voter. Le Venezuela est un pays très riche en raison des fabuleux trésors de son sous-sol, en particulier les hydrocarbures. Mais presque toutes ces richesses étaient accaparées par les élites dirigeantes et des entreprises multinationales. Jusqu’en 1999, le peuple n’en recevait que des miettes. Les gouvernements successifs, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates, corrompus et soumis aux marchés, privatisaient à tout va. Plus de la moitié des Vénézuéliens vivait sous le seuil de pauvreté (70,8% en 1996). Chavez a placé la volonté politique au poste de commande. Il a mis les marchés au pas et stoppé l’offensive néolibérale puis, grâce à l’implication populaire, il a permis à l’Etat de se réapproprier les secteurs stratégiques de l’économie. Il a recouvré la souveraineté nationale. Et a ensuite procédé à une redistribution de la richesse au profit des services publics et des laissés pour compte.

UN ÎLOT DE RESISTANCE DE GAUCHE AU NEOLIBERALISME

Politiques sociales, investissements publics, nationalisations, réforme agraire, plein emploi, salaire minimum, impératifs écologiques, accès au logement, droit à la santé, à l’éducation, à la retraite… Chavez s’est également attaché à la construction d’un Etat moderne. Il a mis sur pied une ambitieuse politique d’aménagement du territoire: routes, chemins de fer, ports, barrages, gazoducs, oléoducs. En matière de politique étrangère, il a misé sur l’intégration latino-américaine et privilégié les axes Sud-Sud, tout en imposant aux Etats-Unis des relations fondées sur le respect mutuel… L’élan du Venezuela a entrainé une véritable vague de révolutions progressistes en Amérique latine, faisant désormais de ce continent un exemplaire îlot de résistance de gauche contre les ravages du néolibéralisme. Un tel ouragan de changements a complètement chamboulé les structures traditionnelles de pouvoir au Venezuela et entrainé la refondation d’une société jusqu’alors hiérarchique, verticale, élitaire.

Cela ne pouvait lui valoir que la haine des classes dominantes, convaincues d’être les propriétaires légitimes du pays. Avec leurs amis protecteurs de Washington, ce sont elles qui financent les grandes campagnes de diffamation contre Chavez. Elles sont allé jusqu’à organiser – en alliance avec les grands médias qu’elles possèdent – un coup d’Etat le 11 avril 2002. Ces campagnes se poursuivent aujourd’hui et certains secteurs politiques et médiatiques européens les reprennent en chœur. La répétition étant – hélas – considérée comme une démonstration, des esprits simples en viennent à croire que Hugo Chavez incarnerait « un régime dictatorial où il n’y a pas de liberté d’expression ».

Mais les faits sont têtus. A-t-on déjà vu un  » régime dictatorial  » élargir le périmètre de la démocratie au lieu de le restreindre ? Et donner le droit de vote à des millions de personnes dépourvues jusque là de carte d’électeur? Les élections au Venezuela n’avaient lieu que tous les quatre ans, Chavez en organise plus d’une par an (14 en 13 ans). Dans des conditions de légalité démocratique reconnues par l’ONU, l’Union européenne, l’Organisation des Etats américains, le Centre Carter, etc. Chavez démontre qu’on peut construire le socialisme dans la liberté et la démocratie. Il en fait même une condition du processus de transformation sociale. Il a prouvé son respect du verdict populaire en renonçant à une réforme constitutionnelle refusée par les électeurs lors d’un référendum en 2007. Ce n’est pas un hasard si la Foundation for Democratic Advancement (FDA), du Canada, dans une étude publiée en 2011, situe désormais le Venezuela en tête du classement des pays qui respectent la justice électorale.

Le gouvernement d’Hugo Chavez consacre 43,2% du budget aux politiques sociales. Résultat: le taux de mortalité infantile a été divisé par deux. L’analphabétisme éradiqué. Le nombre de professeurs des écoles multiplié par cinq (de 65 000 à 350 000). Le pays détient le coefficient de Gini (qui mesure les inégalités) le plus performant d’Amérique latine. Dans son rapport de janvier 2012, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC, un organisme de l’ONU) établit que le Venezuela est le pays sud-américain – avec l’Equateur -, qui, entre 1996 et 2010, a le plus réduit le taux de pauvreté. Enfin l’institut américain de sondages Gallup classe le pays d’Hugo Chavez, 6e nation « la plus heureuse du monde ».

Le plus scandaleux, dans l’actuelle campagne de diffamation, c’est de prétendre que la liberté d’expression serait bridée au Venezuela. La vérité c’est que le secteur privé, hostile à Chavez, y contrôle largement les médias. Chacun peut le vérifier. Sur 111 chaînes de télévision, 61 sont privées, 37 communautaires et 13 publiques. Avec cette particularité que la part d’audience des chaînes publiques n’est que de 5,4%, celle des privées dépassant les 61% … Même chose pour la radio. Et 80% de la presse écrite sont contrôlés par l’opposition ; les deux quotidiens les plus influents – El Universal, El Nacional – étant hostiles au gouvernement. Tout est, certes, loin d’être parfait dans le Venezuela bolivarien. Où existe-t-il un régime parfait ? Mais rien ne justifie ces campagnes de mensonges et de haine. Le nouveau Venezuela est la pointe avancée de la vague démocratique qui a balayé les régimes oligarchique de neuf pays dès le lendemain de la chute du mur de Berlin quand d’aucuns annonçait « la fin de l’histoire » et « le choc des civilisations » comme seuls horizons pour l’humanité.

Le Venezuela bolivarien est une source d’inspiration où nous puisons sans aveuglement ni naïveté. Mais avec la fierté d’être du bon côté de la barricade et de réserver nos coups à l’empire malfaisant des Etats Unis et de ses vitrines si chèrement protégées au Proche-Orient et partout où règnent l’argent et les privilèges. Pourquoi ses adversaires en veulent-ils tant à Chavez ? Sans doute parce que, tel Bolivar, il a su arracher son peuple à la résignation. Et lui donner l’appétit de l’impossible.

Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche, député européen ; Ignacio Ramonet, président de l’association Mémoire des luttes, président d’honneur d’Attac.

Le cycle du nucléaire pour les nuls (un hors-série d’anthologie)

Pour des raisons qui n’ont échappé à personne, le hors-série sur le nucléaire publié par Charlie-Hebdo, et dont les 40 articles sont de ma pomme, a été comme qui dirait écrasé. C’est la vie. Mais enfin, il existe, et pour vous mettre minable de ne pas encore l’avoir acheté, sachez que l’on y parle d’à peu près tout. Comment cela a commencé avec la mère Curie, les suppositoires au radium, les capotes au radium, les pulls pour bébé au radium, tout étant bien entendu vrai. Comment cela a continué avec Pierre Guillaumat, Mendès, De Gaulle, la bombe. Et ce qu’est la commission Peon. Et où se trouvent les décharges nucléaires oubliées. Les soi-disant mesures de sûreté dans nos ports nucléaires, comme Toulon ou Brest. Le mort de Malville. Le rôle d’EDF et d’Areva. La situation au Niger, d’où vient une partie de notre uranium. La place étonnante longtemps dévolue à un certain…Jacques Cheminade.

Ajoutons des portraits de Pierre Pellerin, Annie Thébaud-Mony, Stéphane Lhomme, Nicolas Lambert, Bruno Comby, Mycle Schneider. Un aperçu du déclin certain du nucléaire. Une déploration de l’état des énergies renouvelables, qui sont pourtant le seul avenir. Un foutage de gueule du PS et du PC, le premier promettant un référendum depuis trente ans, le second ayant exigé une centrale nucléaire à Plogoff, en Bretagne. Et bien d’autres choses encore.Voici l’article d’introduction. Le nucléaire en trois feuillets. Essayez de trouver plus court.

Vous prenez de l’uranium — au Niger par exemple —, vous convertissez, enrichissez et enfournez le tout dans le vaste four nucléaire. Gardez-le au chaud trois ans, sortez-le : c’est de la merde.

C’est pas si compliqué. Premier mouvement : extraire de l’uranium, si possible dans un pays lointain. Ce sera le combustible, que l’on commence par convertir, de manière à le rendre plus digestible. En France, l’opération se passe en deux temps. Un, dans l’usine Comurhex de Malvési, près de Narbonne (Aude). Deux, dans l’usine Comurhex de Pierrelatte (Drôme). Les deux appartiennent bien sûr à Areva.

Nous voici, fiérots, en possession d’hexafluorure d’uranium. Comme il ne contient pas assez, le pauvret, d’uranium 235, il faut lui en ajouter, car la réaction de fission nucléaire a besoin d’un uranium titrant autour de 5 % de cet isotope. On y est ? L’enrichissement se déroule dans un site ultraprotégé, l’usine Georges-Besse II de Tricastin, dans la Drôme. Areva encore. Reste à obtenir un véritable combustible. Et pour cela, il y a deux voies, deux produits. Pour le tout-venant des centrales nucléaires, voyez du côté de FBFC, filiale d’Areva. Dans l’usine de Romans (Drôme), des petites mains gantées fabriquent de la poudre de dioxyde d’uranium, ou UO2. Notamment. Ce qui crame dans nos 58 réacteurs, pour l’essentiel, vient de là.

Il existe un deuxième combustible, bien moins courant, qu’on appelle MOX, pour « Mélange d’OXydes ». On l’obtient en allant récupérer le plutonium à la sortie des réacteurs nucléaires en service, avant passage à La Hague pour le séparer des combustibles irradiés. Tout seul, ce plutonium ne servirait pas à grand-chose. Mais en le mélangeant – comptez 8 % de plutonium – à de l’uranium appauvri, on obtient un nouveau combustible. Oublions le MOX, et concentrons-nous sur le combustible principal, UO2. Le grand jour est arrivé, et l’on déballe devant des ouvriers et techniciens ébahis les conteneurs de dioxyde d’uranium. Zou ! on enfourne le tout dans les réacteurs nucléaires, qui vont transformer l’affaire en chauffage électrique et en veilles pour les appareils ménagers. Dans les grands chaudrons magiques, U02 va donner tout ce qu’il sait.

Mais tout a une fin, même le nucléaire. Au bout de trois ans de bons et loyaux efforts, le combustible bat de l’aile. Les produits internes de fission, dont certains ralentissent la bonne marche du réacteur, ont tendance à augmenter, et dans le même temps, les éléments fissiles, qui jouent sans jeu de mots un rôle moteur, déclinent. Il faut vider la poubelle. Comme les nucléocrates n’entendent pas arrêter la production, l’opération se passe en trois fois : un quart à un tiers par année.

Que fait-on des ordures que l’on a extraites ? On leur fait passer plusieurs années sur place, dans une piscine gentiment nommée de désactivation, avant que de gros camions n’emportent tout, de préférence la nuit, vers l’usine de retraitement de La Hague (Manche). Là-bas, et pour commencer, nouvelle baignade en piscine, de trois à cinq ans. Ensuite, de gentils robots trient ce qui peut éventuellement resservir et ce qui devra être considéré comme déchet, avant que d’être stocké. Tel est le cadeau final de nos amis : selon des chiffres officiels, à la fin de 2007, la France comptait 1 152 533 m3 de déchets radioactifs. Elle devrait en compter le double d’ici à 2030. Y en aura donc pour tout le monde.

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Cracher dans la soupe des journalistes (les cas Alberganti et Nau)

Le texte qui suit est long, et la première partie est d’ordre un peu personnel. Qui voudrait commencer à lire le véritable sujet du jour – un papier paru sur le site en ligne Slate pourrait s’épargner les sept premiers paragraphes. Notez que je serais ravi que vous restiez avec moi du début à la fin.

Je crois pouvoir écrire, sans me vanter, que je n’ai pas l’esprit corporatiste. Parmi les innombrables journalistes que j’ai pu croiser dans ma vie, bien peu m’auront convenu, encore moins impressionné. La profession – c’est un signe des temps – est massivement corrompue sans seulement s’en douter. Je ne parle pas des enveloppes distribuées de la main à la main, emplies de bon argent frais. Non, cela, je ne l’ai pas vu. Mais j’ai été le témoin de bien d’autres choses, et vous me permettrez sans doute d’être plus concret.

J’ai travaillé pour l’hebdomadaire Femme Actuelle comme secrétaire de rédaction au moment de son lancement à l’automne 1984. Comme il y a prescription, je puis vous dire en deux mots que j’ai réussi alors un coup difficile. Car je n’étais nullement secrétaire de rédaction, poste hautement technique, et bien au-dessus de mon savoir de l’époque. J’avais 29 ans, et un bien grand besoin de croûter. Par la grâce d’une insider  – une femme de l’intérieur -, je me suis pointé un lundi matin en prétendant avoir travaillé pour d’excellents journaux de la place. Je vous jure que je n’en menais pas large. Ce fut l’un des labeurs les plus éprouvants de ma vie, le plus dur même, je crois bien.

À chaque minute, je craignais d’être démasqué comme l’imposteur authentique que j’étais. Et puis non. Après des jours et des jours épuisants de folle(s) et drolatique(s) ruses, j’ai été intronisé. Malgré quelques sérieuses alertes – je le répète, c’était technique -, j’ai réussi les deux semaines de remplacement qui étaient proposées au début. Le vendredi de mon départ programmé, et dans les cinq dernières minutes, la responsable du service, Nicole Ligney, m’a proposé de rester à plein temps, s’excusant de ne pas me proposer meilleur salaire. Elle ne savait pas que je n’avais jamais gagné autant d’argent de toute ma vie ! Je suis resté, et j’ai obtenu de la sorte ma première carte de presse, qui permet d’entrer gratuitement au musée.

C’est également à Femme Actuelle que j’ai compris qu’on pouvait parfaitement réaliser un journal populaire sans se vautrer dans la bassesse. Pour ceux qui n’ont pas connu les années 70, je rappelle le lamentable exemple du Parisien libéré de ce temps, qui faisait du lepénisme avant l’heure, perpétuellement à l’extrême bord du racisme le plus abject. Non, Femme Actuelle, qui devait finir par vendre 2 millions d’exemplaires par semaine, ne rabaissait pas le propos et même, en règle très générale, ouvrait des débats de bonne tenue. Je le jure, j’y étais. Ce qui ne m’empêche pas de me souvenir du reste. Une bonne part de la rédaction croulait sous les cadeaux publicitaires des firmes sur lesquelles elle prétendait ensuite donner son avis. Comme les envois étaient massifs, le standard de la rue Raffet était proprement débordé, au point que l’ordre avait été donné d’envoyer les présents commerciaux au domicile privé des rédactrices, car le journal ne comptait pratiquement que des rédactrices. Et le journal donnait ensuite, en toute indépendance, des conseils sur les fringues, les produits de beauté, les colifichets.

Je ne vais pas dresser la liste de tous les journaux pris dans ces rets. J’ai vu également comment les livres sont, en règle plus que générale, traités. Un peu partout, jusque dans la presse jugée sérieuse et référentielle. C’est horrible. Il n’y a pas un journaliste sur dix qui lise. Mais la plupart reçoivent gratuitement – en service de presse – des bouquins sur lesquels les invités marcheront en entrant dans le bureau du destinataire, ou qui seront vendus dans le quartier parisien de Saint-Michel sans qu’on ait seulement songé à ôter la page dédicacée. Variante : notre grand PPDA, qui recevait au temps de sa splendeur probablement vingt livres par jour, s’obstinait à adresser à l’envoyeur un mot manuscrit l’en remerciant. Le plus souvent à l’aide d’un parapheur, comme les ministres, car le Grand Homme n’avait évidemment pas le temps. Ni de lire, ni de remercier lui-même. Moi, je suis pour l’abolition de ce service de presse gratuit. Si un journaliste a envie de lire, qu’il le prouve, et ce n’est pas gagné.

J’ai également connu le règne abominable – pour moi – du renvoi d’ascenseur. Des voyages payés dans mon dos par l’institution dont j’étais censé parler au cours d’un reportage. Il m’est ainsi arrivé de consacrer un long article, publié dans l’un des plus grands magazines français, à un Parc naturel régional. Avant de réaliser sur place qu’il y avait anguille sous roche. Que tout était minutieusement préparé à mon insu. Que je devais parler de tel ou tel, ce que je n’ai d’ailleurs pas fait. Une autre fois, et pour ce même magazine, je me suis vu proposer, dans un magasin de luxe qui faisait partie de mon sujet, un blouson de qualité. Sans que le mot échange, vous vous doutez, ne soit jamais proposé. Non, en effet, je ne cite pas le nom de ce journal que tout le monde connaît. Pour une raison simple : l’un de ses chefs, pour qui je travaillai directement en ces deux occasions, pourrait bien avoir été l’un des purs et simples corrompus, au sens financier, de mon expérience personnelle. Et je n’ai aucune preuve.

Jamais on ne m’aura offert directement de l’argent. Une fois, pour me clouer le bec, on m’a proposé un travail on ne peut plus fictif, qui m’aurait rempli les poches pour une année.  C’était drôle, je vous raconterai cela une autre fois. De même que les quelques procès de presse que j’ai eu à affronter, et qui n’ont pas tous été des parties de plaisir. Bon, voilà que je réalise, un peu tard, que je prends mes aises au moment même où je souhaitais vous parler de deux valeureux journalistes, Michel Alberganti et Jean-Yves Nau. Ces deux-là viennent de publier sur le site de Slate (ici) un article titré : « Nucléaire, gaz de schiste, bisphénol: le gouvernement se prive de la science ». Notons ensemble, pour commencer, qu’ils eussent pu titrer : « se prive de science ». Mais non, la science est une, irrévocablement.

Avant d’entrer dans le cœur de mon commentaire, deux mots sur les auteurs. Alberganti et Nau ont longtemps été journalistes au Monde. Le premier de 1995 à 2009, le second de 1980 à 2009. Le premier comme responsable de la rubrique Sciences, le second comme titulaire de la rubrique Médecine. Ce n’est pas rien, n’est-ce pas ? À ce titre, ils ont pu notablement influencer une partie significative de la société française. Je me dois de préciser tout de suite que Nau a été au centre d’un petit scandale dans le vaste pandémonium de l’affaire du sang contaminé. Le principal acteur de cette abominable histoire, le docteur Garretta, a été condamné en 1992 à quatre ans de taule. Or Jean-Yves Nau avait été salarié pendant quelques mois de 1988 par une société dirigée par Garretta, pour préparer une exposition sur la transfusion sanguine. Le menu souci, c’est qu’au moment où l’affaire du sang empoisonné éclate en 1991, Nau est tout naturellement chargé de la suivre. Il ne prévient pas Le Monde qu’il connaît Garretta au point d’avoir été son employé au moment même – 1988 – où il était celui du Monde.

Je précise que Nau n’a été convaincu d’aucun trucage. Mais il n’est pas interdit de se poser des questions de morale élémentaire. Et je reprends le cours de mon commentaire en vous livrant un mot sur les itinéraires respectifs, au plan de la carrière, des deux signataires du billet de Slate. Alberganti n’a rien d’un scientifique, et son diplôme des Arts et Métiers l’aura conduit à certifier les navires transportant du gaz au bureau Veritas puis à travailler dans la presse technique – Industries et Technologie, L’Usine nouvelle – avant d’entrer au Monde. Croyez-le, cela ne m’inspire aucune réserve, mais cela me semble important de le noter. Quant à Nau, il a été docteur en médecine avant de devenir journaliste. Médecin, donc, comme l’aura été son ancien employeur Michel Garretta.

Le papier que ces deux journalistes signent dans Slate est un concentré, d’une rare densité, de pure et simple idéologie. Attendez, je vais m’expliquer. Alberganti et Nau épinglent le gouvernement à propos de trois décisions : la (soi-disant) interdiction de l’exploitation des gaz de schiste ; la fermeture en 2016 de la centrale nucléaire de Fessenheim ; l’interdiction du bisphénol A. Et nos deux amis – je suppose qu’ils le sont, amis – d’en appeler à la science, qui aurait été bafouée dans les trois cas cités. Restons-en, même si j’aimerais beaucoup sortir du cadre, à la science. L’article pointe, concernant les gaz de schiste, une évidence. Hollande a parlé dans un contexte difficile pour lui, et s’il n’était tenu par la présence de deux ministres EELV et l’existence d’une opinion critique, il aurait probablement déclaré autre chose.

Oui, mais c’est le cas de tout pouvoir. Et quand Slate prétend opposer la politique des gouvernements précédents – sur le sang, sur l’hormone de croissance, sur la vache folle -, qui auraient suivi la science, et le pouvoir actuel, il se moque du monde, car la politique a toujours été au commandement. Évidemment, doit-on ajouter. Mais la vraie malignité est ailleurs, dans cette opposition factice entre science et décision publique. En substance, disent les journalistes, l’interdiction – supposée – des gaz de schiste ne repose sur aucune considération scientifique. Et là, ils dérapent. Alors que les pétroliers peinent à fournir des études sérieuses en leur faveur, il ne manque plus de travaux scientifiques pointant des problèmes bien réels, touchant au paysage, à l’eau, au climat. Question centrale : pourquoi ne pas écrire cela ? Parce que Nau et Alberganti ne le savent pas ? Mais en ce cas, qui les informe sur le dossier ? Et n’est-il pas troublant de constater – comme je l’écrivais ici il y a quelques jours à propos de l’actuel journaliste du Monde Jean-Michel Bezat -, que l’industrie des gaz de schiste est lancée dans une lourde opération de communication ?

Le nucléaire ? Franchement, l’article devient détestable. La centrale de Fessenheim est en service depuis 1978. En 2016, si elle ferme à cette date, elle aura 38 ans d’activité dans les pattes. C’est énorme, car personne ne conteste que les centrales vieillissent. Et qu’elles doivent fermer. Refuser cette idée, c’est d’évidence affirmer que le nucléaire ne représente strictement aucun danger. Je constate que ni Nau ni Alberganti ne prennent la peine de seulement évoquer les innombrables avancées scientifiques sur la question du nucléaire, et par exemple sur l’effet des faibles doses de radiation. Ainsi, alors que la science officielle chère à Nau et Alberganti assure que les doses reçues autour de Tchernobyl aujourd’hui ne sauraient avoir des effets sérieux sur la santé humaine, des médecins de terrain et de grande valeur, comme le professeur Bandajevsky, ont prouvé tout le contraire. Nau et Alberganti ont bel et bien choisi leur camp : celui d’EDF et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il est piquant pour qui connaît l’histoire du nucléaire – c’est mon cas – de voir à quel point cette industrie de la terreur s’est développée sans la science, mais à 100 % par la politique, le lobbying, le secret le plus total. Alberganti et Nau sont de bien curieux aficionados.

Enfin, le bisphénol. On touche le fond. Ce poison, comme jadis le DDT, sera interdit en janvier 2014. C’est une bonne nouvelle parce que des études scientifiques prouvent les terribles perturbations endocriniennes dont est responsable le bisphénol. Le fond de l’argumentation de Slate est ici : « C’est donc en l’absence de données consensuelles nées de l’expérience que les interdictions le concernant ont commencé à être prises ». Le mot clé est consensuelles. Il faudrait, pour complaire à Nau et Alberganti, que tout le monde soit d’accord. Qu’il n’y ait aucune position si peu que ce soit contraire. Eh bien, n’est-ce pas exactement ce qu’ont plaidé jadis les industries criminelles de l’amiante et du tabac ? Mais si, mais si ! Les structures qui conseillent ces nobles entreprises en coulisse savent faire, remarquablement. Dans un livre paru en silence aux éditions Le Pommier (Les Marchands de doute), Naomi Oreskes et Erik M. Conway décrivent avec une clarté glaçante comment ils ont fait. Comment les grands Manitous du tabac, de la chimie, du pétrole ont pu manipuler les opinions en suscitant des études confuses autant qu’opportunes, venant semer le trouble et l’incertitude au moment où la décision politique s’imposait.

Ce livre, je vous en reparlerai, car il est exceptionnel de force. Mais vous avez sans doute entendu parler des formidables papiers du journaliste – du Monde, lui aussi, voyez qu’il n’y a pas complot – Stéphane Foucart sur les « conspirateurs du tabac » (ici). Des preuves venues des États-Unis établissent que des grands noms de la science – y compris en France – ont participé, dans des conditions qui restent à éclairer, à cette désinformation majeure. Où veux-je en venir ? Certainement pas à une accusation de corruption contre Nau et Alberganti. Je suis raisonnablement certain de leur honnêteté. Seulement, ils baignent dans la si douce idéologie du scientisme et du progrès. Et quand l’on est dans cette disposition d’esprit banale, comme Nau et Alberganti, on devient ipso facto une cible de choix pour les services spécialisés. Car l’on sait dès l’avance, comme Nau et Alberganti, que le nucléaire, le pétrole, la chimie sont la condition de cette si magnifique marche en avant de l’humanité. Et j’ajoute par-devers moi : marche vers l’abîme. Il faut et il suffit – c’est fait dans Slate – de trouver et disposer de jolies fleurs sur la couronne mortuaire.

Oui, je sais. J’ai accusé les deux amis de faire dans l’idéologie concentrée. Comme monsieur Jourdain faisant de la prose sans le deviner, chacun fait de l’idéologie. Même moi ? J’en ai bien peur. Mais un autre jour, je vous dirai pourquoi, à mon  sens, l’écologie en produit bien moins que d’autres. Restons donc en contact.

Et une con-fait-rance environnementale, une !

La bouffonnerie est reine. Rions donc comme à Carnaval. Pleurons de même, puisque, de toute façon, notre impuissance est totale. Pour ce qui me concerne, je regarde avec stupéfaction la pantomime qui se prépare. Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Je résume pour les sourds et mal-entendants : M.Hollande réunit vendredi 14 et samedi 15 septembre, au palais d’Iéna de Paris, une Conférence environnementale. Sur le modèle, mais en parodie, du Grenelle de l’Environnement voulu par Sarkozy en septembre 2007. Je vous glisse sous forme de PDF deux documents que l’on a le droit de juger hilarants. Un sur le déroulement (organisation des débats.pdf), l’autre qui donne la liste des participants (invités.pdf).

Mon premier commentaire sera évident : le simple fait que se tienne pareil conclave marque une défaite du mouvement écologiste. En effet, le cadre imposé par les socialistes est digne de l’émission télévisée des années 70 qui s’appelait Chefs-d’œuvre en péril. On y considérait la France des villages et l’affreuse atteinte du temps sur les nobles monuments légués par l’Histoire. Il s’agissait de dépenser quelques picaillons pour sauvegarder un clocher ou l’aile d’un château. Ma foi, cela ne mangeait pas de pain. Refaire le coup près de cinquante ans plus tard n’est pas seulement ridicule : il s’agit d’une insulte jetée au visage des centaines de millions – qui seront bientôt des milliards – de victimes de la crise écologique planétaire.

Hollande and co, qui se moquent tant de l’écologie qu’ils ne savent pas ce que c’est, prétendent donc, avec l’aval des écologistes officiels qui participent, incarner une vision nationale des écosystèmes. C’est baroque, inutile de s’appesantir, mais comme il faut entrer dans les détails, allons-y. La question de l’énergie ? Les pauvres âmes qui nous gouvernent ne pensent qu’à une chose : gagner un point de croissance pour éviter d’être jetés au prochain scrutin. Le dérèglement climatique ? Plus tard, un jour, peut-être. Je sais que Hollande a vu à plusieurs reprises Christophe de Margerie, patron de Total, par l’entremise de Jean-Pierre Jouyet, cousin de ce dernier et patron de la Caisse des dépôts et consignations (ici).

C’est on ne peut plus normal compte tenu de leurs rôles respectifs, mais que se sont-ils dit ? Selon ce que j’ai glané – je ne suis pas certain -, ils ont abordé la question des gaz et pétrole de schiste. Côté cour, Hollande et ses amis refusent toute exploitation en France, où la technique de fracturation hydraulique est interdite par une loi votée par la gauche et la droite l’an passé. Côté jardin, les mêmes misent sur un retournement de l’opinion, qui sur fond d’augmentation continue du prix du gaz domestique, pourrait accepter des forages en France. À la condition, par exemple, que les pétroliers bidouillent une technique présentée comme différente de la fracturation hydraulique. En façade, donc, intransigeance gouvernementale face aux gaz de schiste. Et en privé, encouragements donnés à Total pour malaxer l’opinion publique. L’affaire Bezat montre que nous sommes face à un plan concerté. En deux mots, Jean-Michel Bezat, journaliste au Monde, y publie le 26 juillet un reportage réalisé aux États-Unis – 700 000 puits en activité, des régions entières transformées en Lune aride – sur les gaz de schiste. Surprise relative – Bezat est un grand admirateur de l’industrie -, ce reportage est très favorable au point de vue des pétroliers. Et puis plus rien.

Et puis on apprend que le voyage de Bezat a été payé par Total (ici). On, mais pas les lecteurs du si déontologique quotidien du soir, qui n’ont évidemment pas le droit de pénétrer dans l’arrière-boutique. En résumé : Total prépare le terrain, en accord avec Hollande, pour qui l’exploitation des gaz de schiste en France serait une bénédiction électorale. Et une violation grossière de la loi Énergie de juillet 2005, qui prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en France à l’horizon 2050. Mais que représente la loi au regard d’une possible réélection ?

Revenons à la Conférence qui commence demain. Si j’ai abordé en commençant le dossier des gaz de schiste, c’est parce qu’il est emblématique. Comme l’est le nucléaire, défendu sans état d’âme par ce gouvernement, ainsi que par le précédent. Reportez-vous plus haut au déroulement des festivités. La table-ronde numéro 1 s’appelle : « Préparer le débat national sur la transition énergétique ». On devrait mettre au centre de toute discussion la crise climatique et les extrêmes dangers d’une industrie sans contrôle, le nucléaire. Or non. On va comme à l’habitude blablater, de façon à « définir les enjeux du débat national », puis « définir les grandes règles du débat national ». En 2012, après tant de centaines de rapports, tant d’alertes et de mises en garde, d’engagements passés – le référendum sur le nucléaire promis par Mitterrand en janvier 1981 -, nous en sommes encore au point mort.

Et nous le resterons, je vous en fiche mon billet. Deux ministres en exercice participent à cette table-ronde truquée : Delphine Batho, ministre de l’écologie, et Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Les deux sont en faveur du nucléaire. Le second clairement en faveur de l’exploitation des gaz de schiste. Et de même madame Batho, qui, en hypocrite accomplie, fait semblant de croire que le dossier ne bouge pas. La fracturation hydraulique n’est-elle pas interdite par la loi ? À côté des deux ministres, une « facilitatrice » du nom de Laurence Tubiana. J’ai écrit sur elle en 2008, si cela vous intéresse : c’est ici.

Ceux qui acceptent de siéger dans ces conditions sont des dupes ou des manipulateurs. Peut-être les deux. Il n’y a pas de débat sur l’énergie, car les décisions ont déjà été prises. Ce que le pouvoir veut, c’est une caution. Il l’aura. Les écologistes officiels qui ont servi la soupe à Sarkozy il y a cinq ans peuvent bien aujourd’hui feindre qu’on ne les y reprendra plus. Si, on les y reprendra, aussi longtemps que les structures dégénérées qu’ils conduisent existeront. Voulez-vous qu’on parle des autres tables-rondes ? Bon, soit. L’intitulé de la deuxième est saisissant. La biodiversité s’effondre partout, mais, cocorico, on va s’atteler à la mise en œuvre de « la stratégie nationale pour la biodiversité » de manière à « favoriser la prise de conscience citoyenne ». C’est tellement con que ce n’est même plus drôle. On trouve ceci sur le site de notre ministère de l’Agriculture : « Grâce à l’Outre-mer, avec 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France dispose du deuxième espace maritime mondial, après celui des USA. Dans l’Océan Indien, les zones sous juridiction française s’étalent sur une surface huit fois plus grande que celle de la métropole. Cet immense espace maritime, réparti dans tous les océans, dote la France d’une grande richesse en matière de biodiversité marine, ce qui constitue à la fois un atout et une responsabilité. »

Formidable, hein ? Alors que l’Europe, pour une fois inspirée, souhaite interdire progressivement le chalutage profond, notre France vertueuse s’y oppose. S’y oppose, à nouveau pour de sordides intérêts politiciens. Or le chalutage profond est une catastrophe écologique planétaire (ici). Autre menu exemple : le nickel est en train de tuer à jamais des espèces endémiques de Nouvelle-Calédonie, venues en droite ligne du  Gondwana, supercontinent créé il y a 600 millions d’années et dont la Nouvelle-Calédonie est l’un des ultimes morceaux, à la dérive depuis bien avant l’arrivée des hommes sur terre. Non, bien sûr que non, on ne parlera pas de biodiversité. Et pas même chez nous, dans notre vieille France où l’agriculture industrielle est reine. Le Foll, ministre de l’Agriculture, a dealé depuis des semaines avec la FNSEA, puissance dominante, au point de ne pas même inviter à la Conférence de demain la Confédération paysanne, pourtant proche de la gauche. Au point d’aller visiter le 3 septembre les industriels français des biocarburants, fiers défenseurs d’une filière criminelle (ici). Je dois bien reconnaître que ces gens me dégoûtent.

Le reste ? Quel reste ? Table-ronde 3 : « Prévenir les risques sanitaires environnementaux ». Ministre présente : Geneviève Fioraso, militante déchaînée du nucléaire, des nanotechnologies, de la biologie de synthèse (ici). Les deux dernières tables-rondes, chiantes comme la mort dès leur énoncé, devraient causer fiscalité et gouvernance. Tout cela est à chialer. Mais comme je n’écoute que mon grand cœur, je n’entends pas vous quitter sans positiver un peu. Attention ! ce qui suit est à prendre au premier degré, malgré ce qui précède. Un certain nombre d’écologistes officiels, qui se rendront demain au palais d’Iéna, gardent ma sympathie. Notamment ceux du tout nouveau Rassemblement pour la planète (ici), comme André Cicolella, Nadine Lauverjat, Franck Laval ou François Veillerette. Ils vont tenter d’arracher quelques mesures dans le domaine de la santé, et même si je crois qu’ils se trompent sur le fond, ils ont mon estime et mon affection. Ceux-là du moins pensent à l’avenir.

Un coup de main serait le bienvenu (sur le nucléaire)

Vous êtes des milliers à venir sur Planète sans visa, et j’en suis bien entendu très heureux. Ce n’est pas cela qui changera ce qui doit l’être – tout -, mais il m’arrive de croire que ce rendez-vous a quelque utilité. Pas chaque matin, hélas, seulement les jours d’euphorie. Je vous tiens la jambe depuis une semaine avec ce hors-série sur le nucléaire publié par Charlie-Hebdo. Il sort aujourd’hui, pour ceux qui n’auraient pas suivi. Je dois vous avertir que le résultat me convient. Je dois ajouter que je suis l’auteur des textes.

Vous avez peut-être remarqué que je ne vous demande pas grand chose. Depuis cinq ans que je tiens table ouverte ici, j’ai publié environ 1200 articles, ce qui me fait passer auprès de certains pour un cinglé. C’est possible. Que je le sois. En tout cas, ce qui est certain, c’est que Planète sans visa est gratuit. Le seul qui paie, avec de l’argent parfois, avec du temps évidemment, c’est moi. Je ne me plains ni ne me plaindrai jamais. Ce que je fais, nul ne m’y contraint. Et j’en tire satisfaction. Vous ne me devez rien. Seulement, on a le droit de demander un service, et c’est ce que je vais faire sans détour.

Amis lecteurs, je vous demande de lire ce hors-série, et s’il vous plaît d’aventure, de le faire connaître par tous les moyens à votre disposition. Secouez vos réseaux, joignez vos amis, surprenez vos ennemis. Je crois sincèrement que les 40 articles de ce journal assez particulier peuvent aider, au moins un peu, à comprendre ce qui s’est joué, se joue et se jouera dans le sinistre domaine du nucléaire. Il ne s’agit que d’une lecture, je l’admets, mais celle-ci a un sens, ce qui n’est pas le cas de toutes. Surtout, n’hésitez pas à envoyer un mot pour raconter aux autres ce que vous avez fait ou comptez faire. Encore une fois, je ne vous demande pas de me faire confiance a priori. Quoique. En la circonstance, je ne serais pas choqué que vous le fassiez. Bon, assez finassé. Je vous demande un coup de main. Voyez.