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Chikayas* à Djakarta (roman de gare)

Ce n’est rien qu’un petit cri de plus. Contre une affreuse manière de sembler informer l’opinion, lors qu’on lui chante des bluettes. Je viens de lire un article du journal Le Monde consacré à l’Indonésie, archipel géant de 17 000 îles dont la surface dépasse 1 900 000 km2, près de quatre fois la France (ici). Je n’en ferai pas l’exégèse, même si l’envie m’en démange. Il s’agit d’un chant à la gloire de l’économie Potemkine – comme il y avait chez Catherine de Russie des villages Potemkine, en carton-pâte – dont les interprètes sont la ministre des Finances Sri Mulyani Indrawati, le gouverneur de la Banque d’Indonésie, le directeur de l’Agence française de développement (AFD), le président de la chambre de commerce franco-indonésienne, le chef de la mission économique à l’ambassade de France. Que des gens lucides sur l’état vrai du géant indonésien.

L’obsession du journal est celle-ci : la France va-t-elle laisser passer l’occasion unique de s’installer dans ce pays émergent de 237 millions d’habitants qu’elle méconnaît tant ? Il n’y a qu’une centaine de sociétés de chez nous présentes, contre 450 dans la minuscule cité-État de Singapour. Je vous le dis, l’article le sous-entend en tout cas : nous sommes bien sots. Mais le pire n’est pas là. Des textes aveugles paraissent chaque jour et plusieurs fois l’heure, même. On fête en ce moment dans des journaux comme Le Nouvel Observateur l’Exposition universelle de Shanghai, où l’on attend 70 millions de visiteurs. En oubliant le reste, en cachant derrière les adjectifs les 200 millions de mingong – ce sont des chemineaux, des journaliers, des vagabonds – que compte la Chine. En omettant de parler de la sécheresse biblique qui frappe les États riverains du Mékong, ce Mékong que la Chine barre partout où elle le peut pour récupérer ses eaux à son seul profit.

Mais le pire n’est pas là. Je lis textuellement dans l’article sur l’Indonésie : « Pourtant, cet immense pays de 237 millions d’habitants, qui regorge de matières premières, est membre du G20. Et bien qu’il soit le troisième émetteur de gaz à effet de serre de la planète – en raison de la déforestation massive, pratiquée pour développer les plantations de palmiers à huile -, il est devenu pionnier en matière de lutte contre le réchauffement climatique ». Voulez-vous bien relire ? Bien que. Cette phrase est d’une absurdité rare. Soit elle repose sur une ignorance remarquable, soit sur un problème de logique élémentaire. Et peut-être les deux. Première hypothèse : la signataire ne sait rien, absolument rien des problèmes climatiques. L’usage de la locution conjonctive bien que semble pourtant indiquer la conscience d’un léger souci. Mais alors, s’il est une deuxième hypothèse, comment les deux propositions peuvent-elles coexister dans la même phrase ?

Commençons par un fait : l’Indonésie est le troisième émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, record impressionnant si on rapporte sa population à celle des États-Unis et surtout de la Chine. En effet, elle détruit à jamais des forêts pluviales d’une richesse biologique sans égale. Pour nous vendre du bois tropical. Pour y faire pousser quelques années – ensuite, l’infertilité du sol conduit à l’abandon -, dans la foulée, des millions d’hectares de palmiers à huile destinés en partie à la criminelle mais lucrative industrie des biocarburants. Les peuples forestiers deviennent clochards, les orangs-outans seront bientôt des souvenirs, mais le PIB augmente, cela ne se discute même pas. Ajoutons que le drainage des tourbières sur lesquelles poussent pour partie les forêts tropicales relâche des quantités folles de protoxyde d’azote, gaz 300 fois plus réchauffant que le CO2.

Dans ces conditions-là, par quel miracle l’Indonésie pourrait-elle être malgré tout pionnière « en matière de lutte contre le réchauffement climatique » ? Nul ne le saura jamais. Jamais. Pour la raison que c’est totalement faux. Évidemment. Si on est la cause d’un phénomène – l’une des causes majeures de ce phénomène -, comment peut-on aussi être un acteur premier dans le mouvement contre son aggravation ? Nous sommes en face d’une sévère contradiction dans les termes. Insoutenable. On peut donc écrire absolument n’importe quoi et n’importe où. Vous le saviez ? Oui, moi aussi.

Il faut aller au-delà, et considérer les effets prévisibles d’un article de cette sorte. Le Monde reste une référence pour bien des institutions. Et le papier dont je vous parle se résume au souhait que nos transnationales à nous viennent mettre leurs billes dans l’archipel aux 17 000 îles. Qu’elles participent à la curée. Qu’elles aident à la manœuvre. Qu’elles contribuent, elles aussi, aux si prolifiques émissions de gaz à effet de serre du pays. Bref, il s’agit d’une contribution limitée, mais assurée, mais certaine, à la destruction organisée de la planète. On peut s’en foutre ? Je ne vois pas comment.

* Des chikayas, ce sont des disputes. Le titre général renvoie de manière fumeuse à des romans signés Gérard de Villiers, dans la funeste série SAS.

Claude Allègre et les glaciers du Tibet

Je vais me vanter, c’est indiscutable. Je suis l’un des premiers à avoir attaqué publiquement Claude Allègre à propos du dérèglement climatique en cours. En fait, je suis peut-être le premier. Ne lisant pas tout, de loin, quelqu’un peut m’avoir devancé. Mais en ce cas, je l’ignore. Moi, dans le journal Politis en date du 4 décembre 1997, j’ai consacré ma chronique hebdomadaire à cet illustre personnage. Et pas d’anachronisme, s’il vous plaît ! À cette date, le mandarin trône encore. Il est ministre de l’Éducation de Lionel Jospin, lui-même Premier ministre, et tous les commentateurs lui lèchent les pieds, pour demeurer poli.

Oui, cette fin 1997, alors que la conférence de Kyoto sur le climat va avoir lieu, Allègre est d’autant plus intouchable qu’il est intouché. Dans mon papier, je l’accuse d’être atteint de ce que j’appelle le syndrome Charpak – Georges -, du nom de ce physicien devenu amoureux fou de l’atome. Et j’ajoute aussitôt : « Tout comme le Nobel de physique, Allègre use et abuse de son statut – indiscutable – de grand scientifique pour trancher de tout, y compris dans des domaines où il n’est nullement compétent (…) Jusqu’à ces derniers mois, Allègre disposait chaque semaine dans Le Point d’une chronique scientifique. Celle du 8 mai 1995 – deux ans à peine – mérite comme on dit le détour. Que déclame-t-elle ? Que l’effet de serre serait tout simplement une fausse alerte. Mieux : une véritable mystification entretenue par des lobbies scientifiques en mal de crédits et de mystérieux…groupes industriels. Comme on aimerait savoir lesquels ! Hélas, hélas, les élucubrations de monsieur Claude ne sont pas une plaisanterie ».

Je ne trouve pas cela sans intérêt. Car ce texte montre bien la logique interne du discours de notre génie national. Il conteste a priori. Ce n’est que bien plus tard qu’il cherchera à justifier, à documenter son obsession « climato-sceptique ». Et il n’est pas le seul dans ce cas, oh non ! On commence par croire, on tente ensuite de prouver. Quelle jolie démarche scientifique, non ? On se lance de la sorte, porté en triomphe par une caste de journalistes obséquieux autant qu’incultes et l’on finit par le graphique Håkan Grudd. Allègre, dans son dernier livre – je ne nomme pas ce machin – a publié un document issu des travaux de Grudd, paléo-climatologue suédois. Fort bien. Mais comme le démontre dans un article implacable, impeccable, le journaliste français Sylvestre Huet (ici), Allègre a falsifié la publication de Grudd. Pour prouver ce qu’il affirme. Vous lirez si vous avez envie.

Par ailleurs, mais en complément, je souhaite vous parler d’un article puissant paru dans le numéro d’avril 2010 de la revue américaine National Geographic (ici). Évoquer ce magazine en langue anglaise n’est pas du snobisme : simplement, j’ai eu la chance de lire une partie du dossier de couverture, dont le titre est Water, our thirsty World (Eau, notre monde assoiffé). Ce grand journal, sans le proclamer, prend parti dans la grande controverse autour du climat, et de la plus belle manière, c’est-à-dire par les faits. Pour mémoire, je rappelle qu’Allègre et ses nombreux amis se sont jetés comme la pauvreté sur le monde dessus une erreur bien réelle figurant dans un rapport du Giec, ce grand organisme chargé par les Nations Unies de surveiller l’évolution du climat.

Pour Allègre et ses si nombreux amis – bis repetita -, le Giec est désormais le grand Satan, mû par d’obscurs ou trop limpides intérêts, et qui raconterait sans cesse des balivernes. Donc une erreur, reconnue comme telle, au milieu de milliers d’informations solides et recoupées, qui concerne les glaciers de l’Himalaya. Oui, hélas, le Giec s’est appuyé sur un semblant d’étude, concluant avec légèreté que les glaciers de cette région décisive pour l’avenir commun auraient complètement fondu d’ici 2035 (ici). Pour Allègre et ses innombrables amis – ter repetita -, cette faute vénielle est et demeure une aubaine. Par chance, National Geographic.

Dans le numéro consacré à l’eau, on trouve un reportage exceptionnel écrit par Brook Larmer. Larmer est allé au Tibet, dans sa partie chinoise comme dans sa partie indienne, et il en ramène des informations de très haute qualité. On me dira que cela ne vaut pas un travail scientifique. Je répondrai que cela vaut 100 000 Allègre. Le massif de l’Himalaya est la source des plus grands fleuves de l’Asie. Le Yangzi Jiang (Yangtsé), le Fleuve jaune, le Mékong, le Gange, entre autres. Or, raconte Larmer, qui a parlé aux villageois et aux scientifiques, les glaciers de ces hautes montagnes, qui alimentent le cours de ces fleuves et permettent in fine d’abreuver autour de deux milliards d’êtres humains, fondent à une allure démentielle. Que se passera-t-il quand l’eau manquera dans les plaines surpeuplées, chaque année un peu plus ?

Certes, ce reportage n’est qu’un reportage, mais il dit le vrai, malgré cette funeste erreur de détail dans l’un des grands rapports du Giec sur le climat. Écoutez plutôt la voix de Jia Son, qui montre au journaliste ce qu’est en train devenir, sous ses yeux impuissants, le glacier du mont Kawa Karpo, montagne sacrée des Tibétains : « si nos glaciers sacrés ne peuvent survivre, dit-il, comment le pourrons-nous ? ». Sur les 680 glaciers, côté chinois, 95 % perdraient davantage de glace qu’ils n’en créent. Le glaciologue Yao Tandong, chercheur à l’institut chinois de recherches sur le plateau tibétain, prévient sans ambages : « Le recul à grande échelle des glaciers est inévitable. Et elle nous mènera à une catastrophe écologique ».

J’ajoute : humaine, sociale, politique, globale en somme. Il n’existe pas encore de mot humain capable de décrire ce qui va probablement, très probablement se passer. Mais certains préfèrent continuer à croire Allègre et sa petite troupe si bien informée. Eh bien, la ligne frontière entre eux et moi – entre eux et je l’espère la plupart d’entre vous -, cette ligne devient un fossé, que je ne franchirai évidemment jamais. Car c’est un gouffre, pour l’âme comme pour l’esprit.

Gagnez 18,50 euros en ma compagnie (et celle de Jospin)

 

J’avoue tout de suite, ce qui m’épargnera pour la suite : cet article est un cas flagrant de masochisme. Je ne suis pas affecté de ce mal chaque jour, ni chaque semaine, mais quelquefois, il faut bien dire que je n’y coupe pas. Exemple assuré avec le parcours (rapide, très rapide) que je viens de faire d’un livre que je vous déconseille fortement. Son titre : Lionel raconte Jospin. Son éditeur : Le Seuil. Ses auteurs, outre Jospin lui-même, sont les deux journalistes qui l’ont interrogé : Pierre Favier, ancien de l’AFP, et Patrick Rotman, documentariste. Son prix, comme indiqué dans le titre : 18,50 euros.

Ne le lisez pas, ne faites pas comme moi. Le maigre paradoxe de cette affaire, c’est que ce pauvre livre demeure intéressant. Mais à la vérité, sans doute pas pour les raisons que souhaiteraient ses auteurs. Avec votre autorisation, je découperai mon propos, avec l’arbitraire qui me caractérise, en deux parts inégales. L’une fondamentale, à mes yeux du moins. Et l’autre contingente, où vous retrouverez, pour les plus fidèles de Planète sans visa, certaines obsessions bien (trop) personnelles. Commençons par le principal. Souvenez-vous que Lionel Jospin a été le Premier ministre de la France entre 1997 et 2002, et que s’il n’avait pas été aussi sot – politiquement, s’entend -, il aurait été élu président de la République à la fin de ses cinq ans à Matignon, au lieu que de donner les clés à Chirac, qui se sera assoupi dessus, n’insistons pas. Jospin a donc été, pendant trente années, l’un des responsables les plus en vue du principal parti d’opposition au pouvoir actuel, et il fait montre, dans ces entretiens, d’une cécité totale à la seule question qui, désormais, vaille : la crise écologique.

Je vous le dis comme je le pense, ce texte insipide est un monument érigé à la gloire de la sottise. La sixième crise d’extinction, la plus grave de l’avis de la plupart des biologistes depuis la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années, jette à la fosse commune des milliers d’espèces animales et végétales. Le vivant est ainsi atteint dans son cœur. Mais Jospin pense et parle de la Corse et du préfet Érignac, du PCF de 1981 et des tactiques mitterrandiennes pour en réduire l’influence, de Michel Rocard, de Laurent Fabius, de Claude Allègre, de Mazarine Pingeot, de ses dérisoires campagnes électorales, de ses ridicules affrontements de congrès, de ses si vaines et si fugaces espérances présidentielles.

La faim ravage la planète, les villes ne sont plus que dépotoirs où l’on entasse les humains, le pétrole s’épuise, les biocarburants déferlent, les forêts brûlent, l’eau manque et les grands fleuves meurent les uns après les autres, la contamination chimique empoisonne la totalité des êtres, les océans sont bouleversés pour des dizaines de milliers d’années au moins par la surpêche, le nucléaire se répand comme la peste qu’il est, l’érosion et le désert engloutissent des régions entières, le dérèglement climatique, par-dessus le tout, menace la Terre du chaos et de la dislocation des sociétés humaines, mais Jospin n’a pas un mot pour ces phénomènes écosystémiques, planétaires, essentiels et même cosmiques. Jospin aura traversé sa vie en aveugle. Il ne sait rien, n’a rien lu ni rien compris, il croit visiblement que faire de la politique consiste à faire de la politique. On hésite. Faut-il le plaindre ? Faut-il le moquer ? Moi, je dois vous avouer tout net que je le trouve lamentable.

Pourquoi ce mot rude ? Je vais vous expliquer mon point de vue. Je ne reproche pas à Jospin de ne point partager ma culture et la vision du monde qu’elle impose. Je ne suis pas à ce point abruti. Non. Je lui reproche de ne pas même avoir eu la curiosité intellectuelle de lire deux ou trois livres, de rencontrer deux ou trois intellectuels qui eussent pu l’éclairer. Je lui reproche de s’être vautré pendant cinquante ans dans la sous-culture de l’univers politicien, qui exclut les grands questionnements,  et partant, tout basculement. Pauvre monsieur, pauvre vieux monsieur désormais, qui entendait diriger la France sans rien savoir, aucunement, sur la marche du monde. Voyez, finalement, je le plains. Et j’ajoute : je nous plains, nous qui avons bel et bien mérité cet homme-là.

Je vous avais promis deux parties, et j’espère que vous me pardonnerez ce que, d’emblée, j’ai présenté comme contingent. J’aurais pu ne pas en parler, mais ma pente naturelle me pousse à le faire. Vous pouvez éventuellement sauter. Le 28 juin 2001, j’ai publié dans le quotidien Le Monde une tribune qui n’avait rien à voir avec l’écologie. Elle était intitulée L’étrange monsieur Lambert, ce dernier étant encore à l’époque – il est mort depuis – le chef du mouvement appelé Organisation communiste internationaliste (OCI), auquel Jospin avait adhéré clandestinement dans les années 60. On s’en fout ? Pas moi. Je rappelle que Jospin a failli devenir notre président. Or, dans la tribune du Monde, jamais attaquée, jamais contredite, je racontais des choses extrêmement graves sur l’OCI, Lambert et donc Jospin. Notamment sur la « préhistoire » de Lambert, qui plonge ses racines dans les années de guerre. Notamment sur les liens entre Lambert et Alexandre Hébert, invraisemblable pilier du syndicat FO. Notamment sur l’attitude si baroque des « lambertistes » pendant la guerre d’Algérie, pendant mai 68, puis les années 70. Notamment sur la violence. Notamment sur le refus obstiné de participer aux mobilisations de l’extrême-gauche de ces années-là, qu’elles soient antiracistes, féministes, antinucléaires, antifascistes, antimilitaristes. En résumé, tout montre que l’OCI n’a jamais appartenu à cette nébuleuse connue sous le nom d’extrême-gauche. Mais alors, pourquoi avoir fait semblant ?

Aujourd’hui, bien des gens de ce courant funeste, de Jospin à Benjamin Stora, en passant par Pierre Arditi, Bernard Murat ou Bertrand Tavernier, veulent croire que l’OCI, à laquelle ils étaient liés à des titres divers, était en réalité l’une des composantes de mai 1968. Mais c’est simplement faux. Une structure pyramidale, ayant pour sommet Lambert, s’est absolument opposé à ce mouvement de la jeunesse, pour des raisons qui restent à éclairer, mais qui laissent entrevoir d’étranges coulisses. Et ce livre sur Jospin, alors ? C’est bête, mais j’ai été indigné de la manière dont Favier et Rotman le laissent présenter son engagement de près de trente années dans le mouvement lambertiste. Au moment où je vous écris, nul ne sait précisément quand il y a adhéré, ni quand il l’a quitté. On peut estimer qu’il est resté dans l’orbite de ce si curieux mouvement entre 1960 et 1985, voire 1987. En mai 1968, que Jospin présente en 2010 comme une aventure sympathique, les lambertistes intimaient l’ordre à ses membres, donc Jospin, de ne pas se rendre sur les barricades d’un mouvement jugé comme un complot du pouvoir gaulliste. Quand Jospin ose dire à Rotman et Favier que 68 lui « a paru passionnant par la radicalité de ses remises en question (page 41) », ou bien il ment, ou bien il se ment.

Le fait est en tout cas qu’il adhère au parti socialiste à la fin de 1971, alors qu’il est encore un militant de premier plan, mais secret, de l’OCI de Lambert. Et là, nouveau mystère sidérant, dont semblent se contreficher Rotman et Favier. En 18 mois, ce militant de base sans passé, sans grand charisme – si ? – parvient à un poste stratégique à la tête du PS de Mitterrand. Le voilà intronisé, à la stupéfaction générale, secrétaire national à la formation et membre du Bureau exécutif. Je n’ai pas d’explication, mais je sais qu’il y en a une. On ne me fera pas croire que, dans ce parti d’ambitieux et d’arrivistes, cette ascension de météore a pu être le fait du hasard. Non, vous repasserez plus tard pour les contes de fées.

Je me doute bien que certains d’entre vous se demanderont pourquoi diable je perds du temps dans ces embrouilles passées. Mais il ne s’agit pas forcément du passé. La France a failli élire président de notre République un homme qui a caché des pans essentiels de sa vie, non pas privée, mais politique, intéressant au premier chef les citoyens de ce pays. Il s’était passé exactement la même chose à propos de Mitterrand et de son amitié indéfectible pour le secrétaire général de criminelle police de Vichy, René Bousquet. Nous en faudra-t-il donc un troisième ? Une troisième ? Nous sommes tous, je dis bien tous complices de ces silences aussi révélateurs que bien des paroles. Croyez-moi ou non, tant que la société sera aussi indifférente à la question de la vérité, elle n’avancera pas d’un pas. Dans aucun domaine. Pas davantage dans celui qui m’obsède tant, et qui est la crise de la vie sur terre. Croyez-le ou non, mais cette facilité avec laquelle une société éduquée accepte sans broncher les pires bobards ne prépare pas les lendemains que je continue pourtant à espérer.

Madame Kosciusko-Morizet, immortelle combattante de l’écologie

Rendons à César. L’information qui est à l’origine de ce billet a été publiée par Bakchich (ici), avant d’être reprise et développée par Rue89, où je l’ai trouvée.

Je ne connais aucunement madame Kosciusko-Morizet, que les journalistes appellent NKM, heureux qu’ils sont de sembler partager quelque chose que les autres n’auraient pas. Je dois avouer de suite que ce dernier article de 2009 frôle la catégorie people, ce qui n’est pas glorieux pour moi. Mais bon, j’essaie de dire ce que je pense, et comme je viens de découvrir une abracadabrantesque historiette sur le site Rue89 (ici), je me sens tenu d’ajouter mon petit grain de sel, qui se trouve être de poivre vert. Désolé pour les pressés, mais on ne retrouvera cette fable qu’à la suite d’une longue présentation, moqueuse comme à l’habitude. Irrévérencieuse, oui, je dois en convenir.

Madame Kosciusko-Morizet est une politicienne aux cheveux flottant au vent. C’est un genre. Paris-Match lui avait offert le 23 mars 2005 une série de photos où elle posait, enceinte, couverte d’une robe diaphane dans son jardin, en compagnie – miracle – d’une harpe. Un coup de pub mémorable, mais qui ne fut pas compris comme cela. Que non ! L’inénarrable journaliste Anna Bitton – signataire d’un livre sur Cécilia ex-Sarkozy – écrivait pour l’occasion, et je vous demande de vous taire (1)  : « Il fallait un éclair d’audace. Oser, quand on est députée UMP, se prêter, pour Paris-Match, au jeu d’une photo artistique, symboliste, un tantinet New Age, et finalement très glamour. Nathalie Kosciusko-Morizet , benjamine des femmes de l’Assemblée nationale, est alanguie sur le papier glacé et sous un soleil mythique. Le chignon sage dont la belle polytechnicienne ne se départit jamais est, cette fois, défait. Les cheveux blond vénitien cascadent longuement sur une robe nacre de mousseline douce. Un bras lascif à bracelet d’or repose noblement sur un banc de pierre moussu, une main baguée caresse un ventre arrondi par la maternité. Un pied blanc et nu effleure les feuilles d’automne qui tapissent le jardin de sa maison de Longpont-sur-Orge. Une harpe, la sienne, luit en arrière-plan; deux bibles précieuses du XVIIe trônent à ses côtés »

Ce n’était qu’un début, un tout petit début. Je ne prétendrai pas que tous les événements médiatisés auxquels a été mêlée madame Kosciusko-Morizet ont été montés de la sorte, et donc pensés, mais enfin, cela se pourrait bien. Citons le pseudo-clash avec Borloo sur les OGM, qui lui avait permis, en avril 2008, d’évoquer un « concours de lâcheté et d’inélégance », avant que de devoir s’excuser. Citons la bise ostensiblement claquée sur la joue de José Bové en janvier 2008, et surtout le commentaire de l’altermondialiste, très éclairant : « Oui, on travaille ensemble depuis des années sur ces dossiers, et une relation d’amitié s’est construite entre nous. Et on se fait la bise à chaque fois qu’on se voit ! ».

Et arrêtons ce qui serait vite litanie. Madame Kosciusko-Morizet sait à la perfection se servir des médias et leur faire accroire qu’elle n’est pas comme les autres. Ceux de la droite ancienne, recroquevillée, poussiéreuse. Je pourrais aisément faire un florilège de plusieurs pages en ne citant que le titre de papiers hagiographiques parus ces dernières années. Et pas seulement dans la presse de droite, il s’en faut ! Des journaux comme Libération ou Le Monde se sont plus d’une fois surpassés dans ce qu’il faut bien nommer de la flagornerie. Je m’en tiendrai à un exemple hilarant, involontairement hilarant, paru dans Le Monde  du 9 janvier 2009. C’est un portrait, et il est long. Extrait premier : « Une femme n’est jamais plus belle que dans le regard de son amant. Le moins que l’on puisse dire est que Jean-Pierre Philippe, ex-militant et élu socialiste, aujourd’hui dirigeant d’une société de conseil, est amoureux de sa femme, Nathalie Kosciusko-Morizet. “Vous ne trouvez pas, demande-t-il, qu’elle est l’incarnation de la femme contemporaine ?” ».

Extrait second : « Il est indéniable que Nathalie Kosciusko-Morizet, dite « NKM » dans son entourage comme sur la scène publique, est d’une réelle beauté – une peau claire qui capte le moindre grain de lumière, le cheveu blond ramassé en chignon savamment indiscipliné, une panoplie de tenues déstructurées à l’élégance recherchée, jusqu’à ces mitaines qui allongent encore sa main de harpiste intermittente. Ce visage intemporel serait-il le secret de son inexorable ascension politique ? Ce serait faire injure à une femme convertie au féminisme par la lecture des deux Simone, Beauvoir et Weil, entrée très tôt en écologie, l’une des premières sur les bancs de la droite française ».

La chose est entendue. Les journalistes se pâment. Bové embrasse, et les associations écologistes pleurent quand Sarkozy décide, en janvier 2009, de la remplacer par Chantal Jouanno au secrétariat d’État à l’Écologie. Elles pleurent, littéralement, car tout le monde a visiblement eu droit aux bécots de madame. Arnaud Gossement, de France Nature Environnement : « Elle a été celle qui a fait monter le dossier environnement au sein de la droite ». Le WWF, de son côté, salue un « beau travail. Elle a fait bouger les moins de 40 ans à l’UMP. Elle démontre que les jeunes générations à droite se préoccupent d’écologie d’une manière intéressante (ici) ». Dès avant cela, en 2007, Nicolas Hulot avait déclaré avec un apparent sérieux : « Au sommet de Johannesburg, j’ai découvert sa constance, son immense compétence et son indéniable conviction. Il est rare que les trois soient réunis en politique ».

Nous y sommes enfin. Elle est belle comme le jour. Elle est incroyablement sincère. Elle est terriblement compétente. Elle est follement écologiste. Ma foi, s’il n’en reste qu’un à ne pas croire cette fantaisie, je crois bien que je serai celui-là. Bien sûr, je n’ai jamais visité l’intérieur de sa tête, et ne suis d’ailleurs pas candidat. Il est possible, il est probable qu’elle a mieux compris qu’un Sarkozy la gravité de la situation écologique. Il n’y a d’ailleurs pas de difficulté. Il est possible, il est probable qu’elle considère les questions afférentes à la crise de la vie comme méritant quelques mesures. Mais pour le reste, je suis bien convaincu qu’elle est une politicienne on ne peut plus ordinaire.

Ceux qui la vantent tant, y compris dans des groupes écologistes, ont fini par croire qu’elle était compétente. Mais en quoi, pour quoi ? Sa carrière est vite résumée. Née en 1973 dans une famille bourgeoise, elle entre à Polytechnique, puis devient Ingénieur du génie rural et des eaux et des forêts (Igref). Quelle pépinière d’écologistes ! Ce corps d’ingénieurs d’État est responsable au premier rang des politiques menées depuis la guerre en France contre les ruisseaux et rivières, les talus boisés, les forêts, et pour le remembrement, les nitrates, les pesticides. Elle n’en est pas coupable ? Non, mais quand on choisit un corps comme celui-là sans ruer dans les brancards très vite, eh bien, justement, l’on choisit.

Et nul doute que madame Kosciusko-Morizet a choisi. Entre 1997 et 1999, elle travaille à la direction de la Prévision du ministère de l’Économie, autre antre de la deep ecology. Elle poursuit sa route comme conseillère commerciale à la direction des relations économiques extérieures du même ministère. Au passage, je serais ravi qu’elle publie la liste des dossiers sur lesquels elle a alors travaillé. Par exemple sur son blog (ici), qui sait ? À côté des envolées d’Anna Bitton, ce serait du meilleur effet. Mais poursuivons. Après 2001 – nous nous rapprochons -, elle devient conseillère auprès du directeur de la stratégie d’Alstom. Alstom ! Le bâtisseur d’une grande partie des turbines du barrage chinois des Trois-Gorges ! Elle, conseillère, en stratégie, auprès d’Alstom ! Derechef, je ne serais pas mécontent que madame nous parle des conseils stratégiques qu’elle a pu donner à un tel ami de la nature.

La suite ? C’est la rencontre avec Chirac, et la mise sur orbite de la Charte de l’Environnement. Elle prépare pour lui le Sommet de la terre de Johannesbourg, l’été suivant. Mais avant toute chose, et je le répète, avant toute chose, elle s’arrange pour devenir la suppléante du député Pierre-André Wiltzer dans l’Essonne, aux législatives de 2002. À 29 ans. Sans la moindre preuve, je pense que le coup était préparé par ce vieux renard de Chirac. Car dès le gouvernement Raffarin II désigné, un certain Pierre-André Wiltzer se retrouve comme par hasard ministre. Et madame Kosciusko-Morizet devient aussitôt député, poste qu’elle occupera jusqu’à sa nomination ministérielle de 2007, et qu’elle retrouvera sans aucun doute.

And so what ? Je l’ai dit et le répète pour les sourds et les malentendants : madame Kosciusko-Morizet est une politicienne ordinaire, qui a découvert par hasard une formidable niche écologique et qui l’occupe du mieux qu’elle peut, tout en fourbissant les armes de son avenir. Et son avenir, elle le voit à l’Élysée, ni plus ni moins. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est elle. Dans son livre : « Tu viens ? », paru chez Gallimard, elle lâche le morceau : « Je veux être Présidente de la République ! ». Dès lors, tout devient d’une grande limpidité. Comme elle n’a que 36 ans, près de 20 ans de moins que Sarkozy, elle peut évidemment attendre au moins autant d’années. Et se forger en attendant une image de rebelle – je ne peux m’empêcher de rire aux éclats en associant l’image de la dame et celle du rebelle -, de femme compétente, de mère admirable, de harpiste incomparable, d’écologiste passionnée (et passionnante).

Voyez-vous, l’une des raisons du drame où nous sommes tous plongés est cet état de confusion régnant dans la presque totalité des cerveaux. Il suffit à des gens en apparence raisonnables – dont certains sont même écologistes- d’un battement d’yeux, d’un baiser sur la joue et de bimbeloterie diverse sans être variée pour qu’ils croient aussitôt la chose arrivée. Je me moque, c’est exact, mais ce sont eux qui l’ont cherché, pas moi. Si madame Kosciusko-Morizet était écologiste, au sens que je donne à ce noble mot, elle aurait évidemment refusé avec hauteur le secrétariat d’État à l’économie numérique que lui a refilé Sarkozy, qui ne la souffre pas. Voyons ! Si elle pensait ne serait-ce qu’un peu que la planète est à feu et à sang, accepterait-elle d’aller inaugurer les chrysanthèmes électroniques ? Voyons.

Si elle était écologiste, elle aurait démissionné avec fracas, déclarant avec pour une fois une flamme sincère, que la droite au pouvoir n’a évidemment rien compris – comme la gauche, d’ailleurs – à la crise écologique. Mais elle s’est couchée devant le maître, comme le font tous les autres depuis toujours. Et l’écologie attendra un moment plus favorable. S’il fallait une preuve supplémentaire, mes pauvres lecteurs de Planète sans visa, elle serait dans la place qu’occupe madame Kosciusko-Morizet au sein du dispositif de la droite. Le saviez-vous ? Elle est, depuis mars 2008, secrétaire général adjoint de l’UMP. Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ? Du temps passé dans les innombrables embrouilles et magouilles d’un parti de cette nature ? Vous rendez-vous compte ? J’ajoute un dernier mot sur son « amitié indéfectible » avec Rachida Dati, hautement et publiquement revendiquée. Deux femmes, comme on peut voir. Et deux ego aussi démentiels que ceux de leurs pairs hommes. Nous voilà bien.

Et bientôt arrivés. Que raconte donc le site Rue89, que j’évoquais tout là-haut, pour commencer ce vilain papier ? Presque rien. Nous sommes un peu avant l’été 2008, et madame Kosciusko-Morizet est toujours secrétaire d’État à l’Écologie, poste très enviable qui permet de passer dans les journaux presque chaque jour. Il y a eu le Grenelle de l’Environnement, on parle de taxe carbone, la réunion de Copenhague se profile à l’horizon. En bref, la place est bonne. Oui, mais la sous-ministre n’est pas tranquille, car Sarkozy, qui sait tout des bonnes relations qu’elle a entretenues avec Chirac, ne lui passe rien.

Elle veille donc au grain, au moment même où son mari, ancien socialiste devenu – devinez – sarkozyste, écrit un livre intitulé : « Où c kon va com ça ? Le besoin de discours politique ». Un ouvrage dont la France pouvait se passer, ce qu’elle a fait d’ailleurs, mais sur intervention révulsée de cette chère madame Kosciusko-Morizet. Le livre de monsieur, déjà mis en page, devait atterrir dans les librairies en septembre 2008. Que cachait-il de si terrible ? Selon les informations de Bakchich et de Rue89, le livre était barbant comme tout, mais faisait quelques allusions au maître de l’Élysée, Sarko 1er. Et cela, pour madame et ses ambitions, n’était simplement pas concevable.

Selon Bakchich, elle aurait menacé de divorcer en cas de publication ! Selon Rue89, elle se serait ridiculisée au cours d’un repas d’anthologie avec l’éditeur de son mari, Marc Grinsztajn. Ce dernier raconte : « On a convenu d’un dîner à mon retour de vacances. Au départ ça devait être un dîner pour discuter (…) mais ça s’est transformé en dîner officiel avec sa femme au ministère ». Diable ! Au ministère de madame Kosciusko-Morizet ? Pour un livre écrit par son mari ? Certes. Et voici la suite, telle que racontée par le même : « Elle feuilletait le livre tout au long du dîner en disant : “Ça c’est subversif, ça c’est subversif…” ». Guilleret, hein ? Et pour la bonne bouche, ces propos attribués à la si subversive madame par Marc Grinsztajn : « Normalement, je ne lis pas les livres de mon mari, pour qu’on ne m’accuse pas de les censurer. Mais quand Libé a appelé pour faire un portrait de mon mari sur le thème “Jean-Pierre Philippe, premier opposant de Nicolas Sarkozy”, ça m’a mis la puce à l’oreille. J’ai demandé à un conseiller de le lire, qui m’a dit : “Madame, le livre ne peut pas sortir en l’état. Si le livre sort, vous sautez.” ».

Voilà. Voilà celle que tant d’écologistes, voire d’altermondialistes, considèrent comme l’une des leurs. La prochaine fois que vous la verrez aux actualités, ce qui ne saurait tarder, rappelez-vous cette phrase-étendard : « Ça c’est subversif, ça c’est subversif…». Et riez de bon cœur.

(1) Le soir du premier tour des présidentielles de 1995, dans un numéro inoubliable, le candidat battu Édouard Balladur avait crié à ses partisans, qui apparemment voulaient en découdre verbalement avec Chirac, passé in extremis devant leur champion : « Je vous demande de vous taire ! ». Des images comme on aimerait en voir plus souvent.

PS : Cette histoire, à la réflexion, me fait penser à Panaït Istrati, écrivain roumain. Je l’ai beaucoup lu, je le tiens pour un grand de la littérature du siècle écoulé. En outre, il était incapable de mentir. Compagnon de route du parti stalinien à la fin des années 20, il se rend en Union soviétique à l’heure où tant d’autres écrivent des odes à Staline. Je ne parviens pas à remettre la main sur un livre écrit, je crois, en 1930, et qui s’appelle Vers l’autre flamme. Si je me trompe, ce sera sur des détails. Donc, Istrati ramène d’un long séjour en Union soviétique ce livre, dans lequel, à la différence de (presque) tous les autres, il dit la vérité. Il a vu le malheur, la dictature, la mendicité, il a vu les innombrables vaincus du pouvoir stalinien. Et comme, sur place, il se plaint auprès de ses hôtes, l’un d’eux, probablement un écrivaillon aux ordres, lui dit : « Mais, camarade Istrati, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ». Alors, Istrati lui répond : « Camarade, je vois bien les œufs cassés, mais où est l’omelette ? ».

Il ne s’agit que d’un rapprochement, pour sûr, car je place Istrati bien au-dessus des lamentables mièvreries évoquées ci-dessus. Simplement, je trouve que Panaït permet de reprendre ses esprits, quand on les a perdus. Or un nombre considérable de gens de bonne foi n’ont plus les yeux en face des trous dès qu’il est question de madame qui vous savez désormais. D’où ce rappel en apparence incongru du grand homme oublié que fut Istrati.

Ceci est une vraie publicité (pour Charlie-Hebdo)

Je n’ai heureusement aucun moyen d’obliger qui que ce soit à quoi que ce soit. J’aurai dû depuis beau temps vous avouer que mes sympathies intimes vont à l’Acratie, un pays imaginaire où il fait si bon vivre. Je n’y vais pas assez souvent, il faut préciser que c’est loin. J’aurais dû vous le clamer, mais je vous l’ai dit bien des fois, en vérité, au gré de mes humeurs. Et comme mes humeurs sont nombreuses et parfois, j’en ai conscience, proliférantes, vous avez fort bien pu ne pas voir, ne pas comprendre que l’Acratie est pour moi la seule terre réellement habitable. Elle est sans commandement, mais oui. Sans chefs, si vous voulez. Sans gouvernement, si vous insistez.

Bon, au but. Je vous signale de nouveau que je collabore à Charlie-Hebdo. Je sais tout. Je n’ai rien oublié de ce qui s’est passé entre Val et Siné. Mais je n’ai pas envie d’ouvrir cette boîte de Pandore ce soir. Attendons donc 2010, au moins. En tout cas, je collabore. Pendant combien de temps ? Je l’ignore. À quel rythme ? Je n’en sais fichtre rien. Mais je devais vous signaler une double page parue ce mercredi 23 décembre 2009. J’ai écrit le texte, et Tignous a fait un dessin que j’adore, sans blague. De quoi ça parle ? Du repas de Noël. Qui vient. Vous lirez ou vous ne lirez pas. Moi, j’ai en tout cas bien rigolé. Et croyez-moi, j’en ai besoin. Mes visites en Acratie sont ardues, aléatoires, et en réalité bien trop rares. Entre deux échappées vers cette terre neuve où l’air est si doux, et l’autorité bel et bien absente, le rire me permet de ne pas suffoquer. Ningún lobo de la sierra se dice terrateniente.