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Emmanuel Todd ou l’intelligence dans le vide (sur la mort des abeilles)

Vous avez dû vous en rendre compte depuis le temps : les systèmes médiatiques ont besoin de ce que le jargon appelle des « bons clients ». Le bon client parlera bien dans le poste, avec une ou deux formules claires, sans éclaboussure s’il vous plaît. En télé par exemple, où la caricature atteint des sommets, un sujet de journal excède rarement 1 minute 30. Dans ce format, la pensée n’existe pas. Il faut idéalement avoir une gueule et faire mouche avec des phrases mille fois entendues et pourtant tournées comme si l’on vous offrait une première.

À ce jeu, la sélection est rude et sans appel. On n’invitera pas à nouveau quelqu’un qui s’y reprend à deux ou trois fois pour préciser une idée complexe. On raillera les bafouilleurs, ceux qui ont peur, ceux qui ne disent pas merci, ceux qui crient ou s’énervent. Cela vaut aussi, un peu moins, à la radio. Autrement dit, et vous le saviez, les personnages publics sont standardisés de manière quasi-industrielle. Même les quelques bouffons de service le sont.

Emmanuel Todd est « un bon client ». Je n’ai rien contre lui. Il m’indiffère. Mais on le voit dans quantité de gazettes, mais on l’entend régulièrement. Politologue, sociologue, historien, démographe à ses heures, Todd est associé pour le temps qui reste à cette formule utilisée par Jacques Chirac au cours de sa campagne électorale de 1995 : la « fracture sociale ». Todd avait utilisé cette expression dans un article que personne n’avait lu, sauf un obscur conseiller chiraquien qui l’avait aussitôt transmise à son bon maître. Lequel en avait fait le songe-creux de sa campagne pour les présidentielles.

Qu’est-ce que cela voulait dire ? Rien. Ce que l’on voulait. Ce que l’on entendait. Apparemment, cela aura marché. Jusqu’à quel point ? Nul ne le saura jamais. Pour comble, le mot n’était pas de Todd, mais de Marcel Gauchet, à qui il l’avait empruntée. Voyez l’admirable circuit : Todd utilise Gauchet avant d’être récupéré par Chirac, et la rumeur médiatique sacre le premier de la liste, qui n’a strictement rien fait pour mériter la récompense. Bah ! faut pas s’en faire pour si peu.

Reste que depuis, Todd est servi à toutes les sauces. On ne sait pas trop s’il est de gauche, d’une gauche volontiers patriote voire souverainiste, ou d’une droite gaulliste et populaire. Je vous avouerai que je m’en fous royalement. Le fait est qu’il passe à la télé, qu’il avait jadis son rond de serviette au journal Politis – peut-être encore, je ne sais – et qu’il est constamment sollicité pour dire de quoi le monde de demain sera fait. Un dernier détail qui n’en est pas un, avant d’en venir à l’essentiel : Todd est entré au Parti communiste en 1968, alors que les chars staliniens écrasaient le Printemps de Prague. Il semble donc qu’il lui arrive de se tromper.

En tout cas, il n’est plus communiste, je vous rassure aussitôt. Il y a quelques jours, le journal Le Monde organisait en grandes pompes un débat comme il les aime. Creux comme un authentique tambour, ennuyeux jusqu’à s’endormir devant les lignes. Car bien sûr, je n’y ai pas assisté. Je me suis contenté d’en lire le compte-rendu, qui m’aurait d’ailleurs échappé si on ne me l’avait pas signalé. Le débat, comme c’est étrange, rassemblait plusieurs personnages que j’ai eus à présenter ici, de la manière un peu voyoute qui est la mienne. Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’écologie, était là, la pauvre. Érik Orsenna était là. Jacques Attali – si, lui – était là. Et Todd aussi.

À un moment, du haut de sa notable intelligence d’excellent élève, Emmanuel Todd a dit exactement ceci : « Le problème, aujourd’hui, ce n’est pas la disparition des abeilles, c’est la disparition des emplois ! ». Au premier abord, je vous avoue que j’ai pensé du mal de notre politologue. Peut-être ai-je lâché dans le silence de mon antre :  « Quel con ! ». Mais je vous assure que je me suis repris. Car ce n’est pas de la connerie, du moins je ne pense pas. C’est une illustration flamboyante de ce qu’est la classe intellectuelle en France. Ces gens, tous ces gens pensent, certes plus ou moins bien, mais à l’intérieur d’un petit bocal de verre où ils se tiennent chaud. Ce bocal, c’est un paradigme, qui est le cadre général de la pensée en 2009.

On y trouve toutes les données d’un monde qui disparaît, dominé par le souvenir du progrès sans fin et sans but, l’exaltation de l’individu, l’illusion d’une aventure humaine sans limites, l’habitude de débats sans le moindre intérêt. Par exemple : faut-il que la Turquie entre dans l’Union ? Obama nous sauvera-t-il du krach final ? Avons-nous besoin d’un président européen ? Enverra-t-on des troupes en Afghanistan ? Jean-Claude Trichet est-il un bon banquier ? La CGT gardera-t-elle la majorité à la SNCF ? La liste est si longue que chacun peut s’amuser chez soi à la poursuivre.

Emmanuel Todd ne comprend pas, en tout cas, que la disparition des abeilles signifie que tout a changé. Que la terre n’est plus la terre. Que les menaces sur la vie même commandent de tout repenser. De sortir pour commencer la tête du bocal, où tout le monde vous connaît, pour affronter les vraies difficultés de l’univers, où vous n’êtes plus qu’un être parmi d’autres. Mais il ne le fera pas. C’est trop tard pour lui et la plupart des autres. Todd, s’il avait la moindre idée de ce qu’est devenu le monde, aurait précisément dit : « Mais attendez, de quoi discutons-nous, au juste ? Le problème, ce n’est pas la disparition des emplois. C’est la disparition des abeilles ! ». Et il aurait été grand, et il serait devenu en une seconde un penseur authentique. Au lieu de quoi il est et reste un « bon client » du bazar médiatique. Ma foi, on voit qu’il y prend plaisir. Toujours ça de pris.

Yves Thréard, journaliste splendide, éditorialiste magnifique

On se détend, on se marre, on ne parle plus de Sébastien Genest, on déconne à propos d’un type dont je n’avais jamais entendu parler, mais qui mérite le détour. J’aurais continué à tout ignorer d’Yves Thréard sans un courrier d’une lectrice de ce blog, Eva, que je remercie donc sans manières.

Thréard est journaliste. La honte, mais bon, moi aussi d’après ce que j’ai entendu dire. Au Figaro, quotidien dirigé par l’immarcescible Étienne Mougeotte, anciennement dédié au remplissage des cerveaux par la pub sur TF1. Au Figaro, dont le propriétaire est un certain Serge Dassault. Lequel a été longtemps le patron opérationnel de la petite entreprise créée par son père, Marcel. J’imagine que vous le savez, Dassault fabrique entre autres des avions militaires. Des Mirage, des Rafale, bientôt une superbe chose qui s’appelle pour le moment nEUROn. Quel beau nom ! Je crois que les créatifs qui ont travaillé sur le sujet sont de vaillantes personnes. Moi, j’aurais bien proposé nEUnEUROn, mais on ne m’a pas demandé, malgré la faiblesse de mes prix.

Mon préambule n’est pas terminé. Le 16 mars 1988, la journée s’annonce belle. À Halabja, je veux dire, qui est une ville kurde d’Irak de 60 000 habitants, à quelques kilomètres de l’Iran. Et puis des avions du défunt régime de Saddam Hussein envahissent le ciel. Je rappelle, car ce n’est pas qu’une anecdote, qu’en cette année 1988, Saddam est encore notre ami. Celui de l’Occident, celui que l’Occident a décidé de massivement financer et armer contre l’Iran chiite. J’espère que vous suivez.

Les avions. Ce 16 mars, ils sont un tantinet bizarres. Les bombes qu’ils déversent pendant des heures n’explosent pas comme celles qu’on voit habituellement dans les films de guerre américains. Elles sifflent et répandent à terre comme une odeur de pomme pourrie. Le lendemain, dans les rues, il y a 5 000 morts, dont des bébés encore au sein. Dans la rue. Car les bombes étaient des armes chimiques, vous l’aviez compris. Détail : parmi les avions, des Mirage vendus par monsieur Dassault. Qui n’y est pour rien, puisqu’il ne pilotait aucun des engins lui-même. D’ailleurs, ce n’est pas un criminel de guerre, c’est un industriel.

Fin de l’introduction. Et début de la rigolade avec cet éditorial de Thréard paru ce matin dans Le Figaro. Oui, le monsieur éditorialise (ici). Franchement, un chef-d’œuvre. Il en est de grands et de sublimes. Il en est de si petits qu’ils en deviennent invisibles. Nous parlons ici d’un chef-d’œuvre indépassable de fantaisie baroque de (très) bas étage. Disons. Thréard tempête sur les OGM. Pour lui, il y a « la soldatesque anti-OGM », devant laquelle même son fier héros Nicolas Sarkozy aurait reculé depuis son arrivée à l’Élysée.

Heureusement pour Thréard, vous le savez peut-être,  un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) estime qu’il n’y a rien de nouveau en matière de maïs MON810. Le MON n’est pas le début de Mon pote, mais le début de Monsanto. L’Afssa, agence publique sur laquelle un livre est à faire, bien que ne produisant aucune étude – elle se contente de regarder ce qui existe – rapporte donc en conclusion que : « les éléments du rapport le Maho (…) n’apportent aucun élément nouveau qui remettrait en cause la sécurité sanitaire des maïs portant l’événement MON 810 ».

Je ne peux commenter ici la malignité extrême du texte de l’Afssa. Sur l’ensemble du dossier, mon copain Frédéric Jacquemart, un scientifique comme je les apprécie – il préside le Groupe International d’Études Transdisciplinaires (Giet) – a écrit des analyses éclairantes que vous pouvez lire en ligne (ici). L’affaire est politique. On s’en serait douté.

Dans son inoubliable édito, Thréard réussit des tours de force dignes du grand Zampano (héros de La Strada, de Fellini). Cet homme a du coffre. Trois citations. La première : « Depuis de nombreuses années, les scientifiques les plus avertis de notre pays affirment que les organismes génétiquement modifiés sont “bénéfiques pour la santé humaine”». Les plus avertis. Thréard est un humoriste. Bénéfiques. Thréard est un grand inventeur d’informations. Jamais personne n’a écrit que les OGM pouvaient être bénéfiques pour la santé humaine. Même pas ses amis « scientifiques avertis ». La deuxième : « En fait, dans ce débat sur les OGM, rien n’est scientifique, tout est politique ». Copieur, va. La troisième : « Le progrès est souvent regardé comme suspect (…)  Le terreau a été habilement cultivé par les batteurs d’estrade, les dévots du bio, les tenants de l’altermondialisme pour que le greffon anti-OGM se développe solidement dans les sondages (…) Afin de préserver le nucléaire, fleuron de l’industrie française, on a provisoirement sacrifié la question des OGM. Son traitement dans le cadre du Grenelle a ressemblé à une mascarade, pour être habilement confié à une Haute Autorité à la composition fort discutable ». Là, si j’étais la caution écologiste du Grenelle – je ne cite personne, je ne remets pas le couvert -, je me poserais tout de même une ou deux questions. On aurait donc évacué la lourde question du nucléaire ? On aurait viré de la table du Grenelle le réseau Sortir du nucléaire ? J’attends des preuves, monsieur Thréard.

Au fait, qui est Thréard ? Un charmant garçon muni d’une licence de droit et d’un DEA de lettres, qui aura beaucoup travaillé – comme journaliste – en Afrique, avant de devenir directeur de la rédaction de l’inénarrable France-Soir en 1997, puis de passer au Figaro. Sa déontologie ? Mais poser la question est déjà une insulte, non ? Tant pis, j’y vais. Le 28 juin 2007, le journaliste Nicolas Poincaré présente sur RTL son émission On refait le monde. Je ne l’ai jamais écoutée, désolé, la pub me rend malade physiquement. N’importe, l’émission a eu lieu. Et ce jour-là, Yves Thréard fait partie des invités. Et ce jour-là, en direct, il annonce ceci : « Je vais dire quelque chose de très important. Pendant toute la campagne [électorale de 2007], j’ai entendu  que Dassault vivait des commandes de l’Etat. C’est faux ! Archi-faux ! Dassault n’a pas eu une seule commande de l’Etat en matière militaire ».

Poincaré se sent obligé de lui rétorquer : « Et le Rafale, il le vend à qui ? Il le vend à qui, le Rafale ? ». La suite relève de la pure bouffonnerie, et si vous voulez rire à l’œil et aux éclats, c’est possible en ligne sur le blog d’Olivier Bonnet (ici). Je suis charitable, et je dois reconnaître confraternellement que monsieur Yves Thréard dit de temps à autre la vérité. Par exemple le 31 janvier 2008, au cours d’un débat public. À un moment, qui ne durera jamais assez selon moi, il déclare du haut d’une tribune, parlant du quotidien Le Figaro, dont il est je crois directeur-adjoint de la rédaction : « Monsieur Dassault a un journal pour faire œuvre de militantisme politique ». Pour le cas où vous douteriez de moi, ce qui est un droit inaliénable, je vous invite à regarder un bout de film en ligne (ici).

Je dois avouer que cette saine histoire du journaliste-déontologue m’aura utilement diverti. Me voilà détendu comme tout. Je souris, je baye aux corneilles en attendant d’alller faire un tour dehors en sifflotant. Et sur ce, avec votre autorisation, je vais me faire une tasse de café bio et par ailleurs équitable. Car il est 10h35, et c’est l’heure.

Cette bombe P qui a déjà éclaté

Certains d’entre vous connaissent Paul Ralph Ehrlich. Mais je m’adresse à tous, et je dois donc expliquer. Ehrlich est un grand spécialiste des papillons né en 1932. Américain. L’un de ses livres a été beaucoup commenté en France, mais probablement bien moins lu. Il s’agit de la Bombe P, un ouvrage paru aux États-Unis en 1968 et traduit chez nous en 1971. La bombe P, c’est la bombe Population. La bombe démographique, quoi.

On ne peut pas dire qu’Ehrlich y est allé avec le dos de la cuiller. Traçant des lignes et des courbes, il s’est lourdement trompé en expliquant que, dans les années 70 et 80, des centaines de millions d’humains périraient faute de moyens pour les nourrir. Habité par une vision apocalyptique de la situation des années 60, il prédisait donc le pire, qui ne s’est pas produit. Ajoutons que Paul R. Ehrlich n’avait rien de bien sympathique, qui comparait sans état d’âme la prolifération des humains à la multiplication des cellules cancéreuses dans un organisme. En bref, je crois pouvoir écrire que la Bombe P n’est pas une bible humaniste.

Les erreurs d’Ehrlich n’ont pas été perdues pour tout le monde. Des centaines de commentateurs, ennemis de la pensée écologiste, ont fait du professeur leur tête de Turc favorite, rappelant les sombres prévisions de Malthus, auteur du célèbre Essai sur le principe de population en 1798, démenties elles aussi par les faits. La paresse faisant le reste, il est de bon ton désormais de penser et de dire que la bombe démographique n’a pas explosé, et qu’elle n’explosera jamais. La fameuse « transition démographique » serait en route, qui alignerait peu à peu le monde entier sur le modèle familial occidental, basé sur deux enfants par couple.

Bien. Pourquoi cette longue introduction ? Parce que je souhaite vous dire trois mots d’un article lamentable qui a fait la une du supplément Le Monde 2 le 9 janvier dernier. La une, suivie d’un très copieux papier signé par Frédéric Joignot ( il est lisible pour l’heure ici). Je vous en mets par précaution de larges extraits à la suite de mon message, et vous permettrez donc que j’attaque la critique dès maintenant. Cet article est inepte, mais aura reçu l’onction d’un des plus grands journaux de la place. C’est ainsi.

Pour commencer, et c’est le moins grave, il est rusé comme tout. Certains journalistes connaissent fort bien la chanson de la disqualification. L’empreinte écologique ? Au lieu de s’en tenir à ceux qui ont tenté de créer et d’entretenir une nouvelle manière de jauger les activités humaines – l’association Global Footprint, en l’occurrence -, Joignot préfère citer abondamment l’OCDE, qui utilise cet indice. L’OCDE est une institution transationale autant qu’ultralibérale. Vous voyez le truc ? De même, il utilise le repoussoir qu’est Ted Turner, le créateur milliardaire de CNN – les riches ont peur des foules populeuses du Sud, pardi ! – et même « l’inquiétant directeur de la CIA de George W. Bush ».

C’est net : ceux des écologistes qui se posent des questions sur la population du monde ont de bien curieux compagnons. Le reste est pire. Car Joignot ignore rigoureusement tout de l’état des écosystèmes de la planète. Cela ne l’intéresse pas. Il n’évoque – simple exemple – l’état des sols que pour se féliciter des succès de la « révolution verte », qui aurait su les conserver. La réalité, en cette circonstance indiscutable, c’est que les sols empoisonnés en Inde et une poignée d’autres pays par cette fameuse « révolution » sont aujourd’hui dans un état pitoyable. La plupart ont à peu près tout perdu de leur fertilité naturelle. Mais qu’importe à Joignot ? Qu’importe qu’il n’y ait plus de poissons ? Qu’il y ait de moins en moins de forêts ? Que les fleuves et rivières ne puissent plus jouer le rôle qui a été le leur dans l’histoire géologique ? Que le dérèglement climatique ajoute désormais au pandémonium général ?

Qu’importe. Joignot est là pour défendre une pauvre et malheureuse thèse, discrètement scientiste. Selon lui, si tous ceux qui ont parlé avec gravité de démographie se sont trompés, c’est parce qu’ils ne croyaient pas assez dans le progrès. « Autrement dit, note-t-il, l’esprit aventureux et les progrès des techniques, le génie humain, ont désavoué Malthus ». On a le droit d’être scientiste, je n’en disconviens pas. Encore faut-il essayer, au moins pour la forme, de trouver des références. Mais Joignot a encore mieux : le bon vieil argument d’autorité. Lequel est servi dans cet article aux dimensions planétaires par un seul et même personnage : le démographe Hervé Le Bras. Pour l’avoir rencontré et même interrogé, je n’hésite pas à reconnaître qu’il est sympathique et semble très compétent.

Comme démographe. Or les dimensions de la crise écologique commandent d’abattre les frontières entre disciplines, et de rassembler de toute urgence le savoir humain dont nous allons avoir besoin. Le Bras se contente de radoter – il me disait exactement la même chose il y a près de dix ans – et d’affirmer ce que tout le monde sait désormais : l’augmentation de la croissance démographique a ralenti son rythme. Mais 70 millions d’humains supplémentaires peuplent la planète chaque année, et nous serons certainement autour de 9 milliards en 2050. Ce qui est bel et bien une folie de plus, dans une liste sans fin. D’où viendront les céréales ? Les protéines animales ? Quel sort sera fait aux dernières poches de biodiversité ? J’arrête là mes questions, qui n’intéressent en aucune manière Frédéric Joignot. Lui, il a pris parti. Lui, il est courageux. Lui, il sait penser contre l’époque. Lui, il ose ouvrir les vrais dossiers. Lui, il nous prépare des lendemains lugubres.

Au risque de me répéter, j’ajoute que l’écologie seule est un véritable humanisme. Les autres manières de concevoir notre avenir commun, parce qu’elles fragmentent la réalité, parce qu’elles en nient des pans entiers, sont autant de bombes à retardement. Je ne prétends pas qu’il suffit d’être écologiste pour régler les gravissimes problèmes de notre planète. Ni que cela rend plus intelligent. J’affirme seulement, haut et fort, que la prise en compte des limites de l’aventure humaine – l’écologie – est une condition nécessaire des combats qui nous attendent. Indispensable serait plus juste. Vitale serait encore mieux. Je ne comprends pas comment des articles aussi pauvres que celui de Joignot obtiennent une telle place de choix dans la presse sérieuse de 2009. Je ne le comprends pas. Et vous ?

Extraits de l’article de Fréderic Joignot dans Le Monde 2 du 9 janvier 2009

« Autrement dit, l’esprit aventureux et les progrès des techniques, le génie humain, ont désavoué Malthus ».

« Dès qu’on évoque la surpopulation, on ouvre la boîte de Pandore. Vieux démons, angoisse du futur, fantasmes collectifs – peur de l’invasion, du pullulement – jaillissent pour se mêler à des peurs très concrètes. En 1932 déjà, quand la population humaine a atteint 2 milliards, le philosophe Henri Bergson écrivait : « Laissez faire Vénus, elle vous amènera Mars. » En 1948, Albert Einstein mettait solennellement en garde l’Abbé Pierre contre les « trois explosions » menaçant notre « monde mortel » : la bombe atomique, la bombe information, la bombe démographique. En 1971, dans la lignée du Club de Rome, l’écologiste Paul R. Ehrlich, spécialiste des populations d’insectes, publiait le best-seller La Bombe P (Fayard). Il y dénonçait « la prolifération humaine », qu’il assimile à un « cancer » : « Trop de voitures, trop d’usines, trop de détergents, trop de pesticides, […] trop d’oxyde de carbone. La cause en est toujours la même : trop de monde sur la Terre. »»

« C’est patent, la question dite de la surpopulation remue des peurs irrationnelles. Prenons un autre exemple, moins politique. J’ai rencontré plusieurs Parisiennes de 30 ans, en couple ou célibataires, qui se disent bien décidées à ne pas avoir d’enfant. Sans prétendre ici donner une explication univoque – certaines veulent préserver leur « capacité de création », d’autres leur relation de couple, ou leur liberté, ou les trois –, force est de constater : la surpopulation est revenue à chaque fois dans nos entretiens, mêlée à des analyses inquiètes sur l’état de la planète. Tout comme dans le livre best-seller de Corinne Maier, No Kid. Quarante raisons de ne pas avoir d’enfant (Michalon, 2007), où une des raisons invoquées est : pourquoi ajouter un enfant à un monde surpeuplé ? ».

« « La démographie a toujours été associée à la fin du monde, à la disparition de l’Homme, au Jugement dernier, note le démographe Hervé Le Bras. Procédant par projections, on l’interprète comme des prédictions, toujours catastrophistes. Au début du siècle, en Europe, on s’inquiétait surtout de la dépopulation ! Les Français devaient procréer, il ne fallait pas laisser les Allemands être plus nombreux que nous. Les économistes associaient natalité et prospérité. Dans les années 1970, tout a changé avec les écologistes comme René Dumont, qui prédisaient l’épuisement rapide des ressources. Certains démographes annonçaient alors une population de 12 milliards en 2100. Aujourd’hui, nous revoyons tous ces chiffres à la baisse. » »

« Hervé Le Bras, directeur d’études à l’Institut national d’études démographiques (INED), raconte avec humour comment toutes les prédictions à long terme, bien étayées, sur le peuplement humain – le démographe américain Joel Cohen en a relevé 68 – se sont révélées fausses. Soit, mais aujourd’hui ? Qu’en est-il des prévisions à court terme – à l’horizon 2030, 2050 ? De fait, en moins de 200 ans, l’humanité est passée de 1 milliard d’habitants (au début du xixe siècle) à 6 milliards (en 1999). Entre 1987 et 1999, soit en treize ans, de 5 à 6 milliards. Aujourd’hui, beaucoup des prévisions pour 2050 tournent autour de 8,4 à 9,5 milliards de Terriens – soit 3 milliards d’hommes en plus. Cet accroissement exponentiel qui effrayait tant Malthus s’arrêtera-t-il un jour ? Aurons-nous assez de ressources pour nous nourrir ? Oui et oui. Voilà la grande nouvelle des études récentes. Aujourd’hui, démentant les alarmistes, les démographes décrivent tous, partout autour du monde, une forte baisse de la fécondité des femmes – donc, à terme, de l’accroissement de la population. Selon eux, comme d’après l’ONU, la  » bombe P  » n’explosera pas. Que s’est-il passé ? Simplement, sur les cinq continents, les femmes font moins d’enfants ».

«  » Aujourd’hui, précise Hervé Le Bras, le taux de croissance démographique mondial ralentit. 1,21 % par an en 2006, 0,37 % attendu en 2050. Pourquoi ? Le nombre d’enfants par femme baisse sur les cinq continents. Au Mexique, au Brésil, on tourne autour de 2,2 à 2,3 enfants par famille, 2,4 en Indonésie. En Afrique, si les femmes du Rwanda et d’Ouganda font encore 7 à 8 enfants, au Kenya par exemple, de 8 enfants par femme dans les années 1970, elles sont passées à 4 aujourd’hui. Les renversements de tendance se font très vite. » »

« Si la « bombe P » des malthusiens n’explosera pas, c’est que dans toutes les cultures, sur tous les continents, contredisant nombre d’idées sur l’islam, l’acceptation du modèle de la famille à deux enfants gagne rapidement. Aujourd’hui, si cette révolution des mœurs se poursuit, les démographes de l’ONU tablent sur une population humaine à 8,2 milliards en 2030, 9 milliards en 2050 – et une stabilisation à 10,5 milliards en 2100. La population humaine aura alors achevé sa « transition démographique » : le ralentissement de la fécondité prendra effet en dépit du vieillissement général ».
« Au-delà des angoisses et des peurs, la véritable grande question posée par le peuplement sera celle des ressources : les pays, les sols, la Terre pourront-ils nourrir – et supporter – une population de 9 ou 10 milliards d’habitants ? Ici, un détour s’impose. Dans les faits, parler de population « globale » comme d’un grand cheptel n’a pas grande signification. Comment comparer le mode de vie des habitants du Laos et de la Finlande, à population égale ? De l’Algérie, terre d’émigration, et du Canada, d’immigration ? Aujourd’hui la natalité des pays les moins développés progresse six fois plus vite que celle des pays développés – qui vieillissent et se stabilisent. En 2050, 86 % de la population mondiale habitera un pays pauvre ou émergent – la moitié en Chine et en Inde, dotés d’une politique antinataliste. Les répercussions d’un tel peuplement varieront fortement d’une région et d’un pays à l’autre, selon la fertilité des sols, l’eau, la qualité des terres. Mais surtout selon les politiques des gouvernements – économiques, agricoles, sociales. Le Prix Nobel d’économie 1998, l’Indien Amartya Sen, a bien montré combien la pauvreté et les famines découlent avant tout, non d’une population trop nombreuse, mais du manque de vitalité démocratique et de l’absence d’Etat social. L’Inde, par exemple, a connu des grandes famines jusqu’en 1947, date de son indépendance. Ensuite, le multipartisme, l’existence d’une opposition et d’une presse libre ont permis de prévenir et circonvenir les désastres. Qui plus est, l’Inde nourrit aujourd’hui une population de 1 milliard d’habitants parce qu’elle a réussi sa « révolution verte » – irrigation, conservation des sols, engrais, rendements – grâce à une politique d’Etat résolument tournée vers l’autosuffisance ».

Élisabeth Badinter, Publicis et les Précieuses ridicules

Ce qu’est l’esprit d’escalier. Acte un : il y a quelques jours, j’entends sur France-Inter un matin la philosophe Élisabeth Badinter. Et je dresse l’oreille, bien que n’ayant jamais lu le moindre livre d’elle par le passé. J’ouvre l’oreille, car je sais qu’elle représente au mieux l’idéologie « progressiste » de gauche – caviar, s’entend – et féministe. En outre, comme il s’agit apparemment d’une émission consacrée à sa personne, madame Badinter s’en donne à cœur joie sur elle-même et son destin sur terre.

N’ayant pas pris de notes alors, il est possible que je me montre imprécis, mais l’essentiel est dans ce qui suit, il n’y a pas de doute. Madame Badinter disait combien elle regrettait le Siècle des Lumières et des salons intellectuels. Comme cette époque avait été brillante. Comme on y avait pensé pour le plus grand bien de l’homme et des sociétés. Elle déclarait même une flamme posthume à D’Alembert, ce philosphe co-auteur de l’Encyclopédie. Bref, elle avait le sentiment que vivaient alors des géants.

Et maintenant ? Ah, maintenant. Madame Badinter trouvait notre temps et ses usagers médiocres. Très médiocres. Elle se sentait, elle la philosophe quasi-officielle, comme un borgne au royaume des aveugles. Cette dernière expression est d’elle, je l’assure. Elle estimait que notre siècle aurait dû savoir penser la mondialisation – au moins – et qu’il s’en montrait incapable. On lui aurait offert un remontant.

Acte deux, Kempf. Hervé Kempf, journaliste au Monde. C’est un homme que je connais depuis vingt ans et que j’apprécie beaucoup sur le fond, même s’il m’arriva plus d’une fois de me heurter à lui. Hervé est un excellent homme, et un journaliste de grande qualité. Je viens de recevoir son dernier livre ( « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme », Le Seuil), dont j’essaierai de faire la critique plus tard. Je précise, et c’est une incise, que c’est un bon livre, très agréable à lire par ailleurs. Un bon livre, même si je pense très différemment de lui.

Kempf, donc. Page 62 de son livre, il attaque madame Badinter. Il y écrit exactement ceci : « On ne verra pas une coïncidence dans le fait qu’une philosophe favorable à la liberté de prostitution, Élisabeth Badinter, se trouve détenir 10,32 % du capital d’une des plus grandes compagnies de publicité du monde – Publicis – au conseil d’administration duquel elle a sa place ». Pour Kempf, que je rejoins intégralement, la publicité a joué un rôle clé dans la marchandisation du corps humain, exploitation sexuelle y compris. Je me souviens de ces féministes qui défilaient aux cris de : « Notre corps nous appartient ». Je criais alors avec elles. Je ne le ferai plus, car nos corps appartiennent désormais à TF1, à Coca, à la pub en général, à tous ces foutus salopards ivres d’eux-mêmes.

Acte trois : je découvre avec près de cinq ans de retard un échange épistolaire entre l’association écologiste Les Amis de la Terre – salut, au passage – et madame Badinter. Il s’agit d’une polémique et je vous invite à lire les courriers (ici), car ils ne manquent pas d’intérêt. En deux mots, nous sommes au début de 2004 et Métrobus – Publicis – réclame un million d’euros à 62 rebelles qui ont osé tagguer quelques saloperies publicitaires dans le métro parisien au cours de l’automne 2003. Un million d’euros. Publicis, où madame Badinter joue un rôle premier. Les Amis de la Terre envoient un courrier précis à la philosophe, dans lequel ils notent « la disproportion manifeste entre les sommes plusieurs fois supérieures aux revenus de toute une vie qui leur sont réclamées et la situation matérielle de ces citoyens souvent très modestes (…) Ce harcèlement judiciaire est d’autant plus choquant que les “barbouillages” qui justifieraient, selon Publicis, cette action, posent des questions légitimes sur la dégradation croissante du service public des transport en terme de cadre de vie, de développement durable et de liberté d’expression ».

C’est net, n’est-ce pas ? Le 1er mars 2004, madame Badinter répond. Et c’est beau comme l’antique. Pas comme D’Alembert, mais presque : « Quand vous parlez de dégradation de la qualité de vie dans le métro, note–telle, je suis obligée de vous répondre, que la Régie, depuis quelques années, rénove l’ensemble de ses stations et modernise de manière évidente, pour qui les utilisent, les transports en commun, les matériels comme les stations. Je ne crois pas par ailleurs que les voyageurs de la ligne Météor trouvent que le cadre de vie du métro se dégrade ».

Un premier commentaire : génial. Madame Badinter, qui n’a pourtant aucun rapport autre que commercial – les affiches – avec la RATP, se sent obligée de prendre la défense de l’entreprise. Deux, et même si je n’ai pas la moindre preuve, j’avancerais audacieusement l’hypothèse que madame Badinter ne prend jamais le métro. Ou peut-être de temps à autre entre Saint-Placide et Odéon ?

Deuxième extrait : « De manière plus générale, votre courrier manifeste un rejet de la publicité pour tout ce qui ne convient pas à votre éthique personnelle. On peut certes regretter que notre société produise des biens jetables plutôt que durables. Je pense contrairement à vous, que le consommateur n’est pas dénué de discernement, qu’il a le sens de ses intérêts et sait très bien choisir ce dont il a besoin. Enfin, il me semble qu’il faille rendre grâce à la liberté du commerce et de l’industrie car je ne connais pas de pays démocratiques où elle n’existe pas, même si l’inverse n’est pas toujours vrai ».

Deuxième commentaire, et derechef : génial. Sans publicité, sans désorganisation voulue et accélérée de l’esprit humain, pas de démocratie. N’ouvrez plus la bouche, petits imbéciles des Amis de la Terre, car vous n’êtes en réalité que des fantoches au service de l’entreprise totalitaire. Et comme c’est moi qui vous le dis, moi l’icône du Nouvel Observateur et de toute la gauche bien-pensante, eh bien c’est vrai. Quelqu’un aurait-il l’audace d’ajouter un mot ?

Oui, quand même. Cette pauvre madame Badinter fait franchement pitié. Elle qui aimerait tant que les gens bien élevés réfléchissent ensemble, dans le VIème arrondissement de Paris, à ce que signifie la mondialisation, n’est pas même capable de seulement évoquer la crise écologique. L’événement le plus colossal de l’histoire de l’homme se déroule sous son nez même, et elle ne l’entrevoit pas ! Seulement borgne, vraiment ? On se rapproche ainsi, sans bien s’en rendre compte soi-même, de la sottise la plus fate qui se puisse concevoir.

Je vous invite à relire, madame – à lire, peut-être ? -, une pièce de l’admirable Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière. Je sais, il n’est pas du siècle de votre gôut. Il a cent ans de moins. N’importe, Molière a assez bien décrit le monde réel, ce me semble. Quelle pièce ? Mais Les Précieuses ridicules, bien entendu ! Je vous raconte, pour le vif plaisir de me remémorer les scènes elles-mêmes. Soit ce couillon de Gorgibus, père de Magdelon et oncle de Cathos, deux jeunes filles en âge de se marier. Mais les deux se moquent cruellement de leurs prétendants officiels, La Grange et Du Croisy.
Ils ne conviennent pas, car comme elles sont influencées par les salons littéraires qu’elles fréquentent, Magdelon et Cathos attendent mieux. Et trouvent, en la personne du marquis de Mascarille et du vicomte de Jodelet. Lesquels sont faux, faux, FAUX. Ce sont en réalité les valets de La Grange et Du Croizy, que leurs maîtres ont déguisés pour mieux tromper les Précieuses ridicules, qui s’amourachent donc d’ectoplasmes.

Toute ressemblance avec madame Badinter, grande, noble, haute, admirable, miraculeuse figure de l’intelligentsia française de ce début du XXIème siècle, serait à n’en pas douter une curiosité. Mais le monde n’est-il pas curieux, ces temps-ci ?

Quand Laurent Joffrin déconne à pleins tubes

Attention, les mots qui suivent n’ont rien à voir avec la crise écologique, objet plus qu’essentiel de ce rendez-vous. Ce n’est qu’un coup de gueule, un cri de rage contre Laurent Joffrin, directeur du journal Libération.

Je lis avec vous la une de Libé du mercredi 12 novembre 2008. Surtitre : Sabotages du réseau TGV. Titre : L’ultra gauche déraille. Et c’est à cet instant précis que mon titre prend son sens : oui, Laurent Joffrin déconne, et à plein tubes. Je ne le connais ni ne l’ai même jamais vu. Et j’ajoute que je le vise là en tant que responsable du journal. Il est bien possible qu’il n’ait joué aucun rôle dans cette insupportable désinformation. Peut-être était-il à l’étranger ou au lit ou au restaurant.

Il n’importe. Son journal a donc accusé un courant politique sur la foi des seules affirmations policières, aussi solides, on le sait, que le béton des fers utilisés contre les lignes du TGV. Je ne suis pas d’ultra gauche, certes non. Et ceux qui ont jeté des plaques sur les voies, au risque de faire dérailler un train, sont de sinistres brutes. Mais cela n’excuse pas Joffrin.

Ce Libération-là a été bouclé hier vers 22 heures, quand la plus extrême prudence s’imposait évidemment. Ce mercredi soir, vers 19 heures, le site de l’Express publiait au reste un papier au titre limpide : Prudence judiciaire dans l’enquête sur les sabotages à la SNCF (ici). Mais qu’en a donc à faire le grand journal de gauche que plus personne ne nous envie ?

PS1 qui n’a pratiquement rien à voir : en février 1984, Antenne 2 – son nom, je n’y peux rien – proposait une grande émission entre politique et désordre mental. Sous le nom générique de Vive la crise !, on y entendait ce pauvre couillon d’Yves Montand vanter les mérites de ce qu’on appellerait plus tard le libéralisme. Le capitalisme, quoi. Et Joffrin, journaliste au service Économie de Libération – qui s’était fendu d’un hors-série Vive la crise ! pour l’occasion – avait joué un rôle central dans la mise en boîte de l’émission. Interrogé d’ailleurs par Joffrin et July pour ce hors-série, Montand déclarait tout de go qu’il était « de gauche tendance Reagan » et qu’il attendait un « capitalisme libéral ». Être de gauche, pour ces excellentes personnes-là, c’était soutenir Tapie et briser les reins des pauvres. Ce qui fut d’ailleurs réalisé.

Il n’est pas exagéré d’écrire que cette émission de merde est une butte-témoin. Comme le tournant dit de la rigueur en 1983. La fin d’une illusion. Le début des folles années de la spéculation, de la Bourse, du déchaînement de la destruction. Dans un éditorial, Joffrin écrivait sans gêne : «De l’Etat, encore de l’Etat, toujours de l’Etat. Relance, nationalisations, impôts nouveaux, plans industriels : tout allait à l’Etat, tout y revenait. Mais tout a raté, ou presque. Dans les douze mois qui ont suivi cette année illusoire [ 1981], il a fallu brûler à la sauvette ce qu’on avait adoré ».

Cela n’a rien à voir avec le titre de ce matin ? P’t-êt’ ben qu’oui, p’t-êt’ ben qu’non. On fait comme on veut.

PS 2 : Je vous donne l’adresse où l’on peut lire la prose d’un type en cabane depuis des mois. Assurément un partisan de cette ultra gauche que Libération vomit, bien que ce journal soit né des pires sornettes de cette Gauche Prolétarienne où Serge July pourfendait sans état d’âme le notaire (désolé pour les non-initiés). Je ne connais pas Juan, mais il a le droit à la parole, ce me semble : ici.