Opérant une audacieuse manœuvre sur l’aile, je m’éloigne d’un coup de manche à balai des lourds nuages de la question climatique, car j’ai besoin de vous. Vous n’avez pas la berlue : j’ai besoin de vous. Depuis deux ans, je maintiens ici un rendez-vous fréquenté par des milliers de personnes. De plus en plus fréquenté, d’ailleurs. Je ne vais pas verser une larme sur mon sort bienheureux, mais vous aurez peut-être remarqué qu’il vous suffit de cliquer sur un clavier pour me lire. En somme, c’est gratuit.
J’en suis fort aise. Et je ne compte pas changer cet état de fait. Nul ne m’oblige, et je peux arrêter quand je le veux. Il ne vous aura pourtant pas échappé que rassembler une information de qualité, venue des quatre coins de la terre, la digérer, la présenter, vous la présenter, cela prend du temps. Je vois bien que cela plaît à nombre d’entre vous, et les autres ne se manifestent pour ainsi dire pas. Tant mieux, du reste. Or donc, nous avons, vous et moi, un échange inégal. J’offre mon temps et mon énergie, chaque jour ou presque, et vous venez papillonner – ou non – au gré de vos envies.
Mais aujourd’hui est différent, car, bis repetita placent, j’ai besoin de vous. Du plus grand nombre possible d’entre vous. Le 30 septembre, je publie en effet un livre dans une nouvelle maison d’édition, LLL, sise 18 rue Séguier, 75006 Paris. Je vous raconte, tout. Henri Trubert, qui avait édité deux de mes livres chez Fayard (Pesticides, révélations sur un scandale français, avec François Veillerette, et La faim, la bagnole, le blé et nous), a décidé de quitter cette maison et d’en créer une autre avec Sophie Marinopoulos (1). En ces temps de crise, ce n’est pas une mince affaire.
Quand Henri m’a prévenu de cela, j’avais déjà signé avec Fayard un contrat portant sur le livre Bidoche. J’aurais pu donc rester dans la vénérable maison. Mais j’ai préféré reprendre le livre, en accord avec Fayard, et partir à l’aventure avec Henri. Vous me suivez ? Tout bien considéré, je crois que j’aime l’aventure. LLL, cette nouvelle maison d’édition, signifie Les liens qui libèrent (le diffuseur est Actes Sud, le distributeur UD-Flammarion). Henri, comme Sophie, comme moi et peut-être vous, nous pensons qu’il faut en effet lier, relier, recoudre, rassembler. Sur toutes les questions possibles.
Moi, vous le savez, je ne sais parler que d’écologie. Bidoche (l’industrie de la viande menace le monde) sera donc le 30 septembre en librairie, et c’est à ce propos que je vous sollicite. Attention, ce n’est qu’un début. Entre maintenant et la sortie, je vous demanderai d’autres coups de main, espérant que vous voudrez bien me les donner. Pour aujourd’hui, c’est simple : si vous passez chez un libraire, signalez-lui l’existence de LLL. Cela n’a l’air de rien, mais ce peut être très important. Car les libraires sont perdus dans un monde devenu fou, qui crache des livres comme on crache par terre. LLL a besoin de soutien, de bouche-à-oreille, d’attention bienveillante. Si un sur dix d’entre vous fait un mouvement, ce sera fabuleux.
Et ce livre, alors ? Je vous livrerai demain son introduction, qui donne le ton général. Mais, vous l’aurez déjà compris, Bidoche est un livre qui cogne. Je le crois agréable, je le sais solide, mais il cogne. Il est dédié à « tous les animaux morts sans avoir vécu », et il aborde une à une les questions les plus importantes à mes yeux. Par quel processus inouï a-t-on pu changer des animaux domestiques, qui nous accompagnent depuis des milliers d’années, en simples morceaux ? En marchandise auxquelles on dénie tout droit à l’existence ? J’assure dès maintenant les lecteurs à venir qu’ils découvriront quantité de choses qu’ils ignorent encore.
Encore deux points. Le premier : à partir du 29 septembre, j’ouvrirai un site dédié au livre, où l’on pourra voir ma trombine – mais pas seulement – expliquer quelques aspects du livre. Le second est une citation de l’immense Cervantes, celui du Quijote : « Pero ninguna cosa me admiraba más ni me parecía peor que el ver que estos jiferos con la misma facilidad matan a un hombre que a una vaca ; por quítame allá esa paja, a dos por tres meten un cuchillo de cachas amarillas por la barriga de una persona, como si acocotasen un toro ».
Ce qui veut dire, traduit par moi : « Mais rien ne m’étonnait plus ni ne me semblait pire que de voir ces bouchers d’abattoir tuer un homme avec la même facilité qu’une vache ; pour un oui ou un non, ils enfoncent un couteau à manche jaune dans le ventre d’une personne, comme ils le feraient dans la nuque d’un taureau ». Le texte est tiré du récit El coloquio de los perros (Miguel de Cervantes). La suite au prochain épisode. Je me répète : j’ai besoin, je vais avoir sacrément besoin de vous.
(1) Sophie Marinopoulos, psychologue et psychanalyste, publie en même temps que moi, chez LLL, Dites-moi à quoi il joue, je vous dirai comment il va. Comme je ne l’ai pas encore lu, je ne peux en dire que du bien. C’est bien.