ATTENTION, NE PAS FAIRE CONFIANCE AVEUGLÉMENT ! LE LIVRE COÛTE CHER, ET IL VAUT MIEUX HÉSITER QUE SE TROMPER.
Dès qu’il est question de mes lectures, je m’y prends comme un cornichon. Je n’ai jamais le temps, je repousse, je repasse, et finalement je prends un tel retard que je ne fais rien. Pas cette fois, car je viens de prendre de bonnes résolutions qui ne passeront pas la nuit. On commence.
D’abord la belle revue dirigée par Thierry Jaccaud (ici). Ce fut au lancement – en 2000 – une traduction-adaptation de la revue-culte britannique The Ecologist. Elle s’est imposée comme une belle revue française, et publie chaque trois mois un dossier et nombre d’articles originaux. Le dernier numéro est consacré à « l’enjeu vital » des océans. C’est un bon dossier, mais à mon sens, il y manque quelque chose. Une perspective susceptible de réunir toutes les forces disponibles dans le monde. Et le but est évident pour moi : il faut se battre pour une interdiction complète de la pêche industrielle, et un soutien décidé aux communautés humaines qui vivent et font vivre des pêches artisanales. Cela semble impossible ? Pas plus que de rêver arrêter un jour la machine à tout détruire.
Le sommaire est bien plus riche que cela, et je dois confesser un plaisir particulier à la lecture de la chronique d’Alain Hervé, qui fait figure – et qu’il me pardonne – de patriarche. N’a-t-il pas fondé en 1973 la revue Le Sauvage ? Je ne m’étends pas sur les critiques que je pourrais faire et les réserves sur tel ou tel article. Il y en a. Je ne le ferai pas, car tel qu’il est, cet Écologiste-là est une très grande réussite. Franchement, quand on voit le fric englouti dans tant d’imbécillités, y compris par nous, amis de Planète sans visa, on ne peut que clamer : ABONNEZ-VOUS, nom de nom !
(Précision : je tiens Thierry Jaccaud pour un ami, mais il est certain que je ne défendrais pas sa revue si elle n’était aussi bonne)
Autre ami, mais je ne le fais pas exprès : Marc Giraud, formidable naturaliste, et joyeux déconneur. Il publie coup sur coup deux livres, et tous les deux valent le détour par le porte-monnaie.
D’abord le truculent et succulent Safari dans la bouse (Delachaux et Niestlé, 12,90 euros). De manière (très) marrante, épaulé par le dessinateur Roland Garrigue, Marc nous fait découvrir les incroyables mystères de la bouse. Je vous le jure, votre regard sur la merde, en tout cas celle des vaches, pourrait bien changer. On apprend quantité de choses difficilement croyables, mais toutes vraies.
Ensuite, ce bouquin très concret, Comment se promener dans les bois (Allary, 16,90 euros). Sous la forme de 48 questions-réponses, Marc – aidé en la circonstance par l’indispensable Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS, www.aspas-nature.org) – entreprend de dire l’essentiel sur la chasse, du point de vue de nous autres, qui ne chassons pas. Combien de chasseurs ? Quels droits de poursuite des animaux ont-ils vraiment ? Y a-t-il ou non des jours de non-chasse ? Quels animaux peut-on chasser ? Mais aussi, et par exemple : J’ai trouvé un animal pris dans un piège, que dois-je faire ? Du tout bon.
Dans Éloge des mangeurs d’hommes, Yves Paccalet, ancien de premier plan des équipes Cousteau, m’a bien diverti (Arthaud, 15 euros). Paccalet me plaît, car il prend sans détour, avec humour, le parti des animaux. On le suit sans hésiter quand il rapproche le sort fait aux requins – 100 millions absurdement tués par nous chaque année – et les si rares attaques sur l’homme – autour de 10 morts dans le même temps. Et je le suis aussi à propos du Loup, bien sûr, même si j’eusse préféré une place plus juste pour le remarquable travail d’historien de Jean-Marc Moriceau, qui a documenté plusieurs milliers d’attaques contre les humains en France, il est vrai étendues sur des siècles.
Paccalet sait remettre à sa place les folles prétentions de l’espèce humaine. Ce qui déplaît à certains, mais permet de respirer un bon coup. Merci !
Chef-d’œuvre ? Je crois bien. Classique d’ores et déjà ? J’en suis convaincu. Dans Un an dans la vie d’une forêt (Flammarion, 21,90 euros), l’Américain David Haskell réussit un exploit en nous passionnant pour un tout petit mètre carré d’une forêt du Tennessee. Il compare le lieu, fort justement, à un mandala tibétain, sorte d’offrande, éphémère ô combien, réalisée avec du sable. Haskell se rend dans ce lieu minuscule toute une année, à toutes les heures, toujours seul. Il a froid, il sue, il dégoutte de pluie, mais surtout, il regarde et admire. La moindre fleur, la moindre mousse, la moindre feuille, le moindre insecte, les oiseaux, les rares mammifères qui passent par là. C’est envoûtant. Même si l’on peut être parfois perdu par l’érudition folle du naturaliste, on n’a bientôt plus qu’une envie : trouver son propre mandala.
Je vous signale aussi, en vrac, d’autres livres qui me semblent prometteurs, mais que je n’ai pas eu le temps, encore, de lire. Cessons de ruiner notre sol (Frédéric Denhez, Flammarion, 14 euros) : je connais et garantis le sérieux de l’auteur, qui aborde donc l’une des vraies grandes questions de notre temps. Plaidoyer pour les animaux (Matthieu Ricard, Allary éditions, 20,90). On ne présente plus ce moine bouddhiste français, que j’aime beaucoup, pour ma part. La question animale est également l’une des plus essentielles qui soient. Économie et biodiversité (Marc Barra, Laurent Hutinet, Gilles Lecuir, Victoires éditions, 16 euros). Connaissant un tout petit peu, et appréciant l’un des auteurs, Laurent Hutinet, je dois aussi – et c’est indiscutablement un a priori – faire part de mon scepticisme. Je ne crois plus du tout à une coexistence possible entre l’économie réellement existante et la biodiversité.
Enfin, Le tour de France des alternatives (Emmanuel Daniel, Seuil/Reporterre, 10 euros). Les amis de Reporterre (ici) inaugurent une collection de petits livres d’intervention. Dans celui-ci, l’auteur publie une dizaine de reportages menés en France sur des aventures et alternatives concrètes. Et porteuses d’espoir.
Ajout le lendemain : un lecteur, Loulou, me signale un livre qu’il juge important (La reproduction artificielle de l’humain). Je gage, bien que ne l’ayant pas lu, que c’est le cas. En voici la présentation : « La procréation médicalement assistée (PMA) n’a rien à voir avec l’égalité des droits ; elle doit être combattue en tant que telle, et non pas pour son extension aux homosexuels ; nous n’avons rien à gagner, et tout à perdre à la reproduction artificielle de l’humain : autant d’évidences que ce livre doit hélas rappeler.Eugénisme, marchandisation du vivant, manipulation génétique des embryons, transhumanisme.
Nous, luddites et libertaires, anti-industriels et anti-capitalistes, simples humains et animaux politiques, nous défendons le progrès social et humain, ou plutôt nous tâchons de défendre ce qui reste d’humain, de libre et d’animal en ce monde, contre le nihilisme technologique. Pour aller au fin mot de ces pages : l’émancipation sera politique ou ne sera pas. La PMA, ni pour les homos, ni pour les hétéros ! »
Le livre d’Alexis Escudero a paru aux éditions Le monde à l’envers.
UN FIDÈLE D’ENTRE LES FIDÈLES, H.A, ME SIGNALE QUE J’AI DÉJÀ PARLÉ D’UN AN DANS UNE FORÊT EN AVRIL. MON DIEU, JE NE REGRETTE PAS.