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Des nouvelles du front

Merci, pour commencer, à tous ceux qui soutiennent la sortie de mon livre « Un empoisonnement universel ». Cela fait drôlement chaud au cœur. N’hésitez surtout pas à continuer !

Pour le reste, et comme je n’ai guère de temps ces jours-ci, je vous laisse quelques liens qui pourront intéresser certains d’entre vous, tous en relation avec ce livre. À très bientôt.

Un entretien pour Basta, ce matin même : http://www.bastamag.net/Face-a-l-industrie-chimique-tout

Le magazine de la santé, à partir de 16mn30 : http://www.allodocteurs.fr/video.asp?idvideo=784

Sur Radio France International (RFI) : http://www.rfi.fr/emission/20140921-1-produits-chimiques-empoisonnement-nicolino-environnement-planete-catastrophe-sanitaire/

Sur France Inter : http://www.franceinter.fr/emission-co2-mon-amour-fabrice-nicolino-linvite-de-co2-pour-son-enquete-sur-la-chimie

Sur le site des éditions LLL :

http://www.youtube.com/watch?v=6YSY-o4BYf4

http://www.youtube.com/watch?v=dFWP3C92kyY

http://www.youtube.com/watch?v=1rOpN-jHy6s

http://www.youtube.com/watch?v=HBaJwrqVhMk

Sur L’Express : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/pollution-la-chimie-au-detriment-de-la-sante-non_1576687.html

Sur France Bleu : http://www.francebleu.fr/culture/le-livre-du-jour-de-france-bleu-berry/le-livre-du-jour-de-france-bleu-berry-49

Sur Le Sauvage : http://www.lesauvage.org/2014/09/un-empoisonnement-universel/

Sur Eco-Sapiens : http://www.eco-sapiens.com/actualite-800-Un-empoisonnement-universel–nouveau-livre-de-Nicolino.html

Sur le Huffington Post : http://www.huffingtonpost.fr/fabrice-nicolino/risque-armes-chimiques_b_5829628.html

Sur Le Journal de l’Environnement : http://www.journaldelenvironnement.net/article/la-chimie-industrielle-100-ans-d-impunite,50187?xtor=EPR-9

C’est loin d’être exhaustif, car je n’ai pas tout sous la main. Ainsi, la critique de Bernard Maris dans Charlie Hebdo – il est vrai, dithyrambique -m’a fait grand plaisir. À venir, La tête au carré (France Inter), le 29, et Service Public (Inter aussi) le 2 octobre. Mais avant cela, ce vendredi, Le Grand Journal de Canal +. Je vous salue bien bas.

Rajout plus tard ce même jour, avec cette chronique (très) plaisante pour moi de Daniel Schneidermann :

Gardanne, les petits poissons, et les écrans plats

Mots-clés : alumine, arsenic, boues rouges, Gardanne, les poissons ne sont pas des imbéciles, lindgaard, Nicolino

C’est un trou d’arsenic, où chante la Méditerranée. C’est un joli coin, qui porte un nom qui donne envie : le canyon de Cassidaigne. C’est dans ce canyon, situé à 7,7 kilomètres de Cassis, (par 320 mètres de fond exactement), que l’usine Alteo de Gardanne (anciennement Pechiney) déverse depuis 1966 les déchets de son exploitation d’alumine, les fameuses boues rouges, déchets dont le taux en aluminum, en arsenic et en fer, dépasse les seuils légaux. Plus de 20 millions de tonnes y ont déjà été déversées. Et cela continuera, puisque le conseil d’administration du Parc des Calanques vient d’autoriser la poursuite des rejets (seulement les rejets liquides, notez. Les rejets solides sont priés d’aller se faire rejeter ailleurs, même si on ne sait pas très bien où). 400 emplois sont à la clé. Et l’usine fait travailler 300 sous-traitants.

Quel est le problème ? me demanderez-vous. Ca fait un demi-siècle que ça dure. Et la mer est toujours aussi bleue. Et les poissons, qui ne sont pas des imbéciles, ont déserté le canyon de Cassidaigne. Oui mais voilà. Si les rejets solides cessent, le plancton pourrait revenir. Et avec lui, donc, les poissons, qui se nourriront donc du délicieux plancton engraissé à l’aluminium et à l’arsenic. Bon appétit. Vous me direz que ce ne sont pas les seules délicieuses substances que l’on ingurgite, dès lors que l’on se nourrit de fruits, de légumes ou de viande. Si vous voulez en avoir une vision d’ensemble, je ne saurais trop vous conseiller de lire le dernier livre de Fabrice Nicolino, « un empoisonnement universel » (Ed. Les liens qui libèrent, en vente le 17 septembre), fresque historique fascinante de l’ascension et de la domination de l’industrie chimique sur notre petite planète.

A quoi sert cette alumine, fabriquée à Gardanne ? A un tas de choses, et notamment à la fabrication de télés à écran à cristaux liquides. C’est un secteur d’avenir. On n’est pas près de se lasser des télés à écran plat. Attention, je me mets en mode de culpabilisation écolo : à chaque fois que vous allumez votre télé à écran plat, vous empoisonnez les petits poissons du canyon de Cassidaigne. Vous me direz que ce n’est pas le seul geste, anodin d’apparence, qui saccage les équilibres écologiques. A chaque fois que vous envoyez un mail, que vous regardez une vidéo sur YouTube, à chaque recherche Google trop imprécise, avez-vous une idée de la masse de CO2 que vous envoyez dans l’atmosphère ? Cette fois, je tire cette information du dernier livre de Jade Lindgaard, journaliste à Mediapart, « Je crise climatique », (Ed. La découverte), reportage à la première personne sur les petits gestes qui sont bons pour la planète (ou pas). Tout cela pour vous dire que je ne lis pas seulement les livres dont on parle aux radios du matin et aux infos du soir. C’était notre rubrique, l’écologie, ça commence à bien faire.

Vers de nouvelles aventures médiatiques

C’est un fait, je vais parler de moi. Pour tous ceux qui viennent ici pour la première fois, soyez assurés que ce n’est pas l’habitude. Il se trouve que je publie demain un livre dont j’ai déjà parlé il y a quelques jours : « Un empoisonnement universel (Comment les produits chimiques ont envahi la planète) » (ici). Quantité de lecteurs ont accepté de me filer un coup de main – il n’est pas trop tard – en faisant circuler l’information, et je leur dois bien, je vous dois bien quelques informations en retour.

Avant de vous les donner, un petit mot d’ordre général. La politique néglige totalement le sujet central de mon livre, qui est la contamination chimique généralisée. Des centaines de millions d’humains sont allergiques, des centaines de millions obèses, des centaines de millions diabétiques; l’incidence du cancer a augmenté de 110 % en France en trente ans, notre pays va gaiement vers les deux millions de cas d’Alzheimer, la fibromyalgie frappe toujours plus, et rien. Rien. Mon livre ne prétend évidemment pas que tout viendrait de l’exposition à des molécules toxiques. Ce serait ridicule. Mais il serait bien plus stupide d’ignorer la marée montante d’études qui pointent des liens très puissants entre ces explosions épidémiques – car il s’agit d’épidémies, foudroyantes – et la dispersion de millions d’assemblages chimiques différents, dont on ne sait rien, ou presque.

Oui, amis, la politique officielle, quelle que soit sa couleur, se moque éperdument de l’un des plus grands drames en cours. Je ne traiterai pas aujourd’hui cette question si lourde de signification, mais vous pouvez proposer vos commentaires. Pourquoi ?

Quant au reste, j’ai de bonnes nouvelles. Mon livre, qui n’est donc pas encore sorti, reçoit un accueil très favorable. Dans le désordre, je cite L’Express (demain), qui m’accorde quatre pages. Le site Huffington Post (demain) publie une tribune. Le site Basta.net publiera demain ou jeudi un entretien. Bernard Maris publie demain dans Charlie une critique. Olivier Nouaillas publie dans La Vie un papier. Doan Bui a déjà publié un article dans L’Obs (ici). Daniel Schneiderman a écrit quelques lignes très sympa sur son site, Arrêt sur images : « Vous me direz que l’on ce ne sont pas les seules délicieuses substances que l’on ingurgite, dès lors que l’on se nourrit de fruits, de légumes ou de viande. Si vous voulez en avoir une vision d’ensemble, je ne saurais trop vous conseiller de lire le dernier livre de Fabrice Nicolino, « Un empoisonnement universel » (Ed. Les liens qui libèrent, en vente le 17 septembre), fresque historique fascinante de l’ascension et de la domination de l’industrie chimique sur notre petite planète ».

Du côté de la télé, je passe demain en direct dans l’émission de France 5 Le magazine de la santé, vers 13h30/13h40. Je suis invité au Grand Journal de Canal + vendredi 26 septembre. Je suis interrogé par Terre-TV vendredi vers 12 heures.

À la radio, j’ai plusieurs rendez-vous, dont certains, importants, ne sont pas encore confirmés. Mais samedi, à 14 heures, je serai sur France-Inter, invité par Denis Cheissoux dans son émission C02 mon amour. Thierry Chareyre, de France Bleu, me reçoit jeudi à 16h. Igor Strauss, de RFI, me reçoit ce même jour, vers 11 heures.

Voilà pour l’instant. Je me répète : d’autres choses sont dans les tuyaux. On verra. Si vous m’apercevez ou m’écoutez, je vous prie d’être indulgents, car cela n’a rien de très simple, je vous le dis. Croyez-moi. Sur ce, encore merci.

Je crois (je suis sûr) que j’ai besoin de vous

Quelques milliers de personnes me font l’honneur de venir chaque jour picorer quelque chose sur Planète sans visa. Dire que je vous remercie est bien en-deçà de ce que je ressens, mais je n’y insiste pas. De mon côté, j’ai publié ici, depuis sept années, environ 1600 articles, dont la quasi-totalité seulement ici. Je l’ai fait par plaisir, certes, mais aussi par devoir. Il m’a semblé, il me semble toujours que je devais faire ce que je pouvais. Je fais ce que je peux, gratuitement cela va sans dire. Plutôt non, car ce rendez-vous me coûte quelque argent, versé à la société OVH. Mais qu’on se rassure, ce n’est pas ainsi que je me ruinerai.

Vient ici qui veut, et j’ai appris, au fil des années, que nombre d’adversaires décidés des valeurs que je défends gâchent leur digestion en regardant ce que je trifouille. Ma foi, c’est le jeu. Si je prends la parole ce 8 septembre 2014, c’est parce que j’ai besoin de votre aide. La vôtre, amis lecteurs, et j’espère que vous me l’accorderez. Voici : les éditions LLL (Les liens qui libèrent) publient le 17 septembre un livre sur la chimie, que j’ai écrit. Les fenêtres de tir de l’édition sont étroites, et se referment d’un coup sec sur le nez des auteurs. Sans un vrai coup de main, je cours le risque de rater ce rendez-vous. Or ce rendez-vous compte. Pour moi, bien entendu. Mais pour vous aussi, et si cela vous paraît une prétention, je reconnais que c’est le cas. J’ai la prétention d’avoir écrit un livre important.

Je ne vous demanderai jamais d’acheter ce livre sur une simple présentation. Je ne prétendrai jamais qu’il est bon. Mais en tout cas, il raconte une histoire qui n’a jamais encore été assemblée. L’histoire d’un drame planétaire, qui mène des lointains alchimistes à l’industrie transnationale de la chimie aujourd’hui. Comme le nom du livre l’indique, nous faisons face à « Un empoisonnement universel ». Tous les lieux, tous les êtres, tous les étages de la vie sont touchés. Je crois que la masse d’informations et de révélations que j’ai réunies donne une idée juste de l’incroyable désastre en cours. La rencontre entre la chimie d’antan – évidemment, je n’ai rien contre la curiosité et la recherche -, l’industrie, l’État et la guerre, cette rencontre a conduit à la dissipation de millions de molécules différentes les unes des autres, dont nous ne savons rien. Mais dont un nombre croissant se révèlent toxiques, délétères, mortelles.

Les faits, les responsables, les embrouilles innombrables donnent le vertige, j’en ai conscience. Certaines choses sont aux limites du croyable. Mais revenons à ce coup de main. Vous trouverez ci-dessous ce qu’on appelle dans le jargon la quatrième de couverture, soit le texte au dos du livre, ainsi que la couverture elle-même. Vous pouvez, et je vous demande de le faire, copier le tout et l’envoyer à votre carnet d’adresses. Le but, encore une fois, n’est pas d’acheter le livre au coup de sifflet, mais de faire savoir aussi vite qu’il est possible que ce livre sort. Le 17 septembre. Je dois avouer que je compte sur vous. Réellement.

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Une enquête redoutable sur l’invasion effrayante des produits chimiques dans notre quotidien et notre environnement.

C’est un livre sans précédent. Jamais on n’avait essayé de réunir tous les points pour faire enfin apparaître le dessin complet. Comment en est-on arrivé là ? Comment et pourquoi l’industrie chimique a pu libérer dans l’eau, dans l’air, dans le sol, dans les aliments, et jusque dans le sang des nouveau-nés des millions de molécules chimiques, toute différentes les unes des autres ?

Quels sont les liens entre le temps des alchimistes et celui du prix Nobel de chimie Fritz Haber, grand criminel de guerre ? D’où viennent Bayer, BASF, Dow Chemical, DuPont, Rhône-Poulenc ? Comment est-on passé de la bakélite des boules de billard et des combinés du téléphone au nylon, puis au DDT et aux perturbateurs endocriniens ? Pourquoi des maladies comme le cancer, l’obésité, le diabète, Alzheimer, Parkinson, l’asthme et même l’autisme flambent toutes en même temps ? Qui est Théo Colborn, la Rachel Carson du 21ème siècle ? Pourquoi l’OMS, la FAO, l’ONU ne bougent-elles pas ? Pourquoi les agences de protection françaises regardent-elles ailleurs ? Comment les normes officielles ont-elles été truquées ? Que contient vraiment l’eau dite potable ? Comment les transnationales ont-elles organisé une désinformation planétaire sur cet empoisonnement universel ? Y a-t-il une chance de s’en sortir ?

Pour la première fois, tout le dossier est enfin rendu public. Il est effrayant, mais un peuple adulte n’a-t-il pas le droit de savoir ? Ce livre, qui donne des noms, des faits, des accointances, ne peut rester sans réponse. C’est l’heure de se lever.

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Quand Cécile Duflot écrit des histoires

AJOUT INTÉRESSANT DE STÉPHANE LHOMME LE 15 SEPTEMBRE 2014, EN BAS DE L’ARTICLE

Ce qui suit est une critique du livre récent signé Cécile Duflot (avec Cécile Amar), paru chez Fayard (De l’intérieur, voyage au pays de la désillusion, 231 pages, 17 euros). On me jugera peut-être cruel, excessif, injuste. Cela reste un droit. Ainsi que demeure, ici du moins, celui de dire ce que je pense.

En préambule, cette précision : je n’ai jamais rencontré Cécile Duflot, et je ne doute pas qu’elle a des amis. Il est visible qu’elle aime ses enfants, lesquels, je l’espère pour tous, le lui rendent bien. En bref, je n’ai réellement rien contre cette personne, mais cela tombe bien, car ce n’est pas d’elle qu’il s’agit, mais d’une apparatchik qui s’est emparée de son nom, et a dirigé pendant six ans le parti dit écologiste EELV (Europe Écologie Les Verts).

Bon. Le fond. On est si frappé par l’indigence du propos qu’on espère à chaque ligne ou presque que cela va changer au paragraphe suivant. Mais non, c’est ça, et rien d’autre. Les dramatiques questions de la crise écologique planétaire sont tout simplement ignorées. D’évidence, elles n’existent pas pour Cécile Duflot. Le climat, l’eau, la forêt, la pêche industrielle, la biodiversité, l’hyperconsommation au Nord, l’obsolescence voulue des biens matériels – et leur déferlement -, la surpuissance des transnationales et les traités qui la traduisent, les nécrocarburants, les industries de la chimie ou de la bidoche ont 100 fois – 1000 fois, un million de fois ? – moins d’intérêt que les états d’âme de l’ancienne ministre au sujet du 14 juillet, auquel est consacré un chapitre entier. On reviendra plus loin à l’écologie.

De quoi est fait le reste ? Ma foi. Cécile parviendrait presque à faire croire à sa fraîcheur, à sa candeur, à son honnêteté sans rivage. Elle met copieusement en scène ses supposées faiblesses (par exemple page 32), ce qui est un excellent truc pour désarmer la critique. Qui serait assez méchant pour douter d’une telle personne, si attentive au sort de ses amis et de ses proches ? Moi. Le 15 mai 2012, ainsi qu’elle le raconte sans fard, c’est elle qui décide de la présence dans le gouvernement Ayrault, à ses côtés, du gentillet Pascal Canfin (ici et ici), qui ne risque pas de lui faire trop d’ombre. Mais quelle admirable façon de faire de la politique autrement !

La voici donc ministre du Logement. On a droit à de nombreuses proclamations, qui peuvent se résumer à ceci : Cécile Duflot est de gauche, la loi Alur qu’on lui doit est de gauche, et tous ceux qui sont contre ne le sont donc pas. Je ne commente pas, car tout cela est simplement politicien. Duflot est probablement attachée au sort des mal-logés, mais en ce cas, pourquoi avoir quitté un poste alors que le plus délicat de la loi – les décrets d’application – était à venir ? Fût-elle restée dans ce foutu gouvernement que Valls n’aurait pas pu détricoter ce texte présenté par elle comme grandiose. Alors, pourquoi ? Je ne peux m’empêcher de penser, à propos de Duflot, au phénomène de doublepensée si bien amené dans le 1984 de l’oncle George.

Non, quelque chose ne tourne pas rond, et mon petit doigt me dit avec insistance que Duflot a obéi à une stratégie précise, qui consistait à sortir de la galère à temps pour ne pas être engloutie avec, et pouvoir se présenter au premier tour de 2017 avec quelque chance de battre le pauvre record de Noël Mamère en 2002, soit 5,25 % des voix. La vérité, en tout cas une vérité plus proche du vrai que le salmigondis du bouquin, c’est que Cécile Duflot est une politicienne assez ordinaire, propulsée pour des raisons qu’on ignore – mais que d’autres savent – à la tête d’un parti où elle avait adhéré seulement cinq ans plus tôt.

On se moque des ministres qui sautent d’un ministère à l’autre, et l’on a raison. Ils ne savent à peu près rien des questions dont ils ont soudain la charge, et sont bien incapables de marquer le terrain qu’on croit être le leur. Mais c’est exactement le cas de Cécile Duflot, qui se vante d’une loi – peut-être la plus longue de l’histoire de la République – de 177 articles et 300 pages, qui ne saurait être lue, et encore moins comprise par qui que ce soit en France. Est-ce un hasard ? Duflot se montre d’une ignorance crasse au sujet de la réelle structure administrative de l’État, et n’a pas même un mot sur la « noblesse d’État » décrite par Bourdieu, et ces ingénieurs des Ponts qui sont l’ossature du ministère qu’elle a occupé deux ans. Telle est pourtant l’une des clés des grandes décisions structurantes des 60 dernières années.

Ne va-telle pas jusqu’à rendre hommage à Eugène Claudius-Petit, pilier – de droite – des gouvernements de la Quatrième République, rapporteur en 1950, devant le gouvernement d’un Plan national d’aménagement du territoire auquel nous devons tant de merveilles ? Au-delà, mais il n’est pas lieu de s’étonner, sa loi aurait dû exiger un tournant historique concernant les lieux de construction – faut-il sacrifier encore des sols agricoles, par exemple ? -, les matériaux à utiliser – quand a-t-on parlé de logements bioclimatiques, de chaux, de terre, de bois ? -, l’obligation de respecter un plancher d’autonomie énergétique ?

Le récit de ses 21 mois au ministère du Logement est un monument entier à la gloire du vide. Je résume. J’ai – moi, Duflot – eu foi en Hollande, j’ai cru que je pourrais le convaincre – d’être de gauche, croit-on comprendre -, mais je n’ai pas réussi. Oh là là, mais quel malheur ! Extrait drolatique : « Ces deux dernières années ont marqué la mort du politique et le règne de la technocratie » (page 106). Bien entendu, on se pince. Comme cela a l’air d’être du français, cela doit signifier qu’avant 2012, « le » politique vivait et que la technocratie ne régnait pas. Mais comme c’est ridiculement faux, que penser ? Que Cécile Duflot n’a pas la moindre idée de qu’elle raconte ? Retenons cela comme une hypothèse.

Hollande. Le psychologisme de Duflot explose à son endroit tous ses records. Tout est affaire d’individu. D’honnêteté – son dada -, les yeux dans les yeux. De respect des engagements. Il va être convaincu, et puis non, il ne l’est pas, ce gros vilain. L’histoire, l’histoire politique n’est pas fondée sur les structures sociales et les luttes idem, le glissement des partis le long d’un axe idéologique mouvant comme le ruisseau, les rapports de force, le contexte général d’une société qu’il faudrait tout de même analyser un peu. Non pas.  Tout repose ur la bonne volonté de Machin et de Trucmuche. Cécile Duflot croit, apparemment de bonne foi, que tout se joue en face à face instantané, qui peut décider de l’avenir commun.

Je ne peux que pardonner à Cécile Duflot de ne pas me lire. Tout occupée à distribuer des prébendes avec son compère Jean-Vincent Placé, elle aura loupé deux de mes articles, parus avant l’élection de François Hollande. Et qui disaient assez clairement ce qu’on pouvait attendre de lui (ici et ici). Si elle ne savait pas en 2012 qui est Hollande, ce que son livre prétend, elle est une imbécile. Si elle le savait, elle une honnête calculatrice, ce que son livre dément à chaque ligne. Peut-on miser sur un mélange des deux ?

Montebourg. J’ai déjà brocardé ce splendide histrion plus d’une fois, et j’y reviens pas. Cet homme a, comme tous devraient le savoir, commencé par refuser en bloc et en totalité l’extraction des gaz de schiste en France, avant de défendre les gentils industriels du secteur, Total en tête, et de réclamer une exploration, dont chacun sait qu’elle mène aux forages. Il est donc, désormais, pour les gaz de schiste, pour le nucléaire bien sûr, pour l’ouverture de mines en France, comme celle de Salsigne, et en général, partisan de tout ce qui peut détruire un peu plus encore. Il est l’ennemi déclaré de toute politique digne d’être défendue. Mais Cécile Duflot, qui ne cesse décidément de rappeler qu’elle est avant tout « de gauche », s’en moque bien. Montebourg n’incarne-t-il pas l’aile « gauche » de ce parti socialiste qu’elle accuse de virer à droite ? Si. Ce qui explique qu’elle accepte de former une petite bande « de gauche » en compagnie de ce beau guerrier de l’avenir, de Benoît Hamon et de Christiane Taubira. Et d’envisager sereinement de peser avec elle sur la ligne du gouvernement.

L’austérité. On touche au dur. On est en pleine fantasmagorie. Cécile Duflot est contre l’austérité. Pour ma part, je ne sais pas trop ce que cela veut dire. Il va de soi, ainsi que je l’ai écrit des dizaines de fois, que je suis pour le Grand Partage. Ici en Europe, mais surtout à l’échelle du monde. Et cela inclut le partage des richesses, mais de toutes les richesses, y compris, bien sûr, écologiques. Et cela inclut tous les hommes, bien sûr, mais aussi toutes les espèces vivant sur Terre, depuis les mousses et lichens jusqu’à ces grands emmerdeurs que sont les Loups, les Ours, les Tigres, les Éléphants. Sans aucune analyse, Cécile Duflot se contente de critiquer l’austérité dont parlent toutes les gazettes. C’est-à-dire, in fine, le droit d’une partie du Nord à consommer encore plus qu’elle ne le fait. Au détriment de qui, au détriment de quoi, chers amis lecteurs ? Des autres, cela va de soi.

Dire qu’on veut donner plus aux pauvres, sans autre examen, signifie clairement faire venir davantage de colifichets du vaste bagne industriel qu’est la Chine. Et produire davantage de déchets pourris. Et disséminer un peu plus plastiques et perturbateurs endocriniens – je ne prends que cet exemple entre 1000 autres. Et prendre ainsi le parti de ces épidémies émergentes que sont le cancer, l’obésité, le diabète, les allergies, Alzheimer, etc. Je rappelle à ceux qui hurleront contre moi – Dieu, ils ont bien le droit ! – que selon les calculs, certes très approximatifs, de Global Footprint Network (ici), nous avons collectivement épuisé, au 21 août, ce que peut donner la Terre en un an. Pendant plus de quatre mois, nous attaquerons donc l’os, les grands équilibres si menacés, la vie elle-même. Oser présenter l’austérité comme le fait Duflot n’est que complète franchouillardise. Ce serait lamentable de la part d’un politicien quelconque. C’est insupportable sous la plume d’une politicienne se réclamant de l’écologie.

La Firme. Cécile Duflot consacre un chapitre à son parti, sous le nom que lui a donné récemment Noël Mamère : la Firme, précisément. Ici, la doublepensée chère aux habitants d’Oceania atteint des sommets indépassables. Oncle George décrit la chose ainsi dans son merveilleux roman, qui s’applique à la perfection : « Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer. La compréhension même du mot « double pensée » impliquait l’emploi de la double pensée ». Dans le chapitre La Firme, Duflot geint. Elle se plaint des méchants garçons et vilaines filles qui osent la critiquer à propos du fonctionnement autocratique de son parti. Je l’ai écrit plus haut, Duflot dit d’elle-même la vérité quand elle écrit avoir choisi Canfin pour l’accompagner au gouvernement. Des dizaines d’autres exemples, accumulés depuis des années de discussions avec les cadres d’EELV, m’ont abondamment montré qu’il s’agit d’une règle. Qui décide et pourquoi ? En l’occurrence Placé et Duflot, au service d’intérêts qui n’ont aucun rapport avec l’objet écologique et social du mouvement créé en 1984. Ainsi de la désignation d’Emmanuelle Cosse au seul bon plaisir du duo de tête.

Rions avec elle de la farce qu’elle nous propose page 142 : « Le plus ironique, c’est que pendant les dix ans à la direction de mon parti, je n’ai jamais eu de plan de carrière ni d’ambition cachée ». De Placé, elle ne dit strictement rien, ce qui est en effet plus prudent. On ne saura donc rien du jeu mis en place à la sortie du gouvernement de Duflot. À elle une ligne « de gauche », susceptible de lui permettre de chevaucher une base plus exigeante – sait-on jamais ? – qu’elle et sa camarilla. À lui le soin de cornaquer les parlementaires à la mode De Rugy, qui n’ont jamais rêvé que d’une chose, être notable. Avec mamours à la droite présentable, en attendant peut-être davantage. Je redis ici, sans espoir d’être cru, qu’il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre les deux compères. Je ne sais, et pour le coup j’imagine, ce que Placé lui susurre. Peut-être que l’élection présidentielle de 2017 sera décisive. Que le parti et la France ont besoin d’elle. Qu’en agissant comme elle le fait, elle sert une cause supérieure, etc. Le plaisant, c’est qu’elle se raconte forcément une histoire voisine, en tout cas compatible.

Un bref retour sur l’écologie, à laquelle Duflot consacre un chapitre désopilant, digne des assemblées environnementalistes des années 60. Il faut le lire pour le croire, je vous l’assure (à partir de la page 113). Comme elle n’a rien à dire, elle se concentre dès l’entrée sur ce que les médias qui la fêtent ont retenu : l’épisode de pollution atmosphérique de mars 2014. Qui est, ainsi qu’écrit, un épisode, qui aurait pu se passer et s’est passé d’ailleurs un nombre incalculable de fois. Quel est le problème ? On ne le saura pas, car il faudrait s’intéresser à la place de l’industrie, automobile au premier chef, à l’air intérieur, à la chimie de synthèse, aux fulgurances de l’asthme, à la cancérogénicité désormais officielle de l’atmosphère extérieure, à la dégradation constante de la santé publique, que personne n’ose considérer. En somme, il faudrait au moins se poser des questions. Mais Cécile Duflot, à qui on ne la fait pas, se contente de vanter le bilan écolo de Sarkozy et de son si funeste Grenelle de l’Environnement. Je n’invente pas, je cite ( page 119). Elle est si constamment aveugle qu’elle maintient ce qu’elle avait écrit à propos d’un discours de Hollande, en septembre 2012 : « Je pèse mes mots : ce discours du président de la République est historiques et infiniment émouvant à entendre pour une écologiste ». Ô misère ! En ouverture d’une désastreuse Conférence environnementale, Hollande avait enfilé quelques perles multicolores (ici), puis était retourné à sa lecture favorite, celle du quotidien L’Équipe. Mais Duflot avait senti le vaste souffle des plus belles tempêtes.

Je vois à quel point cet article est long, et passablement inutile. Ma foi, ce ne sera pas la première fois. Mais un jour comme celui-là, et je vous prie de me croire au premier degré, trop, c’est trop.

PS 1, qui n’a rien à voir : Franchement, 17 euros pour 230 pages pleines de gros interlignes, aux chapitres séparés de nombreuses pages blanches, est-ce bien raisonnable ?

PS 2 : Bien entendu, je l’ai acheté, et non reçu.

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Message de Stéphane Lhomme, ajouté le 15/9/14

Stéphane Lhomme |

Lors du congrès EELV de 2011, auquel j’assistais en tant que participant à la primaire pour les présidentielles, seuls Hulot et Joly devaient apparaitre, les autres candidats (6 à l’époque) n’ayant pas le droit d’apparaitre.

Bien que parfaitement au courant des moeurs de ces gens-là, je n’ai quand même pas pu m’empêcher d’exploser de colère, incendiant devant une salle de 800 personne le superviseur de la primaire, le chercheur Philippe Meirieu et exigeant la présence au premier rang des 6 candidats et non des seuls Hulot et Joly (encadrant la vraie star, Duflot).

Tnat et si bien qu’on fini par m’apporter une chaise mais en plaçant Dominique Voynet (sans être désobligeant, il faut savoir qu’elle s’est passablement “élargie” physiquement) entre les “grands” candidats et moi.

Puisque j’étais là, et que j’avais piqué ma crise, je tentais d’être visible, jusqu’à ce que Voynet me dise “Mais arrête, tu me colles là !”.

Eh bien, croyez le ou pas, moi-même je dois parfois me pincer pour me dire que je n’ai pas rêvé : Duflot, entendant cela, de tourne subitement vers moi et me lance “Tu viens d’agresser Dominique, je peux te faire exclure de la primaire”.

A son grand désappointement (elle doit avoir l’habitude que les gens baissent la tête devant la grande “chef”), je lui ai ri au nez en lui disant “Allez vas-y, exclue moi pour qu’on rigole un peu “.

Je dois d’ailleurs reconnaître que Voynet, qui en a pourtant vu d’autres, a eu l’honnêteté de dire “Non non, il ne m’agresse pas, faux pas exagérer”.

Visiblement déçue, Duflot s’est retournée vers ses vedettes et surtout vers les photographes qui mitraillaient les 3 stars. Le “cordon sanitaire” opéré par Voynet a… largement fonctionné !

Tout ça est une pauvre mascarade, j’y ai mis les pieds brièvement pour contester l’ “écologie” à la sauce people avec Hulot, et je suis au plus vite retourné dans mon cher Sud-Gironde rural, où l’air y est bien plus sain…

Le drapeau noir du deuil (la mort de Simon Leys)

Simon Leys est mort et comme écrivait l’autre, tout est dépeuplé. Cette grande personne si chère à mon cœur ne semble avoir aucun rapport avec mes obsessions, qui ne sont finalement qu’une : la crise de la vie sur Terre. Mais comme si souvent, il n’est pas besoin de creuser longtemps pour comprendre à quel point Leys était un allié de première force dans la bataille contre tous les mensonges. Il est donc mort en Australie, où il enseignait, à l’âge un peu jeune de 78 ans (ici).

Avant de vous dire mon sentiment, sachez que je suis loin de chez moi, loin de mes livres et de mes références. Je vous livrerai donc ce que ma mémoire me dicte. Leys – Pierre Rickmans de son nom de naissance – est d’abord, comme certains d’entre vous le savent, un authentique sinologue, grand connaisseur de l’histoire, de la culture, de la langue chinoises. Il aimait, et quand il aimait, il adorait. En 1971 – je crois que je n’avais pas 16 ans -, Leys fait paraître un livre inoubliable, Les habits neufs du président Mao (Champ Libre).

J’étais alors déjà profondément antistalinien, et je le suis resté. Et donc fondamentalement antimaoïste, car ce courant s’inscrit d’évidence, et en droite ligne, dans cette tradition maudite. Je pourrais aisément prétendre que le livre a été à mon chevet d’emblée, mais ce n’est – hélas – pas vrai. Je ne l’ai lu qu’une dizaine d’années plus tard. Leys, seul contre tous, racontait en temps réel les événements connus sous le nom grotesque de Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. En deux mots, Mao lance en 1966 un mouvement tourné contre les cadres du parti communiste au pouvoir. S’appuyant sur son fameux Petit livre rouge et sur une jeunesse déchaînée, il lance un vaste mouvement contre le supposé révisionnisme des cadres du parti. Pendant des années, la violence règne en maîtresse, qui fera autour d’un million de morts.

De quoi s’agit-il ? Pour une partie de l’intelligentsia française de l’époque – Sartre bien sûr, mais aussi les July, Geismar, Glucksmann, Benny Lévy-Pierre Victor, Alain Badiou, Alain Lipietz, Olivier Rolin, Philippe Sollers, Roland Castro, tant d’autres -, cette « révolution » était populaire, libératrice, déterminante. Elle annonçait au monde ébahi que l’histoire n’était pas terminée et ne finirait jamais. Elle annonçait le règne de la liberté perpétuelle. Mais tout n’était qu’épouvantable mensonge, manipulation, manœuvres bureaucratiques menées de main de maître par ce vieux salopard de Mao, qui entendait avant tout garder le pouvoir.

Maintenant que tout est su, on ne peut plus lire tout à fait Les habits neufs du président Mao comme le grand chef-d’œuvre qu’il est pourtant. En temps réel, je me répète, Leys disait toute la vérité sur la dictature maoïste. Et en bonne logique, il fut descendu par le journal Le Monde, qui lui accorda dix lignes misérables sous la signature du misérable maolâtre Alain Bouc, qui devait se déshonorer ensuite comme correspondant à Pékin. Leys fut traité – par d’autres – d’agent de la CIA, car bien entendu, qui d’autre qu’un agent stipendié aurait pu écrire de telles horreurs sur un si beau pays ? À la même époque, nos grands intellectuels encensaient la reine de la fantasmagorie, l’Italienne Maria-Antonietta Macciocchi. Quelques mois avant Leys, elle avait publié un livre de 570 pages,  De la Chine (Le Seuil), tout à la gloire dégoulinante des assassins.

Au cours d’une mémorable émission Apostrophes de mai 1983 présentée comme les autres par Bernard Pivot, on entendit  Leys dire à propos de cette faussaire, présente sur le plateau, et comme indignée par l’attaque : « Je pense… que les idiots disent des idioties, c’est comme les pommiers produisent des pommes, c’est dans la nature, c’est normal. Le problème c’est qu’il y ait des lecteurs pour les prendre au sérieux et là évidemment se trouve le problème qui mériterait d’être analysé. Prenons le cas de Madame Macciocchi par exemple — je n’ai rien contre Madame Macciocchi personnellement, je n’ai jamais eu le plaisir de faire sa connaissance — quand je parle de Madame Macciocchi, je parle d’une certaine idée de la Chine, je parle de son œuvre, pas de sa personne. Son ouvrage De la Chine, c’est … ce qu’on peut dire de plus charitable, c’est que c’est d’une stupidité totale, parce que si on ne l’accusait pas d’être stupide, il faudrait dire que c’est une escroquerie. »

Je ne vois, dans mes souvenirs personnels, qu’un exemple se rapprochant du travail de désintoxication grandiose de Leys sur la Chine. C’est celui de George Orwell, dénonçant en 1938, après son passage dans les colonnes du Poum espagnol, l’emprise stalinienne sur la révolution en cours. Et ses crimes atroces (In Hommage à la Catalogne). Est-ce étonnant ? Orwell était l’un des grands personnages du Panthéon de Leys. Plutôt mourir que mentir. Ou du moins, plutôt être seul à jamais. Mais le Leys que j’ai tant aimé était aussi un formidable critique littéraire, et pour dire le vrai, le meilleur, à mes yeux en tout cas. Ses chroniques, ses textes et fulgurances, son alacrité, son humour, sa sensibilité ont changé mon regard sur la chose écrite.

Il aimait aussi la mer – comme moi, je le confesse, mais bien davantage que moi – et avait publié une splendide anthologie de textes français sur ce sujet inépuisable, de Rabelais à Hugo, d’Alexandre Dumas à Loti (La Mer dans la littérature française, Plon) ». J’ai les deux tomes chez moi, je les vois dans ma tête en ce moment précis. Leys avait également traduit un livre formidable et resté méconnu, Deux années sur le gaillard d’avant (Richard Henry Dana, Payot), récit autobiographique d’un marin à bord d’un cap-hornier. Et bien sûr, écrit Les Naufragés du « Batavia » (Arléa), époustouflant récit d’un fait-divers authentique, suivi d’un texte autobiographique – Prosper – dans lequel Leys raconte sa vie, à l’extrême fin des années Cinquante, à bord du dernier grand voilier de pêche breton (j’espère que je ne me trompe pas).

Faut-il insister ? Je ne le crois pas. Encore un mot, toutefois, à propos du Magazine Littéraire. En 2006, dans l’une de ses chroniques mensuelles, Leys s’attaque à une sommité de la sinologie. Mais ne vaudrait-il pas mieux écrire Sommité de la Sinologie ? La victime, François Jullien, est une vedette incontestée de la nomenklatura intellectuelle française, ce qui n’en fait pas nécessairement une andouille. Au reste, et je m’empresse de le préciser, je n’ai pas lu les innombrables textes et livres de Jullien. Mais j’ai lu Leys, l’étrillant donc dans le Magazine Littéraire. Comme à son habitude, Il y montait au combat sans aucun égard pour la position dominante de Jullien, écrivant notamment (et qu’on me pardonne la longueur de la citation) que la pensée de Jullien

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« est bien analysée par Jean-François Billeter dans son Contre François Jullien (éd. Allia). Billeter est philosophe comme Jullien mais, à la différence de ce dernier, il connaît la Chine et sait écrire le français (je me demande d’ailleurs dans quelle mesure ce n’est pas l’opacité du jargon de Jullien qui lui a assuré le plus clair de son autorité). Avec courtoisie mais rigueur, Billeter montre que la Chine dont parle Jullien est une construction abstraite présentant peu de relations avec la mouvante réalité culturelle et historique de la civilisation chinoise. Jullien glane ses matériaux un peu partout dans les textes chinois (quelquefois il se contente de les piller dans les travaux de ses collègues), puis il les utilise hors contexte, de façon anachronique?; assemblant ces éléments disparates en un vaste collage, il intitule « pensée chinoise » ce qui n’est en fait que de la pensée-Jullien.

Je ne pense pas que l’erreur de Jullien ait été (comme le croit Billeter) d’avoir pris pour point de départ « l’altérité » de la Chine. Celle-ci, loin d’être un mythe, est une réalité savoureuse, capable d’inspirer ce désir passionné de connaissance dont parlait Needham. Non, le fond du problème, c’est que la Chine ne l’intéresse pas?: pour lui, elle ne présente nulle valeur intrinsèque?; il s’en sert comme d’une « commodité théorique » pour considérer du dehors notre processus intellectuel. Mais comme Billeter le remarque avec pertinence, « on ne saurait revenir sur soi sans avoir commencé par se porter ailleurs ».

Intéressante coïncidence?: en décembre dernier, Le Monde a publié un entretien dans lequel Jullien commentait « L’Énigme de la puissance chinoise ». Il expliquait que « le lettré chinois n’est jamais devenu un intellectuel critique », et Tian’anmen ne saurait donc avoir de lendemain. Mais exactement le jour même où paraissaient ces propos, deux cent cinquante mille Chinois bravant les contrôles policiers manifestaient à Hongkong pour exiger la démocratie. Apparemment donc, au moins un quart de million de Chinois seraient déjà las de servir de « commodité théorique » à la pensée-Jullien ».

Fin de la citation————————–

Je n’ai pas lu Jullien, mais j’ai toute confiance en Leys. Il n’est pas exclu que j’aie tort, mais comme je ne l’ai encore jamais pris en défaut, je dois dire que je ne changerai pas d’avis de sitôt. Par curiosité, je suis allé voir la page Wikipédia de Jullien (ici). C’est furieusement drôle, car on y oublie de citer, parmi les critiques du Maître, celle de Leys, se concentrant sur celle de Billeter, moins connu et sans doute plus facile à conchier. Donc, pas un mot sur Leys. Mais un flot inouï de louanges, tels qu’on finit par soupçonner de l’autocongratulation. Jullien est-il l’auteur d’une partie au moins de ce panégyrique ? J’en jurerais.

Où veux-je en venir ? Nulle part. Je suis seulement heureux de dire combien je dois à cet être hors du commun. Dans l’un de ses livres, L’humeur, l’honneur, l’horreur : Essais sur la culture et la politique chinoises (Robert Laffont, 1991), Leys glisse un article – Une excursion en Haute Platitude – consacré à notre inaltérable Bernard-Henri Lévy. Critiquant un essai dérisoire de BHL, Impressions d’Asie, Leys écrit des mots dont la saveur m’enchante encore, près d’un quart de siècle plus tard :

« Dans son aimable insignifiance, l’essai de M. Lévy semble confirmer l’observation d’Henri Michaux : Les philosophes d’une nation de garçons-coiffeurs sont plus profondément garçons-coiffeurs que philosophes (…) Comme tout le monde s’en doute maintenant, l’Asie n’existe pas. C’était une invention de XIXe siècle eurocentrique et colonial. M. Lévy qui est fort intelligent et a beaucoup voyagé, aurait quand même pu s’en apercevoir ».

Puis : « On se demande parfois [si BHL] n’aurait pas eu avantage à rester cloîtré dans une cabine hermétiquement close et capitonnée, car, au contact des réalités de la rue, sa prose a fâcheusement tendance à enfler, et, comme un ballon gonflé d’air chaud, elle s’élève bientôt jusqu’à la zone des Hautes Platitudes… région dont elle ne redescendra plus, sauf pour quelques rafraîchissantes plongées dans un brouillard de volapük…
Pour que des Impressions d’Asie de M. Lévy puissent vraiment intéresser, au départ, il faudrait d’abord que M. Lévy fût. Et sitôt qu’il aura remédié à cette carence ontologique, il nous captivera, même avec des
Impressions de Pontoise ».

Voilà le Leys que je chéris. Voilà le Leys que je n’oublierai jamais.