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Naomi Klein à son tour (sur la critique de l’environnementalisme)

Je viens de piquer ce qui suit au site Reporterre (ici), animé par Hervé Kempf, qu’il faut évidemment soutenir. Cela m’amuse un peu – pas beaucoup, un peu – de voir que je suis rejoint par Naomi Klein, que la mouvance altermondialiste porte aux nues. Quand j’ai écrit Qui a tué l’écologie ?, en 2011, la plupart en France ont détourné le regard, et refusé net toute discussion. Fallait pas fâcher les ONG de la place, si solidement assises sur leur confortable postérieur.

Peut-être en sera-t-il autrement cette fois ? C’est tout le mal que je nous souhaite. Et je précise que je ne partage pas les vues politiques de Naomi Klein, qui se rejoue une fois de plus la chanson bien connue de toutes les gauches depuis un siècle. Elle pense que l’ennemi, c’est le capitalisme. Je juge que le capitalisme n’est qu’une forme d’un phénomène bien plus complexe, que j’ai nommé à de nombreuses reprises : la destruction du monde.

Bonne journée.

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 « Les environnementalistes sont plus dangereux que les climato-sceptiques ! »

Le coup de gueule de Naomi Klein

Les grandes organisations d’environnement ont une responsabilité aussi grande que les climato-sceptiques dans le présent reflux de la politique écologique : c’est la forte thèse défendue par la journaliste altermondialiste Naomi Klein. Selon elle, le choix de collaborer avec les grandes compagnies et l’idéologie néo-libérale a conduit à l’échec. Ses propos provoquent un vif débat aux Etats-Unis.


La célèbre journaliste canadienne, militante altermondialiste connue pour ses livres No Logo et La Stratégie du choc, vient de déclencher une furieuse polémique au sein du mouvement écologiste nord-américain.Il y a deux ans, Klein avait écrit dans le journal The Nation que le militantisme climatique et le capitalisme étaient incompatibles. Elle observait que les climato-sceptiques l’étaient pour des raisons idéologiques : ils comprennent très bien que si le changement climatique se produit, la seule façon d’échapper à ses conséquences est de remettre en cause le système économique actuel, le capitalisme. Selon elle, la seule réponse adaptée à la menace climatique résidait « dans la pulvérisation de l’idéologie du marché libre, laquelle a dominé l’économie depuis plus de trois décennies ».Elle poursuit dans cette voie en accusant cette fois les principaux groupes environnementalistes de n’avoir pas compris cette vérité élémentaire, ce qui les a conduit à nouer des alliances coupables avec les grandes corporations.

Les « Big Greens », mauvais leaders

Voici une traduction partielle des propos de Naomi Klein, tirés d’un long entretien publié par le Earth Island Journal :

« Le mouvement écologiste fait preuve d’un déni profond quand il s’agit des « Big Greens », « les principales organisations environnementales. Selon moi, celles-ci ont fait plus de dégâts que les négationnistes climatiques de droite. Si on a perdu tellement de temps, c’est bien à cause d’elles, qui nous ont tous entrainés dans une direction débouchant sur des résultats déplorables.

Si on examine ce qui s’est passé sous l’égide du protocole de Kyoto dans la dernière décennie– les mécanismes de l’ONU, ceux mis en place par l’Union européenne – , on voit combien tout cela a été désastreux. (…)

La droite avait combattu les échanges de permis d’émission en prétendant qu’ils allaient nous mener à la faillite, qu’on distribuait des aumônes aux grandes compagnies, et qu’en plus ça n’allait pas marcher. La droite avait raison ! Non pas pour la faillite de l’économie, mais pour le fait qu’il s’agissait de cadeaux énormes consentis aux grandes sociétés. Elle avait raison aussi de prévoir que ces mécanismes ne nous rapprochaient pas de ce que souhaitaient les scientifiques, à savoir baisser les émissions. Alors, pourquoi les groupes verts se sont-ils obstinés dans cette voie ? »

Naomi Klein observe que « le niveau de réduction des émissions dont nous avons besoin dans les pays développés est incompatible avec la croissance économique ».

Elle rappelle que, dans les années 1970, le mouvement environnemental était très puissant, et avait réussi à imposer un fort appareil législatif pour réduire la pollution. Mais avec l’élection de Ronald Reagan comme président des Etats-Unis, une politique opposée à l’environnement s’est mis en place. Et plutôt que d’y résister, les mouvements environnementaux ont choisi de chercher à collaborer avec les grandes entreprises. Elle cite Fred Krupp, le président d’Environmental Defense Fund, une importante ONG états-unienne, pour avoir clairement énoncé cette politique. Il se trouve, ce qu’elle ne dit pas, que Fred Krupp est un participant régulier du groupe Bildelberg, qui réunit chaque année des grands patrons et des responsables politiques pour définir la politique néo-libérale à appliquer dans le monde.

Ainsi, explique Naomi Klein, «  pour les environnementalistes, il s’agissait d’établir des alliances avec les entreprises. Ils n’étaient pas sur la ligne : « Attaquons ces salauds ! », mais sur la ligne : « Oeuvrons ensemble, les salauds et nous ! » Cela revient à désigner les corporations comme acteurs volontaires de la solution. »

«  Nous avons globalisé un modèle économique insoutenable d’hyperconsommation. Il se répand dans le monde avec succès, et il nous tue. (…) Les groupes environnementalistes n’ont pas été les spectateurs de ce phénomène, ils en ont été les partenaires. Ils voulaient en faire partie. »

Les grandes ONG d’environnement ont ainsi accepté, voire soutenu, le traité de libre-échange entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique, dit Alena, malgré son l’abaissement des protections de l’environnement qu’il impliquait.

« Je ne dis pas que tous les groupes ont été complices : ni Greenpeace, ni les Amis de la terre, ni, globalement, le Sierra Club. Et ni 350.org, qui n’existait pas encore. Mais cela remonte aux racines du mouvement. (…)

Ces élites historiques avaient décidé de sauver la nature, elles étaient respectées pour cela. Si donc le mouvement environnementaliste avait décidé de les combattre, leurs élites auraient risqué perdre leur aura, et personne n’était vraiment prêt à assumer cela. Je pense que cette situation est largement à l’origine du niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre. (…)

La stratégie du soi-disant win-win (gagnant-gagnant) a lamentablement échoué. C’était l’idée générale des échanges de permis d’émission. Les groupes verts ne sont pas aussi malins qu’ils ne le croient. Ils ont joué à trop grande échelle. Nombre de leurs partenaires avaient un pied dans le Climate Action Partnership, et un autre à la Chambre de commerce. »

Naomi Klein observe qu’en Europe, les choses bougent dans un autre sens. Plus de cent organisations ont ainsi pris position pour en finir avec le marché du carbone. « C’est le genre de choses que nous devons faire maintenant. Nous n’avons plus le temps de perdre du temps. »

Les premières réponses outrées – et argumentées – commencent à tomber. Le site ClimateProgress écrit notamment :

« Elle n’a pas seulement tort, elle a profondément tort. Son approche révisionniste est fausse, et contredite par ses propres prescriptions politiques. »

Il souligne notamment qu’en Europe, les émissions de gaz carbonique ont diminué, ce qu’il attribue au marché des émissions, dit ETS (European trading system) :

Evolution des émissions de CO2 et du produit intérieur brut dans l’Union européenne.

A quoi Naomi Klein a répondu à son tour sur son propre site, conseillant d’attendre la parution de son prochain livre, promis pour 2014.

La critique des grandes ONG environnementales a déjà été menée en France. Dans Qui a tué l’écologie ? (éd. Les liens qui libèrent, 2011), le journaliste Fabrice Nicolino a mené une vive charge contre le WWF, FNE et Greenpeace pour leur politique de collaboration avec les grandes entreprises et le gouvernement. De même, dans Comment la mondialisation a tué l’écologie (éd. Les Mille et une nuits, 2012), Aurélien Bernier a montré que l’idéologie néo-libérale a fortement influencé le mouvement écologiste à partir des années 1980.


Source : Hélène Crié-Wiesner et Hervé Kempf pour Reporterre.

Pascal Bruckner, le nouvel étalon dont nous avions besoin

Pour Nadine

L’époque bousculée qui est la nôtre a besoin de nouveaux instruments de mesure. On se souvient sans doute que le mètre a été défini la première fois le 26 mars 1791, par notre Académie des sciences alors révolutionnaire. Les contemporains ne s’en doutaient pas, mais cette mesure-là accompagnerait, faciliterait la marche en avant de l’industrialisation du monde. Car le règne de l’économie, qui est le nôtre, avait grand besoin de calcul et d’apparente objectivité. On a vu le résultat, on le voit changer chaque jour, et dans la direction qu’on connaît, celle de la destruction radicale des formes de la vie.

Bref. À chaque époque ses besoins. La révolution intellectuelle et morale que nous sommes quelques-uns à souhaiter ardemment, cette révolution a elle aussi besoin d’instruments. Et celui qui permettrait de connaître le niveau de sottise d’un discours aiderait sans doute à éclairer le difficultueux chemin que nous avons décidé en conscience de suivre. Oui, à franchement parler, la grande imbécillité mérite ses héros, ses généraux, ses médailles. En ce domaine très concurrentiel, il convient d’être prudent, car les places sont disputées, et les honneurs par force limités. Pour ce qui me concerne, je me dois de signaler à l’attention publique l’extraordinaire figure de Pascal Bruckner, qui écrase toutes les autres, au point de faire douter de l’intérêt d’une compétition.

Qui est Pascal Bruckner ? Un homme très ignorant, bien sûr, mais cette distinction répandue ne suffirait pas à le récompenser. Non, Bruckner est un philosophe. Au sens où M. Bernard-Henri Lévy est un philosophe.  Et donc un immense philosophe, puisqu’il a écrit des livres salués dans Le Nouvel Observateur, gazette qui tient Marcela Iacub, éphémère compagne de M. Strauss-Kahn, pour un puissant génie de la littérature. Parmi ses livres, je ne peux résister à saluer son chef-d’œuvre immortel, Le Sanglot de l’homme blanc. Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi, paru en 1983. Bruckner y pourfend le tiers-mondisme, qui n’aurait été qu’une vaste entreprise de complaisance à soi et d’auto-culpabilisation. Voyons. La distance abyssale entre le Nord et le Sud n’aurait donc servi que de narcissisme aggravé à la génération militante des années 60. Comme c’est excellement vu.

Que n’a été M. Bruckner ? Nouveau philosophe après 1977 – pardieu, le totalitarisme est une vilaine chose -, il a lutté avec ses petits bras contre la faim dans le monde – à ACF -, pour un plan de paix – audace ! – au Proche-Orient, contre les soldats de M. Milosevic au cours des guerres dans l’ancienne Yougoslavie. Voyez-vous, on est démocrate ou on ne l’est pas. M. Bruckner, n’écoutant que son grand courage, défend la guerre américaine en Irak – 2003 -, avant de découvrir en 2004 la triste impréparation de l’armée étasunienne. Pas assez de drones, peut-être ? Que lui reste-t-il à tenter ? Sarkozy ? Allons pour Sarkozy, que M. Bruckner soutiendra au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2007, avant de laisser dire que le bondissant président l’avait notablement déçu.

Quel pharaonique défi peut espérer encore un tel géant ? L’écologie ? Ben oui, l’écologie, et ces méchants personnages qui veulent punir l’Occident de jouir sans état d’âme de ses richesses matérielles. Ce qui donne en 2011 un nouveau livre exaltant,  Le fanatisme de l’Apocalypse (Grasset, 20 euros). J’y ai consacré alors un article de Charlie Hebdo, dont j’extrais ceci : « Bruckner, comme d’autres plaisantins avant lui, n’a à peu près rien lu sur le sujet qu’il traite. La dislocation des grands écosystèmes, les crises de l’eau, de la biodiversité, des sols, des océans, le dérèglement climatique, il s’en tape. Il n’est pas au courant. « Après tout, note-t-il tout en finesse, le climat de la Riviera en Bretagne, des vignes au bord de la Tamise, des palmiers en Suède, qui s’en plaindrait ? ». Pas lui. Le pilier du café du Commerce veut continuer à profiter de la vie sans qu’on l’emmerde, car « voitures, portables, écrans, vêtements sont à tous égards non des gadgets, mais des agrandissements de nous-mêmes ». Face à ces merveilles, les écologistes n’ont qu’un but : « Mettre le voile noir du deuil sur toutes les joies humaines [l’italique est dans le texte d’origine, pas seulement dans Charlie] ». Pourquoi ? Mais parce qu’ils sont fanatiques, sectaires et même avares. Avares, c’est nouveau, ça vient de sortir. Oh, mais quels vilains ! ».

Or voilà qu’il récidive, misant sans doute sur l’irrésistible – parfois – comique de répétition. Dans  Libération de ce matin, M. Bruckner, qui cherche en vain une idée, a décidé de se répéter. Vous verrez plus bas ce que cela donne, inutile d’être trop cruel. Le tout est d’une telle suffisance, appuyée comme il se doit par une connerie sans limites apparentes, que l’on est contraint d’annoncer la fin du concours. M. Bruckner est le roi absolu, il n’y a rien à discuter. Notez avec moi qu’il aurait au moins pu se renseigner, et lire quelques textes. On a vu dans le passé des philosophes s’enquérir des informations débattues ailleurs. Mais M.Bruckner, qui est visiblement mauvais joueur, a décidé de ridiculiser tous ses concurrents, en s’abstenant simplement de documenter ses si formidables accusations. Pensez ! il veut la couronne à lui tout seul, et il l’aura, et il l’a. Les écologistes sont une secte. Parce que. Et M.Bruckner est une buse. Parce que.

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La tribune de Libération (6 septembre 2013)

Ecologie, le nouveau catéchisme de l’austérité

Par PASCAL BRUCKNER Philosophe

Le 27 juillet 2012, la très sérieuse revue Nature publie un article alarmant rédigé par 22 chercheurs selon lequel les écosystèmes de la planète pourraient connaître un effondrement total d’ici à 2100[Libération a consacré un Evénement à cette étude, le 10 août 2012, ndlr]. La pression démographique, la perte de la biodiversité, le taux d’extinction des espèces, l’augmentation des émissions de CO2 rendent très probable un basculement de nos conditions d’existence au cours du siècle à venir. Et nos scientifiques de préconiser une réduction drastique de la population ainsi qu’un alignement du niveau de vie des plus riches sur les plus pauvres.

Comment y parvenir, ils ne le précisent pas ? Comment persuader les nations sous-développées de le rester et les pays prospères de renoncer à l’abondance ? Quelle élite dictatoriale se montrera capable d’imposer ses volontés à 7 milliards d’êtres humains ? Tout est dit dans cet article, par ailleurs très contesté : le changement climatique est avant tout une arme pour punir le genre humain et l’amener à faire pénitence. Le réchauffement est un fait. Faut-il en faire une foi, une religion, un chantage exercé sur les vivants ? Une chose est de nous alerter sur un danger réel, une autre de le présenter sous la forme d’un chaos imminent qui devrait éclipser tous les autres. Or, pour les sociétés humaines, il existe au moins quatre calamités majeures : la pauvreté, la faim, la maladie, le crime de masse.

Qui décrète que l’augmentation des températures surpasse ces quatre fléaux en importance et en intensité ? Pourquoi ne pas souligner qu’elle présente aussi un certain nombre d’avantages ? On sait que la culture de la vigne prospère dans le sud de l’Angleterre grâce à de meilleures conditions atmosphériques, que les Inuits du Groenland se réjouissent de cet ensoleillement supplémentaire qui leur permet de cultiver fruits et légumes et ramène dans leurs eaux territoriales des phoques dont ils consomment la viande et vendent les peaux ; il semble aussi que la population d’ours polaires ne diminue pas au pôle Nord, notamment au Nunavut, en dépit de la fonte des glaces. Combien de pays de l’hémisphère Nord soumis au froid seraient heureux d’un adoucissement de leurs conditions de vie, d’hivers moins longs, d’étés plus cléments ?

Ainsi, nous dit la nouvelle vulgate, nous subirions un accroissement spectaculaire des catastrophes naturelles depuis dix ans. N’est-ce pas plutôt notre sensibilité aux perturbations climatiques qui s’est exacerbée dans la mesure où elles sont devenues plus meurtrières et coûteuses en raison de la densité de population dans les zones touchées ? Nous expliquer que le réchauffement est aussi incontestable que la loi de la chute des corps ou la rotondité de la Terre est un autre sophisme : c’est confondre un principe avec un phénomène historique. Si le nombre de climato-sceptiques augmente dans nos pays, c’est que les «réchauffistes» ont usé et abusé de l’argument d’autorité qui interdisait toute nuance. Le climat est devenu pour certains depuis vingt ans la causalité dominante, comme l’économie était la détermination en dernière instance dans le marxisme : même dogmatisme dans un cas comme dans l’autre. Il devient alors la clé qui ouvre toutes les portes. Qu’est-ce qui n’est pas réchauffement à cet égard ? La pluie est réchauffement, la sécheresse aussi, ainsi que le vent, les cyclones, les tremblements de terre, même les précipitations neigeuses, même le gel selon une merveilleuse acrobatie logique utilisée par Al Gore : plus il fait froid, plus il fait chaud ! Et comme les médecins chez Molière s’écriaient au moindre symptôme : «Le poumon, vous dis-je !», au moindre dérèglement, nous nous écrions : «Le réchauffement !»

C’est que les relations de l’homme avec la nature sont pensées sur le modèle du client insolvable et de son banquier : la dette est immense, il faut rembourser sous peine de sanctions terribles appelées incendies, ouragans, inondations. Au Moyen Age on interprétait les cataclysmes naturels comme un châtiment de Dieu ; désormais on les impute à l’orgueil de la créature humaine coupable de démesure. A l’omnipotence supposée de l’homme transcrite dans le terme d’«anthropocène» répondrait la résistance farouche de la planète martyrisée qui se venge. En mourant, elle nous entraîne dans son agonie et en profite pour nous administrer une bonne leçon. Des politologues patentés nous expliquent que les guerres du XXIe siècle seront toutes climatiques et nous préparent un âge du fer. On ne savait pas celles du siècle précédent si douces. Qui veut effrayer veut dominer.

Mais les écologistes, en battant le tambour bruyant de la panique, sont devenus malgré eux les meilleurs adversaires de leur thèse. Leurs vaticinations apocalyptiques nuisent à la cause qu’ils défendent. Car de deux choses l’une : ou bien le réchauffement se poursuit, quoique nous fassions, par simple inertie thermique pendant un siècle et nous sommes fichus. Dès lors à quoi bon s’inquiéter, modifier nos habitudes ? Ou bien la menace n’est pas celle annoncée, des solutions existent et ce serait le travail d’une écologie intelligente de les explorer.

Parler comme le prince Charles de la Terre comme d’«un malade en phase terminale»et avertir l’humanité d’«un possible suicide à grande échelle», ce n’est pas seulement user d’une rhétorique outrancière, c’est confondre l’avertissement et le souhait. Car le soupçon nous vient que ces grands prophètes de la fin du monde – on pourrait y inclure lord Stern, Al Gore, James Hansen, Nicolas Hulot, sir Martin Rees – veulent moins nous protéger que nous châtier. «La fête industrielle est finie», avertissait le philosophe allemand Hans Jonas, phrase reprise littéralement par l’ancien député vert Yves Cochet. Le climat devient l’instrument de notre expiation. Le véritable enjeu du réchauffement, ce «fait polémique» pour parler comme Bachelard, c’est donc le changement des modes de vie : il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 80 % d’ici à 2050, en diminuant la consommation d’énergie, au besoin par la contrainte, la pénalisation des contrevenants. Aux fins de réaliser cet objectif, le bon peuple est prié d’adopter «la sobriété heureuse» comme le dit le catéchisme en cours, c’est-à-dire d’accepter le dénuement avec enthousiasme, de convertir la détresse matérielle en joie spirituelle.

Il faut accoutumer les Français à la rareté, convaincre les fortunés qu’ils doivent s’appauvrir et les pauvres qu’ils sont encore trop riches et doivent un peu plus se serrer la ceinture. Les partis verts sont ainsi les vecteurs idéologiques d’une nouvelle austérité dictée non plus par les marchés financiers mais par la santé de la planète. Et cette austérité s’applique encore plus aux pays du Sud à qui l’on démontre, dans une belle phraséologie néocoloniale, qu’il est trop tard pour accéder au progrès et sortir de leur condition. L’arme climatique vise donc à entériner l’injustice globale et à interdire aux nations démunies d’émerger de la misère. Alors même que seule une croissance accélérée permettrait à ces dernières de résister aux conséquences néfastes de l’élévation des températures, de mieux se prémunir contre les tsunamis, les raz-de-marée, les séismes.

Au nom de la dette carbone, notre nouveau péché originel, on plaide chez nous contre toute avancée : on récuse le charbon mais aussi le gaz naturel, le pétrole, le nucléaire, le train à grande vitesse, les OGM, les nanotechnologies, les aéroports, les énergies fossiles. Seules les éoliennes et les panneaux solaires trouvent grâce aux yeux de nos puristes, et encore, alors même qu’ils sont et resteront désespérément insuffisants pour couvrir nos besoins ! Il est dramatique qu’un gouvernement de gauche, en principe progressiste, se laisse dicter sa conduite, en matière d’environnement, par un groupuscule rétrograde qui vit dans la mystique de la décroissance et représente à peine 2,5 % de l’électorat. Et l’on comprend l’exaspération de très nombreux cadres et militants socialistes vis-à-vis de leurs alliés verts. Le refus français d’explorer les réserves de gaz de schiste n’est pas seulement une décision économiquement contestable, c’est une insulte lancée aux générations futures que l’on prive d’une source d’énergie précieuse et peut-être abondante.

Si la France avait suivi le principe de précaution dès les années 50, elle n’aurait jamais eu d’industrie aéronautique ou agroalimentaire, jamais de complexe atomique ou chimique, n’aurait jamais édifié d’autoroutes, jamais promu le TGV, le Concorde, et serait restée une nation arriérée. Qu’il faille s’acheminer vers une économie décarbonée, un développement compatible avec le respect de l’environnement, tout le monde est d’accord là-dessus ; qu’au nom de notre mère la Terre, il faille embrasser la régression volontaire, idolâtrer la privation, sombrer dans la religion de l’effroi, suspecter toute innovation technologique relève de l’obscurantisme pur et simple. Ce n’est pas le souci de la planète qui domine alors, c’est la haine de l’humanité dissimulée sous le culte de la Nature. Oui à l’écologie de raison, non à la Secte verte.

Dernier ouvrage paru : «le Fanatisme de l’Apocalypse. Sauver la Terre, punir l’Homme», Grasset, 2011

Le crime, le climat, la Chine et Fred Singer (avec AJOUT)

Un grand lecteur de Planète sans visa, devenu un ami bien réel, m’envoie une information presque incroyable : l’Académie chinoise des sciences vient de donner sa reconnaissance officielle à Fred Singer, grand maître planétaire de la désinformation. Mais avant que de commenter, regardez avec moi cette publication en chinois d’un rapport américain publié en 2009, Climate Change Reconsidered.

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Difficile d’exagérer l’importance de l’Académie des sciences sise à Pékin (ici). Elle emploie 50 000 personnes et le groupe qui édite la revue Nature (ici) la classe au 12ème rang des 100 institutions scientifiques, en se basant sur les articles publiés dans la presse mondiale spécialisée. Harvard est la première, Yale est 18ème, Oxford 14ème. De même qu’au plan économique, la Chine devient – est déjà – un géant de la science. Et le sera toujours plus. Faut-il préciser que publier un document de 1200 pages venant des États-Unis a forcément une signification politique ? Les États totalitaires, même lorsqu’ils semblent ne plus l’être, ont toujours accordé une grande importance aux signes. Car ce sont des signaux.

Au service de la désinformation

Qui est Fred Singer, le grand inspirateur, nullement caché d’ailleurs, du gros rapport  Climate Change Reconsidered ? Né en 1924, il va avoir 89 ans. Physicien reconnu, il a travaillé à de hauts niveaux de responsabilité dans l’industrie spatiale américaine, avant de bifurquer et de mettre son nom et son énergie au service des industries les plus criminelles qui soient. Par exemple celle du tabac : Singer n’hésitera pas à mettre en cause les liens pourtant évidents entre tabagisme passif et cancer. À la tête du Science and Environmental Policy Project (ici), une petite structure créée en 1990, il va systématiquement aider l’industrie transnationale à faire face aux scandales à répétition, que cela concerne les CFC, l’amiante, les pesticides, le dérèglement climatique.

Tel un Claude Allègre à la puissance 10 ou 100, Singer s’impose, depuis une quinzaine d’années, comme le grand négateur du changement climatique d’origine humaine. il n’a de cesse de discréditer le Giec (en anglais IPCC), ce Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, au point d’avoir lancé un Nongovernmental International Panel on Climate Change (NIPCC), pour s’en moquer bien sûr. Je ne peux que vous renvoyer, sur le sujet, à deux livres dont j’ai déjà parlé ici, Les marchands de doute (Naomi Oreskes et Erik Conway, Le Pommier) et tout récemment La fabrique du mensonge (Stéphane Foucart, Denoël).

Pourquoi diable un homme aussi proche de la mort que Fred Singer use-t-il ses derniers jours de la sorte ? Poser la question, c’est visiter une fois encore le pays du mal, dont la diversité des habitants paraît à peu près sans limite. Comment la tête d’un Singer est-elle organisée ? Comment un homme peut-il défendre de tels intérêts et pour quelle obscure raison ? Voyez, je ne crois pas que l’argent qu’il retire de ses opérations, bien réel, soit l’explication principale. Quoi qu’il en soit, et parce que je tiens la lutte contre le dérèglement climatique pour la mère de toutes les batailles humaines, Fred Singer est à mes yeux un grand criminel.

L’Académie à la botte des bureaucrates

Seulement, quand une institution aussi prestigieuse que l’Académie chinoise des sciences apporte son crédit à une telle entreprise, on retombe sur terre, où la politique reprend ses droits. Il va de soi qu’une décision aussi lourde de sens n’a pu être prise que par la tête même du parti communiste chinois. Au reste, sans en faire mystère, l’Académie dépend étroitement du Conseil des affaires de l’État, lui-même aux ordres du Premier ministre. Il faut donc apprécier cette publication pour ce qu’elle est : un crachat envoyé pleine face à ceux qui tentent de faire face à la crise écologique.

On sait qu’il existe des tensions entre bureaucrates chinois. Dès 1994, quand l’agronome Lester Brown avait publié son formidable essai nommé Who Will Feed China ? (Qui nourrira la Chine ?), il était clair qu’une partie de l’appareil d’État avait pris conscience de l’impasse du modèle économique choisi. En mars 2005, le ministre de l’Environnement de l’époque, Pan Yue, avait donné au journal allemand Der Spiegel un entretien si extraordinaire qu’il n’a, à ma connaissance, pas été repris dans la presse française (ici). Vous pensez bien que lorsque Le Nouvel Observateur, Le Point ou L’Express font des dossiers de 80 pages sur la Chine, il faut surtout ne pas effaroucher l’annonceur publicitaire. Lequel veut vendre des montres de luxe, des bagnoles haut de gamme et des parfums, et ne surtout jamais entendre parler d’un Pan Yue.

Car que disait donc ce dernier ? Eh bien, que le « miracle économique » serait bientôt terminé. Citation : « Ce miracle finira bientôt parce que l’environnement ne peut plus suivre. Les pluies acides tombent sur un tiers du territoire, la moitié de l’eau de nos sept plus grands fleuves est totalement inutilisable, alors qu’un quart de nos citoyens n’a pas accès à l’eau potable. Le tiers de la population des villes respire un air pollué, et moins de 20% des déchets urbains sont traités de manière soutenable sur le plan environnemental. Pour finir, cinq des dix villes les plus polluées au monde sont chinoises ».

Où placer les guirlandes ?

Oui, les conflits à l’intérieur de la bureaucratie chinoise existent. Mais l’affaire Singer, ainsi que je propose de l’appeler, montre que ce sont toujours les mêmes qui gagnent. Et s’ils gagnent, c’est parce que ce pays fou est contraint d’avancer vers le grand krach écologique. Arrêter le porte-containers sans but ni gouvernail reviendrait à disloquer le pays, entraînant des troubles aux dimensions inimaginables. Le principe d’une machine infernale, c’est que personne n’est en mesure de la désactiver. Encore faut-il placer autour de l’engin quelques menues guirlandes et boules de Noël multicolores. Encore faut-il organiser méthodiquement le déni de la catastrophe en marche.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la publication des 1200 pages de l’officine Singer. S’il n’y a pas de réchauffement climatique, alors il n’y a aucune raison pour que la Chine réduise ses formidables émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a aucune raison pour que la Chine arrête de siphonner, dans un délire de croissance, les forêts d’Asie et d’Afrique et des Amériques. Aucune raison pour arrêter le pillage du pétrole et du gaz, et des terres, dans un saisissant remakemutatis mutandis -, de l’aventure coloniale de l’Occident.

182 espèces d’oiseaux, 47 de reptiles

Au moment où je vous écris, je pense au Mozambique, l’un des plus beaux, l’un des plus pauvres pays de la planète. Une équipe de scientifiques vient de passer trois semaines dans le parc national Gorongosa, sûrement l’une des zones les moins massacrées de notre monde. Ils y ont recensé 182 espèces d’oiseaux, 54 de mammifères, 47 de reptiles, 33 de grenouilles, 100 de fourmis, etc. Et parmi elles, un certain nombre d’espèces inconnues, je ne sais combien au juste (ici). Dans le même temps, comme le rapporte Courrier International (ici) les forêts de Mozambique sont pillées dans l’impunité la plus totale, et dans des proportions qu’on ne peut qualifier que de bibliques. Au premier chef par les Chinois, qui savent comment convaincre les politiciens locaux. Pardi.

Destruction, tel est le maître-mot de notre univers. Mais dans le même temps, et pour la raison que la vérité est insupportable, il faut nier, dénier, camoufler, désinformer, manipuler. De ce point de vue, aucun autre pays n’a davantage besoin du mensonge que la Chine. Mais que notre honneur national ne souffre pas trop : nous ne sommes pas loin derrière. Oh non.

AJOUT IMPORTANT LE 16 JUIN 2013 :

Grâce à un lecteur de Planète sans visa – Michel G., un grand merci -, il me faut apporter ici une précision essentielle. L’affaire du rapport chinois est plus complexe que ce que j’avais pensé. Car l’Académie chinoise des sciences (ici, en anglais) conteste avoir jamais donné son imprimatur au texte. À ce stade, il s’agirait donc d’un montage d’une grossièreté inouïe de Fred Singer et de ses nombreux amis. Notons qu’il y a aussi – et au moins – une autre hypothèse : que des factions se fassent la guerre à l’intérieur de l’Académie. Qu’un clan l’ait d’abord emporté, aussitôt victime d’une contre-attaque. Dans tous les cas, cela ne fait donc que commencer. La suite au prochain épisode.

Une flopée de livres en courant

Comme je réfléchissais à l’avenir de Planète sans visa (*), et depuis un moment déjà, j’ai laissé s’accumuler quantité de livres dont il me faut aujourd’hui parler d’un seul mouvement. Avant de vous livrer quelques commentaires, sachez une chose : j’estime que nul ne doit me faire confiance. Les livres coûtent affreusement cher, et sont très souvent décevants. Avant d’acheter quoi que ce soit, vérifiez par vous-même que cela vous correspond, et que la promesse de départ sera tenue, plus ou moins en tout cas. L’acte d’acheter un livre n’est pas une affaire simple.

Et maintenant, en avant !

D’abord un mot d’un livre que j’ai rouvert avant-hier au soir. Dans L’Humaine condition (Quarto Gallimard, 1056 pages, 26 euros), on trouve plusieurs essais de la si grande Hannah Arendt, publiés entre 1958 et 1972. J’ai souligné, page 525, les phrases suivantes, qui poursuivent leur chemin en moi : « En d’autres termes, la libre entreprise n’aura été un bienfait sans mélange que dans la seule Amérique, et c’est un bonheur bien relatif comparé aux libertés politiques proprement dites, telles la liberté de parole ou de pensée, de réunion ou d’association, fût-ce dans les meilleures conditions. La croissance économique  se révélera peut-être un jour un fléau plutôt qu’un bienfait mais en aucune circonstance elle ne pourra mener à la liberté ou constituer une preuve de son existence ». Je dédie ces mots aux si nombreux imbéciles et néanmoins libéraux qui se réclament d’Arendt sans l’avoir jamais lue.

Un deuxième livre qui n’a rien à voir, quoique. Stéphane Foucart est journaliste au Monde, un excellent journaliste selon moi. Dans La fabrique du mensonge (Denoël, 302 pages, 17 euros), il décortique pour commencer la manière dont l’industrie du tabac a organisé la désinformation sur les dangers de la clope. Il l’avait déjà fait pour partie dans Le Monde, mais il développe cette fois, et le résultat est stupéfiant, même pour un vieux briscard dans mon genre. Car le mensonge a été planifié de bout en bout, et s’il n’y a plus place au doute, c’est parce qu’un procès historique, en 1998, a eu lieu devant une cour fédérale américaine. Les cigarettiers ont chopé une amende de 188 milliards d’euros, dont le versement a été étalé sur vingt ans. Sont-ils morts pour autant ? Non. Ils ont également dû livrer des dizaines de millions de documents internes – mémos, discours et réunions, mails, etc – qui on révélé leurs méthodes en direction des scientifiques. En deux mots, l’industrie a payé, cher, pour allumer des contre-feux, financer des études périphériques destinées à créer de fausses controverses, s’attacher par le fric quelques grands noms de la science, y compris en France. Grâce à quoi ils ont fabriqué de la confusion, laquelle leur a permis de gagner des dizaines d’années de tranquillité. En bref, ils se sont comportés en truands, les truands qu’ils sont.

Vous le saviez ? Oui, vous le saviez. Mais Foucart livre les clés du système, les noms, les procédés. Je rappelle que selon des estimations sérieuses, et si rien n’est fait pour stopper la machine, le tabac tuera au cours de ce siècle 1 milliard d’humains. Bilan de la Seconde guerre mondiale : un peu moins de 65 millions de victimes. J’ajoute que l’affaire du tabac n’est que le début du livre de Foucart. Il considère, avec de solides éléments à l’appui, que cette industrie de la mort est un archétype, qui a inspiré toutes les industries mortifères dans la suite : l’amiante, les pesticides, l’industrie de la chimie en général, qui diffuse massivement ses perturbateurs endocriniens en prime. On lira également avec intérêt la manière dont Foucart critique Séralini et ses travaux sur les OGM.

Un dernier point : ce livre devrait être en tête des ventes d’essais. On n’en parle que peu. Tout est donc dans l’ordre.

Je suis un poil embarrassé pour parler du livre du groupe Pièces et main d’œuvre, qui s’appelle Sous le soleil de l’innovation (L’Échappée, 12 euros), car je n’arrive pas à remettre la main dessus. Je vous invite en tout cas à le lire, car il offre une histoire remarquablement racontée de Grenoble, vue sous l’angle de la perpétuelle innovation. Ce dernier mot n’est pas seulement ironique, mais bel et bien polémique. Un même fil délirant relie un Aristide Bergès, industriel à cheval sur les XIX ème et XX ème siècles et les promoteurs des nanotechnologies aujourd’hui, ainsi que leurs soutiens politiques. La droite et la gauche façon Dubedout – ancien maire – ou Destot – maire actuel – et sa vieille copine Fioraso – la ministre de l’Enseignement supérieur – partagent le même enthousiasme pour le neuf, en particulier dans ses versions militaro-industrielles. Ni les staliniens et la CGT, ni Mélenchon, ni les gauchistes ne sont épargnés, ce qui me fait, à moi, de belles vacances.

René Dumont, une vie saisie par l’écologieBon, avouons pour commencer que je connais Jean-Paul Besset depuis un quart de siècle, et que nous sommes de vieux amis. La biographie qu’il consacre au vieux Dumont, Une vie saisie par l’écologie (Les Petits Matins, 506 pages, 20 euros) est une réédition car le livre a paru une première fois en 1992. Je dois dire que j’avais été déçu, et le demeure, de certains raccourcis. Jean-Paul a été proche de Dumont, à qui il vouait une grande affection. Quant à moi, je regrette toujours, vingt ans plus tard, la place si faible accordée aux années de la Seconde Guerre mondiale. Que diable ! Quand le nazisme déferle, Dumont, qui est né en 1904, n’est pas un enfant. Son ultrapacifisme ne le conduira pas, comme d’autres, à la collaboration. Mais l’empêchera de prendre clairement position contre les hitlériens et leurs complices.

Heureusement, il y a le reste, et le Dumont de l’après-guerre est formidable. D’abord productiviste, il saura défendre dans les années 60 les paysans du Sud, sans s’illusionner sur les fausses indépendances ou le mirage castriste. Et dans l’après-68, on le sait, il bascule du côté de l’écologie avec une force, une fougue, une jeunesse que ceux de ma génération n’ont pas oubliées. Au total, un bon livre. Un beau livre.

Désolé, mais je n’y peux rien : Marc Giraud est un ami, lui aussi. Son dernier livre, La nature en bord de chemin (Delachaux et Niestlé, 250 pages, 24,90 euros), est une merveille. Non seulement il parle de la nature à chacune des quatre saisons, mais en plus d’une manière simple et belle. Ce fameux naturaliste qu’est Marc attrape le premier lecteur qui passe, et l’entraîne, jumelles autour du cou, pour une vraie balade de terrain. Même si vous ne savez rien à rien, vous être le bienvenu. Une multitude de photos permettent de « voir» aussi bien un talus qu’une pie, un cheval qu’une guêpe, une toile d’araignée qu’un blaireau. Moi, je crois que je préfère encore davantage les courts textes que Marc consacre à tous ces êtres du quotidien. Eh ! saviez-vous vraiment que la plupart des araignées mangent la précieuse soie de leur toile chaque jour ? De vous à moi, si vous avez envie de briller auprès de vos gosses, apprenez par cœur tout ce que vous pourrez.

Je ne pouvais pas laisser passer Auster. Je vous fais grâce des romans que je lis, même quand ils me transpercent, car Planète sans visa n’est pas là pour cela. Mais Auster, comment vous dire ? Je crois avoir lu La trilogie new-yorkaise dès sa sortie, en 1988. Et j’ai pleuré comme bien rarement en lisant, cette même année, L’invention de la solitude, livre consacré à la mort de son père. Depuis, j’ai à peu près tout lu, et même si je n’ai pas aimé tel ou tel de ses romans, je vois en lui un écrivain. Le mot est banal, mais le sens que je lui donne, non pas. Auster est le créateur de mondes où je n’aurais jamais pensé me promener un jour. Si peu que ce soit, il a changé ma vie. Dans Chronique d’hiver (Actes Sud, 250 pages et un horrible prix de 22,50 euros), il nous livre une sorte d’autobiographie. Ce qui m’aura, je crois, le plus touché, est la rencontre avec celle qui deviendra son épouse, la romancière Siri Hustvedt. Auster a une manière de parler de l’amour qui convainc de son existence. J’ajoute qu’il n’a plus conduit de bagnole depuis le jour où, lui d’habitude si irréprochable au volant, a failli tuer sa femme et leur fille Sophie. Ah oui ! Auster parle de lui-même à la deuxième personne du singulier.

Un livre charmant, préfacé en outre par Dominique Guillet, le fondateur inspiré de l’association Kokopelli. L’auteur a découvert l’apiculture dans l’Essonne, en 1963, à une époque où l’on ne parlait pas encore de pesticides. Il y en avait, mais on n’en parlait pas. Benoît Laflèche a écrit un livre très simple, ultrapédagogique et pour dire le vrai, enthousiasmant sur le monde des abeilles et des apiculteurs. N’y cherchez pas des théories ou un pamphlet : il s’agit d’un hommage à des êtres que l’auteur aime. Signalons en outre que ce livre est édité par une toute petite maison, dont la responsable s’appelle Anana Terramorsi, fidèle lectrice de Planète sans visa. Le livre : L’homme et l’abeille, même combat, par Benoît Laflèche (La voie de l’autre, 160 pages, 20,50 euros, avec un CD de sons d’abeilles).

 

Bon, c’est un livre un brin paradoxal. Disons que ma lecture me conduit à en voir les paradoxes. Mais d’abord deux choses. Un, je connais Valérie Chansigaud, j’ai rendu compte ailleurs de plusieurs de ses livres, très remarquables, dont une Histoire de l’ornithologie qui m’a transportée. Elle n’est pas une amie, mais elle n’est pas une inconnue. Deux, je n’ai pas fini le livre. Non qu’il tombe des mains, mais simplement parce que je l’ai commencé il y a peu. Commençons par l’évidence : L’Homme et la Nature (Delachaux et Niestlé, 270 pages, 34, 80 euros !) est un bon livre, bourré d’informations qui sont pour l’essentiel inconnues en France. Valérie Chansigaud ouvre par exemple le passionnant dossier des relations entre les civilisations passées, éventuellement lointaines, et la disparition d’animaux aussi inouïs que le mastodonte d’Amérique, le Genyornis d’Australie, le mégacérin d’Algérie. Nos ancêtres étaient-ils vraiment plus respectueux que nous de la vie sur Terre ?

Chansigaud entreprend ainsi quantité de chantiers, et répétons-le, nous offre un grand nombre d’exemples, très documentés, qui forcent l’intérêt et la réflexion. Et à ce stade, j’applaudis. Mais je dois aussi confier ma déception. Quand on annonce un titre pareil, on doit me semble-t-il apporter davantage au lecteur. Je déplore notamment que l’industrialisation du monde, qui est un grand basculement, ne soit traitée qu’en une dizaine de pages (compte non tenu des exemples qui agrémentent chaque chapitre). Je ne dis pas que telle était l’intention de Chansigaud, mais en tout cas, le lecteur que je suis peut en retirer le sentiment qu’il n’y a pas de solution de continuité entre l’Antiquité, le Moyen Âge et les nanotechnologies. En outre, on parle du monde comme s’il était un, comme si les formations sociales qui se sont succédé n’avaient aucun rapport avec les formes de la destruction. Il me faut appeler cela de la frustration. Et pourtant, je le redis : c’est un bon livre. N’était son prix extravagant, j’estime qu’il a sa place dans toute bibliothèque qui se respecte.

« L’homme est le cancer de la Terre », « l’humanité, si bête et si méchante ». Je ne crois pas trahir l’esprit du livre L’humanité disparaîtra, bon débarras ! (une édition « revue et augmentée » parue chez Arthaud, 256 pages, 15 euros) en extrayant d’emblée ces deux phrases. En tout cas, Paccalet réussit là un excellent pamphlet. Est-on obligé d’être d’accord avec un livre pour le lire ? J’espère que chacun connaît la réponse.

Le texte est visiblement celui d’un homme qui se lâche, multipliant les (bonnes) formules contre notre consternante humanité. Il faut bien reconnaître que l’état des destructions, étroitement corrélée à cette soif sans rivages de pouvoir et de domination, interroge quiconque s’interroge. Que celui qui n’a jamais douté de notre espèce se fasse connaître au plus vite. Pour ce qui me concerne, j’ai plus d’une fois envoyé les hommes aux pelotes devant le spectacle de l’ignominie, auquel j’aurai assisté bien trop souvent. Mais bien sûr, je ne partage pas le sentiment exprimé par Paccalet (qui ne souhaite pas la catastrophe, précise-t-il , et qui aimerait tant l’éviter). Je crois, je suis sûr qu’il faut chercher des voies humaines de sortie de cette épouvantable crise écologique. Et en attendant, refuser un bon livre ne se fait pas.

 

De Dieu ! Il faut aimer les oiseaux, aimer la Bretagne, et oser dépenser 45 euros. À ce compte-là, on se précipite fatalement sur l’Atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne (par le Groupe ornithologique breton, Delachaux et Niestlé, 510 pages et donc 45 euros). Moi, j’ai adoré ce bouquin savant, basé sur des dizaines de milliers d’observations d’environ 350 bénévoles. C’est donc bien un somptueux livre de terrain – qui ne tient pas dans la poche, hélas -, rempli de photos, de cartes précisant la localisation, et de monographies sur les espèces qui nous font l’honneur d’enfanter en Armorique.

On saute sur les grèves, derrière les pattes du gravelot, on s’endort près d’un bouquet d’ajoncs où chante la fauvette pitchou, on enfonce le pied dans la lande humide, guettant le fabuleux hibou des marais. En prime, une fois le livre refermé, on part en voyage, là-bas, où la mer est si grande. Bref, vous faites ce que vous voulez.

Enfin deux livres que je n’ai fait que commencer. D’abord ce texte bourré de solides informations scientifiques sur le frelon asiatique, l’ambroisie, le ragondin, l’herbe de la pampa… Vous aurez reconnu Les invasions biologiques (par Jean-Claude Lefeuvre, Buchet Chastel, 292 pages, 20 euros). Beaucoup d’espèces acclimatées chez nous font désormais partie du paysage. Parfois sans problème, parfois au détriment des écosystèmes et des espèces déjà installées. Je pense par exemple à la funeste écrevisse américaine, qui fait tant de mal à notre petite écrevisse à pattes blanches. Lefeuvre est l’une des vraies vedettes en France de l’écologie scientifique, et il a contribué comme bien peu à répandre des visions sérieuses sur ce qui m’obsède tant. Professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle, il paraît tout savoir. C’est pas juste.

Pour terminer, Le jaune et le noir (par Tidiane N’Diaye, 184 pages, 18,50 euros, Gallimard). Je le répète, je n’ai fait que commencer. Ce livre me paraît formidable, qui décrit la politique chinoise en Afrique. Très visiblement, les Chinois sont en train de réussir sur le continent noir ce que les Européens ont échoué à faire durer : le colonialisme. La France, l’Angleterre, le Portugal, l’Allemagne ont été chassés – ouf -, mais les Chinois prennent leur place avec un savoir-faire sans égal.

That’s all folks Salut les amis.

(*) Ce n’est évidemment pas pour ennuyer qui que ce soit, mais ma réflexion n’est pas achevée.

Je n’ai (presque) rien contre France Nature Environnement

Avis : le vrai sujet du jour, Jean-Claude Bévillard, est caché plus bas.

Tout le monde ne connaît pas France Nature Environnement (FNE). C’est la principale structure de protection de la nature en France, et de loin. FNE prétend fédérer 3 000 associations locales, au travers de grandes associations régionales comme Alsace Nature, Nord Nature, Bretagne vivante ou encore la Frapna (ici). Le chiffre est peut-être exagéré, mais l’ordre de grandeur est là. Je précise d’emblée que je suis membre de Bretagne vivante depuis 25 ans, et que j’écris un billet dans chaque livraison de la revue de cette belle association. En somme, je suis membre de FNE, ce qui en fait enrager plus d’un, et voici pourquoi.

FNE est née en 1968 sous le nom de Fédération française des sociétés de protection de la nature et de l’environnement (FFSPNE), et a changé de nom en 1990. En résumé brutal, cette structure est le fruit d’une rencontre entre des sortes de sociétés savantes emplies de bon naturalistes – souvent des professeurs – et une partie de la jeunesse révoltée de l’après-68. Les sociétés savantes naturalistes ont une histoire, qui plonge ses racines dans notre 19ème siècle. Je ne crois pas calomnier en disant qu’elles ont le plus souvent été du côté des pouvoirs en place. Sans 68, ce train-train aurait continué sans aucun doute, et il faut reconnaître que dans ces années-là, nos naturalistes estampillés ont fait le notable effort de s’ouvrir à la société.

70 % de financements publics

Comme j’ai écrit un livre sur le sujet (Qui a tué l’écologie ? LLL, 2011, Points-Seuil pour l’édition de poche en 2012) je ne m’attarde pas. Ce livre m’a conduit à des ruptures avec des responsables de FNE que je connaissais depuis des lustres. Et qui n’ont pas supporté, et c’est bien leur droit, la très vive mise en cause de FNE que j’y ai exposée. En deux mots, il me semble que cette fédération s’est bureaucratisée, qu’elle ne mène plus aucun grand combat, qu’elle mange dans la main des pouvoirs politiques en place, ligotée qu’elle est par un financement public qui, toutes sources confondues, doit approcher, voire dépasser 70 % de ses revenus. Chemin faisant, FNE s’est compromis dans de très mauvaises actions avec des fabricants de pesticides (ici) ou des tronçonneurs des Antipodes (ici), et de plus en plus souvent, côtoie des gens que je considère comme des ennemis, et qui sont traités comme des copains.

Une anecdote inédite permettra de situer la détestation qu’éprouvent pour moi bien des chefs et chefaillons de France Nature Environnement. Je la crois très drôle, et j’espère que vous rirez avec moi. Nos sommes en mai 2011 et Sarkozy, alors maître de l’Élysée, reçoit pour la énième fois les associations écologistes officielles qui lui ont permis de produire le Barnum du Grenelle de l’Environnement, à l’automne 2007. Tout le monde est là : la fondation Hulot, Greenpeace, le WWF, FNE, Écologie sans frontières, etc. Quel est l’ordre du jour du raout ? Je gage que tout le monde l’a oublié. À un moment, contre toute attente, un geignard de FNE dont je tairai charitablement le nom, s’adresse directement au président Sarkozy. Pour lui parler enfin de la gravité de la crise écologique ? Hé non ! Pour se plaindre de moi. En substance, le pleurnichard raconte à Sarkozy qu’un vilain méchant du nom de Nicolino vient de publier un livre qui s’attaque d’une manière odieuse à FNE, et à tous les gogos du Grenelle.

Sarkozy et Nicolino à l’Élysée

Attendait-il que Sarkozy envoie le GIGN ? Plus probablement qu’il envisage des sanctions. En tout cas,  Sarkozy écarquille les yeux, se tourne vers Serge Orru, du WWF, pour lui dire : « Mais c’est qui, ce Nicolino ?». Orru aurait calmé le jeu en affirmant qu’il n’était pas convenable de déballer son linge de cette manière. Je ne garantis pas tout, mais l’esprit général de la scène, oui. Deux personnes, indépendamment l’une de l’autre, m’ont raconté l’épisode. Je crois pourvoir donc dire que les bureaucrates-en-chef de FNE me détestent. J’espère qu’ils savent à quel point je m’en fous.

Reprenons. Si j’écris aujourd’hui, c’est pour parler d’un de ces bureaucrates, Jean-Claude Bévillard. Il est vice-président de FNE, en charge des questions agricoles. Le sujet est chaud, car le Parlement européen, travaillé par les habituels lobbies industriels – dont fait partie, au premier rang, l’étrange syndicat paysan FNSEA (1) – a voté le 13 mars une réforme de la Politique agricole commune (PAC) qui ne change rien, hélas, à la puissance colossale de l’agro-industrie (ici). Un Bévillard devrait en ce moment être sur les barricades, fussent-elles symboliques. N’est-il pas, censément, un écologiste ?

Oh pas si vite ! Cela fait des années qu’à l’occasion, toujours par hasard, je tombe sur des propos de Bévillard. On ne saurait trouver plus conciliant avec les grandes structures de l’agriculture intensive, dont la FNSEA, le Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement (Farre), entourloupe maintes fois dénoncée, les coopératives agricoles, et même l’industrie des pesticides. Pour vous donner une idée, et si vous en avez le temps bien sûr, jetez un regard à l’entretien que Bévillard a accordé à l’automne 2012 (ici) à Farre. Cela dure 4mn18, et je vous conseille la fin, quand Bévillard exprime sa vision de l’agriculture de demain. Précisons que Farre (ici) regroupe à la bonne franquette Monsanto, In Vivo, la FNSEA, Syngenta, DuPont, l’UIPP (l’industrie des pesticides), etc.

Une tribune parue dans L’Écologiste

Donc, Bévillard. Je n’aurais rien écrit sur lui si je n’avais lu la tribune qu’il a signée dans le dernier numéro de L’Écologiste (janvier-mars 2013). Cette fois, j’en ai eu franchement marre, mais grave. Sous le titre « Les nitrates sont-ils vraiment un danger », il nous sert des bluettes tout à fait dignes de ses amis de Farre. Mais le pire, selon moi, est cette phrase, qui résume jusqu’où va la compromission : « L’agriculture biologique montre le chemin par la qualité de ces [sic] pratiques et de ces [resic] produits mais de nombreux agriculteurs, dits conventionnels, démontrent aussi que l’on peut être compétitif en respectant mieux la qualité de l’eau, du sol, de la biodiversité ».

Je n’ai pas un goût particulier pour l’exégèse, mais je crois nécessaire de commenter ce morceau de bravoure bien involontaire. Notez d’abord la manière de parler de la bio. Ce n’est plus une manière nouvelle, cohérente d’habiter la Terre. Ce n’est pas un système écologique et social susceptible d’enfin rebattre les cartes. Non, Bévillard vante la qualité des produits. La suite n’est jamais que pleine et entière réhabilitation de l’agriculture industrielle, présentée gentiment sous l’euphémisme « agriculteurs dits conventionnels ». Et ces braves qui font le bien ne sont nullement une minorité, car voyez, ils sont « nombreux ». Enfin, je vous invite à réfléchir à la présence tonitruante de l’adverbe « aussi », qui introduit sans détour l’idée d’égalité entre les deux parties de la phrase bévillardienne. La bio et ces excellents paysans « conventionnels » sont mis sur le même plan.

C’est lamentable ? Pour moi, aucun doute, c’est lamentable. Déshonorant serait plus juste, mais ce mot n’aurait de sens que si Bévillard était un écologiste. Mais il ne l’est pas. Il est évidemment la caution verte d’un capitalisme agricole qui continue de détruire les équilibres naturels, et promeut l’usage criminel des biocarburants dans un monde qui compte près de 900 millions d’affamés chroniques. Est-ce que je passerai mes vacances avec lui ? Plutôt rester chez moi.

Le salon de l’Agriculture de 2007

Pour la route, une seconde anecdote. Nous sommes en mars 2007, au salon de l’Agriculture de la porte de Versailles, à Paris. François Veillerette, mon vieil ami, et moi-même, venons juste de publier Pesticides, révélations sur un scandale français (Fayard). Le journaliste Bernard de La Villardière s’occupe d’une télé qui émet à l’intérieur du salon, et nous a invités, François et moi, pour un débat qui s’annonce vif. Je me marre intérieurement, car je me réjouis d’affronter ceux que nous venons de secouer comme des pruniers dans notre livre. Nous arrivons. Pas de bouses lancées sur nos têtes, mais une certaine tension, oui. La Villardière a visiblement dealé avec les organisateurs (voir le nota bene), car nous sommes confrontés, sur le plateau à quelque chose comme six représentants du système agro-industriel. Ou peut-être sept ? Il y a là la FNSEA, l’industrie, une chambre d’agriculture, je ne sais plus trop qui. En face de nous deux.

Le débat a lieu, qui ne m’a pas laissé de francs souvenirs. L’idée de nos adversaires était de nous asphyxier, mais je crois pouvoir écrire sans forfanterie qu’on ne nous étouffe pas aisément. Bref, cela se termine. À ce moment-là, et j’espère que l’on me croira, je découvre, stupéfait, que, sur le papier du moins, nous n’étions pas seuls, François et moi. Car, et vous l’avez sans doute deviné, Jean-Claude Bévillard avait lui aussi été invité. Mais, par Dieu ! il avait choisi son camp, au point de siéger de l’autre côté de la table, avec ses bons amis. Je jure, je vous jure solennellement que je pensais qu’il faisait partie de la clique. Tous ses propos, en tout cas, pouvaient me le laisser croire. Si quelqu’un, par extraordinaire, dispose d’un enregistrement de ce grand moment de vérité, je suis preneur. Oh oui !

(1) Existe-t-il beaucoup de structures dont l’activité principale consiste à faire disparaître au plus vite leurs membres ? La FNSEA a cogéré depuis près de 70 ans, avec tous les gouvernements, la mort des paysans. Qui formaient le tiers de la population active française en 1945 et peut-être le trentième aujourd’hui. Ou moins encore.

Nota Bene du 16 mars au soir : Bernard de La Villardière écrit qu’il n’est pas content de cet article. Il affirme qu’il a été mis devant le fait accompli et qu’il ne savait pas qu’il y aurait au Salon de l’Agriculture, face à François Veillerette et moi, une escouade de l’agriculture intensive. Je me souviens en effet qu’il n’était pas content, et je retire donc volontiers le mot « dealé ». Il s’agissait bel et bien d’un procès d’intention, et je n’ai pas de raison de douter de sa parole. Dont acte.